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Chapitre 23

Les maladies chroniques à implications nutritionnelles

Dans les pays industrialisés relativement riches, une bonne partie de la recherche, de l'enseignement et des actions en matière de nutrition est consacrée aux maladies chroniques dans lesquelles l'alimentation joue un rôle: l'obésité, l'athérome et les maladies des coronaires, l'hypertension (qui peut causer des attaques), certains cancers, l'ostéoporose, les caries et les destructions dentaires, certaines maladies du foie et des reins, le diabète, l'alcoolisme, etc. L'étiologie et le traitement de toutes ces maladies comportent des facteurs nutritionnels. Leur incidence augmente dans les pays en développement et plus particulièrement parmi la population la plus aisée de ces pays. Dans certains pays s'opère une transition des problèmes nutritionnels liés à la pauvreté et à la sous-consommation vers ceux liés à la surconsommation. Dans d'autres pays, c'est une situation bien établie où une partie de la population souffre de sous-nutrition et de pauvreté, et une autre des problèmes liés à la prospérité, à la sédentarité et à la surconsommation de certains aliments ou à un excès d'apport énergétique.

Une situation de transition ou la coexistence de deux types de problèmes nutritionnels dans un même pays pose des problèmes complexes de santé publique, et il faut que ces pays envisagent des mesures appropriées, en matière d'agriculture et de santé publique notamment, pour en atténuer les effets.

Il est frappant de constater que les Britanniques étaient probablement mieux nourris que jamais pendant la période de rationnement strict de 1942 à 1947. Les restrictions s'appliquaient surtout aux aliments d'origine animale comme la viande, le beurre, les œufs et les graisses. Par contre, les fruits et légumes n'étaient pas rationnés. Les restrictions étaient imposées à toutes les classes sociales, et il semble qu'elles aient été appliquées de façon équitable. Les riches ont donc réduit leur apport d'aliments animaux et les pauvres en ont consommé une quantité décente. Cette mesure a été bénéfique aux deux groupes. Même la mortalité par diabète a notablement diminué.

Nous ne suggérons pas de recourir au rationnement comme stratégie habituelle. Cependant, l'expérience britannique montre qu'une consommation mieux répartie de certains aliments serait bénéfique à ceux qui souffrent de malnutrition comme à ceux qui souffrent d'excès.

On sait que la consommation excessive de calories, de lipides, de cholestérol, d'alcool et de sel, ainsi que la consommation insuffisante de fruits, de légumes et de fibres, couplée à une vie sédentaire contribuent largement à l'augmentation de l'incidence des maladies chroniques des populations aisées. On les appelle souvent des maladies nutritionnelles de la prospérité, ce qui constitue une formule facile mais trompeuse. En effet, d'autres facteurs que les revenus sont en jeu et, dans les pays riches, ce sont souvent les populations moins favorisées qui sont les plus touchées.

Ce chapitre propose une rapide discussion des causes, des manifestations et de la prévention des principales maladies nutritionnelles:

Parmi ces différentes maladies, certaines sont clairement d'origine nutritionnelle; pour d'autres, la nutrition contribue à leur étiologie ou à leur traitement; enfin, pour certaines, la relation est soupçonnée mais non prouvée.

Ces maladies ne seront pas décrites en détail ici puisque ce manuel est consacré aux pays en développement. Ceux qui souhaitent en savoir plus se reporteront aux ouvrages de médecine et de nutrition occidentaux dont certains figurent dans la bibliographie.

ATHÉROME ET CORONAROPATHIES

Les coronaropathies sont l'une des principales causes de décès dans les pays industrialisés. Plus de 500 000 personnes en meurent chaque année aux Etats-Unis. L'auteur, qui a travaillé dans trois hôpitaux ruraux en République-Unie de Tanzanie dans les années 60, n'a pas vu un seul cas de thrombose coronaire chez un Africain. L'athérome est lié à plusieurs facteurs de risque communs à de nombreux hommes d'âge mûr et aux femmes ménopausées des pays industrialisés du Nord, et beaucoup plus rares dans les communautés rurales du Sud. Cette situation est malheureusement en train d'évoluer, et la mortalité cardiovasculaire augmente en Asie et en Amérique latine.

Causes

On ne connaît pas de façon précise la cause de l'athérome. Différents facteurs aboutissent à des dépôts de lipides dans les parois des artères. Ceux-ci se transforment en plaques d'athérome qui réduisent le calibre des vaisseaux, coronaires notamment.

Les facteurs de risque suivants y contribuent:

Parmi tous ces facteurs, ceux qui sont le plus aisément modifiables sont la nutrition et le tabagisme, comme le montrent d'ailleurs l'expérimentation animale où l'on à créé de toutes pièces un athérome en modifiant la nutrition des animaux concernés.

Les taux moyens de lipides et de cholestérol sanguins dans un pays varient parallèlement à l'incidence de l'athérome et des coronaropathies. Les lipoprotéines se divisent en trois classes: celles qui ont une densité basse (LDL) ou très basse (VLDL) constituant le "mauvais cholestérol" et celles dont la densité est élevée (HDL) qui sont aussi appelée "bon cholestérol". Le risque d'athérome augmente si les LDL sont élevées et les HDL basses. Le rapport LDL/HDL devrait rester inférieur à 3,5. En ce qui concerne le cholestérol, le risque d'athérome est faible en dessous de 5,2 mmol/litre, modéré entre 5,2 et 6,2 et élevé au-delà. Mais ce risque est aussi sous l'influence d'autres facteurs comme le tabagisme.

Prévention

Voici les mesures à prendre d'une manière générale:

Certains chercheurs recommandent aussi de consommer beaucoup de vitamine antioxydantes comme la vitamine C, le bêtacarotène et la vitamine E.

Il faut pour cela consommer suffisamment de fruits et légumes, céréales et légumineuses.

Dans plusieurs pays industrialisés, les décès par coronaropathies ont diminué avec les modifications alimentaires ces dernières années, en particulier la réduction des lipides saturés et l'augmentation des fruits et légumes et des fibres. Cette évolution est en partie imputable à une meilleure éducation du public et à des changements de certaines pratiques de l'industrie alimentaire en réponse à une demande du public. Il y a 30 ans, le lait écrémé était quasiment inconnu aux Etats-Unis alors que de nos jours le lait à 1 ou 2 pour cent de matières grasses est largement disponible et préféré par la majorité des Américains.

OBÉSITÉ

L'obésité est souvent considérée comme une maladie de la prospérité. Il est certain que sa prévalence est bien plus élevée dans les riches pays industrialisés que dans les pays pauvres, mais elle existe aussi dans ces derniers, surtout dans les pays à revenus moyens. Par exemple, 20 pour cent des femmes sont considérées comme obèses dans les Caraïbes. L'obésité, surtout grave, induit un risque très élevé de coronaropathies, de diabète, d'hypertension, d'éclampsie pendant la grossesse et de problèmes orthopédiques notamment. Elle est associée à une mortalité plus élevée.

Causes

La prise de poids, et finalement l'obésité, résulte d'un apport énergétique alimentaire supérieur aux dépenses du métabolisme basal, du travail et de l'exercice physique, et ce, pendant une durée prolongée. Une alimentation riche en lipides la favorise beaucoup plus qu'une alimentation riche en glucides, qu'ils soient simples ou complexes.

Il s'agit rarement de troubles endocriniens. Un excès alimentaire, même minime, peut conduire à l'obésité en quelques années. Par exemple, consommer 100 kcal en trop chaque jour (une tartine beurrée, 100 g de porridge de maïs, 220 g de bière, ou 2 cuillères de sucre) font prendre 3 kg par an, donc 15 kg en cinq ans.

D'autres causes métaboliques, endocriniennes ou génétiques contribuent aux effets du déséquilibre entre apport alimentaire et dépenses.

Chez les gens aisés, l'obésité résulte en partie d'une tendance à avoir moins d'activité physique. Des paysans qui effectuent un dur labeur aux champs et parcourent de longues distances à pied tous les jours brûlent beaucoup d'énergie. S'ils se retrouvent en ville, leur niveau de travail physique va généralement diminuer, alors qu'ils auront souvent accès à plus de nourriture plus riche en énergie. Ensuite, c'est souvent un cercle vicieux qui s'installe, la personne obèse ayant plus de mal à faire de l'exercice ou à travailler dur.

Les enfants obèses deviennent généralement des adultes obèses. Les nourrissons non allaités deviennent plus facilement obèses.

Manifestations

On considère qu'aux Etats-Unis plus de 30 pour cent des adultes ont au moins 20 pour cent d'excès pondéral. Il ne faut pas confondre l'obésité avec le surpoids des athlètes lié à une musculature très développée ni avec des œdèmes.

L'obésité se définit comme un excès de graisse corporelle. On l'estime en fonction de la taille du sujet, de son sexe et de son âge en utilisant l'écart type sur une moyenne. On peut aussi recourir à la mesure du pli cutané avec un pied à coulisse pour estimer la graisse sous-cutanée, soit au niveau du triceps soit en sous-scapulaire (voir chapitre 12).

On peut aussi calculer l'indice de masse corporelle (IMC):

IMC = poids en kg : [taille (en m)]2

Par exemple, pour une femme qui pèse 40 kg pour 1,50 m:

IMC = 40 : 1,52 = 17,78

Une autre femme pèse 65 kg pour 1,60 m:

IMC = 65 : 1,62 = 25,39

Si l'on se réfère au tableau 31, on voit que la première femme est probablement sous-alimentée, et la seconde est probablement obèse. On peut encore distinguer des catégories d'obésité: degré I (IMC de 25 à 29,9), degré II (IMC de 30 à 40) et degré III (IMC supérieur à 40).

Il existe des méthodes plus compliquées et plus onéreuses de mesure de la graisse corporelle, de la densité corporelle, de l'eau corporelle et de la composition corporelle, comme la pesée sous l'eau, l'analyse d'impédance bioélectrique et diverses mesures par ultrasons. Mais ces procédés ne sont généralement pas utilisables dans les pays en développement et ne sont décrits que dans des manuels spécialisés.

L'attitude vis-à-vis des obèses varie selon les sociétés. Alors, que dans les pays occidentaux, la minceur est actuellement un critère de beauté, les rondeurs féminines sont considérées comme plus séduisantes en Afrique. Au début du siècle, en Ouganda, les femmes de la famille royale étaient toutes obèses. Maintenant, c'est la crainte du sida appelé là-bas "slim disease" qui fait préférer les prostituées rondes considérées comme plus sûres.

Obésité et problèmes de santé

L'obésité induit de nombreux risques de santé:

Traitement et prévention de l'obésité

Etant donné les difficultés et les nombreux échecs du traitement de l'obésité, il est nettement préférable de la prévenir. Une éducation nutritionnelle qui commencerait à l'école donnerait aux populations les connaissances nécessaires et peut-être la motivation suffisante pour adapter leur alimentation à leurs dépenses. Il est toujours utile d'avoir suffisamment d'activité physique. C'est généralement le cas dans les zones rurales des pays en développement, et il suffit de valoriser le travail physique pour tous et tous les âges, qu'il s'agisse de travaux agricoles, de travaux d'utilité publique ou de sport; le simple fait de marcher plutôt que d'utiliser un transport peut prévenir l'obésité.

Certains experts affirment qu'un traitement n'est requis que pour les obésités de degré II et III, car un IMC entre 25 et 29,9 n'a que peu d'impact sur la santé et l'espérance de vie. Cependant, les obésités de degré II ou III sont toutes passées par le degré I, et il est important d'éviter l'évolution vers une aggravation.

Le traitement de l'obésité repose sur un double principe logique: diminuer l'apport énergétique, en diminuant par exemple les rations d'aliments à chaque repas, et augmenter les dépenses en ayant une activité plus soutenue. Mais, malgré sa simplicité, ce principe est d'application difficile chez les sujets qui ont été obèses un jour.

Des études récentes révèlent que l'équilibre général est maintenu si l'équilibre entre apport et oxydation existe pour chaque macronutriment, ce qui se produit généralement pour les glucides et les protéines. Ce sont donc les lipides qui gouvernent cet équilibre et qu'il faut diminuer jusqu'à atteindre un nouvel équilibre correspondant à une masse grasse inférieure. La réduction des lipides sera compensée par une plus grande consommation de fruits et légumes.

Tableau 31

Etat nutritionnel en fonction de l'IMC

IMC

Etat nutritionnel

<16

Malnutrition

16-18,5

Malnutrition possible

18,5-25

Nutrition probablement normale

25-30

Obésité possible

>30

Obésité

Il n'existe pas vraiment de traitement de l'obésité. Les amphétamines, les extraits thyroïdiens et autres médicaments sont déconseillés et requièrent, le cas échéant, une surveillance médicale étroite. De même, la plupart des régimes miracle à effet rapide sont inefficaces et même dangereux.

HYPERTENSION

L'hypertension est très fréquente dans les pays industrialisés et a une prévalence variable dans les pays en développement. Elle frappe par exemple 25 pour cent des gens de plus de 55 ans en Amérique du Nord et en Europe de l'Ouest, et plus encore au Japon. L'hypertension est associée aux coronaropathies et aux attaques, deux causes majeures de décès dans les pays industrialisés, dont la prévalence augmente actuellement dans les pays en développement, surtout les pays émergents d'Asie et d'Amérique latine et parmi la population aisée de tous les pays.

La forme la plus courante est l'hypertension essentielle qui se distingue des formes liées à une maladie particulière.

La tension artérielle se mesure en cm de mercure à l'aide d'un sphygmomanomètre qui indique la pression systolique (normalement autour de 12) et diastolique (normalement autour de 8). La limite supérieure est autour de 14/9; des résultats plus élevés sont fréquents chez des sujets âgés et, s'ils ne sont pas préoccupants, ils restent cependant anormaux.

Causes

On ne connaît pas la cause réelle de l'hypertension, mais on sait que l'obésité et les facteurs psychologiques jouent un rôle important ainsi que probablement des facteurs génétiques. Quant aux facteurs alimentaires, le principal est l'apport de sodium, bien que cela ne concerne probablement que les sujets qui ont une sensibilité au sel génétiquement déterminée. Cette question fait toujours l'objet de débats. Comme il n'existe pas actuellement de marqueur génétique de ce risque, une restriction générale de l'apport de sodium est préférable. Bien que la tension artérielle suive les variations de la consommation de sel, il n'y a pas de données statistiques significatives en faveur de la théorie selon laquelle une restriction de sel chez des sujets normotendus préviendrait la survenue ultérieure d'une hypertension.

L'apport de sodium provient en majorité du sel de cuisine ajouté à table, pendant la cuisson ou lors de la transformation industrielle des aliments (conserves, charcuteries, biscuits salés). En Asie, c'est le glutamate de sodium qui constitue la source principale de sodium. On trouve aussi du sel dans les comprimés effervescents d'aspirine notamment ou certaines bases. La consommation peut atteindre 50 g par jour, soit cinq fois plus que la quantité nécessaire.

Manifestations

L'hypertension peut rester longtemps asymptomatique mais se traduit souvent par des céphalées, des vertiges ou de la fatigue, symptômes peu spécifiques.

Elle se complique de coronaropathies, d'insuffisance vasculaire cérébrale à l'origine d'hémorragies ou de thromboses des vaisseaux du cerveau (attaques), de défaillance rénale et de problèmes oculaires comme une hémorragie rétinienne.

Sa gravité s'apprécie en fonction des chiffres de tension artérielle, surtout diastolique, et de l'état de la rétine ou du fond d'œil (vaisseaux et nerf optique) qui permet de classer le degré d'altération.

Traitement

Il suffit parfois de réduire l'apport de sel. Il faut aussi, le cas échéant, traiter l'obésité et l'alcoolisme. Les végétariens ont généralement une tension artérielle moins élevée que les autres.

Si ces mesures ne suffisent pas, un traitement médicamenteux peut être nécessaire. On trouvera des détails dans des manuels de médecine.

DIABÈTE

Le diabète est un trouble métabolique dans lequel le glucose sanguin est élevé en raison d'un déficit ou d'une diminution de l'efficacité de l'insuline. Il n'existe pas de traitement curatif et les complications sont nombreuses et souvent graves. Le traitement permet de les limiter. Le diabète est généralement secondaire à un trouble du pancréas qui sécrète l'insuline.

Il en existe deux types:

Causes et prévalence

On pressent depuis longtemps l'existence de facteurs génétiques puisque le diabète affecte des familles entières, mais le fait d'avoir le même type d'alimentation et d'activité physique joue aussi un rôle. Dans le type 2, l'obésité est un précurseur bien connu et son traitement permet d'améliorer les choses. Il n'y a pas de preuves qu'un apport élevé de sucre favorise la survenue du diabète ou qu'une alimentation riche en fibres et en sucres complexes ne réduise cette probabilité, sauf parce qu'un apport important de glucides complexes réduit d'autant les lipides et le risque d'obésité. Le diabète de type 1 est souvent associé à des infections virales précoces.

Le rapport de la Conférence internationale sur la nutrition (FAO/OMS, 1992a) indique qu'"une épidémie de diabète frappe les adultes de 30 à 62 ans à travers le monde" et que cette tendance est "fortement corrélée aux modifications du mode de vie et des facteurs socioéconomiques". Le diabète de type 2 affecte maintenant 3 à 6 pour cent de la population en Amérique du Nord et en Europe ainsi que dans certains pays en développement. On voit, par contre, une prévalence de 10 à 20 pour cent dans certaines sociétés urbaines indiennes ou chinoises et chez des immigrants indiens de deuxième ou troisième génération installés dans les Caraïbes, à Fidji, à Maurice, à Singapour et en Afrique du Sud. Par contre, le diabète est rare dans la majorité des communautés des pays en développement qui ont conservé un mode de vie et d'alimentation traditionnels.

On ne sait pas avec précision comment ces modifications du mode de vie agissent, mais il est certain que l'alimentation joue un rôle majeur, notamment l'excès d'alcool ainsi que la sédentarité et, parfois, davantage d'aisance financière.

Le diabète est lié à l'obésité, aux maladies cardiovasculaires et à l'alcoolisme.

Manifestations

Le diabète se caractérise par un taux élevé de glucose dans le sang (glycémie supérieur à 2 g/l ou 11 mmol, ou glycémie à jeun supérieur à 1,20 g/litre ou 7 mmol). Il est parfois détecté par la présence anormale de sucre lors d'une analyse d'urine. Enfin, le test de tolérance au glucose confirme le diagnostic.

Parmi les complications, on note les coronaropathies, la cataracte, les problèmes rénaux, l'impuissance masculine, les anomalies neurologiques et les troubles de la circulation sanguine qui peuvent aboutir à une gangrène des extrémités.

Traitement et prévention

Le but du traitement est d'éviter les complications en maintenant un niveau de glycémie le plus souvent possible proche de la normale, ce qui réduit le passage de glucose dans les urines. Le maintien d'un poids normal ou une perte de poids en cas d'obésité contribuent au traitement, notamment chez les personnes âgées, souvent obèses.

Le traitement repose sur trois principes: discipline, régime et médicaments. Le mode de vie doit être régulier, l'apport alimentaire adapté aux besoins et les médicaments utilisés seulement lorsque le reste ne suffit pas. Le succès repose sur une coopération entre les patients et le personnel soignant et la compréhension que, même en l'absence de traitement curatif, une relativement bonne santé peut se maintenir jusqu'à un âge avancé. Le diabète de type 2 répond généralement aux mesures alimentaires, mais certaines formes graves de type 2 ainsi que le type 1 requièrent généralement de l'insuline ou d'autres médicaments.

Le traitement idéal fait toujours l'objet d'un débat et les lecteurs intéressés peuvent se référer aux manuels de médecine interne pour plus de détails. Actuellement, la recommandation générale est une ration alimentaire où 55-65 pour cent des calories proviennent des glucides, 10-20 pour cent, des protéines et 20-30 pour cent, des lipides. Une alimentation variée et contenant beaucoup de fibres, de fruits et légumes et de céréales est souhaitable.

Les repas doivent être modestes, mais réguliers et fréquents, évitant autant les excès que le jeûne prolongé. Il est utile de fournir aux patients des listes d'équivalence (aliments ayant la même composition) pour composer plus facilement leurs menus. L'alcool doit être consommé avec beaucoup de modération.

Les diabétiques nécessitent une surveillance particulière en cas d'infection, de grossesse ou d'accouchement ou encore d'intervention chirurgicale. Les patients doivent connaître les principales complications afin de consulter rapidement en cas de problème.

CANCER

Certains cancers font partie des principales causes de décès dans les pays industrialisés. Comme pour les autres maladies déjà citées, le lien avec l'alimentation est de plus en plus évident, et la fréquence des cancers est inférieure dans les populations qui consomment beaucoup de fruits et légumes, de céréales et de légumineuses.

Les cancers du côlon, de la prostate et du sein, très fréquents dans les pays industrialisés, sont beaucoup plus rares dans les pays en développement. On pense, surtout pour le cancer du côlon, que l'incidence augmente parallèlement aux modifications alimentaires, comme la réduction des fruits et légumes et des fibres et l'augmentation des graisses. Inversement, les régimes végétariens ont un effet protecteur, notamment parce que leur richesse en fibres accélère le transit des aliments.

On discute toujours de l'effet protecteur éventuel des vitamines antioxydantes (A, C, E) et d'autres composés provenant des fruits et légumes vis-à-vis de ces cancers. Par ailleurs, une consommation excessive d'alcool favorise les cancers du foie et de l'estomac, tandis que le fait d'avoir allaité diminue les cancers du sein.

Dans certains pays en développement, surtout en Afrique et en Asie du Sud-Est, le cancer primitif du foie, ou hépatome malin, est très fréquent, voire le plus fréquent des cancers dans plusieurs pays africains. La recherche a montré que c'était l'infection précoce par le virus de l'hépatite B qui était en cause ainsi que la consommation de toxines hépatiques dans l'alimentation, la plus connue étant l'aflatoxine.

OSTÉOPOROSE

L'ostéoporose est une maladie chronique actuellement très fréquente dans les pays industrialisés surtout chez les femmes âgées et caractérisée par une déminéralisation excessive des os. C'est une accélération du processus normal de vieillissement. Elle augmente considérablement le risque de fracture, notamment du col du fémur et des vertèbres, à la suite de traumatismes minimes ou de chutes. Ces fractures sont épidémiques en Europe et en Amérique du Nord et entraînent des douleurs atroces, un raccourcissement de la colonne et des déformations du dos.

La cause n'est pas connue avec précision. On sait que, chez les femmes, elle est partiellement imputable à la chute post ménopausique des hormones féminines, notamment des œstrogènes, et au manque d'exercice. Certains pensent que le manque de calcium y contribue et des millions de personnes absorbent des comprimés de calcium dans l'espoir de l'éviter. En fait, l'apport de calcium est souvent beaucoup plus élevé dans les pays industrialisés que dans les pays en développement. Cependant, les besoins en calcium augmentent avec la quantité de protéines alimentaires, d'où leur élévation dans les pays occidentaux.

Il semble qu'un apport plus élevé de fluor contribue à maintenir la densité osseuse mais, bien que le fluor ait été utilisé dans le traitement de l'ostéoporose, il n'est pas actuellement recommandé. La prise d'œstrogènes après la ménopause permet certainement de limiter le risque chez les femmes. L'exercice physique intensif joue également un rôle majeur. Les femmes d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine qui, tant qu'elles en sont capables, travaillent aux champs, parcourent à pied de longues distances, portent de lourdes charges d'eau et de bois et sont généralement très actives, paraissent faire ce qu'il faut pour prévenir l'ostéoporose. Alors que les sujets immobiles perdent leur calcium osseux, qu'il s'agisse de patients atteints de fractures ou d'astronautes dans l'espace.

En Amérique du Nord et en Europe, davantage de calcium pourrait réduire la probabilité de survenue d'une ostéoporose. Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, 30 à 50 pour cent du calcium proviennent du lait. Il faut éviter le lait entier qui augmenterait trop l'apport énergétique et lipidique, notamment en graisses saturées. Des comprimés de calcium peuvent être utiles. Des recherches récentes ont montré qu'un traitement par des hormones parathyroïdiennes serait efficace dans certains cas.

AUTRES MALADIES CHRONIQUES AVEC
IMPLICATIONS NUTRITIONNELLES

La carie dentaire est la maladie humaine la plus répandue dans le monde. Cette manifestation et le rôle de l'alimentation dans son étiologie sont décrits au chapitre 21.

L'abus d'alcool, sporadique ou chronique, est fréquent dans tous les pays. L'alcool apporte 7 kcal par gramme, donc toute personne qui veut maintenir son poids tout en buvant doit réduire d'autant sa ration alimentaire. Son apport en vitamines et en minéraux diminue parallèlement, d'où la fréquence des déficits nutritionnels chez les alcooliques, comme le syndrome de Wernicke-Korsakoff, déficit en thiamine décrit au chapitre 16. Enfin, l'alcoolisme aboutit à la cirrhose du foie, souvent mortelle.

L'alcoolisme a aussi de graves conséquences familiales et sociales qui, à leur tour, retentissent sur la nutrition. L'argent normalement dévolu à l'achat de nourriture est en partie consacré à l'alcool. De plus, le conjoint ou parent éthylique est rarement à la hauteur de sa tâche et souvent incapable de subvenir aux besoins de sa famille. Sur le plan social, l'alcoolisme est à l'origine de nombreux problèmes, notamment de décès sur la route et de violence urbaine.

Rien ne prouve qu'une consommation modérée d'alcool soit nocive; elle peut même contribuer à une bonne santé à condition de rester modérée. Certaines études tendent même à démontrer que le fait de boire un verre de vin rouge pendant le repas principal, dans le cadre d'un régime de type méditerranéen, pourrait réduire le risque de maladie cardiaque.

Parmi les autres maladies, on peut citer les maladies des reins et de l'appareil urinaire, du système digestif dont l'estomac, de la vésicule biliaire et du foie, qui sont décrits dans les manuels de médecine.

CONTRASTE ENTRE LES PROBLÈMES NUTRITIONNELS DE LA PAUVRETÉ ET DE LA RICHESSE

Comme nous l'avons vu dans plusieurs chapitres, de nombreux déficits prévalant dans les pays en développement sont associés à l'insécurité alimentaire, à la pauvreté, aux maladies infectieuses et au manque de soins notamment. Il a été démontré que le développement économique, du moins celui qui s'accompagne de lutte contre la pauvreté, aboutit rapidement à une diminution des carences et de la malnutrition. On l'a vu au Costa Rica, à Cuba, en Malaisie, en Thaïlande et à Maurice. Les améliorations majeures en matière de malnutrition, de maladies infectieuses et de mortalité infantile résultent généralement de l'amélioration de l'instruction, d'une meilleure sécurité alimentaire des ménages, de l'amélioration de l'hygiène, de la fourniture d'eau potable et d'un accès plus facile à des services de santé de qualité correcte.

Par contre, à mesure que les taux de malnutrition et de maladies infectieuses, notamment les diarrhées et les parasitoses, diminuent, on voit augmenter les maladies cardiovasculaires, l'obésité, certains cancers, le diabète et les attaques. Cette transition et cette évolution du profil de santé apparaissent souvent d'abord dans les populations citadines aisées.

On dispose rarement de données fiables de morbidité; par contre, la plupart des pays possèdent des données de mortalité qui montrent clairement que, dans les pays en développement les plus aisés, les causes traditionnelles de décès - maladies infectieuses et malnutrition - ont considérablement diminué, et la mortalité infantile aussi. Dans le même temps, la mortalité due aux maladies non transmissibles liées à l'alimentation a considérablement augmenté: cancers, diabète, obésité, maladies cardiovasculaires, affections hépatiques chroniques dont la cirrhose, la lithiase biliaire et la cholécystite. Les statistiques de l'OMS pour 42 pays dont les données pour 1991-1992 étaient fiables ont montré que dans certains pays industrialisés, comme l'Australie, le Japon, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, la mortalité liée à ces maladies avait diminué entre 1960 et 1990. Alors que des pays en développement relativement aisés comme l'Equateur, Maurice et la Thaïlande voyaient au contraire un accroissement considérable de ces causes de décès. Dans la majorité de ces pays émergeants, les causes de décès des personnes de 45 à 54 ans étaient similaires à celles des pays industrialisés entre 1985 et 1989. Leur déclin significatif dans les pays industrialisés est imputable aux efforts d'éducation et aux messages de santé publique invitant la population à changer ses comportements alimentaires, surtout à réduire la quantité de graisses. D'autres changements de comportements comme la diminution du tabagisme y ont certainement aussi contribué.

Cette évolution des pays en développement les plus aisés touche d'abord la population la plus aisée, donc souvent l'élite professionnelle. Ces maladies sont donc susceptibles d'altérer leur productivité et aussi d'absorber pour leur traitement une part croissante du budget de santé. Le défi que les nutritionnistes doivent affronter est d'éviter aux pays émergeants le passage par cette phase de transition.

Les pays en développement qui s'industrialisent rapidement et voient leurs revenus augmenter, sont en mesure d'agir maintenant avant que ces maladies n'aient pris trop d'ampleur. Il faut affronter ce défi et non l'ignorer. Malgré l'importance de la lutte contre le tabagisme, la lutte contre les erreurs alimentaires constitue la priorité. La Chine fait partie des quelques pays qui s'intéressent au problème. C'est un pays doublement concerné parce que c'est le plus peuplé du monde et parce qu'il est passé, en 50 ans, de l'extrême pauvreté avec des famines fréquentes et une mortalité surtout due aux maladies infectieuses à un pays en plein essor économique avec une sécurité alimentaire et des services de santé qui ont maîtrisé la majorité des maladies infectieuses. La Chine a aussi un type de gouvernement qui contrôle davantage ses citoyens, ce qui favoriserait toute action visant à réduire le tabagisme et les erreurs alimentaires croissantes. Ce serait un exemple pour bien d'autres pays.

Depuis le milieu des années 90, on s'est aussi beaucoup préoccupé des maladies cardiovasculaires en Europe de l'Est et dans l'ex-URSS.

DIRECTIVES ALIMENTAIRES

Les directives en matière de nutrition ont plusieurs objectifs. Elles peuvent servir à établir des priorités nationales dans le secteur de la santé ou faciliter la planification économique (objectifs alimentaires) ou s'adresser aux individus (apports recommandés, directives alimentaires). Toutes ces formes visent à aider la population à atteindre un état nutritionnel optimal, gage de bonne santé.

Comme les hommes ont des besoins nutritionnels similaires selon leur âge, leur sexe et leur stature, ces directives peuvent jusqu'à un certain point être préparées dans une perspective mondiale. Par contre, les stratégies varieront d'une population à l'autre et devront tenir compte de l'environnement biologique et physique ainsi que des facteurs économiques et socioculturels. Les directives doivent refléter ces facteurs.

Ces directives offrent des conseils, des principes et des critères de bonnes habitudes alimentaires pour le bien-être général destinées à des individus.

Elles sont basées sur les connaissances scientifiques actuelles en matière de besoins nutritionnels et aussi sur les types de maladies nutritionnelles prévalant dans la société considérée. Elles tiennent compte des habitudes alimentaires locales et proposent des modifications qui contribuent à réduire les maladies nutritionnelles. Elles sont un moyen pratique d'atteindre les objectifs nutritionnels généraux de la population.

Pendant longtemps, ces directives ont été exprimées en termes techniques alors que, maintenant, elles sont écrites en langage ordinaire et, dans la mesure du possible, sous forme d'aliments. Elles varient selon le pays ou la région, mais il faut reconnaître que plusieurs types d'alimentation sont compatibles avec une bonne santé et élaborer des propositions adaptées aux conditions locales.

Comme l'alimentation n'est pas l'unique élément d'une bonne santé, les organisations qui élaborent les directives nutritionnelles sont encouragées a y intégrer d'autres messages concernant par exemple la consommation de tabac ou d'alcool, ou encore l'activité physique.

Il faut considérer les points clés suivants lors de l'élaboration des directives:

La consultation conjointe FAO/OMS sur la préparation et l'utilisation des directives alimentaires de 1995 a plaidé en faveur du concept de densité des nutriments appliquée à l'ensemble des aliments - par exemple la quantité de nutriments essentiels apportés par 1 000 kcal - plutôt que les apports journaliers recommandés pour chaque nutriment. L'annexe 4 fournit des densités de référence pour différents aliments.

PROFITONS AU MIEUX DE NOTRE NOURRITURE - UNE INITIATIVE DE LA FAO POUR L'ÉLABORATION DE DIRECTIVES ALIMENTAIRES PRATIQUES

La FAO a produit un ensemble de matériels d'éducation basés sur les considérations ci-dessus et susceptibles de favoriser l'élaboration de directives pratiques. Le module intitulé Profitons au mieux de notre nourriture, est basé sur la reconnaissance du fait que la nourriture a une valeur et un sens qui vont bien au-delà de la simple fourniture de nutriments. Manger fait partie des plaisirs naturels de la vie et, au sein d'une société, assurer la subsistance et partager la nourriture ont une signification sociale considérable. Il faut tenir compte des rôles multiples de la nourriture et des comportements alimentaires dans l'élaboration des directives.

L'initiative de la FAO repose sur quatre principes:

Quatre messages positifs

L'initiative de la FAO Profitons au mieux de notre nourriture est basée sur quatre messages qui peuvent servir non seulement à élaborer des directives alimentaires, mais aussi des programmes d'information du public ou des écoles notamment. Le concept et les messages sont positifs, simples et directs. Ils visent à promouvoir des profils de consommation sains et réalistes pour tous les âges et encouragent une approche sensée et pratique de la nutrition.

Offrons-nous les plaisirs d'une alimentation variée. Ce message recouvre deux concepts: d'abord, la nourriture et les directives alimentaires doivent être positives, ce qui change des messages négatifs souvent associés aux directives alimentaires, surtout dans les pays riches; ensuite, une alimentation appropriée est forcément variée. La diversité est nécessaire, et on peut goûter tous les types d'aliments dans le cadre d'une alimentation saine. Cette reconnaissance de l'intérêt de la variété des aliments est particulièrement importante, car elle compense notre compréhension encore sommaire des besoins nutritionnels, des interactions entre aliments et de la relation santé-nutrition.

Mangeons pour satisfaire nos besoins. Ce message met l'accent sur l'évolution des besoins nutritionnels au cours de la vie et la manière de satisfaire ces besoins avec les aliments locaux. On attire l'attention sur les besoins des périodes à risque (grossesse, allaitement maternel, première année de vie, maladies, vieillesse) et des moments difficiles où, par exemple, la nourriture manque. Ce message permet aussi d'aborder les problèmes liés à la surconsommation et à une alimentation déséquilibrée.

Protégeons la qualité et la salubrité de nos aliments. Ce concept est souvent négligé, malgré son importance dans les pays en développement comme dans les pays industrialisés. Dans les pays en développement, la malnutrition est souvent aggravée par la médiocre hygiène de l'eau et des aliments, et la consommation d'aliments contaminés ou de qualité médiocre est un risque universel majeur. Des efforts vigoureux sont nécessaires au sein des familles, des écoles, des villages, de l'industrie alimentaire et de la conservation.

Soyons actifs et restons en forme. Ce message signifie que le bien-être ne repose pas seulement sur une nourriture appropriée. Le corps humain a besoin d'exercice pour bien fonctionner et rester en bonne santé. La majorité des maladies liées à l'alimentation sont aussi liées au profil d'activité physique, et les directives alimentaires doivent en tenir compte.

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