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Evaluation régionale des ressources en eau au moyen d'un système d'information géographique: le cas du bassin du Niger


Jean-Marc Faurès, Division de la mise en valeur des terres et des eaux, FAO, Rome, Italie

 

Résumé

L'article présente une méthode pour l'évaluation régionale des ressources en eau à l'aide d'un système d'information géographique. La méthode est testée sur le bassin du Niger. L'article montre comment un SIG peut être couplé avec des modèles hydrologiques simples pour simuler les principaux processus hydrologiques à l'intérieur d'un grand bassin. L'utilisation des informations existantes (couvertures SIG, données hydrologiques) est faite de manière à permettre une généralisation spatiale de l'information hydrologique existante. L'objectif final du modèle est de servir d'outil pour la planification des ressources en eau à l'échelle régionale en permettant, entre autres, d'évaluer les échanges entre entités administratives ou politiques.

Abstract

The paper presents a method to compute regional information on water resources, using a geographic information system. A test study of a regional approach towards assessment of water resources was carried out using Arc-Info on the Niger river basin. The paper shows how GIS can be coupled with simple hydrologic models to simulate the major hydrologic processes inside a large basin. Best use of available information (GIS coverages and hydrologic data) is made to generalize the hydrologic information. The model will eventually be used to help regional water resources planning by addressing problems like water exchanges between administrative or political entities.


Introduction: cartographie des régimes hydrologiques

Les ressources en eau renouvelables avaient fait l'objet d'une attention et de recherches soutenues dans les années 1970 lorsque, sous les auspices de la décade hydrologique internationale (DHI) de l'UNESCO, plusieurs institutions avaient contribué à établir le bilan hydrologique de la planète (UNESCO, 1972; L'vovitch, 1974; Korzun et al., 1974, Baumgartner and Reichel, 1975).

Ces études ont rencontré des problèmes de différents ordres mais tournant autour d'un thème central: comment et sur quelle base doit-on calculer et représenter les ressources en eau à l'échelle continentale? Les statistiques nationales sont difficiles à utiliser dans une étude régionale pour laquelle on tente d'obtenir une image globale des régimes hydrologiques.

L'approche cartographique, qui permet d'obtenir une vision régionale des caractéristiques des régimes hydrologiques, nécessite une transformation de ces données ponctuelles en information spatiale. Seul un nombre réduit de caractéristiques hydrologiques se prête à une représentation cartographique. Les variables d'entrée du système hydrologique telles la précipitation ou les données climatiques (évapotranspiration potentielle) sont aisément cartographiables. De même, un certain nombre de variables ou de paramètres physiographiques peuvent faire l'objet d'une représentation cartographique: pente, exposition, couverture végétale, type de sol (y compris la capacité de stockage), géologie, aspects du réseau hydrographique.

Mais c'est lorsque l'on passe de la fonction de production à la fonction de transfert (écoulements dans les cours d'eau) que l'approche géographique pose des problèmes principalement liés au caractère linéaire de l'écoulement dans le réseau hydrographique ainsi qu'à sa variabilité dans le temps. C'est également à ce niveau qu'apparaissent les problèmes liés à l'échelle de travail, plusieurs paramètres et variables hydrologiques n'étant pas indépendants de l'échelle.

Regain d'intérêt pour l'hydrologie régionale

Les modèles de bilan hydrologique à l'échelle régionale ou continentale ont retrouvé un certain intérêt au cours des dernières années et ce, suite à l'augmentation de la demande d'information globale. A la FAO, de nombreuses études à caractère prospectif se basent sur une information régionale concernant les ressources naturelles. Celles-ci incluent les sols, le climat, les ressources forestières et halieutiques, les ressources génétiques et bien entendu les ressources en eau. Une estimation correcte des ressources en eau est indispensable pour une bonne évaluation du potentiel d'irrigation, lui-même nécessaire pour évaluer l'évolution de la production agricole (FAO, 1995). A titre d'exemple, la FAO est actuellement en train d'évaluer le potentiel d'irrigation de l'Afrique dans le cadre des efforts menés pour développer la production agricole dans les pays à faible revenu et à déficit alimentaire (FAO, en préparation).

Objectifs de l'étude

L'objectif principal de l'étude est de mettre au point une méthode de régionalisation de l'information hydrologique qui puisse être appliquée à l'évaluation des ressources en eau au niveau du continent africain et étendue ensuite aux autres continents. Les résultats escomptés de l'étude sont:

· la représentation cartographique des principales caractéristiques hydrologiques de la zone étudiée par bassin et sous-bassin;

· la capacité d'évaluer les ressources en eau sur la base d'unités territoriales différentes des unités hydrologiques (unités politiques ou administratives, par exemple);

· la capacité de calculer les échanges entre unités territoriales;

· un outil d'aide à la planification régionale des ressources en eau.

Le bassin du Niger

Le bassin du Niger a été choisi pour cette étude pour plusieurs raisons liées à ses caractéristiques physiques et son environnement institutionnel. Avec une superficie de 2,3 millions de km² environ (le bassin hydrographique ne peut être délimité avec précision dans les zones désertiques), le bassin du Niger touche dix pays d'Afrique occidentale et couvre presque 8% de la superficie du continent africain.

FIGURE 1

Le fleuve Niger : carte de situation

 

Le Niger prend sa source dans le Fouta Djallon dans des zones particulièrement pluvieuses pouvant recevoir plus de 2 000 mm de précipitation annuelle par endroits (voir figure 1). Il entre ensuite au Mali, où commence son parcours en région aride au cours duquel les apports des affluents sont faibles et limités aux quelques mois de la saison des pluies (juillet à septembre). Au Mali, le fleuve se disperse dans un des deltas intérieurs les plus étendus du monde (entre 30 000 et 80 000 km² selon l'importance des crues), où les apports de son seul affluent important, le Bani, ne suffisent pas pour compenser les pertes par évaporation estimées entre 25 et 45 milliards de km3 par an. Il coule ensuite à travers le Sud-Ouest du Niger où il reçoit les apports d'un certain nombre d'affluents en rive droite issus du Burkina Faso (Sirba, Gorouol, Dargol, Gouroubi) et du Bénin (Mékrou, Alibori, Sofo). Après son entrée au Nigéria, les apports de ses différents affluents, dont la Bénoué, deviennent plus conséquents suite à l'augmentation de la pluviométrie. Le fleuve se jette dans le golfe de Guinée, après un parcours de près de 4 000 km, avec un débit moyen estimé à 5 600 m3/s. Il couvre donc un éventail de climats allant du tropical humide (Fouta Djallon) au désertique (Algérie, Mali et Niger).

La demande en eau, selon que l'on considère ou non les cultures de décrue, représente un prélèvement brut compris entre 5 et 12 km3 par an. Par rapport aux 180 km3 qui s'écoulent annuellement dans l'océan, cette demande peut être considérée comme faible (de 3 à 7%). L'utilisation de chiffres à l'échelle du bassin cache cependant une grande variabilité de situations qui donne à penser que pour certaines zones la demande en eau est déjà relativement importante comparée aux ressources. L'étude du potentiel d'irrigation des différents pays (FAO, en préparation) a montré que si chaque pays développait au maximum son potentiel d'irrigation, la demande en eau atteindrait la limite des ressources mobilisables (sauf pour ce qui concerne le bassin de la Bénoué).

En conclusion, le bassin du Niger présente d'une part une vaste gamme de situations climatiques et physiques, et d'autre part des caractéristiques de potentiel de développement partiellement limitées par la ressource en eau qui exigera, lorsque se développera son potentiel d'irrigation, une collaboration active entre les pays du bassin pour la gestion de cette ressource. Le bassin du Niger constitue de ce fait une excellente étude de cas pour tester les possibilités d'une méthode d'évaluation régionale des ressources en eau.

Outils et données disponibles

Les outils nécessaires pour atteindre les objectifs fixés par l'étude sont de deux types. Il s'agit d'une part du système d'information géographique et d'autre part des modèles hydrologiques. Les données de base peuvent être divisées en données à caractère spatial et données ponctuelles.

Le système d'information géographique Arc-Info

Le système d'information géographique utilisé dans cette étude est Arc-Info. Le choix de ce système a été dicté en partie par le fait qu'il existe au sein de la FAO une unité SIG équipée de ce logiciel et pour lequel de nombreuses informations cartographiques sont déjà disponibles, et en partie par les besoins spécifiques de la modélisation hydrologique en termes de traitement de l'information cartographique (Maidment, 1994). Plus particulièrement, le module GRID d'Arc-Info, développé pour le traitement de l'information rasterisée, possède des fonctions permettant de retrouver automatiquement, à partir d'un modèle numérique de terrain, le tracé du réseau hydrographique. Ce faisant, GRID construit pour la zone étudiée un réseau univoque permettant de représenter d'une façon logique et en tous points le parcours de l'eau depuis la zone d'interception de la précipitation jusqu'à l'embouchure. Les détails de ces procédures sont décrits dans ESRI (1992).

Les résultats des modèles peuvent être incorporés dans le logiciel Arc-View, spécialement conçu pour faciliter le travail d'interrogation des bases de données. Dans l'étude, Arc-View a été configuré pour permettre l'étude de l'impact de scénarios de développement (barrages, périmètres irrigués, etc.) sur les régimes hydrologiques en aval des zones de prélèvement.

Les données disponibles

Les données disponibles conditionnent d'une part les méthodes qui peuvent être utilisées pour représenter les ressources en eau au sein d'un bassin et, d'autre part, la précision que l'on peut attendre des résultats. Cette disponibilité de l'information se mesure par:

· la précision de l'information spatiale (échelle des cartes, dimension des pixels);

· la densité des réseaux d'observation (précipitation, données climatiques);

· la longueur des séries d'observations hydrologiques et climatologiques.

Dans le cas de l'étude du bassin du Niger, l'échelle des cartes se situe entre 1/10 000 000 et 1/5 000 000. A cette échelle, un certain nombre de couvertures thématiques sont disponibles pour le continent africain. Parmi celles-ci, les couvertures suivantes ont été utilisées dans l'étude :

· un modèle numérique de terrain (MNT) pour le continent africain (résolution 30", soit 1 km) préparé par le United States Geological Survey (USGS) Eros Data Center (environ 2 millions de points pour le bassin du Niger) (figure 2);

· les fleuves d'Afrique numérisés dans le cadre d'une étude sur la désertification à l'échelle 1/5 000 000 (FAO, 1984);

· treize cartes de précipitation à une résolution de trois minutes (5 km) préparées par Hutchinson et al. (1995): 12 cartes de moyennes mensuelles et une carte de moyenne annuelle (figure 3);

· la carte des sols du monde numérisée (échelle 1/5 000 000, FAO, 1994), à partir de laquelle il est possible d'extraire l'information relative à la capacité (Smax) de rétention des sols (figure 4);

· La carte géologique de l'Afrique numérisée au 1/10 000 000 (UNESCO).

FIGURE 2

Modèle numérique de terrain du bassin du Niger

En ce qui concerne l'information ponctuelle disponible pour cette étude, il s'agit principalement des séries de données journalières ou mensuelles de:

· précipitation et climat (banques de données Climwat et Faoclim de la FAO et Agrhymet): environ 100 stations pour les séries chronologiques de pluviométrie journalière et 30 stations pour les données climatologiques mensuelles moyennes;

· débits (32 stations sur le Niger et ses affluents) obtenus auprès du Centre global pour les données hydrologiques (Global Runoff Data Centre, Koblenz, Allemagne). Il s'agit de séries chronologiques de débit mensuel couvrant des périodes variables entre 1907 et 1992. La période 1960-1990 a été utilisée comme période de référence dans cette étude;

· ainsi que de données ponctuelles concernant la fluctuation de la piézométrie obtenues à partir d'études portant sur certains pays (Mali, Niger, Nigéria).

FIGURE 3

Précipitation moyenne annuelle sur le bassin du Niger

Les modèles hydrologiques

L'utilisation des SIG se caractérise généralement par des opérations relativement simples effectuées sur un nombre élevé de données. A l'inverse, les modèles hydrologiques sont caractérisés par des opérations complexes, incluant des itérations, sur un nombre de données plus réduit. Lorsqu'il s'agit de combiner les SIG avec les modèles hydrologiques, la complexité des opérations combinée au nombre d'informations à traiter rendent les opérations difficilement réalisables. Il s'agit alors de trouver un compromis entre la complexité des modèles et la résolution recherchée.

Dans le cas du modèle du bassin du Niger, plusieurs modèles sont utilisés pour représenter l'hydrologie du bassin:

· un modèle de bilan hydrique ou modèle vertical qui permet de scinder la précipitation entre la part évaporée et la part disponible pour l'écoulement et l'infiltration. C'est la fonction de production;

· un modèle reproduisant les écoulements dans les oueds. C'est la fonction de transfert;

· un ensemble de modèles qui simulent le comportement des principaux aquifères.

FIGURE 4

Distribution de la capacité de rétention des sols Smax (Nachtergaele, inédit)

Ces modèles sont développés dans le but de reproduire de manière satisfaisante les séries chronologiques de débits et de hauteurs piézométriques. Dans un premier temps, on a travaillé en régime stationnaire en utilisant les moyennes pluri-annuelles des différents variables d'entrée (précipitation, Eto) et de sortie (débits mensuels, hauteur piézométrique). Ce sont ces résultats qui sont décrits ci-après. L'étape suivante consiste à travailler sur la base des séries chronologiques de longue durée pour tenter de reproduire les variations interannuelles des écoulements et hauteurs piézométriques.

La fonction de production

Le modèle utilisé pour représenter la fonction de production est le modèle de bilan hydrique décrit par Thornthwaite et Mather (1957). Ce modèle considère le sol comme un simple réservoir ayant une capacité Smax. La précipitation tombée sur une période de temps donnée sert en premier lieu à satisfaire les besoins en évapotranspiration ETo. Si la précipitation est inférieure à l'évapotranspiration potentielle, la demande évaporatoire excédentaire est transmise au réservoir-sol dans lequel elle peut puiser à concurrence d'un volume proportionnel à la demande et aux disponibilités. Si ce volume n'est pas suffisant pour satisfaire la demande évaporatoire, il y a déficit d'évaporation. Lorsque la précipitation est excédentaire par rapport à la demande évaporatoire, l'excès de précipitation est utilisé pour recharger le réservoir-sol jusqu'à saturation, seuil au-delà duquel l'excès d'eau est évacué en percolation ou écoulement. C'est le surplus. Il représente le maximum théorique d'eau disponible pour la recharge des aquifères et l'écoulement dans le réseau hydrographique.

Ce modèle a l'avantage d'être particulièrement simple et robuste. Il ne requiert la connaissance que de la capacité de rétention du sol, de la précipitation et de l'évapotranspiration potentielle, données toutes disponibles dans le cas du bassin du Niger. Par contre, il est particulièrement sensible au pas de temps utilisé pour le calcul. Un pas de temps relativement long (le mois) tend à exagérer la part de la précipitation disponible pour l'évapotranspiration. En zone aride, le modèle, utilisé avec un pas de temps d'un mois, peut ainsi montrer un écoulement nul alors que dans la réalité la distribution inégale de la précipitation au cours du mois provoque effectivement des écoulements et percolations. Dans ce cas, un pas de temps maximum d'un jour est indispensable pour bien représenter la fonction de production.

Dans le modèle, les cartes de précipitation mensuelles ont été combinées avec les données d'évapotranspiration potentielle ETo. Provisoirement, l'évapotranspiration potentielle est calculée à partir des données de température disponibles pour le continent. Une extrapolation des données d'ETo, calculées par Penman-Monteith (FAO, 1992) à partir des données des stations climatologiques serait préférable mais cette information n'est pas disponible pour le moment. La capacité de stockage des sols (Smax) a été obtenue à partir de la carte de la figure 4.

L'information pluviométrique et climatique n'est disponible sur l'ensemble du bassin que sur base mensuelle. Afin de ne pas biaiser les résultats, surtout en région aride, une distribution statistique de la production a été établie pour estimer la production mensuelle sur l'ensemble du bassin à partir des résultats établis sur base journalière sur un certain nombre de stations. Le résultat est présenté, pour chaque mois, à la figure 5. Ils sont conformes à la distribution régionale de la précipitation mensuelle.

La fonction de transfert

La fonction de transfert transforme les volumes produits par la fonction de production en écoulements dans les biefs. La structure du réseau formé par GRID permet de préciser la direction des écoulements élémentaires et l'accumulation des écoulements vers l'aval. L'opération la plus délicate consiste à évaluer les pertes par évaporation au cours du cheminement de l'eau dans les oueds, l'infiltration vers la nappe et la vitesse d'écoulement.

La zone sahélienne, plus particulièrement, est caractérisée par un réseau très peu marqué et très dégradé, comprenant de nombreuses zones d'accumulation et d'évaporation, ainsi que des systèmes divergents de cours d'eau. Le meilleur exemple d'un tel système de dégradation est le delta intérieur du Niger au Mali, composé de centaines de mares connectées au réseau et ayant un comportement hydraulique très complexe. Le modèle ne peut prendre en compte l'existence de réseaux divergents. Afin de conserver les caractéristiques de l'écoulement, la solution adoptée a consisté à représenter les pertes et les vitesses d'écoulement comme une fonction du volume d'écoulement lui-même et d'une largeur fictive du cours d'eau.

Il faut également noter que la génération automatique du réseau hydrographique à partir du MNT par l'intermédiaire des procédures de GRID n'est pas entachée d'erreurs. Une petite erreur dans le MNT peut conduire à des écarts importants par rapport au réseau hydrographique réel, surtout en zone de faible relief. Le réseau hydrographique numérisé au 1/5 000 000 a été utilisé comme référence. Une manipulation consistant à "imprimer" ce réseau dans le MNT a été utilisée. Elle permet ainsi d'assurer que le réseau généré par GRID suive exactement le tracé du réseau numérisé.

Les données annuelles de débit au droit des stations situées sur les affluents du fleuve permettent d'obtenir une première estimation des pertes subies au niveau de bassins de taille moyenne (quelques milliers de km²) et d'estimer ainsi les apports des bassins intermédiaires à partir des résultats de la fonction de production. Les données annuelles au droit des stations du fleuve permettent ensuite de calibrer le modèle pour une bonne évaluation des vitesses d'écoulement et des pertes. De cette manière, on assure une cohérence du modèle par rapport aux écoulements observés.

Enfin, une vérification est effectuée pour ce qui est de l'infiltration, en comparant les pertes avec les résultats des modèles hydrogéologiques aux endroits où le fleuve et ses affluents rechargent la nappe.

Les modèles hydrogéologiques

La carte géologique numérisée a permis de dresser une carte hydrogéologique du bassin du Niger (figure 6). Pour les besoins de l'étude, les ensembles lithostratigraphiques représentés dans le bassin du Niger ont été répartis en trois grandes catégories d'aquifères:

· les aquifères généralisés, sièges de transferts souterrains régionaux et ayant des liaisons hydrauliques avec le réseau hydrographique;

· les aquifères semi-généralisés, montrant une capacité de transfert limitée vers le réseau hydrographique secondaire ou vers les aquifères encaissants;

· les aquifères discontinus, intrinsèquement imperméables, caractérisés par des nappes perchées de très faible capacité et pour lesquels les échanges sont presque uniquement du type infiltration-évaporation.

Les grands aquifères continentaux (delta intérieur du Niger, Iullemeden) ont été modélisés à l'aide du logiciel Modflow. Les résultats des deux modèles, exprimés sous forme de bilan annuel, sont présentés au tableau 1. On constate dans les deux cas que les échanges avec les eaux de surface représentent une part significative du bilan global. Ce sont ces échanges qui doivent être intégrés au bilan des rivières pour respecter le bilan hydrologique global au niveau du bassin.

En ce qui concerne les aquifères discontinus, le bilan hydrologique annuel ne peut s'exprimer qu'en fonction des transferts verticaux: apports obtenus par infiltration des eaux de pluie et extraction par évaporation ou prélèvements par les puits et forages. Ces aquifères ne participent donc pas aux échanges avec les eaux de surface qui s'effectuent à l'échelle du bassin et il n'est pas nécessaire de les connecter aux autres modèles.

Enfin, en zone humide, on peut considérer que les aquifères sont connectés au réseau hydrographique et contribuent à l'écoulement par le biais du débit de base des rivières. On peut ainsi reconstituer les fluctuations des aquifères à partir des informations sur le débit de base des rivières. Dans ces régions, il n'est pas nécessaire de construire des modèles spécifiques pour les eaux souterraines.

Résultats et perspectives

L'étude présentée ici a un caractère expérimental. Son but principal est d'étudier les possibilités de l'utilisation conjointe des SIG et de la modélisation hydrologique pour l'évaluation des ressources en eau au niveau régional. Il s'agit davantage de faire le meilleur usage possible de l'information existante que de proposer un modèle hydrologique parfait.

FIGURE 5

Evolution mensuelle du surplus calculé sur le bassin du Niger (mm/mois)

FIGURE 6

Carte hydrogéologique du bassin du Niger

 

TABLEAU 1

Bilan d'eau des deux principaux aquifères du bassin du Niger (Guerre, 1995)

Termes du bilan Delta intérieur Iullemeden
 

Entrées

Sorties

Bilan

Entrées

Sorties

Bilan

Recharge par la pluie

23,0 - +23,0 12,9 - +12,9

Apports sout. externes

- - - 2,4 - +2,4

Echanges avec eaux de surf.

5,8 8,6 -2,8 - 5,9 -5,9

Pompage

- - - - 1,4 -1,4

Evapotranspiration

- 20,2 -20,2 - 8,0 -8,0

Total bilan

28,8 28,8 0,0 15,3 15,3 0,0

Un compromis doit être trouvé entre une représentation complexe de l'hydrologie de la zone étudiée et la possibilité de répéter, avec des moyens et dans un laps de temps raisonnables, la même opération pour l'ensemble des bassins d'un continent ou d'une région étendue.

Les données de débit mesuré permettent de calibrer le modèle de manière à obtenir des résultats concordant avec la réalité. L'un des problèmes majeurs que l'on rencontre dans l'application du modèle consiste à représenter correctement le passage de la fonction de production à la fonction de transfert. En effet, les volumes d'eau générés annuellement par l'application du modèle de Thornthwaite, intégrés à la superficie des sous-bassins versants élémentaires (1 000 km2), sont de loin supérieurs aux écoulements mesurés à leur exutoire. Ce problème d'écoulement, lié à l'échelle des bassins étudiés, doit encore faire l'objet d'études plus approfondies.

La méthode présentée ci-dessus a été développée initialement pour répondre aux besoins d'information sur les ressources en eau à l'échelle régionale et continentale. L'application à l'échelle d'un pays ou d'une province est également envisageable. Il est cependant évident que celle-ci est conditionnée par l'existence d'information numérisée, notamment des modèles numériques de terrain. Si ce genre d'information est disponible, la méthode ci-dessus peut permettre de faire le meilleur usage possible de l'information hydrologique existante.

Note

L'étude ci-dessus est financée conjointement par la FAO et l'UNESCO dans le cadre du programme "Water balance of Africa". La méthodologie est développée avec l'assistance technique du Center for Research in Water Resources, University of Texas at Austin, USA.

Bibliographie et référence des couvertures Arc-Info

Baumgartner, A. et Reichel, E. 1975. The World Water Balance. Elsevier, Amsterdam and New York, 179 pages + 31 cartes.

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FAO. 1984. Carte digitalisée des cours d'eau d'Afrique à l'échelle 1/5 000 000 à partir de la carte mondiale des sols, des cartes globales de navigation et de l'atlas du National Geographic. Rapport inédit.

FAO. 1992. Report of the expert consultation on revision of FAO methodologies for crop water requirements, Rome, 28-31 May 1990, 60 pages.

FAO. 1994. Carte mondiale des sols du monde digitalisée (1/5 000 000), 7 volumes.

FAO. 1995. World Agriculture: Towards 2010. An FAO study. J. Wiley and Sons Ed. 488 p.

FAO (en préparation). Irrigation potential in Africa - A basin approach. Rapport + annexes, tableaux et cartes.

Guerre, A. 1995. GIS-Hydrology for Africa. Basin test for the Niger River. Etude préliminaire pour l'intégration des écoulements souterrains des principaux aquifères aux écoulements de surface. Rapport de mission FAO, 15 pages.

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Korzun V.I. et al., éds. 1974. Atlas of World Water Balance, USSR National Committee for the International Hydrological Decade. Traduction en anglais: UNESCO, Paris, 1977. 35 pages + 65 cartes.

L'vovitch, M.I. 1974: World water resources and their future. Edition russe.. Mysl, Moscow. Traduction en anglais de R.L. Nace, American Geophysical Union, 1979, 415 pages.

Maidment, D. 1994. Hydrologic modeling using Arc-info. Seminar presented at the ESRI User Conference, Palm Spring, California, May 1994. (inédit).

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Thornthwaite, C.W. et Mather, J.R. 1957. Instruction and Tables for computing potential evapotranspiration and the water balance. Drexel Inst. Technol. Publ. Clim., X(3).

UNESCO. 1972. Bilan hydrique mondial, Actes du colloque de Reading, Juillet 1970, 2 volumes. 537 pages.

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