Page PrécédenteTable des MatièresPage Suivante

Chapitre 26

Céréales, racines amylacées et autres aliments riches en glucides

Les premiers habitants de la Terre vivaient principalement d'aliments provenant de la chasse et de la cueillette. Les grains de céréales ont été parmi les premiers à être cultivés et récoltés. Les anciennes civilisations prospérèrent en partie grâce à leur aptitude à produire, engranger et distribuer ces grains de céréales: le maïs en Amérique avant l'arrivée des Européens, le riz dans les grandes civilisations asiatiques, et l'orge en Ethiopie et en Afrique du Nord-Est.

Les aliments riches en glucides sont importants parce qu'ils constituent la base de la plupart des régimes alimentaires, en particulier des habitants les plus pauvres des pays en développement. Dans les pays en développement, ces aliments représentent généralement 70 pour cent ou plus de l'apport énergétique de la population (contre moins de 40 pour cent aux Etats-Unis et en Europe).

CÉRÉALES

Au cours des siècles, de nombreuses plantes de la famille des graminées ont été cultivées pour les graines comestibles que constituent les grains de céréales. Les céréales représentent une partie importante du régime alimentaire de beaucoup de gens, notamment le maïs, le sorgho, le millet, le blé, le riz, l'orge, l'avoine, le tef et le quinoa. Le triticale, une nouvelle céréale d'un intérêt considérable, est un croisement entre le blé et le seigle.

Bien que la forme et la taille des graines puissent être différentes, tous les grains de céréales ont une structure et une valeur nutritive très voisines: 100 g de grain complet fournit environ 350 kcal, 8 à 12 g de protéines et des quantités utiles de calcium, de fer (bien que l'acide phytique puisse en freiner l'assimilation) et des vitamines du groupe B (voir tableau 33). Quand ils sont secs, les grains de céréales ne contiennent pas du tout de vitamine C ni de carotène (provitamine A), exception faite du maïs jaune. Pour un régime alimentaire équilibré, les céréales doivent être accompagnées d'aliments riches en protéines, en minéraux, et en vitamines A et C. (La vitamine D peut être obtenue en s'exposant au soleil.)

La structure des grains de céréales est la suivante (figure 15):


L'embryon est la partie du grain qui germe quand il est planté ou trempé dans l'eau. Il est bourré de nutriments. Bien que de petite taille, l'embryon contient souvent 50 pour cent de la thiamine, 30 pour cent de la riboflavine et 30 pour cent de la niacine, du grain complet. L'aleurone et les autres membranes extérieures contiennent 50 pour cent de la niacine et 35 pour cent de la riboflavine. L'endosperme, bien que partie la plus grosse du grain, contient moins d'un tiers des vitamines B. Comparé aux autres parties du grain, l'endosperme est également plus pauvre en protéines et en minéraux, mais il constitue la principale source d'énergie, sous la forme d'un hydrate de carbone complexe, l'amidon.

TABLEAU 33

Contenu en certains nutriments de 100 g d'une sélection de céréales

Aliment

Energie

Protéines

Lipides

Calcium

Fer

Thiamine

Riboflavine

Niacine

 

(kca)

(g)

(g)

(mg)

(mg)

(mg)

(mg)

(mg)

Farine de maïs complète

353

9,3

3,8

10

2,5

0,30

0,10

1,8

Farine de maïs raffinée

368

9,4

1,0

3

1,3

0,26

0,08

1,0

Riz poli

361

6,5

1,0

4

0,5

0,08

0,02

1,5

Riz étuvé

364

6,7

1,0

7

1,2

0,20

0,08

2,6

Blé complet

323

12,6

1,8

36

4,0

0,30

0,07

5,0

Farine blanche de blé

341

9,4

1,3

15

1,5

0,10

0,03

0,7

Mil perlé

341

10,4

4,0

22

3,0

0,30

0,22

1,7

Sorgho

345

10,7

3,2

26

4,5

0,34

0,15

3,3

Transformation

Les grains de céréales destinés à notre alimentation subissent différentes transformations. Tous les procédés de transformation ont en commun d'être conçus pour séparer les couches fibreuses du grain. Certains procédés, toutefois, ont également pour objectif de produire un produit blanc hautement raffiné, obtenu principalement à partir de l'albumen du grain. Une autre caractéristique commune à ces transformations est qu'elles peuvent réduire la valeur nutritionnelle du grain.

Les méthodes traditionnelles de transformation, qui font usage d'un pilon et d'un mortier ou de cailloux, produisent généralement un grain de céréale qui a perdu une partie de ses membranes extérieures, mais qui a gardé au moins une partie du germe, dont le scutellum. Bien qu'une transformation soignée et prolongée, comme peuvent l'être les méthodes traditionnelles, puisse donner un produit hautement raffiné, ce mode de préparation est peu usité. Un broyage léger, identique au pilage fait à la maison, donne également un produit qui garde l'essentiel de ses nutriments. Un tel procédé offre l'avantage supplémentaire d'enlever une grosse charge de travail à la femme au foyer, le pilage du grain étant habituellement une tâche qui lui revient.

Broyer finement les grains de céréale dans le but d'obtenir un produit très raffiné n'est pas souhaitable d'un point de vue nutritionnel. Dans les céréales raffinées comme la farine blanche de maïs ou de blé ou le riz poli, une partie du germe et des couches périphériques contenant l'essentiel des vitamines B, des protéines et des minéraux est éliminée. Les meuniers sont cependant au service du public, qui réclame de plus en plus des produits d'un blanc pur, au goût suave et neutre et facilement digestibles. Ces exigences ont abouti, dans la première moitié du XXe siècle, à une augmentation massive de la production de farines de céréales raffinées et de riz blanc, dans des moulins "améliorés" qui séparent de plus en plus les parties nutritives du grain, ne gardant que l'albumen blanc.

Le pourcentage du grain original qui reste dans la farine après broyage est appelé le taux d'extraction. Ainsi, une farine ayant un taux d'extraction de 85 pour cent contient 85 pour cent (en poids) du grain complet; 15 pour cent en ont donc été éliminés. Une farine dont le taux d'extraction est élevé n'a perdu qu'une petite partie des nutriments se trouvant dans les couches externes et dans le germe, alors qu'une farine avec un taux d'extraction bas en a perdu davantage. D'un point de vue commercial, les avantages des farines ayant un taux d'extraction plus bas sont qu'elles sont plus blanches, et donc se vendent mieux; leur teneur lipidique est plus faible, d'où moins de risques de rancir; elles contiennent moins d'acide phytique, ce qui peut faire que les minéraux venant des aliments associés sont mieux assimilés; elles ont également une meilleure qualité de cuisson pour le consommateur, ces farines présentent l'inconvénient de contenir moins de vitamines B, de minéraux, de protéines et de fibres que les farines à taux d'extraction élevé.

Dans de nombreux pays, les modes alimentaires naissent dans les classes aisées. Tant que la nouvelle mode reste confinée à ceux qui ont des revenus élevés, elle n'est pas très nuisible, car ces personnes peuvent s'offrir un meilleur régime alimentaire d'ensemble qui compense les nutriments qu'ils perdent en suivant la mode. Cependant, l'engouement pour les farines blanches s'est étendu à toutes les couches de la société, pauvres et riches, dans de nombreux pays. La consommation de riz poli s'est également répandue rapidement partout en Asie il y a plus de 80 ans.

Quand la préférence pour la farine blanche ou le riz poli entraîne la consommation d'une céréale de base rendue carencée par le raffinage, il en résulte des problèmes de santé pour ceux qui n'incluent pas dans leur alimentation d'autres aliments compensant cette carence. Beaucoup de misère, de souffrances et de morts ont été la conséquence directe de l'introduction de céréales raffinées parmi les populations d'Asie au début du XXe siècle, quand le béribéri devint une maladie très répandue (chapitre 16).

L'industrialisation et l'urbanisation dans les pays en développement ont entraîné une augmentation de la consommation de pain, du fait de son côté pratique pour les travailleurs déjeunant loin de leur domicile.

On trouve de plus en plus de produits industriels à base de céréales parmi les aliments pour bébés et ceux destinés au petit déjeuner. Dans les pays en développement, ces produits sont importés pour la plupart. Ils peuvent être pratiques, mais ils restent relativement chers et n'ont pas d'avantages spéciaux, d'un point de vue nutritionnel, par rapport aux céréales locales préparées de manière traditionnelle. Toutefois, le battage publicitaire dont ils font l'objet fait qu'ils sont considérés comme des aliments prestigieux et, à tort, comme plus nutritifs que les aliments locaux. On devrait décourager leur utilisation auprès de ceux qui ne peuvent pas vraiment se les offrir.

La législation exigeant que la minoterie rajoute des vitamines dans les farines de céréales existe dans certains pays et peut être efficace. Cette réglementation ne fonctionne pas aussi bien avec le riz parce qu'il est généralement acheté et consommé en grains, alors que le maïs et le blé ainsi que la plupart des autres céréales sont achetés sous forme de farine. Des tentatives ont été faites en Asie pour ajouter des vitamines sous une forme concentrée à quelques granules artificiels et les mélanger au riz. Cette méthode ne s'est pas avérée efficace, en partie à cause de la riboflavine (une des vitamines B) qui est jaune et donne une couleur inacceptable à ceux qui veulent un produit uniformément blanc.

Maïs

Le maïs (Zea mays) est un aliment très important en Amérique et dans une grande partie de l'Afrique. Il a d'abord été cultivé en Amérique, où il fut un aliment important des grandes civilisations Aztèques et Mayas bien avant l'arrivée de Christophe Colomb et des colonisateurs. Les semences furent rapportées en Europe et plus tard en Afrique, où le maïs est maintenant l'aliment de base du régime alimentaire dans de nombreuses régions (photo 47). Le maïs est populaire parce que son rendement est très élevé. Il pousse dans des régions chaudes et assez sèches (plus sèches que les régions de culture du riz, mais pas autant que les régions de culture du sorgho et du mil). Il mûrit vite et possède une résistance naturelle face aux dégâts occasionnés par les oiseaux. Les Etats-Unis sont le plus grand producteur de maïs, mais une grande partie de la production sert à l'alimentation animale.

Teneur en nutriments. Les grains de maïs contiennent à peu près la même quantité de protéines que les autres céréales (8 à 10 pour cent), essentiellement sous la forme de zéine, une protéine de qualité médiocre qui contient peu de lysine et de tryptophane. La déficience en ces acides aminés essentiels peut en partie expliquer la relation remarquée entre la consommation de maïs et la pellagre (voir chapitre 17). On trouve 2 mg de niacine dans 100 g de grain complet de maïs, donc moins que dans le blé ou le riz et à peu près la même quantité que dans l'avoine. La niacine dans le maïs est sous une forme liée et n'est pas entièrement disponible pour l'homme. Au Mexique, entre autres, le maïs est traité avec une solution alcaline de citron vert, ce qui libère la niacine et aide à prévenir la pellagre. Le maïs ainsi traité est utilisé pour la confection des tortillas, un aliment important au Mexique.

On a mis au point de nouvelles variétés de maïs, par exemple le maïs opaque 2, à composition améliorée en acides aminés.

Transformation. Tout comme pour les autres céréales, le broyage du maïs réduit sa valeur nutritive. En Afrique, la popularité et la consommation croissantes de plats à base de maïs raffiné au lieu de maïs traditionnellement concassé et légèrement broyé pourrait engendrer un problème. En effet, le produit fortement broyé est carencé en vitamines B (tableau 34). Il faut manger 600 g de maïs raffiné pour obtenir la quantité de thiamine présente dans 100 g de maïs à peine broyé. Les constituants des vitamines B perdus lors du broyage peuvent être remplacés dans un plat à base de maïs par un enrichissement. Un tel procédé est très efficace dans nombre de pays. Une législation garantissant un taux adéquat de vitamines B dans les farines de céréales peut être réalisable et vaudrait la peine d'être adoptée par un plus grand nombre de pays.

TABLEAU 34

Effet du broyage sur les vitamines B contenues dans le maïs (mg par 100 g)

Niveau

Thiamine de transformation du maïs

Riboflavine

Niacine

Grain complet

0,35

0,13

2,0

Légèrement broyé

0,30

0,13

1,5

Fortement broyé (65 pour cent d'extraction)

0,05

0,03

0,6

Riz

Le riz, comme les autres céréales, est une plante cultivée (photo 48). Des variétés sauvages ont existé pendant des siècles en Asie (Oryza sativa) et en Afrique (Oryza glaberina). Le riz est un aliment particulièrement important en Chine et dans d'autres pays d'Asie, où vit près de la moitié de la population mondiale. Il représente également une part importante du régime alimentaire des habitants du Proche-Orient, d'Afrique et, dans une moindre mesure, des Amériques. Une part importante est produite en Asie, sur de petites surfaces irriguées ou inondées. Mais on fait également pousser du riz dans des régions dites pluviales, où l'irrigation n'est pas forcément nécessaire.

Teneur en nutriments. Les couches extérieures et le germe contiennent à eux seuls presque 80 pour cent de la thiamine du grain de riz. L'albumen, bien que constituant 90 pour cent du poids du grain, ne contient pas plus de 10 pour cent de la thiamine. La lysine et la thréonine sont les acides aminés limitants présents dans le riz.

Transformation. Après la récolte, les grains de riz peuvent être décortiqués de différentes façons. La méthode traditionnelle de décorticage, que l'on pratique à la maison dans un mortier en bois et où on trie le riz dans un plateau plat, aboutit généralement à une perte d'environ la moitié des couches externes ainsi que du germe. On obtient un produit contenant à peu près 0,25 mg de thiamine par 100 g. Le décorticage et ensuite le polissage, qui donne ce riz blanc si estimé vendu dans le commerce, débarrassent le grain de presque toutes ses couches externes ainsi que du germe et aboutissent à un produit qui ne contient plus qu'environ 0,06 mg de thiamine par 100 g. Cette quantité est très insuffisante. En Asie, un grand nombre de pauvres ont un régime alimentaire à base de riz pratiquement toute l'année. Une personne qui mange 500 g de riz poli par jour n'obtient que 0,3 mg de thiamine, alors que la même quantité de riz à peine décortiqué fournirait approximativement 1,25 mg de thiamine, soit à peu près la ration normale pour un homme moyen.

On peut enrichir le riz en y ajoutant des micronutriments. Un autre moyen de produire un riz décortiqué, raisonnablement blanc, et qui contient cependant des quantités adéquates de vitamines B est le procédé de l'étuvage. Ce traitement a généralement lieu à la rizerie, mais il peut être fait à la maison. Le riz paddy ou entier est chauffé à la vapeur de façon à ce que l'eau soit absorbée par le grain entier, albumen compris. Les vitamines B, qui sont solubles dans l'eau, sont ainsi réparties de manière égale partout dans le grain (figure 16). Le riz paddy est séché et débarrassé de ses enveloppes. Il est ensuite prêt à être décortiqué selon la méthode ordinaire. Même s'il est décortiqué et poli, le grain étuvé conserve l'essentiel de la thiamine et autres vitamines B.

La solubilité des vitamines B présente des inconvénients. Le riz qui est trop lavé à l'eau perd une partie de ses vitamines B par dissolution. De la même manière, si on fait cuire le riz dans une trop grande quantité d'eau, une proportion considérable de ses vitamines sera perdue avec l'eau de la cuisson. Le riz doit donc être cuit avec juste la quantité d'eau qu'il absorbera. S'il reste de l'eau, il faudrait l'utiliser dans une soupe ou un ragoût: les vitamines B qu'elle contient ne devraient pas être gaspillées.


Blé

Le blé (genre Triticum) est la céréale la plus largement cultivée dans le monde, et ses produits sont très importants en nutrition humaine. Dans les nombreuses parties du monde où il ne peut pas être cultivé, le blé est importé et est en train de devenir un élément de plus en plus important du régime alimentaire, en particulier pour les populations urbaines. Toutefois, l'importation de blé d'un pays, comme celle de tous les autres produits, doit être compensée par l'exportation d'autres produits pour éviter les déséquilibres de son commerce extérieur.

Le pain, généralement fabriqué à partir de farine de blé, est un aliment pratique et populaire. Quand il est acheté, il fait gagner du temps et de l'énergie aux familles pauvres. Les pâtes, également, deviennent de plus en plus populaires dans certains pays en développement.

Teneur en nutriments. Le blé fournit un peu plus de protéines que le riz ou le maïs, environ 11 g par 100 g. L'acide aminé limitant est la lysine. Dans de nombreux pays industrialisés, la farine de blé est enrichie en vitamines B et parfois en fer et autres nutriments.

Transformation. Le blé est généralement broyé et transformé en farine. Comme pour les autres céréales, la teneur en nutriments dépend du degré de broyage, c'est-à-dire du taux d'extraction. Les farines à taux d'extraction bas ont perdu une grande partie de leurs nutriments. Dans certains pays en développement où le blé est de plus en plus utilisé, les boulangers ont encouragé la tendance à choisir des produits hautement raffinés parce que la farine blanche de blé possède une meilleure qualité de cuisson. Les commerçants préfèrent également le produit raffiné parce qu'il se conserve mieux. Son faible contenu lipidique réduit les risques de rancissement, et son faible contenu vitaminique fait qu'il attire moins les insectes et autres nuisibles.

Mil et sorgho

Le mil et le sorgho sont des céréales largement cultivées en Afrique et dans certains pays d'Asie et d'Amérique latine. Bien que moins répandus que le maïs, le blé ou le riz, ce sont des aliments importants. Comme ils résistent mieux à la sécheresse que le maïs et les autres céréales, ils sont souvent cultivés dans des régions où les pluies sont rares ou imprévisibles. Ce sont des cultures intéressantes parce que presque toutes les variétés contiennent un pourcentage plus élevé de protéines que le maïs. La protéine est également de meilleure qualité, avec un contenu plutôt élevé de trypthophane. Le mil et le sorgho sont également riches en calcium et en fer. Comme ils sont plus souvent transformés à la maison qu'au moulin, les pertes en vitamines, minéraux et protéines sont moins importantes. Cependant, dans de nombreuses régions d'Afrique, ils sont petit à petit remplacés par le riz et le maïs, même si on continue à les cultiver pour en faire de la bière. Dans certains pays d'Asie, le mil est considéré comme un aliment des classes pauvres.

De nombreuses variétés de mil et de sorgho ont l'inconvénient d'être attaquées par les oiseaux et ont tendance à perdre leurs grains. Les pertes sont souvent élevées. Certains pays utilisent le mil et le sorgho essentiellement pour nourrir les animaux.

On pense que le sorgho (Sorghum vulgare ou S. bicolor) est originaire d'Afrique, mais il est maintenant cultivé dans de nombreux pays. On le trouve également sous le nom de guinéa (Afrique de l'Ouest) ou de dourah (Afrique de l'Est), alors qu'en Inde il est connu sous le nom de jowar. Il existe plusieurs variétés de sorgho; la plupart sont des variétés géantes et ont une inflorescence importante, mais il y a également des variétés naines. Le grain est généralement grand, mais la couleur et la forme varient. Le sorgho exige plus d'humidité que le mil, mais moins que le maïs. C'est une céréale nutritive dont les nombreuses variétés ont un contenu protéique plus élevé que d'autres céréales.

Il existe plusieurs espèces de mil. La plus importante en Afrique est le mil à chandelle (Pennisetum glaucum), également appelé mil perlé, et le mil fonio (Eleusine coracana). Le premier, comme son nom l'indique, ressemble plutôt à une chandelle, mais l'inflorescence peut être plus longue et plus épaisse, allant parfois jusqu'à 1 x 8 cm (photo 49). L'inflorescence du fonio a la forme d'une main flasque. Les graines sont plus petites que celles du mil à chandelle. On l'utilise très souvent pour la fabrication de la bière.

Autres céréales

Avoine. Dans les pays en développement, la consommation d'avoine est peu importante. Elle est cultivée sur certaines hautes terres froides, où elle est préparée localement et habituellement non transformée. L'avoine est une bonne céréale, qui contient plutôt plus de protéines que le maïs, le riz ou le blé, mais qui contient en abondance de l'acide phytique qui peut empêcher l'assimilation du fer et du calcium. L'avoine est importée pour en faire des bouillies et est utilisée dans la fabrication de certains aliments pour bébés.

Seigle. Le seigle est peu cultivé en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Même en Europe, il ne représente qu'une petite part du régime alimentaire. Il a des propriétés nutritives voisines de celles des autres céréales et on l'ajoute parfois à la farine de blé pour en faire du pain.

Orge. Elle est cultivée dans certaines régions d'Afrique où poussent le blé, et dans les régions montagneuses d'Asie et d'Amérique du Sud. On la consomme généralement en bouillies épaisses préparées à la maison. En Europe, elle est maintenant principalement destinée à l'alimentation animale et entre dans la préparation de boissons alcoolisées telles que la bière et le whisky.

Triticale. Cette nouvelle céréale (photo 50) est un croisement entre le blé et le seigle. Il semble avoir un rendement élevé et une bonne valeur nutritive. Il est particulièrement adapté aux climats tempérés.

Tef. (Eragrostis tef) Le tef est une importante céréale en Ethiopie, où elle occupe une place particulière bien qu'elle ait un rendement relativement bas. On le broie généralement pour en faire une farine que l'on fait cuire sous forme de crêpe appelée injera. Sa valeur nutritive est comparable à celle des autres céréales, mais elle est plus riche en fer et en calcium. La grande consommation de tef dans certaines régions d'Ethiopie peut expliquer le fait qu'on y trouve peu de cas d'anémie ferriprive.

Quinoa. C'est une céréale dont le grain ressemble à celui du mil et qui est cultivée en Amérique du Sud, en particulier sur les hauts plateaux des Andes. Elle pousse bien, même quand les pluies sont rares, que le sol est peu fertile et que les nuits sont fraîches. Elle a une place importante dans le régime alimentaire de certaines populations andines.

FÉCULENTS ET RACINES AMYLACÉES

Partout dans le monde, une part importante du régime alimentaire est constituée de tubercules, de racines et de rhizomes comestibles. Dans les pays tropicaux, il s'agit du manioc, de la patate douce, du taro, de l'igname et de l'arrow-root. Dans les zones plus tempérées, on cultive largement la pomme de terre.

Ces plantes vivrières sont généralement faciles à cultiver et ont un bon rendement par unité de superficie. Elles contiennent une bonne quantité d'amidon et constituent donc une source d'aliments énergétiques relativement faciles à obtenir. En tant qu'aliments de base, ils sont toutefois inférieurs aux céréales parce qu'ils sont constitués de deux tiers d'eau, ont nettement moins de protéines, et moins de minéraux et de vitamines. Ils contiennent généralement moins de 2 pour cent de protéines (contre à peu près 10 pour cent pour les céréales). Le taro et l'igname peuvent toutefois contenir jusqu'à 6 pour cent de protéines de bonne qualité.

Manioc

Bien que le manioc (Manihot esculenta), connu aussi sous le nom de taro, soit originaire d'Amérique du Sud, il est maintenant largement cultivé dans de nombreuses régions d'Afrique et d'Asie, principalement pour ses racines tubérisées riches en amidon qui peuvent atteindre une taille énorme. La multiplication de manioc par bouturage est très facile; c'est une plante qui a une grande faculté d'adaptation tant au climat (il résiste aux pires conditions climatiques) qu'au sol (il peut pousser dans un sol pauvre), qui nécessite relativement peu de soins, et qui, jusqu'à récemment, n'était pas très affectée par les insectes ou les maladies. Cependant, dans certaines parties d'Afrique, au Malawi notamment, les plants de manioc ont été attaqués et détruits par une cochenille.

Le rendement énergétique des racines de manioc est souvent très élevé, potentiellement plus élevé que celui des céréales. Certaines sociétés consomment les feuilles qui sont nutritives. Toutefois, le défaut majeur du manioc est qu'il ne contient que des glucides. En tant que principale source énergétique, il n'est pas adapté au bébé et au jeune enfant du fait de son faible contenu protéique. Il faudrait donc le compléter avec des céréales, mais aussi avec des légumineuses ou tout autre aliment riche en protéines. Néanmoins, dans les régions non arides où les plus grands problèmes d'alimentation et de nutrition découlent des pénuries alimentaires globales et de carences énergétiques, la culture du manioc doit être encouragée par son haut rendement et ses autres avantages agricoles.

Le manioc contient moins de 1 pour cent de protéines, nettement moins que les 10 pour cent contenus dans le maïs ou les autres céréales (photo 51). Il n'est donc pas surprenant de trouver un plus grand nombre de jeunes enfants souffrant d'un kwashiorkor dû à une carence protéique parmi les enfants qui sont sevrés au manioc que parmi ceux qui sont sevrés au mil ou au maïs. De plus, le manioc contient nettement moins de fer et de vitamines B que les grains de céréales.

Le manioc, en particulier les variétés amères, contient parfois des glucosides cyanogènes. Ces substances toxiques sont surtout présentes dans la couche extérieure du tubercule. Peler le manioc permet donc de réduire la quantité potentielle de cyanure. Le faire tremper dans l'eau ou le faire bouillir dans une eau que l'on jettera ensuite permet également de réduire les taux de poison. Enfin, la toxicité peut être diminuée si on écrase, râpe et fermente les racines de manioc. Toutes ces pratiques tendent à faire diminuer les effets toxiques. La consommation de manioc a aussi des incidences sur l'apparition de goitre et de troubles de carence en iode (voir chapitre 14).

Les feuilles de manioc sont souvent utilisées en tant que légume vert. Leur valeur nutritive est similaire à celle des autres feuilles vertes. Elles contiennent du carotène (vitamine A), de la vitamine C, du fer et du calcium. Ces feuilles contiennent aussi des protéines. De façon à conserver un maximum de vitamine C dans les feuilles, il ne faut pas les faire cuire plus de 20 minutes.

La racine de manioc peut être consommée grillée ou bouillie, mais bien souvent on la fait sécher au soleil puis réduire en une fine farine blanche. Dans certains pays, le manioc est traité industriellement. Le produit que l'on obtient après transformation est le tapioca, qui est essentiellement de l'amidon. En Afrique de l'Est, le manioc est utilisé pour faire du foufou (racine bouillie et broyée finement). Dans certains pays, en Indonésie par exemple, on considère le manioc comme un aliment de pauvre et, dans d'autres, comme un aliment réservé aux situations de famine.

Patate douce

Originaire d'Amérique, sa culture est maintenant très répandue en Afrique tropicale et en Asie, en général à partir de boutures des tiges. Comme celui du manioc, le tubercule, de forme irrégulière et de taille variée, contient très peu de protéines. La patate douce contient de la vitamine C, et les variétés de couleur, en particulier la variété jaune, fournissent une quantité non négligeable de carotène (provitamine A). Les feuilles sont souvent consommées et possèdent des propriétés quasi identiques à celles du manioc. Néanmoins, il ne faut pas trop cueillir les feuilles car, comme avec les autres tubercules, cela réduit le rendement de la culture.

Igname

Le genre Dioscorea comporte plusieurs variétés, dont certaines sont originaires d'Afrique, ou d'Asie ou d'Amérique. Elles varient en forme, en couleur et en taille, mais aussi dans la qualité de cuisson, la structure de la feuille et le goût. Outre les variétés cultivées, certaines variétés sauvages sont également consommées.

La culture de l'igname est plus répandue en Afrique de l'Ouest qu'en Afrique de l'Est. Au Nigéria, par exemple, l'igname reste encore une culture vivrière importante malgré la popularité accrue du manioc. C'est une culture qui demande un climat chaud et humide et un sol riche en matière organique. Ces exigences limitent sa culture.

La plantation de l'igname nécessite une préparation du sol par labour et des piquets comme pour les pieds de vigne. Le travail est plus laborieux que pour le manioc, et les rendements, quoique élevés, sont généralement légèrement inférieurs à ceux du manioc. L'igname contient habituellement à peu près deux fois plus de protéines (2 pour cent) que le manioc, mais nettement moins que les céréales.

Taro ou colocase

Le taro (Sp. Colocasia) est originaire d'Asie mais est largement cultivé et consommé dans les régions où la pluviométrie est élevée tout au long de l'année, notamment dans les îles du Pacifique. En Afrique, on trouve le taro dans des régions boisées (dans la région d'Ashanti au Ghana) et sur les versants montagneux où les précipitations sont élevées (Mont Kilimandjaro). On le fait souvent pousser sous des plantations permanentes comme les bananiers (c'est le cas des Bugandas) ou sous les palmiers à huile. Les feuilles du taro ressemblent à de larges oreilles d'éléphant. La racine et les feuilles sont comestibles. La valeur nutritive du taro est voisine de celle du manioc. Dans certains endroits, le taro Colocasia est remplacé par le Xanthosoma, chou caraïbe, une espèce originaire d'Amérique du Sud, qui lui ressemble, mais qui est plus robuste et a un meilleur rendement.

Pomme de terre

La pomme de terre a été importée d'Amérique du Sud en Europe et est devenue l'alternative bon marché, pratique et à haut rendement aux principaux aliments de base, exactement comme le manioc a remplacé le mil dans certaines régions d'Afrique et d'Asie. Toutefois, l'erreur de compter uniquement sur une culture a été tristement illustrée par la grande famine de la pomme de terre au XIXe siècle en Irlande: le mildiou qui empêcha la récolte de pommes de terre provoqua la mort de plus d'un million de personnes, et beaucoup d'Irlandais durent émigrer. La pomme de terre reste un aliment très important dans la région des Andes en Amérique du Sud. De nombreuses recherches sur cette plante sont menées au Pérou. D'Europe, la pomme de terre fut transplantée en Afrique et en Asie, où on la cultive dans les régions froides plus élevées (photo 52). Si elle est correctement cultivée (bonnes conditions de sol et de climat), elle peut avoir un bon rendement agricole.

Comme d'autres tubercules féculents, la pomme de terre contient seulement environ 2 pour cent de protéines, mais celles-ci sont d'assez bonne qualité. Elle fournit également de petites quantités de vitamines B et de minéraux. Elle contient environ 15 mg de vitamine C par 100 g, mais celle-ci se perd durant l'entreposage. La qualité de conservation de la pomme de terre n'est pas bonne, sauf si elle est entreposée avec soin.

Arrow-root

L'arrow-root est une plante amylacée cultivée dans des régions bien arrosées, qui est appréciée par certains peuples d'Afrique et d'Océanie. La valeur nutritive de l'arrow-root est similaire à celle de la pomme de terre. On en consomme la racine de différentes façons, souvent rôtie ou bouillie.

AUTRES ALIMENTS RICHES EN GLUCIDES
Bananes et plantains

On devrait plutôt parler de fruits en ce qui concerne la banane et le plantain. Mais d'un point de vue nutritionnel, il est plus approprié de les considérer comme des féculents. Il est difficile de différencier les nombreuses variétés de bananes et de plantains. Pour les objectifs de ce livre, on décrira le plantain comme étant la banane qui est cueillie verte, et cuite avant d'être mangée. Le plantain contient plus d'amidon et moins de sucre que la banane, qui est généralement consommée crue comme les autres fruits.

Au départ, les bananes et les plantains poussaient dans des forêts humides et chaudes, et devaient probablement faire partie des aliments consommés par les premiers hommes. Ils sont maintenant largement cultivés dans les régions tropicales humides. La banane plantain est l'aliment féculent de base de certains peuples, comme les Bugandas en Ouganda et les Wachaggas en République-Unie de Tanzanie.

Une portion de 100 g de banane verte ou plantain fournit 32 g de glucides (principalement de l'amidon), 1,2 g de protéines, 0,3 g de lipides et 135 kcal. La banane plantain a également un contenu hydrique élevé. Son faible contenu protéique explique pourquoi le kwashiorkor est fréquent chez les jeunes enfants sevrés avec le plantain comme aliment principal. La banane contient généralement environ 20 mg de vitamine C et 120 mg de vitamine A (en équivalent bêtacarotène) par 100 g. Pour cette raison, les fruits et les légumes frais ne sont pas aussi indispensables dans une alimentation où l'aliment de base est le plantain qu'ils le sont dans un régime a base de racines ou céréales. Le contenu en calcium, en fer et en vitamines B est cependant bas dans la banane. Comme elle ne fournit que 80 kcal par 100 g, il faut à peu près 2 kg de bananes pour fournir 1 500 kcal.

La banane plantain est généralement cueillie quand elle est encore verte. Une fois la peau enlevée, on la mange rôtie ou, plus souvent, coupée, bouillie et accompagnée de viande, de haricots ou d'autres aliments. On la fait souvent sécher au soleil pour la réduire en farine.

Sagou

Le sagou (Sp. Metroxylon) est de l'amidon presque pur qui provient des différentes espèces du sagoutier. Ces palmiers sont très répandus en Indonésie, mais le sagou est très apprécié en tant qu'aliment dans certains îles du Pacifique. Il est pauvre en protéines.

Sucre

Le sucre tel qu'on le trouve dans le commerce, est constitué à presque 100 pour cent de saccharose; c'est un hydrate de carbone pur. En Afrique, en Asie et en Amérique latine, presque tout le sucre produit localement provient de la canne à sucre, alors qu'en Europe et aux Etats-Unis il est extrait de la betterave sucrière.

Dans les régions où l'on cultive la canne à sucre, la consommation de sucre ou de jus de canne à sucre (canne mâchouillée) est souvent élevée. Dans d'autres parties du monde, la consommation de sucre tend à augmenter avec l'essor économique. En 1995, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, environ 18 pour cent de l'énergie consommée provenait du saccharose, essentiellement d'aliments sucrés. Par contre, sa part représente moins de 5 pour cent de la ration énergétique dans de nombreux pays africains. Le sucre est souvent une bonne source d'énergie, il est peu onéreux, et c'est sans doute un bon moyen de compléter un régime alimentaire pauvre en calories. Contrairement à une croyance populaire, la consommation usuelle de sucre n'est pas liée à l'obésité, au diabète, à l'hypertension ou à d'autres maladies non transmissibles. Une consommation fréquente de sucre peut être associée aux caries dentaires si, en parallèle, l'hygiène buccale est mauvaise. Mais le saccharose n'est pas plus cariogène que les autres sucres fermentescibles.

Le sucre blanc (raffiné) ne contient pas de vitamines, de protéines, de lipides et de minéraux. Beaucoup de personnes trouvent que son goût sucré ajoute au plaisir de manger. Le rendement énergétique par hectare de terre est très élevé dans les plantations de canne à sucre.

Miel

Depuis des temps immémoriaux, la récolte intensive du miel dans les ruches sauvages existe dans les pays en développement. De nos jours, la récolte du miel est de plus en plus organisée, et on emploie des ruches suspendues dans les creux des troncs d'arbres par exemple. On pratique l'apiculture plutôt pour le prix élevé offert pour la cire d'abeille que pour le miel.

On croit, à tort, que le miel possède une valeur nutritive particulière. En réalité, il ne contient que du sucre (glucides), de l'eau et des traces infimes d'autres nutriments. Bien qu'il ne soit qu'une bonne source d'énergie, il a aussi une valeur sensorielle plaisante pour l'homme.



PHOTO 47

Un fermier inspecte sa récolte de maïs



PHOTO 48
Riziculture (repiquage)



PHOTO 49
Bottes de mil à chandelle



PHOTO 50
Triticale



PHOTO 51

Un petit poisson séché (samaki) de 150 g ou 1,4 kg d'un plat à base de maïs (mahindi) contient autant de protéines que 6,8 kg de manioc (mihogo)



PHOTO 52

Récolte de pommes de terre au Liban

Page PrécédenteTable des MatièresPage Suivante