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Chapitre 35

Amélioration de la sécurité alimentaire des ménages

La sécurité alimentaire se définit comme l'accès de toute la population à tout moment à la nourriture dont elle a besoin pour une vie active en bonne santé. La sécurité alimentaire des ménages signifie que la famille a accès à la quantité de nourriture suffisant aux besoins alimentaires de tous ses membres tout au long de l'année. Une famille peut assurer sa sécurité alimentaires de deux manières: en produisant sa nourriture ou en l'achetant, chacune nécessitant des ressources adéquates ou un revenu. Elle peut aussi obtenir de la nourriture, accessoirement par des dons alimentaires, des allocations privées ou gouvernementales, des timbres alimentaires ou des repas scolaires gratuits.

Au chapitre 2, nous avons montré que l'absence de production alimentaire et de sécurité alimentaire étaient des causes sous-jacentes de malnutrition et souligné l'importance de la production agricole pour étayer la sécurité alimentaire nationale et locale. On a montré que la sécurité alimentaire était importante à tous les niveaux, mais surtout au niveau familial.

Ce chapitre présente quelques façons d'améliorer la sécurité alimentaire des ménages pour améliorer l'état nutritionnel et éviter la malnutrition. Comme nous l'avons montré au chapitre 1, la sécurité alimentaire d'un enfant ou d'une famille est l'un des trois éléments (avec la santé et les soins) de la prévention de la malnutrition. Si la sécurité alimentaire est nécessaire au niveau individuel, elle ne suffit pas à garantir un état nutritionnel optimal, car d'autres facteurs comme les maladies, les repas trop espacés, le manque de soins et d'appétit peuvent le compromettre.

La sécurité alimentaire requiert:

L'absence de sécurité alimentaire résulte avant tout de la pauvreté qui affecte une grande partie de la population d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine, rurale et urbaine. Tous les pauvres ne sont pas mal nourris mais presque tous les mal nourris sont pauvres.

La sécurité alimentaire, si elle est garantie au niveau national, dépend au niveau familial du degré d'équité des revenus, de la distribution de la terre et de l'accès aux services. Les politiques nationales ne doivent pas se contenter d'aider les fermiers à produire, mais aussi les gens en général à se procurer leur nourriture. La sécurité alimentaire est liée à ce qui se passe dans la famille mais aussi à ce qui se fait au niveau local, national et international.

LES FORMES DE L'INSÉCURITÉ
ALIMENTAIRE

L'insécurité alimentaire se présente sous différentes formes qui appellent des réponses différentes. L'approche varie selon qu'elle est chronique (la famille manque constamment de nourriture) ou transitoire (résultant de circonstances temporaires). Cette dernière peut être saisonnière et se reproduire chaque année au même moment.

Les conséquences sont aussi variées que les causes. L'atteinte préférentielle de l'un ou l'autre membre de la famille dépend de la distribution intrafamiliale de la nourriture. Deux familles parfaitement identiques peuvent donc répondre différemment: l'une partira du principe "les enfants d'abord" et s'arrangera pour préserver au mieux la nutrition et la croissance des enfants malgré la pénurie; ce sont alors les adultes qui souffriront de malnutrition ou réduiront leur dépense d'énergie en diminuant leur activité et leur productivité; dans l'autre famille, ce peut être le père qui mange à sa faim laissant ce qui reste à la mère puis aux enfants; ce sont donc les enfants qui seront mal nourris. Cette attitude qui donne la priorité à celui qui produit ou gagne le pain familial est souvent le seul moyen d'assurer la survie de la famille entière.

QUI COURT UN RISQUE?

Le risque d'insécurité alimentaire est lié à la pauvreté. Dans les zones rurales, ce sont les familles sans terre; celles qui ne possèdent qu'une surface insuffisante pour la taille de la famille d'une terre souvent peu fertile; les métayers qui ne reçoivent qu'une petite partie de la récolte; les bergers, les pêcheurs et les travailleurs forestiers, notamment, qui ne gagnent pas suffisamment d'argent ou ne produisent pas suffisamment de nourriture pour leur famille; les familles où la mère seule a la responsabilité des soins aux enfants et des travaux agricoles; les familles pauvres dont la majorité des membres est incapable de travailler en raison de son âge, d'une maladie ou d'une incapacité.

Dans les zones urbaines, les familles les plus touchées sont les pauvres, celles affectées par le chômage total ou partiel; les familles où la mère est seule; les personnes âgées seules; les personnes sans toit et sans ressources; et enfin les malades chroniques et les handicapés graves.

Le sida contribue de plus en plus à l'insécurité alimentaire, souvent parce que le chef de famille est trop malade pour travailler ou que des orphelins de 12 ans ont la responsabilité des autres enfants plus jeunes. De plus, l'épidémie a un impact négatif majeur sur la production agricole, sur l'économie et sur les services de santé.

VARIABLES ET PROBLÈMES DE LA SÉCURITÉ
ALIMENTAIRE

De nombreuses variables influencent la sécurité alimentaire et on peut agir jusqu'à un certain point sur la majorité d'entre elles pour l'améliorer. Cependant rares sont les réponses faciles. Elles dépendent souvent du contexte local et impliquent presque toujours la participation des autorités locales et des familles.

La sécurité alimentaire dépend des variables suivantes: l'adéquation des vivres à la population locale; la possibilité de cultures de rente et de jardins maraîchers; la répartition des vivres entre les zones urbaines et rurales; les prix aux producteurs et les prix de détail aux consommateurs; les moyens disponibles pour augmenter la production; le stockage et la stabilisation des stocks; les problèmes de chômage; et enfin l'opposition entre le travail manuel et mécanisé. Tous ces problèmes doivent être examinés au niveau national, notamment par les ministères de l'agriculture et du plan.

La sécurité alimentaire est étroitement liée aux rapports entre les sexes: quels sont les rôles respectifs des hommes et des femmes dans la société? Y a-t-il une discrimination vis-à-vis des femmes? Leur charge de travail est-elle excessive? Qui contrôle le budget familial?

Les gens ont différentes façons de faire face à l'insécurité alimentaire selon la manière dont ils gagnent leur vie ou produisent leur nourriture. Il y a des différences majeures entre les fermiers de subsistance et les bergers, entre les métayers et les travailleurs urbains et, enfin, entre les bénéficiaires de secours et ceux qui travaillent dans l'économie informelle. Il est clair que l'exode rural et l'urbanisation ont un rôle majeur dans la sécurité alimentaire.

Ce que nous savons des causes de l'insécurité alimentaire suggère que, dans la plupart des cas, les tentatives d'y remédier doivent débuter non pas seulement au niveau national - approche classique - mais au niveau familial ou, encore mieux, les deux à la fois. Il faut mettre l'accent sur la planification locale d'interventions communautaires et sur une approche participative.

Les trois conditions préalables majeures de la sécurité alimentaire - une disponibilité suffisante de vivres au niveau local, un approvisionnement stable et l'accessibilité - font l'objet de la discussion ci-dessous. La sécurité nutritionnelle requiert aussi une bonne santé et des soins adéquats et une alimentation qui apporte tous les nutriments nécessaires.

Vivres

Si la quantité de vivres disponibles n'est pas suffisante pour toute la population, certaines personnes ou familles ne bénéficieront pas de sécurité alimentaire. Il faut examiner les différentes étapes de l'approvisionnement alimentaire.

Pour améliorer la sécurité alimentaire, il faut promouvoir diverses méthodes pour augmenter la production d'aliments (ou de moyens d'en acquérir) de façon durable. Il faut aussi minimiser les pertes lors de la récolte et du stockage, assurer un système de commercialisation efficace; enfin, assurer une transformation et une préparation optimales. Tous ces sujets sont discutés en détail dans de nombreux ouvrages dont certains figurent à la bibliographie.

Au niveau national, l'approvisionnement alimentaire dépend en partie des décisions et des actions du gouvernement et du secteur privé concernant la nature et le volume de nourriture à importer et exporter, les moments de le faire et la manière d'allouer les ressources. Ces décisions dépendent de la mesure dans laquelle la production alimentaire locale répond aux besoins locaux. S'il est nécessaire d'importer de la nourriture, le choix des aliments et leur volume dépendra de considérations politiques, des fonds disponibles et du taux de change, des politiques commerciales, du prix des denrées sur le marché mondial et, peut-être, de l'aide alimentaire disponible.

Souvent, les économistes et les planificateurs ne considèrent que les besoins énergétiques de la population et raisonnent en termes de tonnages de céréales et de légumineuse, alors qu'il faudrait également tenir compte de la production et de la disponibilité d'autres aliments comme les fruits et légumes.

Politiques de l'offre alimentaire

Les politiques de l'offre alimentaire comprennent:

  • des politiques macroéconomiques nationales et des stratégies générales de développement qui assurent des investissements publics et privés suffisants dans l'agriculture et la production alimentaire, y compris la politique d'ajustement structurel tellement discutée, et qui se préoccupent davantage de l'égalité si l'on veut garantir la sécurité alimentaire aux plus pauvres.
  • Mise en œuvre des politiques agricoles et commerciales appropriées pour permettre l'expansion et la diversification de la production alimentaire et la disponibilité, un équilibre correct entre les cultures vivrières et de rente, un approvisionnement suffisant et stable, et une pérennité prenant en compte les problèmes d'environnement, d'emploi pour les ruraux pauvres et de meilleures opportunités de commercialisation.
  • Des politiques qui améliorent l'accès à la terre et aux autres ressources nécessaires à la production telles que le crédit, les engrais et les autres intrants agricoles.

Stabilité de l'approvisionnement alimentaire

La sécurité alimentaire requiert un certain degré de stabilité dans l'approvisionnement alimentaire. Il y a plusieurs moyens d'assurer cette stabilité:

Accès à la nourriture

La sécurité alimentaire se définit comme l'accès de tous les membres de la famille à une nourriture qui répond à leurs besoins nutritionnels à tout moment. Chaque famille doit avoir les ressources, les capacités et les connaissances nécessaires pour produire ou se procurer la nourriture nécessaire aux besoins de chaque membre de la famille, et ce tout au long de l'année et chaque année. Cette nourriture doit enfin être culturellement acceptable.

Acquérir suffisamment de nourriture dépend de combien une personne ou une famille:

Il y a des différences évidentes dans la manière dont les citadins et les paysans se procurent la nourriture de leur famille. La majorité des familles citadines doit avant tout trouver suffisamment d'argent pour acheter assez de nourriture. Alors que les familles paysannes ont besoin de terre, de ressources et de travail pour nourrir leur famille directement ou pour vendre leur production et acheter de la nourriture avec l'argent ainsi obtenu. De nombreuses familles rurales dépendent aussi de l'argent gagné en effectuant d'autres travaux.

Quand l'insécurité alimentaire prévaut à la fois en milieu rural et urbain, il faut s'assurer que les paysans reçoivent un prix correct pour la vente de leurs produits; que le système de transformation et de distribution est étendu et efficace; que le salaire minimum est correct; que les prix des aliments de base et de quelques autres aliments sont raisonnables, voire subventionnés; et que les autres postes budgétaires comme le logement, les soins de santé, l'instruction et les transports sont abordables pour ceux qui perçoivent un revenu minimum. On peut favoriser l'accès des plus pauvres à une nourriture correcte grâce à des programmes de sécurité sociale, d'allocations de subsistance, d'indemnités de chômage, de dons de nourriture ou de timbres qui permettent d'en acheter à un prix subventionné, de cantines scolaires, etc.

Les familles rurales peuvent prendre des mesures - avec l'aide des autorités - pour optimiser la production de leur terre et obtenir ainsi le plus possible de nourriture ou d'argent. Dans certains pays, la sécurité alimentaire passe par une réforme agraire qui allouerait aux plus pauvres suffisamment de terre pour se nourrir et par la suppression du métayage. Dans certaines régions, le bétail peut constituer une garantie pour les années où la récolte est médiocre puisqu'il peut alors être vendu. On peut aussi aider les familles rurales avec le crédit, des aliments subventionnés, des tickets alimentaires ou des dons caritatifs, surtout les mauvaises années.

On a observé que, même en cas de famine, les familles qui ont de l'argent ne souffrent pas de la faim. Alors que les familles les plus pauvres ont le moins d'atouts et sont les plus vulnérables à une crise.

RESPONSABILITÉS EN MATIÈRE DE DROIT
À LA NOURRITURE

Une amélioration durable de la sécurité alimentaire dépend des actions entreprises au niveau familial et local et de la participation des plus pauvres à leur propre mieux-être. Cependant, cela n'autorise pas les plus nantis à oublier qu'une nourriture suffisante est un droit humain de base et que la malnutrition de tant de personnes à travers le monde incrimine tous ceux qui lui permettent d'exister. Le monde est divisé en Etats qui ont chacun une influence majeure sur leurs citoyens. Chaque Etat a la responsabilité de respecter, protéger et satisfaire les droits de l'homme, y compris le droit à une nourriture décente. Respecter signifie que les politiques ou les actions de l'Etat ne doivent pas rendre plus difficiles pour la population la quête de nourriture suffisante, même en période de crise. Protéger, ce pourrait être éviter que des sujets ne soient privés de leurs capacités à produire leur nourriture ou à gagner de l'argent ou, encore, établir et mettre en application des lois qui assurent aux consommateurs un approvisionnement sûr. Satisfaire correspond à l'obligation de l'Etat d'aider les plus vulnérables à satisfaire leurs besoins alimentaires, même en temps de crise.

SATISFACTION DES BESOINS ÉNERGÉTIQUES

On n'insistera jamais assez sur le fait que tous les êtres humains ont droit à une nourriture suffisante et à un bon état nutritionnel. Suffisante ne signifie pas seulement que la nourriture doit satisfaire les besoins énergétiques de base mais permettre de mener une vie saine et active.

Les besoins alimentaires ont été décrits plus tôt mais méritent d'être mentionnés à propos des politiques et des programmes destinés à améliorer la sécurité alimentaire. Pour être en bonne santé et avoir un état nutritionnel optimal, un sujet doit consommer assez de nourriture pour satisfaire ses besoins en divers nutriments et assez d'énergie pour ses besoins et son appétit (à condition que ceci ne l'amène pas à l'obésité). Ces besoins énergétiques correspondant au métabolisme basal et aux activités de chaque personne sont maintenant appelés "niveaux souhaités".

Ce concept a des implications majeures dans l'amélioration de la sécurité alimentaire. Si l'on se limite aux besoins énergétiques, une personne non mal nourrie selon les critères habituels peut être considérée comme bénéficiant de la sécurité alimentaire. Mais il est possible que cette personne renonce à certaines activités pour, justement, éviter d'être en dette d'énergie. Cette personne ne dispose pas de l'énergie nécessaire pour satisfaire son niveau souhaité et se retrouve en état d'insécurité alimentaire.

L'équilibre énergétique n'est pas un indicateur d'apport énergétique adéquat. Une personne peut être en situation d'équilibre parce que ses apports et ses dépenses sont identiques, mais il se peut qu'elle ait été amenée à réduire ses dépenses pour maintenir cet équilibre. Consciemment ou non, cette personne travaille moins aux champs, réduit les tâches domestiques, joue moins avec ses enfants, évite le sport et les activités sociales et communautaires et passe plus de temps à dormir ou à se reposer. Un examen clinique ne montrerait pas de signe de malnutrition, mais ce sujet est néanmoins en manque d'énergie et ne jouit pas de sécurité alimentaire.

Il existe sur ce plan une différence entre les nantis et les pauvres: les premiers adaptent généralement leur apport de nourriture à leurs dépenses alors que les pauvres sont amenés à réduire leurs dépenses, donc leur activité, en fonction de leur apport de nourriture. Les riches peuvent aussi augmenter leur activité physique pour compenser un excès de nourriture; c'est le syndrome du jogger.

Il y a eu très peu de recherche sur la nature des activités auxquelles les pauvres renoncent quand la nourriture manque et sur l'ampleur de cette réduction. Il est donc nécessaire que les politiques et les programmes nutritionnels se préoccupent non seulement des besoins énergétiques mais aussi des souhaits des individus. Et qu'ils donnent aux femmes les moyens de contrôler leur fertilité. Ces questions sont fondamentales en matière de sécurité alimentaire.

INDICATEURS DE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

La sécurité alimentaire suppose, comme nous l'avons dit, des vivres en quantité suffisante et stable dans le temps qui soient accessibles à tous. Les indicateurs de sécurité alimentaire sont donc d'une part ceux liés à la production et aux disponibilités alimentaires et d'autre part ceux liés à la demande de nourriture et à l'accès à la nourriture. Différents manuels ont été écrits sur la production agricole, les enquêtes nutritionnelles, les bilans alimentaires et l'économie domestique notamment. Voici quelques indicateurs essentiels:

Indicateurs de disponibilité alimentaire:

Indicateurs d'accès des familles à la nourriture:

Lorsqu'un pays présente une grande diversité géographique, démographique et agricole, il faut utiliser des indicateurs spécifiques à chaque région ou à chaque groupe de population.

La surveillance nutritionnelle peut consister en un contrôle régulier de la situation alimentaire, du fonctionnement du système d'approvisionnement et de certains aspects de l'état nutritionnel de la population (voir chapitre 33). Ce système fournit alors, en fonction des données recueillies, des indicateurs et de la sécurité alimentaire. Quelquefois, la surveillance nutritionnelle consiste en un système d'alerte rapide permettant de prévoir une pénurie et d'agir. Certains pays utilisent la surveillance nutritionnelle comme une source de données destinées à influencer les politiques gouvernementales.

FAIRE FACE AU NIVEAU DE LA FAMILLE

Les familles pauvres ont souvent une capacité étonnante à faire face aux pénuries aiguës et à survivre malgré un revenu dérisoire et un accès apparemment limité à la nourriture.

L'insécurité alimentaire aiguë ou transitoire résulte souvent d'un choc qui a frappé la famille. La manière d'y faire face dépend de la nature du choc et de la famille, sachant que ses différents membres peuvent y répondre différemment. On peut classer les chocs en quatre catégories principales (Maxwell et Frankenberger, 1992):

Quand ces chocs sont à l'origine d'une insécurité alimentaire transitoire et aussi quand les familles doivent affronter une insécurité alimentaire chronique, celles-ci réagissent de diverses manières:

Des programmes imaginatifs d'assistance aux familles pauvres pour surmonter les chocs subis contribuent à réduire l'insécurité alimentaire.

CONTRIBUTION DE L'ÉTAT À L'AMÉLIORATION DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

L'amélioration de la sécurité alimentaire peut résulter de n'importe quelle action destinée à augmenter les revenus et à alléger la pauvreté; à accroître la production agricole, surtout celle des familles rurales pauvres; à garantir des prix équitables pour les producteurs et les consommateurs et à rendre les services publics disponibles.

Voici quelques exemples plus spécifiques:

A côté de ces mesures spécifiques, les gouvernements doivent avoir une stratégie de développement globale sensée qui encourage la croissance économique et la justice sociale. Les programmes d'allégement de la pauvreté doivent être pérennisables. Ce livre n'est pas le lieu pour discuter de la manière dont les pays pauvres du Sud tentent de parvenir à un équilibre entre leurs objectifs de politique macroéconomique et leurs besoins de sécurité alimentaire. Cependant, il est clair que le taux de change de la monnaie nationale, les politiques d'importation et d'exportation, le taux d'inflation, le déficit budgétaire et le paiement de la dette influencent tous les prix, le taux de chômage et le revenu des pauvres. Les discussions récentes se sont surtout axées sur les programmes d'ajustement structurel, parfois destinés à promouvoir la croissance économique des pauvres. Ces programmes ont eu un impact très négatif sur les pauvres souvent en diminuant les subventions aux producteurs et quelquefois aux consommateurs. La réduction des services sociaux est également très préoccupante; jusque-là, de nombreux pays du Sud offraient des écoles primaires et secondaires et des services de santé (consultations et hospitalisation) gratuits, mais, dès 1992, la mise en œuvre de l'ajustement structurel a contribué, avec d'autres facteurs à ce que le paiement des frais de scolarité et des soins de santé devienne sinon systématique du moins habituel. Ces changements ont eu un impact marqué sur les pauvres et ont dans certains cas majoré les problèmes d'insécurité alimentaire.

Dans certains pays, surtout en Asie et en Amérique latine, le développement économique et la création de richesses ont réduit la malnutrition et le taux de mortalité infantile. Cependant, dans d'autres pays, en particulier en Afrique, la malnutrition s'est parfois aggravée sous l'effet conjugué des politiques économiques et d'un contexte socioéconomique et écologique très défavorable. Quant cette évolution est prévisible, les gouvernements doivent prendre des mesures précoces pour compenser les effets négatifs probables et alléger les épreuves des pauvres.

La promotion du développement rural avec un accent sur une réduction durable de la pauvreté peut contribuer à la sécurité alimentaire, notamment grâce à des techniques appropriées et des incitations pour les producteurs à produire plus et à créer des emplois en zone rurale. Ces stratégies doivent être imaginatives et innovantes, mais plusieurs succès en la matière autorisent un certain optimisme. Par exemple, pour pallier les problèmes que peuvent rencontrer les pauvres face au crédit, la banque Grameen au Bangladesh a consenti des milliers de prêts à des pauvres, dont la majorité étaient des femmes chefs de famille. La banque a récupéré la grande majorité de ses fonds et a contribué à sortir de nombreuses familles de la pauvreté. Les résultats de la recherche agricole sont passés des universités aux champs des fermiers. Les attitudes ont changé et le renforcement de l'autorité locale et l'émancipation des femmes sont à l'ordre du jour dans de nombreux pays. La participation et l'implication communautaires se répandent rapidement. Les ONG qui œuvrent localement profitent des fonds qui étaient jusque-là mal utilisés par des agences gouvernementales ou internationales, et certaines encouragent les projets participatifs et l'émancipation des femmes. Tout succès dans un de ces domaines peut contribuer à la sécurité alimentaire.

La réforme agraire reste un problème surtout dans certains pays d'Amérique latine et d'Asie. La persistance du métayage, la discrimination vis-à-vis des femmes et de certaines classes sociales, dont le système des castes, contribuent aussi largement à l'insécurité alimentaire. La redistribution des terres est toujours nécessaire de même que l'accès des familles de castes inférieures aux différents services. Dans certains pays, comme l'Indonésie, la stratégie de réinstallation de paysans sur de nouvelles terres, souvent des îles moins peuplées, peut aussi réduire l'insécurité alimentaire.

Le gouvernement et le secteur privé peuvent quant à eux augmenter les opportunités d'emploi dans les zones rurales et urbaines. Ils devraient essayer à la fois d'augmenter les revenus des pauvres et, dans la mesure du possible, leurs capacités à produire un revenu. Certains gouvernements pourraient investir dans des travaux publics, surtout ceux à fort taux de main-d'œuvre et dans des programmes situés dans les régions les plus pauvres.

Au niveau local, la mobilisation communautaire est certainement la meilleure approche à l'amélioration de la sécurité alimentaire et de l'état nutritionnel. Le chapitre 41 comporte une discussion détaillée sur ce sujet et cite un bon exemple, celui d'un projet tanzanien destiné à améliorer la nutrition par le biais de la sécurité alimentaire (surtout pour les enfants), des soins, de la santé et des services de santé.

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