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Case Study 2. La production de foin au Sahel et en Savane en Afrique de l'Ouest[2] [Hay in the Sahel and Savannah zones of West Africa]


English Summary

Stock-rearing in the Sahel is dominated by cattle, sheep and goats. In sedentary production systems, herds of two to sixty head are kept on the village lands throughout the year. Transhumant herders move to grazing and water, and also to markets: their herds are always over sixty head. Management is similar for both systems. During the rains, stock are taken to pasture at night and return for milking at 8 or 9 a.m., then return to graze until nightfall. The herders rest after evening milking, and set out again late at night.

By harvest time the grass is mature and lignified, and the grazing is no better than straw. The remaining water points are surrounded by fields and conflicts can occur. Once the crops are harvested, stock graze the fields. In recent years, however, farmers increasingly harvest and store their crop residues, for their own use or for sale. Haymaking technology is now being introduced, with a considerable extension thrust.

In the Sahel, the rains fall between June and October. From November the standing grass is dead and very poor feed. Despite great seasonal feed scarcity, hay was not made in the Sahel, except in very small quantities to feed the family horse, usually from Alysicarpus glumaceus and Rottboellia exaltata; only enough was made for the horse's needs. Early attempts to introduce haymaking by expatriate technicians failed, but the severe droughts of 1973 and 1984 made traditionalists more receptive to new ideas on fodder conservation.

For haymaking to be accepted and to increase, a suitable institutional framework was needed. In the Sahel, this involved: (i) organizing haymakers into groups to increase solidarity and gather together interested stock-owners; this was done though L'Association pour la Promotion de l'Elevage au Sahel et en Savane (APESS) that, since 1988, has spread to fifteen Sahelian states. (ii) Training through group sessions. (iii) Information from APESS through its journal Jawdi Men. (iv) Visits between stock-owners. (v) APESS meetings.

Haymaking sites should be chosen with at least part of the area on low-lying land that collects runoff. This assures production from the higher areas if rainfall is excessive and from the bottom-land when the rains are normal or low. Further advantages are the floristic diversity over the range of conditions, and spread of the haymaking work in time: the herbage on higher, well drained land is ready for haymaking early, whereas the bottom-land matures later. Hay land is prepared by: marking the boundaries; clearing the land of stones, stumps, bushes (although large and useful trees are left in place); fencing with thorn branches; using it for night-penning of livestock to raise fertility before the rains; then broadcasting seed of local herbage at the onset of the rains.

Wild plants thought good for hay by the population include: Alysicarpus ovalifolius, A. glumaceus, Andropogon gayanus, Brachiaria ramosa, Cenchrus biflorus, Dactyloctenium aegypticum, Echinochloa stagnina, Ipomoea vagrans, Panicum laetum, Pennisetum americanum, P. pedicellatum, Rottboellia exaltata and Zornia glochidiata. Sown fodders recommended by APESS include siratro (Macroptilium atropurpureum) and Andropogon gayanus.

Metal-framed scythes are recommended for mowing; turning and collection is by rake; and transport by ox cart. Mowing starts early, when the dew is still on the herbage, and stops before noon. By four in the afternoon the first hay will be dry enough to be put in store - uncompacted. The standard APESS hay barn is 4 m wide, 1.7 m high at the walls, and 3.5 m at the centre; the usual length is 8 m. The pillars may be in wood or brick; the roof and walls are covered in matting. Haymaking begins in mid-August and continues to mid-October. Yields depend on the vegetation and the strength and skill of the mower; measurements by APESS indicate a mean daily production of 150 - 200 kg per person, so enough to supplement the feed of one cow throughout the dry season needs four workdays.

Common crop residues include millet straw and the haulms of cowpea and groundnut. Millet is often cut green for fodder, before the grain is ripe, if grain harvest is unlikely due to either inadequate rain or the onset of stock grazing the fields. Residues are stored in trees and on and around houses. Some residues are sold; fodder markets are usual alongside cattle markets; green feed, bush hay and crop residues are all sold; green fodder is the most highly prized.

L'éLEVAGE AU SAHEL

L'élevage dans les pays du Sahel de l'Afrique de l'Ouest est dominé par les bovins, les ovins et les caprins. Traditionnellement on élève également des chevaux, des ânes, des poulets et des pintades. Grâce aux techniques de l'Occident, l'élevage semi-industriel des porcs, des volailles, ainsi que des lapins, a fait son apparition. Nous parlerons ici de l'élevage des espèces suivantes: les bovins, les équidés, les ovins et les caprins. Il y a deux sortes d'éleveurs: ceux qui pratiquent la transhumance qui est un déplacement saisonnier pour résoudre trois problèmes à la fois: nourrir les animaux par la recherche de pâturages, les abreuver sur des sites qui ne nécessitent pas l'exhaure toujours très contraignante, et la possibilité de vendre du lait et des animaux affaiblis, au niveau de marchés importants. Les transhumants ont toujours des troupeaux d'au moins 60 unités. Les éleveurs sédentaires possèdent des troupeaux de l'ordre de 2 à 60 têtes et les gardent dans l'espace villageois toute l'année.

La conduite journalière des animaux, par les transhumants comme par les sédentaires, se déroule comme suit: en saison des pluies, les animaux vont sur les pâturages la nuit et reviennent le matin entre 8 et 9 heures, puis ils sont traits. Ils repartent vers les pâturages pour revenir à la tombée de la nuit. Après la traite du soir, le berger mange et se repose un peu puis, tard dans la nuit, il repart avec les animaux. L'eau pour s'abreuver ne pose pas de problèmes car il y a des petites mares partout et il y a aussi des affleurements de terres salées qui couvrent les besoins des animaux en sels minéraux. Les maladies principals sont provoquées par les tiques, les protozoaires et les parasites internes. La saison des pluies est la période des saillies avec les naissances en mai. Au moment des récoltes des champs de mil (octobre et novembre), le pâturage est déjà appauvri car presque toutes les graminées sont devenues paille ou ont atteint un trop grand degré de lignification. Les points d'eau conservant encore un peu d'eau sont presque partout entourés de champs et, en voulant y accéder, les animaux font des dégâts sur les champs et beaucoup de conflits naissent de cette situation. Certains conflits sont aussi dus à la négligence scandaleuse des bergers qui laissent les animaux dévaster en une nuit toute ta récolte d'une année de travail. Après les récoltes, les animaux peuvent accéder aux résidus de celles-ci dans les champs. Depuis quelques temps maintenant, les agriculteurs ramassent et stockent ces résidus pour les donner à leurs animaux en saison sèche ou pour les vendre.

En saison froide, la pénurie alimentaire s'installe. Les herbes sont presque toutes devenues sèches et les arbres ont perdu leurs feuilles. La vie des éleveurs et celle des animaux est vraiment pénible. Les hommes comme les animaux attrappent des refroidissements se prolongeant par des bronchites et des pneumonies aux conséquences parfois fatales.

En saison sèche (mars à mai), la faim, la soif, les maladies et l'inconfort s'abattent sur les animaux et sur les humains. Les animaux maigrissent et deviennent stériles. A cette période, certains sont tellement amaigris que leurs muscles ne leur permettent plus de se relever une fois qu'ils sont couchés. Les éleveurs sont obligés de se mettre à plusieurs pour aider ces animaux à se dresser.

Lorsque la saison des pluies est tardive, les naissances interviennent en avril et mai, c'est-à-dire aux pires moments pour les mères et les petits. Malgré cette situation vécue au Sahel depuis toujours, les éleveurs n'ont pas pensé à introduire la pratique du foin et les outils correspondants pour un grand nombre d'animaux. Pour les chevaux, dont les familles possèdent en moyenne une unité, une sorte de foin, l'Alysicarpus glumaceus et la Rottboellia exaltata, existe traditionnellement. Mais cela s'arrêtait seulement aux besoins des chevaux et pour une couverture de deux ou trois mois.

Le foin - Généralités

Le Sahel et la savane en Afrique de l'Ouest connaissent une saison de pluies qui dure de juin à octobre. Durant ces cinq mois, l'herbe verte est disponible et les animaux qui la consomment sont très productifs génétiquement Mais, dès novembre, l'herbe devient de la paille (sans vie) et les animaux n'ont que cette paille pour s'alimenter jusqu'en juin. Cette période morte est celle qui pénalise la production des animaux et même leur survie. Cela a toujours existé et l'idée de récolter l'herbe verte nutritive, de l'apprêter pour la conserver tout en lui préservant ses vertus nutritives, n'a pas été considérée au Sahel et dans la Savane. Quelques techniciens européens ont bien tenté d'implanter cette idée avant l'indépendance des pays mais leurs tentatives sont restées confinées dans les stations de recherche et les fermes pilotes. Ils n'avaient pas trouvé la manière de transmettre ce message pour qu'il soit bien reçu et mis en pratique. Mais les sécheresses de 1973 et de 1984 ont modifié l'élevage et les mentalités des éleveurs traditionnels. Quelques-uns se sont ouverts aux nouvelles idées, sont devenus plus réceptifs, plus désireux d'enrichir leur pratique de l'élevage. C'est en raison des effets cumulés des sécheresses de 1973 et de 1984 que l'idée de faire du foin est remontée dans les esprits et a été tentée à une grande échelle et directement avec des éleveurs pratiquants. L'idée s'est depuis imposée comme une évidence et une nécessité. Il est devenu évident qu'au moment où l'herbe est la plus nutritive et la plus abondante, il faut en récolter la plus grande quantité possible, la traiter par le séchage direct par le soleil et la stocker là où elle conserve l'essentiel de ses qualités nutritives.

Proposition et utilisation du foin chez les éleveurs

La proposition de produire du foin a été faite aux éleveurs en rapport direct avec l'objectif constant de tout éleveur: avoir du lait tous les jours et un troupeau qui se multiplie bien et qui grandit. Le lait nourrit, soigne, apaise, solidarise, apporte de l'énergie, enrichit et honore. Les naissances sont toujours des moments de joie, d'émerveillement, d'espérance. Le lait comme base et des naissances régulières constituent deux facteurs certains de vie heureuse et d'évolution réussie. Les éleveurs connaissent bien tout cela et lorsqu'on leur a expliqué que le foin engendrait du lait tous les jours toute l'année et des naissances régulières, ils ont accepté de tenter cette opération sans se dérober. Le suivi qui a été mis en place pour les soutenir a permis d'obtenir en deux ans des résultats très convaincants. Bien qu'ayant vite compris l'idée, les éleveurs se sont posé au moins quatre grandes questions:

1. Si tout le monde se met à faucher l'herbe pour en faire du foin, est-ce qu'il restera au bout de quelques années assez de semences pour faire pousser l'herbe?

2. Est-ce que l'on peut faucher pour nourrir cent animaux?

3. Comment faire pour protéger l'herbe des animaux qui broutent et qui piétinent pour pouvoir la faucher avec de bons rendements?

4. Est-ce que l'on pourra vendre du lait si tout le monde en produit toute l'année?

A ces questions, les réponses ci-après ont été données:

Concernant la question 1. Il y a des gisements inépuisables de semences d'herbes dans la terre et des fauches répétées en un lieu n'empêchent pas le même sol de se recouvrir d'abondantes herbes les années suivantes. Le vent d'une part, et le ruissellement des eaux d'autre part, sont des pourvoyeurs réguliers de semences d'herbes. Les animaux, par leurs déjections, approvisionnent les sols en semences d'herbes. Il y a aussi la possibilité de laisser des bandes d'herbes non fauchées pour qu'elles fructifient et déposent leurs fruits. Enfin, si tout cela ne suffit pas, on peut récolter des semences fourragères et les ensemencer à la volée, en poquets ou en raies sur le terrain choisi, immédiatement après la première bonne pluie d'hivernage.

Concernant la question 2. Nourrir cent animaux avec le foin est possible. Il y a quatre facteurs à posséder et cinq à maîtriser: un espace riche et étendu permettant de produire des herbes qui donneraient un bon rendement en foin; un instrument de fauche rapide et performant (pour une centaine d'animaux, dix faucheurs avec leurs faux ou une motofaucheuse peuvent récolter de quoi suffire à leur alimentation en saison sèche); un instrument de transport rapide et pouvant porter de grands volumes (la charrette hippomobile à quatre roues est tout à fait appropriée). Mais en attendant l'acquisition d'une telle charrette, des enfants en grand nombre et rendus joyeux par des cadeaux (bonbons) peuvent être très efficaces. Une infrastructure de stockage qui met ce foin à l'abri des intempéries (soleil, vents, poussières, pluies) et des prédateurs (animaux, insectes etc.) constitue le dernier facteur.

Concernant la question 3. Pour que l'herbe ne soit pas endommagée et gênée dans sa croissance par les animaux qui broutent et piétinent, il faut la protéger. Cela est possible avec du grillage, mais celui-ci est trop cher, du bois mort, mais cela dégrade la végétation, le plus avantageux est une haie vive. L'arbuste Ziziphus spina-christi est le plus indiqué. Ses fruits sont délicieux pour les humains et les petits ruminants, ses feuilles sont très recherchées par ces derniers. Ses branches flexibles et épineuses s'entrelacent bien pour constituer une sorte de maille qui arrête les animaux. Sa germination est très facile et sa croissance très rapide, en deux à trois ans, il est déjà assez grand pour constituer une barrière. C'est en plus un arbuste reconnu par le christianisme, l'islam et certaines pratiques culturelles en Afrique comme symbolisant la limite, la barrière.

Concernant la question 4. Si les éleveurs produisent tous du lait et toute l'année, l'écoulement de ce lait se fera par sa transformation dans des laiteries et fromageries régionales. Des consommateurs insatiables de lait et de produits laitiers existent partout dans le monde. Un pays comme le Nigeria peut consommer à lui seul toutes les productions des pays du Sahel, du Sénégal au Tchad. Avec une production régulière et importante de lait, les éleveurs sont dans la meilleure position pour être ni affamés, ni pauvres, ni malades, ni déméritants, et être indépendants.

Propagation de l'idée et de la pratique du foin

Pour que l'idée et la pratique du foin se maintiennent et s'étendent, il faut mettre en place des dispositifs de réalisation, de propagation, de protection et de perfectionnement. Ce sont: 1. l'organisation des pratiquants: ceux-ci s'organisent avec la conscience de se perfectionner et d'augmenter le nombre de pratiquants qui tous renforceront le groupe. L'Association pour la Promotion de l'Elevage au Sahel et en Savane (APESS) en est une illustration. Créée en mai 1989, elle a réussi par son organisation à être présente dans une quinzaine de pays du Sahel et de la Savane en Afrique de l'Ouest en moins de sept ans. Son fondement est justement la production fourragère (foins et cultures fourragères vivaces); 2. les formations: les éleveurs comprennent mieux, s'enrichissent et s'enthousiasment mutuellement lorsqu'ils se retrouvent dans des sessions de formation; 3. l'intérêt des formations est de reconstituer dans l'esprit des éleveurs les pièces qui composent l'élevage, leur ordre logique de viabilité, leurs proportions, la qualité nécessaire pour chaque pièce, les critères de reconnaissance dans la nature de chaque pièce dans sa qualité optimale, et les conditions de son obtention au meilleur compte. Ainsi les éleveurs découvrent les tenants et les aboutissants de l'élevage, qui laisse apparaître la fondamentalité de l'éleveur: sa prédisposition à l'élevage qui s'exprime par son rêve, la qualification qui lui est nécessaire et que lui procure la formation, et les courants porteurs de la concrétisation de son rêve que sont les valeurs culturelles universelles, celles qui l'amènent inéluctablement à se dépasser, donc à progresser.

L'information à la portée des éleveurs

Tout éleveur sahélien est culturellement sensible à la connaissance et à la beauté. En conséquence, si l'information enrobe la connaissance dans la beauté et se présente aux éleveurs à leur porte, ils seront touchés et finiront par réagir. C'est cela que l'APESS a essayé d'atteindre avec sa revue Jawdi Men qui paraît depuis 1993. Les visites entre éleveurs: il y a dans chaque société des personnes (famille) qui reçoivent beaucoup de visiteurs et toute l'année. Elles sont très importantes pour la diffusion. Lorsqu'elles pratiquent une innovation, beaucoup de personnes y prennent part et tentent d'imiter, de reproduire. Ce sont des personnes précieuses pour l'introduction et la propagation des innovations. L'événement est aussi un facteur indispensable à l'imprégnation d'une idée et à sa propagation. Il libère et dilate les émotions des gens qui ainsi deviennent très réceptifs pour absorber et assimiler les messages de l'idée. Par exemple l'APESS a créé son assemblée générale sous la forme culturelle d'un événement. Grâce â cette assemblée générale, l'APESS et son fondement, le hangar rempli de foin, ont franchi toutes les frontières des pays et de cultures. L'événement, surtout répété régulièrement, marque les gens de façon indélébile.

La pratique du foin: l'acteur, l'éleveur, l'agriculteur

Celui qui produit du foin est une personne qui a de la perspective, qui anticipe, qui a le sens de la continuité et de la régularité, de la constance. Avec ces qualités, une personne peut facilement se développer et développer d'autres personnes. La pratique du foin est un révélateur du caractère des individus et de leur potentiel plus ou moins fort à se développer. Pour être un bon travailleur, il faut connaître pour pouvoir agir, savoir observer pour connaître mieux et d'avantage, être travailleur pour concrétiser, être calme pour supprimer toute agressivité, être rigoureux, persévérant pour tout surmonter, être appliqué, soigné, fin pour tout qualifier, aimer son travail dans ses différents embranchements pour tout imprégner de bienveillance, s'y plaire et s'y maintenir. C'est à l'occasion des formations que l'éleveur prend conscience et connaissance de cela. Ces formations sont donc nécessaires pour toute entreprise que l'on veut installer ou faire progresser.

Le terrain à foin

Le terrain pour produire du foin doit être choisi avec beaucoup de soin pour amortir et reculer tous les débordements et toutes les pénuries agroclimatiques. Le terrain doit partir au moins du centre d'un bas-fonds de ruissellement des eaux et s'étendre perpendiculairement à ce bas-fonds jusqu'aux parties hautes. Ceci a l'avantage de garantir toujours une production sur les parties hautes quand il pleut trop, sur les bas-fonds lorsque les pluies sont insuffisantes et irrégulières. Le deuxième avantage est que les herbes sont diversifiées, celles qui poussent dans les bas-fonds sont différentes de celles qui poussent en hauteur. L'étagement du terrain du bas-fonds vers la crête permet donc d'avoir différentes espèces fourragères. Le troisième avantage est que ces différentes variétés d'herbes sont bonnes à faucher à des périodes différentes, ce qui allonge le temps de fauche en le répartissant sur 30 à 60 jours selon les terrains et les variétés d'herbes qui y poussent.

Le terrain doit être préparé pour donner aux herbes les meilleures conditions pour se développer et aussi pour faciliter et bien rentabiliser la fauche. Il faut donc délimiter et piqueter la parcelle, défricher et dessoucher en ne conservant que les grands arbres (fruitiers ou qui ont une autre utilité) s'ils existent, enlever tous les cailloux, les souches et les troncs d'arbres, clôturer avec les branchages enlevés, en faire un lieu de séjour nocturne des animaux afin qu'ils y déposent leurs déjections qui sont une très bonne fumure; dès la première bonne pluie, épandre à la volée les semences d'herbes qu'on aimerait faucher. Il faut auparavant les avoir ramassées dès la fin de leur fructification.

Les herbes à faucher

Les déclarations des éleveurs, les analyses bromatologiques et les effets des foins sur les animaux qui les ont consommés s'accordent sur les herbes ci-après comme les meilleures:

Table 17. Plantes préférées pour le foin au Sahel [Preferred hay plants in the Sahel]

Noms scientifiques

en fulfulde

Noms scientifiques

en fulfulde

Panicum laetum

pagguri

Dactyloctenium aegyptium

burgel

Brachiaria ramosa

pagguri

Andropogon gayanus

dayye

Pennisetum pedicellatum

bogodolo

Alysicarpus ovalifolius ou A. glumaceus


Cenchrus biflorus

kebbe

Zornia glochidiata

dengeree

Rottboellia exaltata

nielo

Pennisetum typhoides

gawri

Ipomoea vagrans

layndi

Echinochloa stagnina

burgu

Il y a des herbes qui sont vivaces et qui se prêtent aux cultures fourragères. Les plus réussies dans la pratique généralisée des cultures fourragères par les membres de l'APESS sont le siratro (Macroptilium atropurpureum) et l'Andropogon gayanus.

Les outils de la fauche et du foin

Le fait que la main d'œuvre est peu coûteuse (lorsqu'elle existe) invite à utiliser la faux pour la récolte de l'herbe pour les foins. En multipliant les faucheurs, on peut obtenir de très grandes quantités de foin si l'espace fauché est vaste, bien préparé et bien fourni en herbes. Pour rassembler le foin, le râteau est indiqué et pour le charger sur la charrette, la fourche convient tout à fait. Pour le transport du foin des lieux de ramassage aux lieux de stockage, une charrette volumineuse et stable tirée par un cheval est le meilleur instrument. A défaut de cela, le recours à des enfants encouragés par de petits cadeaux peut apporter une solution à la fois économique et éducative. L'aspect fondamental à exiger pour les outils est que ceux-ci obligent à travailler debout et en extension maximale. Pour de grandes entreprises agricoles, la motofaucheuse peut remplacer les faux.

Les infrastructures de stockage du foin

Plusieurs variétés d'infrastructures sont possibles. L'APESS recommande le hangar étanche double pente ayant 8 m de long, 4 m de large, 3,5 m de hauteur centrale et 1,7 m de hauteur latérale. Les piliers peuvent être en bois ou en briques de terre. Les côtés peuvent être garnis de seccos (nattes) de paille ou de murs en briques de terre. La toiture est recouverte de seccos et de chaumes qui assurent son étanchéité. L'infrastructure doit dans tous les cas se prêter à l'intérieur à des mouvements amples pour ne pas limiter le potentiel de travail de l'éleveur.

Périodes de la fauche

Dans la journée, il faudrait commencer très tôt quand la rosée tient et alourdit un peu les herbes. On fauche jusqu'à 11 heures ou midi puis on arrête la fauche et, vers 14 h, on retourne les herbes fauchées de sorte qu'elles soient asséchées de tous les côtés. Vers 16 h, on commence à ramasser les premières herbes fauchées pour les rentrer en grange (hangar APESS). Il ne faut pas les attacher en bottes, car elles pourraient être envahies par les moisissures. Dans l'année, la fauche commence après la période des pluies fines et répétées plusieurs fois par jour. Au Sahel, cette période se situe autour du 15 août en année normale de saison de pluies. Pour ceux qui savent les lire, les étoiles aussi indiquent bien nettement la période convenable. Avec le mûrissement étagé des herbes, la fauche peut se poursuivre jusqu'au 15 octobre soit près de soixante jours après son démarrage.

Pratique de la fauche

Il faut disposer d'une faux, d'une pierre à affûter et d'un récipient contenant de l'eau pour tremper la pierre à affûter. On fixe bien la lame de la faux en vérifiant si l'angle de coupe est optimal. On affûte alors la faux. Avant de faucher, il faut vérifier qu'il n'y ait ni cailloux, ni bois, ni souches d'arbres sur le parcours à faucher. On fauche par un mouvement de rotation du tronc dont le rayon reste constant entre le moment où la lame touche les herbes et celui où le mouvement s'arrête. On prend de petites épaisseurs d'herbes et on avance pas à pas jusqu'à la fin de la parcelle. Cette méthode permet de faucher des bandes régulières et l'herbe peut être ramassée facilement en suivant les bandes plus tard avec la charrette. Lorsqu'on est fatigué, ou lorsque la lame ne coupe plus très bien, il faut s'arrêter et affûter celle-ci.

Rendements

Les rendements dépendent de la nature des herbes (certaines sont moins hautes et moins denses), de la richesse du terrain qui conditionne la biomasse, de l'habileté et de la résistance du faucheur et enfin de la qualité de la faux. Avec tout cela inclus, les mesures de rendement faites donnent la valeur moyenne de 150 à 200 kg de foin par jour par faucheur. Ainsi, un faucheur peut récolter en 4 jours de quoi nourrir en complément une bonne vache pendant la saison sèche, soit de 600 à 800 kg de foin.

Figure 49. Demonstrating appropriate technology in the Sahel (Dori, Burkina Faso)

Photo: Editions Nomade

Utilisation du foin

Le foin est destiné à nourrir les animaux en saison sèche quand l'herbe est devenue paille morte. Il est logique aussi de le donner aux animaux les plus valorisateurs de ce foin. Avec le lait, le fumier et l'énergie, l'espèce bovine est de loin la plus valorisante, suivie de près par les chevaux. Dans l'espèce bovine, les femelles en lactation sont les plus intéressantes. Elles donnent du lait, beaucoup de fumier, sauvent et font grandir leurs veaux pendant la saison sèche grâce au lait qu'elle donnent chaque jour. Les veaux encore jeunes ainsi que les animaux malades constituent la deuxième priorité d'animaux pouvant bénéficier du foin. Le foin est à servir à ces animaux le matin et le soir pour les vaches en lactation dès que leur production baisse et pour les animaux malades à l'instant même où la maladie s'est manifestée. Quant aux jeunes, ils peuvent recevoir le foin dès qu'ils sont en âge de le consommer. Le meilleur endroit pour distribuer le foin aux animaux est l'aire des champs de cultures. Les animaux y sont à l'aise (espace vaste et propre) et y déposent leurs déjections (bouses et urines) qui fertilisent les champs à peu de frais. Les quantités à servir se déterminent normalement par les animaux eux-mêmes en fonction de leurs besoins. Mais le plus souvent le foin est en quantités limitées et doit être fortement rationné. Les pratiques courantes qui ont donné de bons résultats (en lait, saillies et poids) sont de l'ordre de 3 à 4 kg de foin par jour par vache adulte. Cette quantité correspond à un complément car l'animal va au pâturage et y trouve de la paille et peut aussi parfois recevoir du tourteau ou des graines de coton.

La distribution du foin aux animaux a donné les résultats ci-après (données de l'APESS). Augmentation de la production de lait: de l'ordre de 30 à 60% par rapport à la production sans distribution de foin. Augmentation du volume du fumier qui atteint au moins 50% du volume lors de la saison de pluies. Reprise des saillies des femelles trois semaines après la distribution du foin pour au moins 80% des femelles qui ont reçu le foin. Le foin s'utilise aussi comme produit à vendre. Au Sahel, c'est même le produit végétal le plus recherché et le plus enrichissant. Il devrait être considéré comme un produit de rente par excellence. En Savane aussi, du fait de la lignification importante des herbes, le foin peut revêtir une très grande valeur. Il faudrait par conséquent développer d'importantes actions pour répandre cette pratique dans les régions soudaniennes.

Pratique du foin dans l'espace

On peut mesurer la propagation de la production de foin en Afrique de l'Ouest en se référant à l'expérience de l'APESS. Directement et indirectement, l'APESS, créée en 1989, a réussi en 1997 à faire pratiquer la production du foin dans les pays ci-après: Burkina Faso: toutes les régions du pays; Mali: le Delta (Macina) le Sdno (Bankass-Douciitza); Sénégal: Fleuve, Ferlo; Niger: Tomodi, les Dallol Dogondoutchi, Maradi; Mauritanie: Fleuve; et Cameroun: Adamaoua, le Nord. L'idée et la pratique du foin sont donc bien répandues et bien enracinées. Il reste à leur donner une plus grande ampleur et qualité au niveau des éleveurs pratiquants. C'est là un travail d'information, de formation, de suivi et d'organisation des éleveurs.

Cultures fourragères

L'intérêt des cultures fourragères est de fournir de la verdure en saison sèche. Seules sont donc intéressantes les cultures vivaces. Parmi celles-ci, deux ont donné de très bons résultats: Macroptilium atropurpureum ou siratro qui est une légumineuse importée d'Australie et Andropogon gayanus qui est une graminée locale. Tandis que, en saison sèche, le siratro réussit bien en Savane, on constate quelques difficultés au Sahel où les insectes rendent cette culture difficile. Il se peut donc qu'on ait plus de chance au nord avec Alysicarpus ovalifolius car, en terrain sableux (dunes), ces plantes donnent d'excellents résultats. Pour le siratro, il faut choisir un terrain humide, de préférence dunaire, et en savane dans des bas-fonds où l'eau ne stagne pas; il faut défricher, dessoucher le terrain, semer en début de saison des pluies, de préférence après un labour du terrain, sarcler dès que d'autres herbes s'installent ou quand le sol se durcit, clôturer avec du grillage (trop cher) ou du bois mort pour protéger le siratro et la haie vive à mettre en place. La meilleure plante pour installer une clôture sous forme de haie vive est le Ziziphus spina-christi. Il faut procéder ainsi: récolter les graines mûres dégagées de leur pulpe, les casser pour extraire les vraies graines, en début de saison des pluies, dès la première grande pluie, les semer tout au long du périmètre de la parcelle fourragère, semer après avoir trempé les graines 24 heures dans l'eau, mettre 5 à 10 graines par poquet, entre les poquets; une distance de 50 cm est conseillée; il est avantageux de mettre du fumier au pied des pousses pour accélérer leur croissance en saison des pluies, ainsi elles développeront un réseau important de racines, leur permettant de franchir la sécheresse de saison sèche.

Lorsque les plantes de siratro ont atteint une certaine taille de développement et que les premières feuilles commencent à apparaître, il faut récolter le fourrage en coupant toutes les branches de la plante. Il faut couper à trois doigts de hauteur (environ 3 cm). Il est important de couper toutes les tiges et surtout de le faire avant que la plante ne vieillisse. La plante repousse bien lorsqu'elle a toujours la vigueur de la croissance. A un âge plus avancé, elle est en phase de décroissance et sa force de rejet est bien diminuée. Après la récolte et selon le degré d'humidité de l'air ambiant, il faut la laisser se faner pendant un à deux jours, parfois trois. Puis il faut enrouler les tiges coupées en bottes et les stocker dans le hangar étanche (voir paragraphe concernant le foin). Les repousses de siratro atteignent leur taille adulte quatre à six semaines après une coupe. Cela dépend de la richesse et du degré d'humidité du terrain et aussi de la qualité des travaux faits pour les plantes. Lorsque la parcelle est bien clôturée, on peut faire de quatre à cinq récoltes en saison sèche si le terrain et les travaux exécutés sont bons. Si on arrose en supplément, les plantes repoussent bien mieux encore. Le siratro se donne en sec lorsqu'il est produit en saison de pluies et en vert lorsqu'il est récolté en saison sèche. Il faut donner ce fourrage à volonté aux animaux car ils peuvent rarement dépasser les 2 à 3 kilos. Lorsque le fourrage est vert, l'état de l'animal et ses productions se modifient favorablement en une semaine. Le siratro cultivé sur un bon terrain et ayant bénéficié de travaux soignés peut subsister de trois à cinq ans avant de renouveler le semis. Dans l'année, pour les différentes fauches, il peut donner un rendement de l'ordre de 2 à 10 tonnes de foin.

Pour l'Andropogon gayanus, il faut: choisir un terrain sur lequel il existe déjà ou sur lequel on sait qu'il se développe; il faut défricher, dessoucher le terrain, semer par dispersion massive de graines (des épillets) ou par repiquage des éclats de souche, sarcler si possible en enlevant d'autres herbes pouvant être gênantes, installer une clôture étanche et permanente, arroser s'il y en a la possibilité, récolter avant que les tiges ne se lignifient, laisser se faner un à deux jours avant de mettre à l'abri dans le hangar, en saison sèche, on peut récolter les repousses vertes et les donner aux meilleures laitières.

La pratique des cultures fourragères est très difficile et son extension très faible en milieu éleveur sahélien. Le manque d'habitude de cultiver et surtout de constance au travail en saison sèche ne permet pas un grand développement des cultures fourragères en milieu éleveur. Les services techniques de l'agriculture et de l'élevage font quelques essais de cultures fourragères mais surtout avec les plantes annuelles. La plus répandue est la dolique (Lablab purpureus). Les éleveurs sont pour l'instant très prudents à les adopter.

Les résidus de récolte

Ce sont surtout les fanes de haricot, d'arachide et les tiges de mil plus ou moins parvenues à maturité. Une pratique au Sahel consiste à récolter le mil en vert et sur le point de fructifier comme fourrage, car on sait que, en cas de faible pluviométrie, l'entrée des animaux dans les champs ne leur permettrait pas de fructifier jusqu'au bout. La qualité de ces résidus est très variable selon le stade de développement végétatif auquel on les a récoltés. Le plus souvent, ils sont transportés par des charrettes à âne jusqu'à leur lieu de stockage. Les résidus de récolte sont stockés sur les arbres et sur les toits de maisons en terrasse. Une bonne partie est endommagée par les rayons solaires. Les résidus de récolte sont vendus par certains, utilisés pour leurs animaux par d'autres. Les laitières et les animaux à l'engraissement en sont les principaux bénéficiaires.

Vente des fourrages et résidus de récolte

En réalité, le foin, les fanes de haricot et d'arachide, les tiges de mil et la simple paille jaune de brousse sont un important flux commercial entre campagnes et villes entre agriculteurs et éleveurs. Le marché du bétail est toujours flanqué de son marché de fourrage de toutes sortes de qualités. Les prix sont très variables, liés d'abord à la rareté des fourrages d'une année sur l'autre, d'une saison à l'autre, d'une région à l'autre, et à la qualité du fourrage. Les fourrages encore verts sont les plus demandés et les mieux achetés. Malgré cela, le réflexe d'en produire beaucoup ne s'est pas encore installé dans les esprits. Normalement le fourrage devrait être la première culture de rente interne au Sahel. Mais les éleveurs n'ont pas eu ce réflexe économique et les techniciens ne les ont pas exhortés dans ce sens. Avec la naissance de laiteries dans certaines régions, il est sûr que finalement des personnes avisées vont se consacrer à la production de fourrages en grandes quantités. L'installation d'usines de lait exigeant que celui-ci provienne d'élevages laitiers dont les animaux sont principalement nourris de fourrage amorcera au Sahel une heureuse adaptation de l'élevage.

L'IMPORTANCE DE LA VULGARISATION DU FOIN POUR LE DéVELOPPEMENT SOCIO-éCONOMIQUE DU SAHEL

Le succès et les expériences de l'APESS dans la vulgarisation de la production fourragère ouvrent de nouvelles perspectives et un nouvel espoir pour la région du Sahel. Le Sahel n'est pas une région pauvre, mais une région de potentiel économique en sourdine. Si les habitants du Sahel attendent aujourd'hui la pitié des projets, c'est parce que la politique ainsi que l'administration ont attendu jusqu'ici que ces projets de développement combattent les pénuries et la peur de catastrophes comme par exemple les grandes sécheresses. Ainsi s'est cultivée au niveau de la population rurale une attitude fataliste d'attente et de passivité peureuse. C'est là le vrai handicap du développement socio-économique du Sahel. Les difficultés écologiques, climatiques et démographiques qui constituent les problèmes actuels sont, selon quelques experts, les facteurs principaux du blocage du développement seulement au second plan. C'est-à-dire qu'elles sont surmontables si les producteurs et productrices ruraux ont l'audace, la volonté ferme, les connaissances utiles et l'encouragement de la part de la politique et de l'administration pour travailler et faire valoir le potentiel de cette région. Les expériences de l'APESS montrent qu'il est possible de faire quelque chose si l'on applique des stratégies susceptibles d'enthousiasmer les producteurs et productrices ruraux pour une idée et de susciter en eux l'esprit d'ambition. Si elle est impliquée dans une telle stratégie réfléchie et bien organisée, la simple production du foin peut se révéler comme indicateur ou activité initiatrice d'une nouvelle ère de développement.


[2] Based on material provided by Boubacar Ly.

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