7. METHODES AMELIOREES DE MANUTENTION DU POISSON


7.1 Bases de la manutention du poisson frais et de l’utilisation de la glace
7.2 Manutention du poisson dans la pêche artisanale
7.3 Manutention améliorée des prises dans la pêche industrielle


7.1.Bases de la manutention du poisson frais et de l’utilisation de la glace

De tous temps, l’homme a préféré consommer le poisson plutôt frais. Cependant le poisson s’abîmant très rapidement, l’homme a dû, depuis les temps les plus reculés, élaborer des méthodes pour le conserver.

Conservation et transport de poisson vivant

De toute évidence, la première façon d’éviter l’altération et la perte de qualité est de conserver le poisson capturé vivant jusqu’à sa consommation. La manutention du poisson vivant, pour le commerce et la consommation, a été pratiquée en Chine pour les carpes pendant probablement plus de trois mille ans. Aujourd’hui, c’est une pratique courante tant dans les pays développés qu’en voie de développement et aussi bien au niveau artisanal qu’industriel.

Pour la manutention du poisson vivant, le poisson est d’abord conditionné en bac dans de l’eau propre tandis que l’on enlève les poissons abîmés, malades ou morts. On fait jeûner le poisson et, si possible, on fait baisser la température de l’eau pour réduire son métabolisme et ses mouvements. Des taux de métabolisme faibles réduisent la pollution de l’eau par l’ammoniaque, les nitrites et le gaz carbonique qui sont toxiques pour le poisson et qui diminuent sa capacité à extraire l’oxygène de l’eau, augmentant les taux de mortalité. Des poissons moins remuants permettent d’augmenter leur densité dans les bacs.

De nombreuses espèces de poissons sont conservées vivantes dans des bassins d’attente, des cages flottantes, des viviers et des parcs à poisson. Les bassins d’attente, appartenant normalement aux sociétés d’aquaculture, peuvent être équipés de systèmes d’oxygénation, de circulation et filtration d’eau et de contrôle de température. Cependant, en pratique, on utilise également des méthodes plus simples, par exemple de larges paniers de palmes tressées servant de cages flottantes dans les rivières (Chine), ou de simples parcs à poissons construits dans un bras de décharge d’une rivière ou d’un ruisseau pour les gros "surubi’’ (Platystoma spp.), "pacu" (Colossoma spp.), et "pirarucu" (Arapalma gigas) dans les bassins de l’Amazone et du Parana en Amérique du Sud.

Les méthodes de transport du poisson vivant vont de systèmes très sophistiqués montés sur des camions avec régulation de température, filtration et recyclage d’eau et addition d’oxygène (Schoemaker, 1991), aux systèmes artisanaux très simples de transport de poisson dans des sacs en plastique en atmosphère sursaturée d’oxygène (Berka, 1986). Il y a des camions qui peuvent transporter jusqu’à 50 tonnes de saumon vivant; cependant, il est également possible de transporter assez facilement quelques kilogrammes de poisson vivant dans un sac en plastique.

Actuellement, de nombreuses espèces comprenant saumon, truite, carpe, anguille, dorade, flet, turbot, loup, silure, tilapia, moule, huître, coque, crevette, crabe et langouste sont conservées et transportées vivantes et très souvent d’un pays à un autre.

Des différences importantes de comportement et de résistance existent entre les différentes espèces. De ce fait, la méthode de conservation et de transport de poisson vivant doit être adaptée à chaque espèce, de même que le temps nécessaire à sa conservation, en dehors de son habitat naturel, avant l’abattage. Par exemple, le dipneuste (Protopterus spp.) peut être transporté et conservé vivant hors de l’eau pendant longtemps simplement en maintenant sa peau humide.

Quelques espèces de poisson, notamment d’eau douce, sont plus résistantes que d’autres aux variations de l’oxygène en solution et à la présence de substances toxiques. Ceci est probablement dû au fait que leur biologie est adaptée aux importantes variations annuelles de composition de l’eau de certaines rivières (cycles des matières en suspension et de l’oxygène dissout). Dans ce cas, le poisson vivant est conservé et transporté en changeant simplement l’eau de temps en temps dans la cuve de transport (voir Figure 7.1 a) et b)). Cette méthode est très utilisée dans les bassins de l’Amazone, du Parana et de l’Orénoque en Amérique du Sud, en Asie (particulièrement en République Populaire de Chine où on utilise également des méthodes plus sophistiquées) et en Afrique (N’Goma, 1993).

Dans le cas présenté Figure 7.1 a), des cuves en aluminium avec du poisson vivant sont stockées dans les coursives d’un bateau de transport public. Les bacs sont couverts de feuilles de palmes et de jacinthes d’eau pour empêcher le poisson de sauter en dehors des bacs et pour réduire l’évaporation. On change de temps en temps l’eau des bacs et on garde constamment un oeil sur le poisson. Le poisson mort est immédiatement fumé séché (style africain) dans des fumoirs barriques également transportés sur les bateaux ou les barges de transport.

Dans le cas présenté Figure 7.1b), des carpes sont conservées dans un récipient métallique tiré par une bicyclette. Ceci est une pratique courante en Chine et dans les autres pays d’Asie, comme Bangkok, où des poissons chats vivants sont vendus tous les jours par des marchands ambulants.

Figure 7.1:a) Transport de poisson frais au Congo (Cuvette congolaise) (N’Goma, 1993; b) vendeurs ambulants de poisson vivant en Chine d’aujourd’hui (Suzhou, 1993, photo H. Lupin)

Le progrès le plus récent consiste à conserver et transporter le poisson en état d’hibernation. Dans cette méthode, la température du corps du poisson est abaissée de façon importante pour réduire son métabolisme et éliminer complètement tout mouvement. Cette méthode diminue considérablement le taux de mortalité et augmente la densité d’arrimage dans l’emballage mais on doit contrôler soigneusement la température pour maintenir l’hibernation car chaque espèce possède sa propre température d’hibernation. Actuellement, cette méthode est utilisée par exemple pour transporter vivante la crevette "kuruma" (Penaeus japonicus) et la langouste vivante dans de la sciure mouillée préréfrigérée, mais elle représente encore une technique expérimentale pour la plupart des espèces.

De plus, bien que la conservation et le transport du poisson vivant acquièrent de plus en plus d’importance, ce n’est pas une solution viable pour la majorité des captures dans le monde.

Réfrigération du poisson avec la glace

L’Histoire prouve que, dans la Chine ancienne, il y a plus de trois mille ans, on utilisait la glace naturelle pour conserver le poisson. La glace naturelle mélangée aux algues marines était également utilisée par les Romains pour garder le poisson frais. Cependant c’est le développement de la réfrigération mécanique qui a permis de disposer facilement de la glace pour la conservation du poisson.

Dans les pays développés, particulièrement les Etats-Unis et certains pays d’Europe, la tradition du poisson réfrigéré remonte à plus d’un siècle. Les avantages pratiques de l’utilisation de la glace dans la manutention du poisson frais sont, par conséquent, bien connus. Cependant il est utile, pour les jeunes générations de technologistes du poisson et les nouveaux venus, de passer en revue ces avantages en faisant attention aux points importants de cette technique.

On utilise la glace dans la conservation du poisson pour une ou plusieurs des raisons suivantes :

  1. réduction de la température. En abaissant la température aux environs de 0oC, le développement des micro-organismes d’altération et pathogènes (voir chapitre 6) est réduit, diminuant ainsi le taux d’altération et réduisant ou éliminant certains risques de santé publique.

L’abaissement de la température réduit aussi la vitesse des réactions enzymatiques, en particulier celles liées aux changements précoces post mortem, augmentant ainsi, s’il est bien conduit, la période de rigor mortis.

L’abaissement de la température du poisson est, de loin, l’effet le plus important de l’utilisation de la glace. Par conséquent, les résultats sont d’autant meilleurs que la réfrigération est rapide. Bien que l’on ait rapporté des réactions de chocs au froid dans quelques espèces tropicales au cours du glaçage, conduisant à une perte de rendement des filets (Curran et al., 1986), les avantages de la réfrigération rapide l’emportent habituellement sur les autres considérations. Le développement de méthodes ad hoc de manutention du poisson n’est évidemment pas écarté dans le cas d’espèces pouvant présenter une prédisposition aux chocs au froid.

  1. La glace fondante maintient l’humidité du poisson. Cette action évite surtout la déshydratation de la surface et réduit les pertes de poids. L’eau de fusion augmente aussi l’échange de température entre la surface du poisson et de la glace (l’eau est un meilleur conducteur de température que l’air): le taux de réfrigération pratiquement le plus rapide est obtenu par un mélange d’eau et de glace fondante (par exemple le système EMRG).

Si, pour une raison quelconque, le poisson n’est pas glacé immédiatement après sa capture, il est bon de le conserver humide. Le refroidissement par évaporation abaisse la température de surface du poisson au-dessous de la température optimum de croissance des bactéries courantes d’altération et pathogènes, bien qu’il n’évite pas l’altération.
On devrait aussi utiliser de la glace dans les chambres froides pour maintenir le poisson humide. Il est recommandé de conserver la chambre froide à une température positive légèrement au-dessus de 0oC (par exemple 3 à 4oC).

Cependant, l’eau cause un lessivage et peut entraîner les pigments de la peau et des branchies du poisson. L’eau de fusion de la glace peut aussi lessiver les micro-aliments dans le cas de filets et extraire, dans certaines espèces (par exemple les encornets), d’importantes quantités de substances solubles.

Selon les espèces, l’importance du lessivage et les exigences du marché, une procédure de manutention ad hoc peut être justifiée. Il est généralement recommandé de drainer l’eau de fusion de la glace des caisses et conteneurs et de soigneusement vérifier le poisson dans l’eau de mer refroidie à la glace (EMRG) et dans l’eau de mer réfrigérée (EMR) si on veut éviter le lessivage et autres inconvénients (par exemple absorption de sel de l’eau de mer, décoloration des yeux et des branchies du poisson).

L’écoulement de l’eau de fusion de la glace d’une caisse à l’autre et son effet sur la réduction ou l’augmentation de la charge bactérienne ont fait l’objet de nombreuses discussions par le passé. Aujourd’hui, on reconnaît que ces aspects ont moins d’importance par rapport à la nécessité d’un abaissement rapide de la température du poisson, et les caisses sont souvent conçues pour permettre un écoulement externe de l’eau de fusion.

  1. Propriétés physiques intéressantes. La glace présente certains avantages quand on la compare aux autres méthodes de refroidissement y compris la réfrigération par air. Ces propriétés sont comme suit :

a) La glace a une grande capacité de refroidissement. La chaleur latente de fusion de la glace est d’environ 80 kcal/kg. Ceci veut dire que l’on aura besoin comparativement de peu de glace pour refroidir 1 kg de poisson.

Par exemple, pour 1 kg de poisson maigre à 25oC, on aura besoin de 0,25 kg de glace fondue pour abaisser sa température à 0oC (voir équation 7.c). La raison pour laquelle on a besoin de plus de glace, dans la pratique, vient du fait que la fusion de la glace doit en plus compenser les pertes thermiques.

Il est important de comprendre cette caractéristique de la glace car c’est la raison principale de l’introduction de conteneurs isolés pour la manutention du poisson et particulièrement dans les pays tropicaux. La raison en est que la glace conserve le poisson et l’isolation du conteneur conserve la glace. L’utilisation de quantités réduites de glace pour conserver le poisson améliore l’efficacité et le coût de la manutention du poisson (plus de place disponible pour le poisson dans les conteneurs, camions et chambres froides, moins de poids à transporter et à manipuler, réduction de la consommation de glace, consommation et drainage d’eau plus faibles).

b) La glace fondante assure sa propre régulation de la température. La fusion de la glace est un changement d’état (la glace solide se transforme en eau liquide), et qui se produit à température constante (0oC) sous des conditions normales.

Ceci est une propriété très intéressante, sans laquelle il serait impossible de mettre sur le marché du poisson frais de qualité uniforme. Elle se manifeste à tout point de contact du poisson avec la glace fondante. Dans le cas de la réfrigération mécanique (par exemple air et EMR) on a besoin d’un équipement mécanique ou électronique de régulation (bien calibré); mais la température contrôlée ne sera jamais qu’une température moyenne.

Selon la capacité, la conception et la régulation des systèmes de réfrigération mécanique, différents gradients de température peuvent apparaître dans les chambres froides positives ou les cuves de EMR avec du poisson subissant une congélation lente dans un endroit se trouvant au-dessus de 4oC dans un autre. Bien que l’on ait attiré récemment l’attention sur la régulation précise et l’enregistrement de la température des chambres froides dans le cadre de l’application du HACCP (Système d’Analyse des Dangers - Maîtrise des Points critiques) à la manutention du poisson frais, il est clair que le seul moyen pour assurer un contrôle précis et localisé de la température (par exemple dans chacune des caisses dans une chambre froide), est la glace fondante.

La glace d’eau de mer fond à une température plus basse que la glace d’eau douce, suivant son taux de salinité. Théoriquement avec un taux de salinité de 3,5 % (le taux moyen de salinité de l’eau de mer), la glace fondra à environ -2,1oC. Cependant comme la glace faite à partir d’eau de mer est instable physiquement (elle tend à se séparer du sel), il y aura lessivage de la saumure au cours du stockage, abaissant ainsi la température générale (et ceci est la raison pour laquelle la glace d’eau de mer paraît toujours humide). Dans ces conditions, le poisson peut devenir partiellement congelé pendant le stockage et son muscle peut absorber du sel. On ne peut par conséquent dire que la glace faite à partir d’eau de mer contrôle parfaitement la température.

La congélation du muscle du poisson commence au-dessous de 0°C, mains dans un intervalle de température étroit. Le point de congélation du muscle de poisson dépend de la concentration de différents solutés des fluides tissulaires : il est de l’ordre de -0,8 à –1oC pour le cabillaud et l’églefin, -1 à -1,2oC pour le flétan et environ -1,4oC pour le hareng (Sikorski, 1990).

La conservation du poisson au-dessous de 0oC et au-dessus du point de congélation s’appelle surréfrigération. Elle améliore considérablement la durée de conservation. En principe, elle peut être obtenue en utilisant de la glace d’eau de mer, des mélanges de glace d’eau de mer et d’eau douce, de glace faite de saumure à 2% et/ou par réfrigération mécanique. Cependant, à grande échelle, il est très difficile de maîtriser la température avec une bonne précision; ce qui induit des gradients de température, une congélation partielle du poisson dans certaines poches et, de ce fait, une qualité non uniforme (voir chapitre 6.1).

  1. Praticité. La glace présente plusieurs propriétés pratiques qui rendent son utilisation intéressante :

a) C’est un réfrigérant transportable. On peut facilement le stocker, le transporter et l’utiliser. Suivant le type de glace, on peut le répartir uniformément autour du poisson.

b) La matière première de la glace est largement disponible. Bien qu’il soit de plus en plus difficile de trouver de l’eau pure et propre, on peut encore considérer celle-ci comme une matière première largement disponible. Quand on n’est pas certain que l’eau douce pour fabriquer la glace soit potable, on doit la traiter en conséquence, par exemple chloration.

On peut aussi utiliser de l’eau de mer propre pour produire de la glace. Ceci est généralement le cas dans les régions où l’eau douce est chère ou rare. On doit cependant rappeler que l’eau des ports est rarement utilisable pour cet usage.

c) La glace peut être un moyen relativement bon marché pour conserver le poisson. Ceci est particulièrement vrai si la glace est produite de façon convenable (en évitant les pertes d’énergie au niveau de la fabrique de glace), bien stockée (pour éviter les pertes) et bien utilisée (sans gaspillage).

d) La glace est une substance alimentaire sûre. Si elle est produite correctement et en utilisant de l’eau potable, la glace est un produit alimentaire sûr, inoffensif pour le consommateur et ceux qui la manipulent. La glace doit donc être manipulée comme un produit alimentaire.

  1. Durée de conservation prolongée. La raison essentielle de glacer le poisson est la prolongation de la durée de conservation du poisson frais d’une manière relativement simple par rapport au stockage du poisson non glacé à température ambiante, au-dessus de 0oC (voir chapitre 6). Néanmoins la prolongation de la durée de conservation n’est pas une fin en soi, c’est un moyen de présenter un poisson frais sain et de qualité acceptable.

La majorité du poisson débarqué peut être considérée comme une marchandise c’est-à- dire un article commercial. A l’inverse des autres produits alimentaires, il est habituellement très périssable et il est donc de l’intérêt du vendeur et de l’acheteur d’assurer sa conservation du moins jusqu’à sa consommation ou sa transformation en un produit moins périssable. La glace et la réfrigération en général, rendant possible une extension de la durée de conservation du poisson, convertissent le poisson frais en un véritable produit commercial tant au niveau local qu’international.

La glace est utilisée pour conserver le poisson sain et de meilleure qualité pour les consommateurs. On l’utilise aussi parce que, autrement, le commerce courant du poisson tant local qu’international serait impossible. La durée de conservation est prolongée parce qu’il existe de puissantes raisons économiques pour qu’il en soit ainsi. Les pêcheurs et les transformateurs qui ne manipulent pas le poisson correctement ignorent l’essence même de leur commerce. L’incapacité également à reconnaître le poisson comme un produit commercial est à l’origine des incompréhensions et des difficultés liées à l’amélioration des méthodes de manutention du poisson et à la prévention des pertes après capture.

Types de glace

La glace peut être produite sous plusieurs formes; les plus généralement utilisées pour le poisson sont: la glace en écailles, en plaques, en tubes et en blocs. Les blocs de glace sont broyés avant d’être utilisés pour refroidir le poisson.

La glace d’eau douce, ou de quelque source que ce soit, est toujours de la glace et de faibles différences dans la teneur en sel ou dans la dureté de l’eau n’ont aucune influence pratique, même si on la compare à une glace fabriquée à partir d’eau distillée. Les caractéristiques physiques des différents types de glace sont données dans le Tableau 7.1.

La capacité de refroidissement est exprimée par rapport au poids de glace (80 kcal/kg); il est par conséquent, clair, à partir du Tableau 7.1, que le même volume de deux différents types de glace n’aura pas la même capacité de refroidissement. Le volume de glace par unité de poids peut être plus de deux fois celui de l’eau et ceci est important quand on considère l’arrimage de la glace et le volume occupé par la glace dans une caisse ou un conteneur. La glace nécessaire pour refroidir le poisson à 0oC ou pour compenser les pertes thermiques est toujours exprimée en kilogrammes.

Dans des conditions tropicales, la glace commence à fondre très rapidement. Une partie de l’eau de fusion est éliminée mais une partie est retenue à la surface de la glace. Plus la surface de la glace par unité de poids est grande, plus la quantité d’eau retenue à la surface de la glace est importante. Des essais calorimétriques directs montrent qu’à 27oC l’eau, à la surface de la glace en écailles, dans des conditions stables représente environ de 12 à 16 % du poids total et, dans la glace broyée, de 10 à 14 % (Boeri et al., 1985). Pour éviter ce problème, la glace peut être surréfrigérée mais, sous les climats tropicaux, cet effet est vite perdu. Par conséquent, un poids donné de glace mouillée n’aura pas la même capacité de refroidissement que le même poids de glace sèche (ou surréfrigérée) et on devra en tenir compte dans l’estimation de consommation de glace.

Tableau 7.1 Caractéristiques physiques de la glace utilisée pour le refroidissement du poisson. D’après Myers (1981)

Type

Dimensions
approximatives (1)

Volume spécifique
(m3 /t) (2)

Poids spécifique
(t/m3)

Ecaille
Plaque
Tube
Bloc
Bloc concassé
10/20 - 2/3 mm
30/50 - 8/15 mm
50 (D)-10/12 mm
Variable (3)
Variable

2,2 - 2,3
1.7 - 1,8
1,6 - 2,0
1,08
1,4 - 1,5

0,45 - 0,43
0,59 - 0,55
0,62 - 0,5
0,92
0,71 - 0,66

Notes: (1) Elles dépendent du type et des réglages de la machine à glace. (2) Valeurs indicatives: il est recommandé de les déterminer pratiquement pour chaque type de fabrique de glace. (3) Habituellement en blocs individuels de 25 ou 50 kg.

La question se pose toujours de savoir quelle est la "meilleure" glace pour refroidir le poisson. Il n’y a pas de réponse unique. En général, la glace en écailles permettra une distribution plus facile, plus uniforme, avec moins d’endommagement du poisson et dans la caisse ou le conteneur, elle abîmera mécaniquement très peu ou pas du tout le poisson et le rafraîchira plutôt plus rapidement que les autres types de glace (voir Figure 7.2). D’un autre côté, la glace écaille aura tendance à occuper plus de place dans la caisse ou le conteneur pour une capacité de réfrigération égale et, si elle est humide, sa capacité de refroidissement sera plus réduite que les autres types de glace (du fait qu’elle a une surface plus grande par unité de poids).

La glace broyée présente le risque de morceaux gros et pointus qui peuvent abîmer physiquement le poisson. Cependant, elle contient habituellement des petits morceaux de glace qui fondent rapidement à la surface du poisson et de gros morceaux de glace qui ont tendance à durer plus longtemps et compensent les pertes thermiques. La glace en blocs demande moins de volume de stockage pour le transport, fond lentement et contient moins d’eau au moment où elle est concassée que la glace en écailles ou en plaques. Pour ces raisons, de nombreux pêcheurs artisanaux utilisent la glace en pains (par exemple en Colombie, au Sénégal et aux Philippines).

La glace en tubes et broyée est probablement mieux adaptée aux systèmes EMRG si la glace est humide (comme c’est normalement le cas dans des conditions tropicales) car elles contiennent moins d’eau en surface.

Il y a aussi des aspects économiques et d’entretien qui peuvent influencer le choix du type de glace à adopter. Le technologiste du poisson devra être préparé à analyser les différents aspects impliqués.

Vitesse de refroidissement

Les vitesses de refroidissement dépendent surtout de la surface par unité de poids du poisson exposé à la glace ou au mélange glace/eau refroidi. Plus la surface par unité de poids est importante, plus la vitesse de réfrigération est rapide et plus le temps nécessaire pour atteindre environ 0oC au centre thermique du poisson est court. On exprime aussi ce concept par le fait que "plus le poisson est épais et plus le taux de refroidissement est faible".

Les petites espèces comme la crevette, la sardine, l’anchois et le chinchard refroidissent très rapidement si on les manipule proprement (par exemple en EMR ou EMRG). Les gros poissons (par exemple thon, bonite, gros requins) peuvent nécessiter un temps considérable de réfrigération. Les poissons avec des dépôts gras et une peau épaisse mettront plus longtemps à refroidir que les poissons maigres et les poissons à peau fine de même taille.

Dans le cas de grands poissons, il est recommandé de les éviscérer et de mettre de la glace dans la cavité abdominale vide et autour de celle-ci. Chez les gros requins, l’éviscération seule peut ne pas suffire pour éviter l’altération durant la réfrigération et, par conséquent, il est recommandé d’éviscérer le requin, d’enlever la peau et de couper la chair en morceaux assez grands (par exemple 2 à 3 cm d’épaisseur) et de les réfrigérer aussitôt que possible. De l’eau de mer refroidie à la glace (EMRG) présente dans ce cas l’avantage d’extraire une partie de l’urée présente dans le muscle du requin (voir chapitre 4.4). Ceci est cependant un cas extrême car, en général, les filets gardés dans la glace se conserveront moins longtemps que le poisson éviscéré ou le poisson entier (à cause de l’inévitable invasion microbienne de la chair) et perdront les substances solubles.

Des courbes typiques de refroidissement de poisson dans différents types de glace et de l’eau glacée (EMRG) sont données à la Figure 7.2. Cette figure montre clairement que la méthode la plus rapide de réfrigération du poisson est l’eau refroidie à la glace (ERG) ou l’eau de mer refroidie à la glace (EMRG), bien qu’il n’existe pas de différence pratique avec la glace en écailles. Il y a cependant des différences notables, après la chute rapide initiale de température, entre la glace en blocs concassée et en tubes, due aux différences de surface de contact entre le poisson et la glace et l’écoulement d’eau de fusion.

Les courbes de refroidissement peuvent être également influencées par le type de conteneur et la température extérieure. Du fait que la glace fond pour refroidir le poisson et simultanément pour compenser les pertes thermiques, des gradients de température peuvent apparaître à l’intérieur des caisses et conteneurs eux-mêmes et peut affecter la vitesse de refroidissement, particulièrement dans les caisses situées sur le dessus ou sur les côtés des piles et davantage encore si on utilise des blocs de glace concassée ou des tubes.

Des courbes telles que celles montrées à la Figure 7.2 sont utiles pour déterminer la limite critique des vitesses de refroidissement quand on applique le HACCP à la manutention du poisson frais. Ainsi, en spécifiant comme limite critique de refroidissement du poisson "4,5oC au centre thermique en 4 heures maximum", on voit sur la Figure 7.2, que cela n’est possible qu’en utilisant de la glace en écailles ou ERG (ou EMRG).

Dans la plupart des cas, le délai pour atteindre 0oC au centre thermique du poisson peut n’avoir aucune influence pratique parce que la surface du poisson sera à 0oC. D’un autre côté, le réchauffement du poisson est bien plus risqué parce que la température de sa surface (qui est en fait le point le plus exposé) sera presque immédiatement égale à la température extérieure et par conséquent prête pour l’altération. Comme les gros poissons se réchauffent plus lentement et ont également moins de surface (où commence l’altération) par unité de volume que les petits poissons, ils prennent également un peu plus de temps pour s’altérer que les petits poissons. On a beaucoup usé (et abusé) de cette propriété dans la pratique de la manutention des grandes espèces (par exemple thon et perche du Nil).

Les petites espèces se réchaufferont très rapidement et certainement plus rapidement que les grandes espèces (pour la même raison elles se refroidiront plus rapidement). Bien que les études sur le réchauffement du poisson frais aient soulevé peu d’intérêt dans le passé, elles deviennent nécessaires dans le cadre du HACCP, pour définir les limites critiques (par exemple durée maximum de manutention du poisson sans glace pendant la transformation).

Avec l’application du HACCP et des systèmes basés sur le HACCP, les thermomètres, y compris les thermomètres électroniques, devraient être des outils courants dans les usines de traitement du poisson. Il est, par conséquent, recommandé de réaliser les essais de refroidissement et de réchauffement dans des conditions réelles.

Figure 7.2 Réfrigération de grands tambours (Pseudosciaena crocea) avec trois types différents de glace et de l’eau glacée (ERG). Rapport glace/poisson 1:1; le même type de conteneurs isolés (avec drainage) était utilisé dans des essais comparatifs (résultats obtenus à l’Atelier National sur les Progrès dans la Technologie de la Réfrigération et du Traitement du Poisson FAO/DANIDA, Shanghai, Chine, Juin 1986)

Consommation de glace

On peut évaluer la consommation de glace par la somme de deux composants: la glace nécessaire pour refroidir le poisson à 0?C et la glace nécessaire pour compenser les pertes thermiques à travers les parois des caisses ou conteneurs

Glace nécessaire pour refroidir le poisson à 0oC

La quantité de glace théoriquement nécessaire pour refroidir le poisson d’une température Tf à 0oC en utilisant de la glace est facile à calculer à partir du bilan énergétique suivant :

L x mg = mp x cpp x (Tp - 0)

7.a

L = chaleur latente de fusion de la glace (80 kcal/kg
mg = masse de glace à fondre (kg)
mp = masse de poisson à refroidir (kg)
Cpp = chaleur spécifique du poisson (kcal/kg x oC)

De (7.a) il ressort que:

mg = mp x cpp x Tp / L

7.b

La chaleur spécifique du poisson maigre est approximativement du poisson 0,8 (kcal/kg x oC). On en déduit en première approximation:

mg = mp x Tp / 100

7.c

 

Ceci est une formule pratique, facile à retenir, pour évaluer rapidement la quantité de glace nécessaire pour refroidir le poisson à 0oC.

Le poisson gras a des valeurs de cpp plus basses que le poisson maigre et, théoriquement a besoin de moins de glace par kilogramme que le poisson maigre; cependant, par mesure de sécurité, il est recommandé de faire les calculs comme s’il s’agissait toujours de poisson maigre. On peut affiner le calcul de cpp, mais ceci n’affecte pas beaucoup les résultats.

La quantité théorique de glace nécessaire pour abaisser la température du poisson à 0oC est relativement faible et, en pratique, on utilise bien plus de glace pour garder le poisson réfrigéré. Si nous établissons une relation entre le principe de base de manutention du poisson, consistant à envelopper de glace les poissons gros et moyens, et les dimensions approximatives des morceaux de glace (Tableau 7.1), il est clair qu’avec certains types de glace (tubes, blocs concassés et plaques), de plus grandes quantités sont nécessaires uniquement pour des raisons physiques.

Cependant ce sont les pertes qui sont la principale raison de l’utilisation de plus grandes quantités de glace. Il s’agit des pertes dues à la glace humide et à la glace gaspillée pendant la manutention du poisson, mais les pertes les plus importantes sont, de loin, les pertes thermiques.

Glace nécessaire pour compenser les pertes thermiques

En principe, le bilan de l’énergie absorbée par fusion de la glace pour compenser la chaleur extérieure aux caisses ou conteneurs peut être exprimée comme suit:

L x (dMg/dt) = - U x A x (Te-Tg)

7.d

où :

Mg = masse de glace fondue pour compenser les pertes thermiques (kg)
U = coefficient global de transfert de chaleur (kcal/heure x m² x oC)
A = surface du conteneur (m²)
Te = température externe
Tg = température de la glace (habituellement considérée comme 0oC)
T = temps (heures)

L’équation (7.d) peut être facilement intégrée (en supposant Te = constante) pour donner l’équation 7.e:

Mg = Mgo - (U x A x Te / L) x t

7.e

 

On peut estimer les pertes thermiques en calculant U et en mesurant A. Cependant, ce type de calcul donnera rarement une indication précise des besoins en glace à cause de plusieurs facteurs pratiques (manque de données fiables sur les matériaux et les conditions d’utilisation, irrégularités dans la construction des conteneurs, formes géométriques irrégulières des caisses et conteneurs, influence des couvercles et du drainage, effet de rayonnement, type d’empilage).

On peut faire des calculs plus précis en utilisant les tests de fusion pour déterminer le coefficient global de transmission thermique des caisses et conteneurs dans des conditions réelles d’utilisation (Boeri et al., 1985; Lupin, 1986 a).

Les tests de fusion sont très faciles à conduire et ne nécessitent pas de poisson. Les conteneurs et les caisses sont remplis de glace et pesés avant de commencer l’essai. A intervalles donnés, l’eau de fusion est évacuée (si elle n’a déjà pas été drainée) et le conteneur est repesé. La réduction de poids indique la quantité de glace fondue pour compenser les pertes thermiques. La Figure 7.3 présente les résultats de deux essais de fusion de glace dans des conditions de travail.

Au départ, une partie de la glace va fondre pour refroidir les parois de la caisse ou du conteneur; suivant la taille et le poids relatif du conteneur, le matériau et l’épaisseur de la paroi et le type des pertes thermiques, cette quantité peut être négligeable. Si elle ne l’est pas, on peut refroidir le conteneur avant de commencer l’essai ou on peut calculer la quantité de glace nécessaire par différence en ne tenant pas compte de la première partie de l’essai de fusion. Une température constante de l’air ambiant serait préférable et on peut effectuer les essais sur des périodes courtes (par exemple l’essai d’une caisse plastique en conditions tropicales). Cependant, on peut obtenir des températures relativement constantes dans les intervalles entre les mesures de pertes de poids et utiliser une moyenne pour le calcul.

Comme le montre la Figure 7.3, les résultats peuvent être interpolés empiriquement par une équation linéaire de la forme:

Mg = Mgo - K x t

7.f


En comparant les équations 7.e et 7.f, il est clair que :

K = (Uef x Aef x Te / L )

7.g

où:

Uef = coefficient global effectif de transfert de chaleur
Aef = surface effective

De l’expression 7.g, il ressort que :

K = K’ x Te

7.h

et on peut éventuellement déterminer K’, si on peut faire des essais à différentes températures contrôlées.

L’avantage des essais de fusion de la glace est que K peut être obtenu expérimentalement à partir de la pente des courbes linéaires comme on le voit à la Figure 7.3, soit graphiquement, soit par régression linéaire (facilement exécutables par les calculatrices scientifiques courantes de poche). Dans le cas des courbes linéaires apparaissant à la Figure 7.3, les corrélations obtenues étaient les suivantes :

Caisse en plastique :

Mg = 10,29 - 1,13 x t, r = -0,995

7.i

K = 1,13 kg de glace/ heure.

Figure 7.3 Résultats d’essais de fusion de la glace dans des conditions réelles de travail (.) Caisses plastiques standard (non isolées), capacité totale de 40 kg, (x) conteneurs à poisson en plastique isolé (Metabox 70, DK). Les deux types sont conservés à l’ombre, non empilés, avec de la glace en écailles, température extérieure moyenne (Te) 28oC. (Données obtenues pendant l’Atelier National FAO/DANIDA sur la Technologie du Poisson et le Contrôle-Qualité, Bissau, Guinée Bissau, mars 1986)

Conteneur isolé :

Mg = 9,86 - 0,17 x t , r = - 0,998

7.j

K = 0,17 kg de glace/ heure

où r = coefficient de corrélation.

On déduit de 7.i et 7.j que la consommation de glace due aux pertes thermiques dans ces conditions sera 6,6 fois supérieure dans la caisse plastique à celle constatée dans le conteneur isolé. Il est clair que, dans des conditions tropicales, il sera pratiquement impossible de manipuler correctement le poisson sous glace en utilisant uniquement des caisses non isolées et que l’on aura besoin de conteneurs isolés même si on utilise une réfrigération mécanique.

La quantité totale de glace nécessaire sera le résultat de l’addition de mi (équations 7.b et 7. C) et de Mg (suivant la formule 7.f ) une fois que t (la durée pendant laquelle on doit conserver le poisson glacé dans la caisse ou dans le conteneur selon le cas) aura été estimée.

Sous des climats tropicaux, il peut arriver que, suivant l’estimation de t, le volume total disponible dans la caisse ou le conteneur ne soit pas suffisant même pour la glace destinée à compenser les pertes thermiques ou bien que le volume restant pour le poisson soit insuffisant pour rendre l’opération de refroidissement intéressante.

Dans de tels cas, on pourrait reglacer une ou deux fois ou avoir recours à la réfrigération mécanique (voir Figure 7.5 pour observer les effets du stockage en chambre froide positive sur la consommation de glace). En fait, on donnera au contremaître ou au personnel des indications sur les périodes de reglaçage nécessaires.

Une approche analytique de ce problème en relation avec l’estimation du bon rapport glace/poisson dans des conteneurs isolés a été mise au point par Lupin (1986 b).

Consommation de glace au soleil et à l’ombre

La consommation accrue de glace dans les caisses et les conteneurs isolés quand ils sont exposés au soleil a une énorme importance, particulièrement dans les pays tropicaux. La Figure 7.4 donne les résultats d’un essai de fusion réalisé avec une caisse à l’ombre et la même caisse (même couleur) au soleil.

La caisse plastique à l‘ombre est identique à celle de la Figure 7.3 (équation 7.i). Le rapport avec la caisse plastique exposée au soleil est :

Mg = 9,62 - 3,126 x t

7.k

Ceci signifie que, dans cette situation et pour ce type de caisse, la consommation de glace au soleil par rapport à celle constatée à l’ombre devra être multipliée
par 2,75 (3,126/1,13). Cette différence considérable est due à l’effet de rayonnement. Suivant le matériau de surface, le type de matériau, la couleur de la surface et le rayonnement solaire, on aura une température de rayonnement de surface qui sera supérieure à la température du thermomètre sec. Des mesures relevées sur les parois en plastique des caisses et des conteneurs dans des conditions réelles, dans des pays tropicaux, ont donné des valeurs de température de rayonnement de surface atteignant 70oC.

Figure 7.4 Résultats des essais de fusion de glace dans des conditions réelles (.) caisses en plastique à l’ombre, (x) caisses en plastique au soleil. Les caisses sont en plastique, d’une capacité de 40 kg, de couleur rouge, non empilées, avec glace en écailles, et la température extérieure moyenne (thermomètre sec) est de 28oC. (Données obtenues pendant l’Atelier National FAO/DANIDA sur la Technologie du Poisson et le Contrôle-Qualité à Bissau, Guinée Bissau, mars 1986)

Il est clair que les possibilités pratiques de manutention sous les tropiques du poisson réfrigéré dans des caisses en plastique exposées au soleil sont limitées. On peut mesurer l’augmentation de la consommation de glace dans des conteneurs isolés exposés au soleil, même si elle est moins énorme que dans les caisses en plastique.

Dans ce cas, il est conseillé de conserver et manutentionner le poisson uniquement dans des caisses et des conteneurs placés à l’ombre. On peut, en outre, recouvrir les caisses et conteneurs d’une bâche mouillée. La bâche mouillée abaissera la température de l’air en contact avec les caisses et conteneurs à la température du thermomètre humide (quelques degrés au-dessous de la température du thermomètre sec suivant l’humidité relative d’équilibre ou HRE) et arrêtera pratiquement l’effet du rayonnement (car il y a toujours des effets de rayonnement entre un corps et son environnement).

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Figure 7.5 Résultats d’essais de fusion de la glace pendant le stockage en pile de caisses en plastique. Caisses en plastique de 35 kg dans une chambre froide à 5oC, glace en écailles (d’après Boeri et al., 1985)

Jensen et Hansen (1973) et Hansen (1981) ont présenté un système ("Icibox"), destiné surtout à la pêche artisanale. Dans ce système, on isole une pile de caisses en plastique en plaçant un cadre en bois rempli de polystyrène au-dessus et au-dessous de la pile et on couvre le tout d’une enveloppe de toile à voile ou de toile cirée. Un système semblable composé de piles de caisses de styropore, arrimées sur une palette et recouvertes d’un isolant à base de fibre de verre à surface hautement réfléchissante (Al), est utilisé dans la pratique pour l’expédition de poisson frais par avion (par exemple il est utilisé pour expédier des perches du Nil du Lac Victoria vers l’Europe).

Les résultats de la Figure 7.5 sont également intéressants pour démontrer l’effet d’une chambre froide sur la manutention du poisson frais. L’utilisation de chambres froides réduit considérablement la consommation de glace dans les caisses en plastique, évitant le besoin de reglaçage. Dans le procédé de manutention du poisson utilisant de la glace, la réfrigération mécanique est employée pour réduire la consommation de glace et non pour refroidir le poisson.

Bien que l’on puisse utiliser directement des méthodes analytiques de consommation de glace (par exemple équations 7.a à 7.h) pour estimer cette consommation dans des opérations simples et répétitives de manutention de poisson, leur principale importance est de pouvoir aider à apporter des solutions pour une manutention appropriée du poisson réfrigéré selon une méthode rationnelle (comme on le voit aux Figures 7.3, 7.4 et 7.5).

Consommation de glace sur les côtés des caisses et conteneurs

Il est nécessaire de garder à l’esprit que la glace ne fond pas uniformément à l’intérieur d’une caisse ou d’un conteneur mais que la fusion suit le schéma des gradients de température entre l’intérieur de la caisse/conteneur et l’air ambiant. A la Figure 7.6, on constate un manque de glace, dû aux gradients de température, sur les parois d’une caisse en plastique du commerce remplie de lieu noir glacé.

En considérant la Figure 7.5, et en supposant qu’une simple caisse soit divisée en cinq compartiments, il est clair que le dessus et le fond des compartiments devraient recevoir plus de glace pour compenser les pertes thermiques, le dessus recevant plus de glace que le fond. Cependant, dans la pratique, on doit également mettre plus de glace sur les côtés des caisses et conteneurs.

Figure 7.6 Caisse en plastique du commerce avec du lieu noir glacé (M. hubbsi) montrant les effets du manque de glace sur les côtés. (Photo H. Lupin)

La caisse de la Figure 7.6 était au départ suffisamment garnie de glace et on peut voir que la glace est encore abondante sur le dessus de la caisse. Cependant, après une période de stockage en chambre froide, la glace a fondu, surtout sur les côtés, laissant du poisson entièrement ou partiellement exposé à l’air, avec, pour conséquence, une montée de température et une déshydratation. De plus, la glace et le poisson ont formé une masse compacte qui peut provoquer des dégâts physiques au poisson exposé à l’air quand on déplace la caisse.

Dans le poisson glacé à bord des bateaux de pêche ou transporté par camions, ce problème ne se pose peut-être pas s’il y a un mouvement non brutal et continu qui permet à l’eau de fusion de couler du sommet vers les côtés des caisses. Cependant, dans les chambres froides ou les chambres de stockage (conteneurs isolés), il serait préférable de reglacer si on observe ce phénomène. Sous des conditions tropicales, on observe ce problème, même avec des conteneurs isolés en moins de 24 heures de stockage.

7.2 Manutention du poisson dans la pêche artisanale

La pêche artisanale qui existe à la fois dans les pays développés et dans les pays en développement, recouvre une large gamme de bateaux de pêche depuis les pirogues et les canots (grands et petits) jusqu’aux petits bateaux avec des moteurs hors bord ou fixes, utilisant également une grande variété d’engins de pêche. Il est difficile de trouver un dénominateur commun; cependant, du point de vue de la manutention, les bateaux artisanaux manutentionnent de petites quantités de poisson (si on les compare aux navires industriels) et les sorties de pêche sont habituellement courtes (d’habitude moins d’une journée et très souvent quelques heures seulement).

En général, dans la pêche tropicale, la flotte artisanale débarque une grande variété d’espèces, bien qu’il y ait des exemples d’utilisation d’engins de pêche sélectifs. Dans les climats froids et tempérés, les flottes artisanales peuvent plus facilement rechercher des espèces spécifiques suivant la période de l’année; néanmoins, ils peuvent débarquer plusieurs espèces pour répondre à la demande du marché.

Bien que très souvent la pêche artisanale ne soit pas considérée comme une activité sophistiquée, un examen plus approfondi révèle que, dans de nombreux cas, elle a évolué. Il y a de nombreuses raisons à cette évolution: urbanisation, exportation du poisson et compétition avec la flotte industrielle.

Ce changement de scénario de la pêche artisanale est essentiel pour comprendre les problèmes de manutention du poisson rencontrés par le secteur artisanal et celui de la petite pêche industrielle, particulièrement dans les pays en développement.

Quand la flotte artisanale alimentait les petits villages, la quantité de poisson manutentionné était très faible; les consommateurs achetaient habituellement le poisson directement au débarquement, les pêcheurs connaissaient les clients et les goûts de ceux-ci, et le poisson était consommé en quelques heures (par exemple le poisson pêché à 6 heures, débarqué et vendu à 10 heures, était cuit et mangé à 13 heures). Dans cette situation, on n’utilisait pas de glace et l’éviscération était inconnue; très souvent, le poisson était débarqué en rigor mortis (suivant les espèces et les engins de pêche) et la manutention était des plus réduites: couvrir le poisson pour le protéger du soleil, le conserver humide et chasser les mouches. A la Figure 7.7, on peut voir deux cas de débarquement de poisson non glacé par des pêcheurs artisanaux.

Avec l’urbanisation et la demande pour des produits plus sains et de meilleure qualité (résultat des exportations et de la compétition avec le poisson industriel), les conditions ont changé énormément. Les grandes villes exigent également des approvisionnements plus importants de poisson et, de ce fait, les intermédiaires et les transformateurs ont dû aller vers des lieux de débarquement plus lointains pour trouver du poisson. La quantité de poisson manutentionné a augmenté, les trajets de pêche sont plus longs et/ou les engins de pêche dormants comme les filets maillants restent à l’eau plus longtemps, une chaîne d’intermédiaires et/ou des marchés officiels de poisson ont remplacé les acheteurs directs sur la plage. De plus, le développement du marché (le poisson comme revenu) a conduit, dans certains endroits, à un accroissement de l’effort de pêche avec, pour conséquence, une augmentation du nombre de bateaux de pêche et de l’efficacité des engins de pêche.

Figure 7.7 Débarquement par des pêcheurs artisanaux: (a) crevettes non glacées (El Salvador, Septembre 1987, photo H. Lupin); (b) poisson non glacé (Bukova, Tanzanie, 1994, photo S.P. Chen)

D’une manière ou d’une autre, chacun des nouveaux éléments a augmenté le nombre d’heures passées entre la pêche du poisson et sa consommation ou transformation (par exemple par congélation). Cette augmentation du temps d’exposition de poisson non glacé à la température ambiante (ou à la température de l’eau pour le poisson mort dans un filet maillant) même bien que brève (par exemple 6 à 12 heures de plus) a modifié énormément la situation par rapport à l’altération du poisson et sa salubrité.

Dans la nouvelle situation, le poisson reste à température ambiante pendant 13 à 19 heures et même plus. Il peut déjà être altéré, de qualité marginale et/ou présenter des dangers pour la santé publique (par exemple par développement de toxines de C. botulinum ou la formation d’histamine). Outre les aspects de sécurité et de qualité, les pertes après capture, inexistantes dans une économie de subsistance et très faibles au stade villageois, deviennent importantes. On estime, par exemple, que les pertes post-capture de perche du Nil, pêchée de façon artisanale en Ouganda, à 25 à 30 % des prises totales.

La situation décrite dans les paragraphes précédents, et des cas identiques à ceux montrés à la Figure 7.7, ont amené les services de vulgarisation dans les pays en développement ainsi que l’assistance technique internationale à se focaliser sur les problèmes de l’introduction de méthodes améliorées de manutention du poisson au niveau artisanal. La solution technique de base consiste à introduire la glace, de bonnes méthodes de manutention du poisson et des conteneurs isolés, ce qui est l’approche utilisée par la plupart des flottes artisanales dans les pays développés.

Il existe plusieurs exemples où cette approche a été adoptée par les pêcheurs dans les pays en développement et est devenue une technologie autonome. Deux cas très intéressants d’introduction de conteneurs isolés à analyser sont les "navas", bateaux de pêche traditionnels de Kakinada dans l’Andra Pradesh, Inde (Clucas, 1991) et la flotte piroguière sénégalaise (Coackley et Karnicki, 1984). La Figure 7.8 montre le croquis d’un conteneur à poisson isolé pour les pirogues sénégalaises.

Figure 7.8 Croquis d’un conteneur isolé à deux écoutilles pour les pirogues sénégalaises (selon Coackley et Karnicki, 1985)

Le conteneur isotherme de la Figure 7.8 a été dessiné pour s’adapter aux pirogues existantes suivant le type de prises et les besoins exprimés par les pêcheurs. Les matériaux et les outils nécessaires à la construction du conteneur isolé sont disponibles au Sénégal même si certains sont importés (par exemple les plaques de mousse et les résines). La Figure 7.9 montre une pirogue avec deux conteneurs isolés à bord.

L’exemple des pêcheurs sénégalais s’étend maintenant de façon soutenue aux pêches de Gambie, Guinée Bissau et Guinée qui sont en train d’adopter l’usage de conteneurs isolés semblables à ceux du Sénégal. Néanmoins le processus de diffusion et d’adoption d’une technologie, même relativement simple, n’est pas aussi facile que l’on pourrait le supposer.

Figure 7.9 Pirogue sénégalaise sur la plage portant deux conteneurs isolés (photo B. Diakité, 1992)

Une fois convaincu de la raison d’être des conteneurs isolés, les pêcheurs artisanaux ont tendance à favoriser les grands conteneurs isolés plutôt que les petits. Il est clair, selon les équations 7.e et 7.g que, pour le même volume de poisson et de glace, les grands conteneurs présentent une surface externe plus faible que plusieurs petits conteneurs. Par exemple, on peut imaginer un grand conteneur cubique de x m d’arête et huit conteneurs cubiques de x/2 m d’arête mais présentant le même volume total que le grand conteneur. Les huit conteneurs auront une surface externe double de celle du grand conteneur et, de ce fait, la consommation de glace doublera, tandis que la quantité de poisson transporté s’en trouvera diminuée.

D’autres raisons font que les petits conteneurs coûtent plus cher qu’un grand volume total identique (simplement parce que la quantité de matériau est plus importante); les petits conteneurs ne sont pas toujours faciles à arrimer, sans risque, à bord des petits bateaux et les grands conteneurs permettent le transport de grands blocs de glace qui peuvent être concassés en mer (réduisant l’encombrement). Cependant, de grands conteneurs sont difficiles à manutentionner et quelquefois les canots et pirogues sont très petits ou étroits et ne peuvent pas les accommoder. Ce n’est pas le cas des conteneurs isolés relativement petits. Un exemple est donné à la Figure 7.10.

Une contrainte sérieuse dans plusieurs pêcheries artisanales provient du coût relativement élevé des conteneurs industriels et de la difficulté à trouver les matériaux industriels appropriés pour les construire. Pour cette raison, on a fait des efforts pour développer des conteneurs artisanaux à partir des matériaux disponibles localement (Villadsen et al., 1979; Govindan, 1985; Clucas et Whitehead, 1987; Makene, Mgawe et Mlay, 1989; Wood et Cole, 1989; Johnson et Clucas, 1990; Lupin, 1994).

Dans certains cas, la bonne approche consisterait à ajouter une isolation aux conteneurs locaux; dans d’autres cas, il serait nécessaire d’en concevoir un nouveau. En général, les conteneurs artisanaux seraient moins chers que les conteneurs industriels mais leur durée de vie serait plus brève. Un conteneur artisanal isolé conçu à Mbegani (Tanzanie), inspiré du panier local ("tenga") est montré à la Figure 7.11.

Un facteur clé, pour la construction artisanale de conteneurs isolés, est la sélection du matériau d’isolation. Plusieurs matériaux sont disponibles, entre autres, la sciure, la fibre de noix de coco, la balle de riz, l’herbe sèche, les vieux pneus et les rejets de coton.

Figure 7.10 Petit conteneur isolé installé à bord d’un catamaran de pêche artisanale (les Philippines, 1982, photo H. Lupin)

L’utilisation de tels matériaux pose cependant des problèmes: les matériaux prennent rapidement de l’humidité (à l’exception des vieux pneus), perdant ainsi leur capacité isolante et augmentant le poids des conteneurs. Quand ils sont mouillés, la plupart d’entre eux ont tendance à pourrir très rapidement. La solution consiste à les enfermer dans un sac en plastique (étanche); dans ce cas cependant, ils ont tendance à se tasser, laissant ainsi une partie des parois sans isolation.

Dans le but de résoudre ces problèmes, le concept de "coussins isolés" a été étudié lors de plusieurs ateliers de formation FAO/DANIDA en technologie du poisson. L’idée est très simple: le matériau isolant (par exemple la fibre de noix de coco) est placé à l’intérieur d’un long sachet plastique sous forme d’un tube, du type utilisé habituellement pour fabriquer de petits sachets de polyéthylène (diamètre 10 cm). On presse le matériau isolant avant de sceller le tube. Le tube est soudé à chaud aux deux extrémités (par exemple tous les 20 cm) et, avec un peu de pratique, on peut produire un chapelet de "coussins". Il est recommandé d’utiliser une deuxième peau pour réduire l’incidence des perforations dues aux arêtes et épines du poisson.

Le chapelet de "coussins isolés" peut être placé entre les parois interne et externe du panier. Une fois le panier terminé avec un couvercle isolé et des poignées, on peut placer le poisson et la glace dans un solide sac en plastique résistant comme le montre la Figure 7.11 (a). L’utilisation du sac plastique augmente la durée de vie du panier et améliore la qualité du poisson.

Figure 7.11 (a) Croquis d’un conteneur artisanal isolé (le "panier à poisson Mbegani") mis au point et utilisé en Tanzanie; (b) le "panier à poisson Mbégani" sur une bicyclette pour distribuer le poisson frais. Ce panier a été mis au point au départ à l’Atelier FAO/DANIDA sur la Technologie du Poisson et le Contrôle-Qualité tenu à Mbegani, Tanzanie en mai-juin 1984

Cet exemple montre le type de problèmes pratiques que l’on rencontre dans la mise au point d’un récipient isolé artisanal pour le poisson et les solutions que l’on peut apporter.

Pourquoi n’utilise-t-on pas toujours de la glace pour refroidir le poisson quand c’est nécessaire?

Bien que les avantages du refroidissement du poisson soient connus, la glace n’est pas aussi largement utilisée qu’elle le devrait, particulièrement au niveau artisanal dans les pays en développement. Certains des problèmes rencontrés dans la pratique sont décrits ci-après:

  1. La glace doit être produite mécaniquement

Cette affirmation évidente implique, entre autres, qu’il est impossible de produire la glace artisanalement pour des raisons pratiques (nécessité d’énergie et de machines). Pour produire de la glace sous les tropiques, on a besoin de 55 à 85 kWh par tonne de glace (suivant le type de glace) alors que dans les pays froids et tempérés, les besoins sont de 40 à 60 kWh pour une production identique. Ceci peut représenter un besoin important en énergie dans plusieurs régions des pays en développement, particulièrement dans des îles et des lieux relativement éloignés des grandes villes et des réseaux de distribution électrique. Les usines de glace demandent de l’entretien et, par conséquent, des gens formés ainsi que des pièces détachées (dans certains cas, ceci implique l’accès aux devises convertibles).

Une chaîne de froid comprend aussi des chambres froides (à bord et à terre), des conteneurs isolés, des camions isolés et d’autres équipements supplémentaires (par exemple unités de traitement d’eau, générateurs électriques). En plus de l’augmentation des coûts, tout cet équipement accroîtra les difficultés technologiques associées à la chaîne du froid du poisson.

  1. La glace est produite et utilisée dans un contexte économique

Dans les pays développés, la glace est très bon marché et ne coûte qu’une fraction du prix du poisson frais. Dans les pays en développement, la glace est très souvent chère quand on la compare au prix du poisson frais.

Une étude réalisée en 1986 par le Projet FAO/DANIDA sur la Formation en technologie du poisson et contrôle-qualité, sur les prix du poisson et de la glace dans quatorze pays africains a montré que, dans tous les cas et pour toutes les espèces de poissons, 1 kg de glace augmente le prix du poisson d’au moins deux fois l’augmentation enregistrée dans les pays développés. Plus le poisson est bon marché, plus la situation s’aggrave. Par exemple, dans le cas de petits pélagiques, l’augmentation du prix du poisson par kilogramme de glace ajoutée était, de 40 % pour le "yaboy" du Sénégal, de 16 à 25 % pour la sardinelle du Congo et de 66 % pour la sardinelle de Mauritanie et l’anchois du Togo. Le prix du marché pour le poisson, dans ce cas, dissuade d’utiliser de la glace.

Suivant son coût par rapport au poisson, la glace est ou n’est pas utilisée. Par exemple, à Accra, Ghana en 1992, on a constaté que l’utilisation de la glace pour refroidir des petits pélagiques (hareng du Ghana), à raison de 2 kg de glace pour 1 kg de poisson, augmentait le prix du poisson de 32 à 40 %. Cependant, dans le cas du vivaneau, pour le même rapport glace/poisson, l’augmentation du prix n’était que de l’ordre de 4,5 à 5,7 %. De ce fait, le refroidissement du vivaneau par la glace est relativement courant à Accra alors que la glace n’est pas utilisée pour les petits pélagiques.

Très souvent le poisson est en concurrence avec d’autres produits qui utilisent la glace (boissons gazeuses, bière) même si, à l’origine la machine a été installée pour fournir de la glace pour refroidir du poisson. Ceci, ajouté aux pertes d’énergie dans les usines de glace, contribue à faire monter son prix sur le marché.

Outre la production et l’utilisation de la glace sur des bases viables, on doit prendre en compte les aspects économiques (par exemple amortissements, fonds de roulement, investissement). Par ailleurs, dans le cas de fabrication de glace, l’échelle de production a une très forte influence. Les prix peu élevés de la glace dans les pays développés sont aussi la conséquence de grandes unités de production situées dans les ports de pêche où elles fournissent un grand nombre de bateaux et d’usines.

  1. Contraintes pratiques

L’introduction de la glace dans les systèmes de manutention du poisson qui ne sont pas habitués à son utilisation, crée des problèmes d’ordre pratique. Par exemple, au Tableau 7.1, il est clair que l’emploi de la glace va augmenter le volume nécessaire pour le stockage et la distribution et diminuer la capacité réelle des cales à poisson des bateaux. L’utilisation de la glace augmente également le poids à manutentionner. Ceci a plusieurs implications comme l’augmentation de la charge de travail des pêcheurs, transformateurs et mareyeurs ainsi qu’un accroissement des coûts et de l’investissement.

D’après les Figures 7.3 et 7.4, il est clair que la quantité totale de glace nécessaire pour 1 kg de poisson, dans le cycle complet de la pêche au consommateur, sera bien plus élevée dans les pays tropicaux que dans les régions froides et tempérées. A titre indicatif, la consommation moyenne de glace dans l’industrie de la pêche cubaine a été estimée à environ 5 kg de glace pour 1 kg de poisson manutentionné (pertes de glace incluses), bien que l’on ait enregistré des chiffres plus élevés (jusqu’à 8 à 10 kg de glace par kg de poisson) dans quelques industries des pays tropicaux; ceci nécessite de grandes capacités de transport et de stockage.

L’eau douce ou de mer utilisée doit répondre aux normes (microbiologiques et chimiques) de l’eau potable et doit être constamment disponible en quantités voulues. Ceci n’est pas toujours possible, particulièrement dans les pays qui ont des problèmes d’énergie (coupures d’électricité) et un réseau public de distribution d’eau inexistant (ou aléatoire). Si l’eau doit être traitée, cela implique un coût supplémentaire sans compter un nouvel équipement à faire fonctionner et à entretenir.

On a besoin d’un personnel bien formé pour faire fonctionner efficacement l’usine à glace et ses équipements annexes et pour manipuler correctement la glace et le poisson. Bien que de nombreux pays en développement aient fait des efforts de formation, ils manquent souvent de personnel technique, allant des technologistes du poisson bien formés jusqu’aux contremaîtres d’usine en passant par les mécaniciens et électriciens frigoristes.

En outre, dans de nombreux pays en développement, il est de plus en plus difficile de maintenir ouvertes des écoles techniques et professionnelles travaillant sur ce sujet. Ceci met en péril la possibilité d’une formation autonome et par voie de conséquence, le développement de l’industrie de la pêche.

  1. La glace n’est pas un additif

Les gens compétents (par exemple les mareyeurs) constatent rapidement que la glace n’est pas un additif. De ce fait, quand il y a un retard dans la mise sous glace, on n’utilise généralement pas de glace (même si elle est disponible) car elle n’améliorera pas la qualité du poisson. Les consommateurs savent également cela de façon intuitive et préfèrent qu’on leur présente le poisson en l’état (par exemple au stade terminal de son acceptabilité) plutôt que sous glace car, dans ce cas, la glace augmentera le prix mais n’améliorera pas la qualité. En raison de ce qui est dit ci-dessus et du fait des problèmes associés à la transition entre la pêche artisanale et la pêche industrielle ou semi-industrielle, déjà étudiée, les consommateurs dans certains pays (par exemple Sainte Lucie et Lybie) ont tendance à croire que le poisson glacé n’est pas du poisson frais.

La demande de poisson réfrigéré peut se développer si un marché pour le poisson glacé (pas seulement pour le "poisson frais") est réalisé. Développer un marché pour le poisson glacé, là où il n’existe pas déjà, peut s’avérer une tentative très difficile et coûteuse comme l’est l’introduction de tout autre produit alimentaire.

  1. Besoin de technologies appropriées de manutention du poisson

Réfrigérer et conserver le poisson sous glace est une technique très simple. Une image plus complexe se dégage quand on analyse les systèmes pratiques de manutention du poisson, y compris l’aspect économique.

Une étude comparative, entre pays développés et pays en développement, sur une même opération de manutention de poisson utilisant la glace et les conteneurs isolés a montré que, dans les pays développés, la technologie la mieux adaptée aurait pour but de réduire les coûts de main-d’oeuvre (par exemple goulottes pour transporter glace et poisson, tables spéciales pour manutentionner conteneurs et caisses et convoyeurs pour les déplacer, machines automatiques pour mélanger glace et poisson); alors que dans les pays en développement, le souci principal serait de réduire la consommation de glace et d’augmenter le rapport poisson/glace dans les conteneurs (Lupin, 1986 b).

La même étude a montré qu’une différence de vingt fois entre les coûts salariaux des pays en développement et ceux des pays développés ne pouvait pas compenser une différence de dix fois le coût de la glace. Il n’y a donc aucun "avantage comparatif " dû aux bas salaires dans les pays en développement en ce qui concerne la manutention du poisson frais. Une technologie moderne de manutention du poisson issue des pays développés peut faciliter le travail des gens des pays en développement, mais risque de ne pas améliorer les aspects économiques de l’opération dans son ensemble.

Il n’y a évidemment pas de solution unique aux problèmes exposés plus haut. Cependant, il est clair que c’est le problème à résoudre au cours de la prochaine décade dans le domaine de la manutention du poisson frais. Les prises ayant atteint un palier, les pertes dues au manque d’utilisation de la glace ne seraient pas acceptables et les pays en développement et les pêcheurs artisanaux en particulier ne devraient pas être privés des possibilités de vente.

7.3.Manutention améliorée des prises dans la pêche industrielle

Les buts de la manutention moderne des prises sont les suivants:

Pour atteindre ces objectifs, les équipements et les procédures de manutention qui éliminent le levage des charges lourdes, les mauvaises positions de travail et les manipulations brutales du poisson doivent être introduits. En procédant ainsi, le temps de manutention des prises est raccourci et le processus de réfrigération commence plus tôt (Olsen, 1992). Les opérations typiques de la manutention des prises sont indiquées à la Figure 7.12.

Figure 7.12 Opérations typiques de la manutention des poissons pélagiques et démersaux

Les aspects généraux importants de la manutention moderne de la pêche sont:

La manutention de la pêche peut être réalisée de plusieurs façons, depuis les méthodes manuelles jusqu’aux opérations entièrement automatisées. Le nombre d’opérations réellement effectuées et l’ordre dans lequel elles interviennent dépendent des espèces de poissons, des engins de pêche utilisés, de la taille du bateau, de la durée de la marée et du marché à approvisionner.

Transfert de la prise de l’engin de pêche au bateau.

Les chalutiers et les senneurs pélagiques utilisent des palans jusqu’à 4 tonnes, des pompes ou des mâts de charge pour mettre la pêche à bord. Quand on remonte de grandes quantités (100 tonnes ou plus) à bord par ces méthodes, on risque de perdre du poisson et des apparaux si le poisson commence à couler après avoir été remonté à la surface. La rapidité avec laquelle le poisson peut couler dépend des espèces, de la profondeur où il a été capturé et des conditions atmosphériques pendant qu’on le remonte.

Pomper le poisson à bord en utilisant des pompes immergées sans l’abîmer peut être difficile, car il n’est pas facile de contrôler le rapport poisson/eau durant le pompage.

Ces dernières années, ce que l’on appelle la pompe du type P/V (Pression/Vide) a été de plus en plus utilisée. Le principe de son fonctionnement est le suivant: un réservoir d’accumulation de 500 à 1 500 litres est alternativement mis sous vide et sous pression par une pompe à vide à anneau liquide (Figure 7.13). Le poisson, avec de l’eau, est aspiré par un tube flexible au travers d’un clapet dans le réservoir. Quand ce dernier est plein, il est mis sous pression, en inversant le sens pression/vide de la liaison entre le réservoir et la pompe et le mélange poisson/eau se déverse alors à travers un clapet et un tuyau sur un séparateur d’eau. On prétend que la pompe P/V transfère le poisson avec plus de douceur que les autres types de pompes mais la capacité est généralement plus faible surtout du fait du fonctionnement alternatif. On peut remédier à cet inconvénient en disposant de deux réservoirs P/V en opposition de phase et en utilisant une seule pompe à vide.

Figure 7.13 Principe de fonctionnement d’une pompe à vide

Les petits bateaux pêchant au filet maillant (10 à 15 m) montent leurs filets avec un remonte-filet et très souvent gardent leur pêche dans le filet jusqu’au débarquement. Ici, le filet est tiré par deux hommes au travers d’un secoueur pour libérer le poisson du filet. On a montré que la brutalité du travail du secoueur peut être préjudiciable pour les mains, les bras et les épaules des utilisateurs. Des précautions ergonomiques ont de ce fait été suggérées pour résoudre ce problème.

Les chalutiers et les senneurs (danois et écossais) déversent leurs prises dans des parcs. Les parcs utilisés habituellement ont un fond incliné qui peut être relevé hydrauliquement. Le but de ces systèmes est de créer de bonnes conditions de travail pour l’équipage (Figure 7.14). Les pêcheurs au filet maillant peuvent également utiliser un système de parc qui économise le travail. Ce parc est souvent relié à un convoyeur qui apporte le poisson à la table d’éviscération.

Consommation de glace dans les piles de caisses et de conteneurs

Les pertes de glace ne se produisent pas uniformément dans une pile de caisses et de conteneurs. La Figure 7.5 donne les résultats d’un essai de fusion sur une pile de caisses.

Les caisses ou conteneurs au sommet de la pile consomment plus de glace que ceux situés à la base tandis que ceux placés au milieu en consomment encore moins que les précédents.

Figure 7.14 Disposition du pont d’un chalutier utilisant une éviscéreuse de poisson démersal. 1. Trémie, 2. Parc, 3. Table d’éviscération, 4. Machine à laver/saigner, 5. Machine éviscéreuse, 6. Chaise.

Stockage de la pêche avant éviscération

Quand on doit manutentionner de grosses prises ou, si pour une raison quelconque, on ne peut pas manutentionner immédiatement les prises, il est recommandé et nécessaire de préréfrigérer le poisson pendant le stockage dans les parcs du pont en utilisant de la glace ou dans des cuves utilisant l’eau de mer réfrigérée ( EMR) ou un mélange de glace et eau de mer (Eau de mer refroidie à la glace, EMRG).

Les systèmes de stockage prérefroidi sont surtout utilisés sur les chalutiers pélagiques qui trient leurs prises par tailles avant de les stocker en caisses ou dans des conteneurs EMRG portables. Il est également essentiel de prérefroidir quand le poisson pélagique est mou et en période d’alimentation et, par conséquent, prédisposé à l’éclatement de l’abdomen. Les cuves de prérefroidissement sont vidées par des élévateurs ou par des pompes P/V. Si on ne fait pas le tri à bord, le poisson est convoyé directement dans la cale pour être stocké au froid.

La Figure 7.15 montre un système de stockage de poisson démersal en cuves.

Triage/Calibrage

Les poissons pélagiques sont parfois triés ou calibrés à bord en fonction de leur taille. Les équipements utilisés fonctionnent sur la base de l’épaisseur du poisson en utilisant les principes suivants :

Figure 7.15 Système incluant des cuves d’EMRG de stockage de matière première avant éviscération manuelle ou mécanique de poisson

Le calibrage par épaisseur peut satisfaire la demande de grande capacité nécessaire dans la manutention du poisson pélagique, mais on admet généralement que le rapport entre l’épaisseur et la longueur ou le poids n’est pas parfait (Hewitt, 1980). Le point le plus important, souvent oublié, pour qu’un calibreur fonctionne de façon optimale, est une alimentation régulière. Celle-ci peut être réalisée par un élévateur déversant dans une goulotte (vibrante) sous jet d’eau alimentant la gouttière d’entrée du calibreur.

Il est parfois nécessaire d’installer un tapis de triage manuel avant le calibreur pour éliminer les gros poissons et les déchets, c’est le cas des grenadiers qui sont considérés comme captures secondaires de la pêche d’argentine.

Le tri et le calibrage des poissons démersaux par espèces et par taille sont généralement effectués à la main. Cependant on peut utiliser des systèmes automatiques de triage basés sur l`épaisseur. On utilise avec de bons résultats des systèmes marinisés de pesage dynamique ou statique. Les recherches sur l`utilisation d`un système de visualisation informatisée pour le tri par espéces et par tailles sont en cours.

Saignée/éviscération/lavage

Pour obtenir un filet blanc de qualité optimum, plusieurs poissons démersaux à chair blanche (mais pas tous) doivent être saignés et éviscérés immédiatement après leur capture. Les meilleurs procédés du point de vue économique, biologique et pratique font encore l’objet d’un débat entre spécialistes (voir chapitre 3.2 sur la saignée et chapitre 6.4 sur l’éviscération).

La très grande majorité des pêcheurs traitent le poisson de la façon la plus facile et également la plus rapide en saignant et éviscérant le poisson en une seule opération. Celà peut être fait manuellement mais on a introduit des éviscéreuses pour gagner du temps. Les poissons sont transportés à partir et vers les pêcheurs par des convoyeurs adéquats. En utilisant des machines, on peut éviscérer 55 poissons ronds/minute pour des poissons allant jusqu’à 52 cm de long et 35 poissons/minute jusqu’à 75 cm. L’éviscération mécanique est de 6 à 7 fois plus rapide que l’éviscération manuelle.

Les éviscéreuses existantes pour le poisson rond utilisent une scie circulaire pour couper et enlever les entrailles, elles détruisent la rogue et le foie qui pourraient être valorisés. Un nouveau type d’éviscéreuse qui copie les procédures d’éviscération manuelle est maintenant disponible sur le marché. La vitesse de cette machine est de 35 à 40 poissons/minute et on peut récupérer foie et rogue (Olsen, 1991). On peut également éviscérer le poisson plat sur une machine récente dont le débit est d’environ 30 poissons/minute.

Après éviscération, le poisson est transporté au lavage ou saigné. Celà peut être réalisé dans des bacs, souvent avec fond incliné ou dans des cuves spéciales de saignée, souvent avec un basculeur hydraulique. On utilise souvent aussi des tambours de lavage rotatifs (Figure 7.15); on peut utiliser un équipement spécial comme le laveur de poisson norvégien et britannique.

Après le traitement des prises (tri, saignée, éviscération, etc.), le poisson peut passer dans un silo de stockage intermédiaire ou être stocké par lots suivant les différentes tailles ou qualités avant d’être déversé par une goulotte dans la cale, ou bien les goulottes peuvent mener directement du calibreur à la cale (Figure 7.16).

Réfrigération/stockage réfrigéré

On a stocké traditionnellement le poisson démersal sur des étagères ou en caisses. La mise en caisses présente un gros avantage sur le stockage en étagères car elle réduit la pression statique sur le poisson et facilite le déchargement.

Le stockage sur étagère est réalisé en alternant les couches de glace et de poisson à partir d’une couche de glace et de poisson (25 cm entre étagères) jusqu’à des couches poisson/glace épaisses de 100 cm. En pratique, la mise en étagère permet une meilleure maîtrise de la température que la mise en caisse et, de ce fait, une durée plus longue de conservation du poisson. Du fait qu’une manutention excessive lors du déchargement et une trop forte pression sur le poisson ont un effet néfaste sur la qualité, par exemple l’aspect, la mise en caisse est préférable à la mise sur étagère, à condition que le glaçage soit approprié.

Figure 7.16 Système "Polar". Tri et mise en caisses mécaniques du hareng 1. Trieuse à harengs; 2,3,4. Convoyeurs, 5. Tube doseur souple

Dans la pêche pélagique, on ne touchera pas au poisson en caisse avant traitement. Dans la pêche démersale, les prises sont souvent triées par espèces à bord mais pas par taille ni par poids. Ces opérations sont effectuées après le déchargement avant la criée et, de ce fait, certains des avantages des caisses en termes de manutention et de qualité sont perdus.

Dans un proche avenir, quand les systèmes d’assurance-qualité auront été intégrés, ces opérations seront réalisées à bord et une étiquette informatisée sur chaque caisse informera du détail des facteurs importants pour la première vente (incluant la fraîcheur).

En général, on utilise deux types de caisses en plastique : empilable seulement et empilable/emboîtable (Figures 17 et 17 b). Pour résoudre certains des problèmes d’espace créés par l’utilisation des caisses uniquement empilables, on a mis au point les caisses emboîtables/empilables. Celles-ci occupent seulement environ un tiers de l’espace nécessaire, quand elles sont stockées vides, par rapport à celui des caisses pleines de poisson et de glace.

Figure 7.17a. Caisses uniquement empilables Figure 7.17b. Caisses emboîtables/empilables

Ce genre de caisse est largement utilisé en France, Hollande et Allemagne ainsi que dans certains ports danois.

Quand on a prévu des caisses sur mesure en plastique, on peut profiter pleinement à bord des avantages qualité de leur utilisation. Les points clés à considérer sont :

  1. La rapidité de manutention nécessaire pour empêcher les pertes de qualité dues au retard au glaçage. Une préréfrigération peut être avantageuse pour compenser un manque de rapidité de manutention. 
  2. Des méthodes de manutention permettant de garantir une procédure de glaçage suffisante pour refroidir le poisson à 0oC et maintenir cette température jusqu’au débarquement.
  3. La cale doit être construite pour permettre un empilage sûr et facile des caisses.
  4. On doit veiller à une bonne qualité d’isolation de la cale. Une petite installation de réfrigération mécanique peut s’avérer intéressante. La température de l’air dans la cale doit être de + 1 à 3oC.

Le stockage en EMR (eau de mer réfrigérée) est une pratique bien établie qui a été améliorée à la fois techniquement et pratiquement depuis son introduction dans les années 60 au Canada pour stocker le saumon et le hareng (Roach et al., 1967). Au début, la plupart des bateaux utilisant l’EMR pêchaient le saumon et, à cause de quelques erreurs de conception qui furent attribuées à des insuffisances des systèmes de réfrigération ou de circulation, on a établi des normes pour maîtriser les systèmes EMR. Du fait des différences entre les bateaux, les installations EMR doivent être étudiées soigneusement dans chaque pêcherie pour déterminer leur capacité réelle. En conséquence, des méthodes d’évaluation de chaque système et chaque bateau individuellement et fournissant des spécifications et indications pour une bonne installation ont été suggérées par les techniciens canadiens (Gibbard et Roach, 1976).

Pour obtenir une durée de conservation maximum à l’aide des systèmes EMR, l’homogénéité de la température aux environs de –1oC est très importante. Les facteurs affectant l’homogénéité de la température ont été récemment étudiés au Danemark (Kraus, 1992). Ces études ont révélé que l’arrivée de l’eau de mer glacée par le fond de la cuve doit se répartir sur toute la surface du fond de la cuve et que la capacité de remplissage pour assurer une circulation d’eau et l’homogénéité de la température dépend des espèces de poisson. On a suggéré que la température du poisson doit atteindre 3oC ou moins en quatre heures et 0oC ou moins en 16 heures et qu’elle doit être maintenue entre -1,5oC et 0oC jusqu’au déchargement.

Le système d’eau de mer glacée a été mis au point au Canada comme un moyen bien meilleur marché - du point de vue investissement - pour obtenir un refroidissement uniforme rapide du poisson. La méthode la plus populaire utilisée est la " Méthode Champagne" où un transfert rapide de chaleur entre poisson et glace est obtenu par agitation à l’aide d’air comprimé introduit par le fond des cuves au lieu d’utiliser des pompes de circulation comme dans l’EMR ou quelques anciennes installations d’EMRG (Figure 7.18) ( Kelmann, 1977; Lee, 1985). Une indication de la vitesse de refroidissement pour du hareng pourrait être l’abaissement de la température du poisson de 15 à 0oC en deux heures. Le concept d’un système EMRG consiste à remplir des cuves isolées au port avec la quantité de glace nécessaire pour refroidir les prises entre 0oC et –1oC et de maintenir cette température jusqu’au déchargement.

Figure 7.18 Système d’eau de mer glacée: schéma du tuyautage

Les pêcheurs de la côte ouest du Canada ont mis en pratique ce système en utilisant un minimum d’eau de mer quand ils commencent à remplir la cuve et en obligeant de l’air à passer à travers le mélange glace/eau de mer/poisson pendant le chargement seulement. Ils arrêtent l’arrivée d’air dès que la cuve est pleine. Ils recommencent l’opération pendant 5 à 10 minutes toutes les 3 à 4 heures. L’agitation créée par l’air sert seulement à supprimer les différences de température dans la cuve. L’objectif est d’obtenir un mélange uniforme de glace et de poisson pour assurer une température homogène.

La quantité de glace nécessaire est estimée empiriquement en observant la quantité de glace restant dans la cuve au déchargement et en la comparant avec les relevés de température. Cette dernière devrait être de l’ordre de –1oC, mesurée dans le poisson débarqué. L’évaluation doit être prudente au départ. Pour une température de la mer d’environ 12 à 14oC, une marée de 7 jours et une isolation de 10 cm de polyuréthane, le poids de glace doit être de 25 % de la capacité de la cuve. En fonction des observations, on ajustera la quantité de glace pour les voyages suivants.

Par ailleurs, une approche analytique pour estimer les quantités de glace nécessaires dans un système de cuve EMRG a été mise au point. La quantité de glace nécessaire tient compte de la taille de la cuve, du volume de la pêche, du temps passé en mer, de la température de l’eau, de l’isolation de la cale et de la stratégie de remplissage de la cale (Kolbe et al., 1985).

Les systèmes EMRG "Champagne" peuvent aussi être utilisés sur les bateaux côtiers par exemple dans la pêche aux petits pélagiques avec des bateaux de 10 à 14 m avec une capacité de transport de 3 à 10 tonnes de poisson (Roach, 1980).

Une autre façon de remplir une cuve EMRG, qui est pratiquée au Danemark, consiste à ajouter au poisson la quantité de glace nécessaire pendant le chargement en mélangeant un flux déterminé de poisson à un flux déterminé de glace. La plus grande quantité de glace est ajoutée au poisson durant le chargement. Quand la cuve est pleine, les vides sont remplis d’eau de mer au moyen d’un tuyau souple et on laisse la cuve au repos, sauf une circulation d’eau créée par une pompe ou de l’air comprimé durant 5 à 10 minutes toutes les quatre heures. La glace est stockée en vrac dans la cale avant et pelletée sur un convoyeur au ras du plancher. Le convoyeur entraîne la glace au point de mélange sur le pont.

Certains ont essayé d’utiliser des cuves EMRG mobiles pour la manutention du poisson pélagique au début des années 70 (Eddie et Hopper, 1974). Les cuves isolées d’environ 2 m3 ont été chargées de la quantité nécessaire de glace provenant du port et agitées à l’air comprimé comme les cuves EMRG. Les avantages principaux de la méthode sont que les poissons ne seront pas remués avant leur transformation et seront facile à décharger. Les inconvénients sont: des problèmes de commercialisation et diminution de la charge utile sur les bateaux existants (Eddie, 1980). On utilise des cuves mobiles EMRG de 1,1 m3 jusqu’à un certain point en combinaison avec le système de convoyeur mentionné plus haut et disposé pour la mise en caisses sans la réduction de charge utile - dont on vient de parler - par rapport à la mise en caisses (Anon., 1986). Les petits bateaux côtiers peuvent également utiliser des conteneurs EMRG isolés mobiles (Figure 7.19).

Figure 7.19 Quelques-uns des 10 conteneurs EMRG de 200 litres placés sur le pont d’un bateau en bois de 15 tonneaux (GRT) pêchant le cabillaud au filet maillant

Déchargement

Le poisson sur étagère est mis à terre au moyen de paniers ou caisses qui sont remplis et, au fur et à mesure, on enlève les étagères. Le poisson est pris au palan dans la cale et versé sur un convoyeur qui le conduit vers un trieur manuel puis on procède à la pesée.

Le poisson glacé et mis dans des caisses de 20 ou 40 kg en mer sera normalement mis sur palettes de, par exemple, douze caisses de 40 kg par palette. Les bateaux suédois utilisent des grues hydrauliques de pont et une fourche à palette spéciale pour le déchargement. Grâce à cette méthode, on peut atteindre une vitesse de déchargement de 30 tonnes/heure.

Les bateaux côtiers danois débarquant leur poisson chaque jour utilisent des pompes P/V montées sur les quais pour décharger leurs captures qui sont souvent glacées en cales, en couches atteignant environ 1 m de haut. On a seulement besoin d’ajouter de faibles quantités d’eau pour que la pompe fonctionne normalement. Le poisson est déversé sur un séparateur d’où un convoyeur le dirige vers un calibreur. L’eau qui a été séparée est recirculée vers la cale. On installe souvent des calibreurs qui peuvent traiter jusqu’à 30 tonnes/heure.

En Scandinavie, certains bateaux EMR/EMRG de 30 à 50 m utilisent encore des mâts de charge pour décharger leur poisson à un rythme de 30 à 50 tonnes/heure. Le principal inconvénient de cette méthode est que l’on a besoin de grandes écoutilles pour obtenir des vitesses de déchargement raisonnables.

On a introduit récemment les pompes P/V pour décharger harengs et maquereaux. Ainsi, des bateaux avec de petites cuves par exemple 30 m3 et de petites écoutilles peuvent également être déchargés à des vitesses égales ou plus grandes que celles obtenues par les mâts de charge mentionnés ci-dessus. La vitesse de pompage P/V sera typiquement d’environ 40 à 50 tonnes/heure. Le poisson peut être transporté directement par un système de tuyau dans l’usine où des échantillons représentatifs sont prélevés pour évaluer la qualité.