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LA PRESSE AUDIOVISUELLE PUBLIQUE ET PRIVÉE
(RADIO ET TÉLÉVISION)

La radio, comme le système économique, politique et social actuel, a été introduite en Afrique par le fait colonial. Cet outil technologique avait pour but, entre autres, de diffuser l'ordre et la discipline européens aux sociétés indigènes de l'Afrique Noire.

Ainsi le système français en matière de communication se voulait particulièrement centralisateur tant au niveau des postes, télécommunications et télégraphes qu'au plan des émissions et messages radiophoniques.

Dès l'avènement de la radio dans le pays, elle fut considérée comme un auxiliaire de Gouvernement, étroitement contrôlé par le Gouvernement. Cet intérêt des pouvoirs publics pour ce moyen de communication sociale tient à ses nombreux atouts:

La radio dispose d'un atout sérieux: elle est le prolongement moderne du système de communication orale. La radio jouit donc d'un prestige certain en milieu rural.

Par ailleurs, la radio court-circuite certains circuits de la diffusion traditionnelle dans la mesure où l'auditoire n'est plus tenu de s'en remettre au chef de village pour entendre certains messages en langues locales. Cette nouvelle technologie a donc inculqué une forme de complexe d'infériorité aux moyens artisanaux de communication sociale. Cependant, deux restrictions s'imposent:

La radio, très vite, a précédé souvent le livre et l'instituteur dans les villages. De ce fait, la radio s'est vue assigner des finalités culturelles particulières d'éveiller les consciences, de susciter l'adhésion des populations aux programmes de développement, et de les informer sur leurs droits et devoirs dans la nouvelle société en construction.

Les divers Gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays depuis l'Indépendance l'on envisagée comme un instrument d'unification nationale, de modernisation, d'éducation et de développement. Cet intérêt stratégique s'est trouvé agrandi avec la création de la radio rurale et de la radio scolaire, les deux voix du «progrès économique et social». L'éducation est alors devenue le premier objectif assigné à la radiodiffusion en raison du contexte socioculturel du Burkina: une population essentiellement rurale à 90% et un taux d'alphabétisation qui gravite autour de 35%. Situation préoccupante, d'où l'ambition de combler ces insuffisances dans l'éducation des enfants et des adultes.

L'essentiel est de trouver une voie qui permette de ne pas laisser l'alphabétisation au stade de projet. Sur ce terrain, radio rurale et radio scolaire ont tenté de viser les mêmes objectifs, car elles constituent deux moyens d'éducation complémentaires.

Malheureusement, la radio scolaire n'a pas été une expérience concluante faute de moyens et faute de formation appropriée dispensée aux animateurs.

La mission officielle assignée à la radio rurale est «la formation et l'élévation du niveau de vie des populations rurales». Le texte du décret stipule que ses activités portent sur l'éducation civique, l'alphabétisation, l'éducation sanitaire, l'élevage, les cultures et les problèmes sociaux en milieu rural.

Si les objectifs assignés sont hautement positifs pour le développement, la pratique a révélé une série d'insuffisances après le départ de la mission allemande de coopération:

C'est autour des années 1980, dans le cadre du Programme populaire de développement institué sous la Révolution que se concrétisent le montage technique et la matérialisation des radios locales dans les localités de Diapaga, Djibasso, Gassan, Kongoussi, Orodara et Poura. Inspirées de l'esprit des radios communautaires du Québec, les radios locales entendaient être des compléments utiles à la radiodiffusion nationale.

Ces radios, qui ont été implantées dans des sites où les populations étaient restées attachées à leur terroir et à leurs pratiques, entendaient répondre à l'expression d'un besoin pour les collectivités locales: celui de disposer d'outils de proximité à même d'être des supports de création d'espaces de débats et de convivialité.

C'est pour cela que bien avant le phénomène des radios FM, les radios locales ont été implantées avec des noms évocateurs et significatifs comme la «Voix des Vergers», «la Voix des Lacs». Mais très vite les radios locales du fait d'une absence de statut approprié vont tomber progressivement dans un état de dégénérescence et de défection technologique.

Autant le besoin en radiophonie de proximité semblait être exprimé de manière franche par les populations concernées, autant, dans la pratique, beaucoup de ces radios ont sombré dans un état de difficultés de tous ordres, comme l'inadaptation du matériel technique par ailleurs défectueux, l'absence de budget de fonctionnement, le manque de suivi-évaluation et surtout plus grave: le manque de participation des populations à la production des programmes et à la gestion de ces radios.

Il fallait clarifier leur statut et œuvrer à leur donner un second souffle. Le forum national sur la communication de 1997 a affirmé qu'une «nouvelle vision doit permettre de doter le monde rural de radios locales performantes en tenant compte des critères d'initiatives des populations sur la base des besoins réels d'intégration de ces radios dans la communauté, de la capacité des populations et enfin des caractéristiques culturelles, linguistiques et de rayonnement». L'Etat devait permettre une large participation des communautés à la vie de ces radios locales.

De facto, ces radios ont connu un engouement et un enthousiasme initialement sans précédent. Mais du fait d'une gestion administrative mal définie et hasardeuse ainsi que d'une non prise en compte des charges liées à des structures exigeant un minimum financier pour le fonctionnement, ces radios communautaires ont offert des résultats inférieurs à ce que l'on espérait. Aujourd'hui ces radios locales, loin de constituer des modèles, apparaissent plutôt comme des contre-exemples. Il est donc urgent, dans le cadre de la politique nationale pour le développement, de recentrer le débat sur le rôle et la place de ces instruments de production et de diffusion des informations et de la communication.

LES RADIOS FM PRIVÉES

Cinquante radios FM fonctionnent à ce jour. Et des dossiers de demandes d'attributions de fréquences sont à l'étude, selon le Conseil supérieur de l'information (CSI).

Le phénomène des radios FM, ici comme ailleurs, est lié à la libéralisation du paysage des ondes. La brèche a été couverte avec Horizon FM. Très rapidement des radios privées laïques, confessionnelles, commerciales, socio-éducatives ont poussé, donnant à l'espace audiovisuel un visage varié et contrasté. Bien entendu, ces radios FM sont loin d'être logées à la même enseigne. Bien au contraire, de par leurs audiences, leurs grilles des programmes, le profil de leurs promoteurs ou de leurs gérants, ces radios FM sont loin d'être au même diapason.

La typologie des médias audiovisuels du Burkina a été fixée par le Conseil supérieur de l'information par arrêté n°98-14/CSI/CAB du 25 mai 1998. L'article 5 précise que les médias audiovisuels privés comprennent les radios privées et les télévisions privées. Il est également stipulé que les radios privées se subdivisent en radios privées commerciales régies par les dispositions en vigueur en matière commerciale et constituées sous forme de sociétés anonymes ou de sociétés à responsabilité limitée, et en radios privées non commerciales, qui mènent des activités non lucratives et évoluent hors du champ de la publicité commerciale. Ce sont les radios privées associatives ou communautaires et les radios confessionnelles.

Les radios FM sont généralistes ou thématiques. Aujourd'hui, même si chacun voit midi à sa porte, il convient de reconnaître que le paysage radiophonique de fréquence moyenne est quelque peu encombré et mériterait d'être davantage assaini.

LA TÉLÉVISION NATIONALE

ÉVOLUTION

Historiquement, le Burkina Faso a acquis la télévision avant nombre d'Etats en Afrique francophone.

En 1963, dans les temps forts de la première République, le Président Yameogo négocie avec la France l'implantation et l'équipement d'une station compacte de télévision dont la probabilité de desserte n'excédait pas un rayon de dix kilomètres.

Dès le 5 août 1963, à l'occasion du troisième anniversaire de l'accession du pays à l'Indépendance, la télévision voltaïque de l'époque est inaugurée à grands renforts de publicité dans la ville de Ouagadougou. Mais dans la pratique, la Voltavision ne démarre que le 1er octobre 1964.

Le 19 août de cette même année, le Gouvernement fixe les normes des émissions télévisées dans le sens d'un contrôle absolu des programmes.

Toujours en 1964, un décret de la Présidence de la République décide la fourniture gratuite des postes-récepteurs de télévision aux hauts fonctionnaires et aux cadres supérieurs de l'Etat.

En 1966, après le mouvement populaire du 3 janvier, le Général LAMIZANA instaure une politique d'austérité qui devait conduire à l'arrêt des émissions télévisées et à l'annulation du décret portant fourniture des postes-récepteurs à certains cadres de l'Etat.

En 1969, la télévision reprend ses programmes mais à raison de six heures d'émission par semaine. A partir de cette date, elle fonctionnera à temps partiel jusqu'en 1975. Cette situation tenait aux problèmes structurels (dépendance technique et en ressources humaines vis-à-vis de la radiodiffusion) et aux difficultés de disposer de programmes en quantité et en qualité suffisantes pour répondre aux besoins des téléspectateurs.

Malgré la vocation initiale de la télévision qui était de distraire et d'éduquer, les pouvoirs publics ne lui concédaient aucun caractère prioritaire. Il n'était donc pas du tout à l'ordre du jour de la mettre au service des communautés de base et de la société civile en programmant des espaces de débats et d'échanges contradictoires.

La voie sera ouverte à partir des années 1980, avec des émissions à thème et à réflexion comme «nul n'est censé ignorer la Loi», puis «sans détour». Ensuite «face à la presse» ou encore «tirs croisés» et «Médiascopie». Mais, malheureusement, les émissions, bien qu'intéressant le plus grand nombre, sont en français, donc à destination élitiste et excluant le plus grand nombre.

Jusqu'en 1980, la télévision était toujours à un stade rudimentaire. Elle ne comptait véritablement que pour la minorité sociale et élitiste du pays. Mais avec la toute première retransmission en direct de la Coupe du Monde «España 82» par satellite, la télévision connaîtra une nouvelle dynamique.

Ainsi, en juin de la même année, un émetteur de 100 w est installé. Dans le même temps, avec l'expertise d'un bureau d'ingénieur suisse du nom d'Electro Watt, un schéma directeur est réalisé, et celui-ci est toujours d'actualité. Il a permis d'assurer progressivement la couverture télévisuelle du territoire (zones essentiellement urbaines) entre 1985 et 1999, maintenant réalisée à 80% environ, selon les estimations du Ministère de la communication. Ainsi, outre Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, les villes suivantes sont desservies: Dédougou, Koudougou, Ouahigouya, Fada N'Gourma, Tougan, Kaya, Yako, Dori, Pô, Tenkodogo, Dori, Gaoua, Diébougou, Boromo, Houndé, Pama, Koupèla, Banfora.

Les programmes de la télévision sont davantage axés sur des productions étrangères et sur le traitement des actualités nationales. La production nationale y est relativement faible parce que les moyens et les ressources sont limités, mais aussi parce que les choix de développement privilégient le divertissement sous toutes ses formes.

La part dévolue au monde rural est de loin insuffisante. Celui-ci apparaît dans les programmes télévisés, le plus souvent lors des déplacements de personnalités politiques en milieu rural. Les émissions exclusivement destinées au monde rural sont plutôt rares, de même que l'accès des producteurs aux programmes télévisés.

Malgré donc l'extension de la couverture télévisuelle, la télévision demeure un phénomène plus ou moins urbain réservé davantage aux grands centres et aux localités moyennes du pays. Ainsi, les programmes sont essentiellement axés sur des préoccupations urbaines.

Dans ce secteur, les initiatives privées sont encore rares. Quelques tentatives peu fructueuses ont eu lieu avec TVZ qui a voulu proposer des programmes de variétés au mépris de la protection des droits d'auteurs. A côté de cette expérience malheureuse, on en relève une autre non moins difficile avec Multimédia dont l'objectif était de proposer aux habitants de Ouagadougou un outil de divertissement intégral.

Seule la télévision confessionnelle dénommée Canal Viim Koeega semble évoluer sans dommage, émettant en UHF sur un rayon de 20 kilomètres environ.

Ce diagnostic d'ensemble a donné lieu à une série de recommandations.

RECOMMANDATIONS

PLAN DE RÉGIONALISATION DE LA RADIO ET DE LA TÉLÉVISION

(A l'attention du Ministère de la communication)

«Pour prendre en compte les besoins spécifiques des communautés de base en information et en communication, l'Etat doit opter pour un système de régionalisation de la radio et de la télévision. Cette option de régionalisation devra s'accompagner d'une dynamique de partenariat multisectoriel (pouvoirs publics, privés, associations, partenaires au développement). Ce système de régionalisation donnera aux populations le double avantage d'avoir une ouverture au monde par le réseau de diffusion national ainsi qu'une diffusion de proximité prenant en compte leurs préoccupations locales en information et en communication. Dans un premier temps, ce système de régionalisation pourrait concerner quatre régions: Est, Ouest, Nord et Sud. Il s'agit, par ce découpage, de s'inscrire dans une perspective prenant en compte les dimensions linguistiques et culturelles des régions».

INVENTAIRE ET REGROUPEMENT ÉVENTUEL DES ÉQUIPEMENTS TECHNIQUES DISPONIBLES

(A l'intention du Ministère de la communication et de la culture et des responsables des médias publics)

Il s'agira, dans la perspective d'une meilleure visibilité du paysage audiovisuel, de procéder à un inventaire exhaustif des équipements disponibles et fonctionnels en vue de leur éventuel regroupement dans le sens du renforcement de la régionalisation.

Cet inventaire serait à même de pouvoir indiquer les domaines techniques qui présentent des défaillances quantitatives, de faire au besoin des économies d'investissement et ainsi, dans le cadre de la régionalisation, d'agir avec rationalité.

CRÉATION D'UN CADRE DE RECHERCHE DE NORMALISATION DES ÉQUIPEMENTS TECHNIQUES DES MÉDIAS PUBLICS

(A l'intention du Ministère de la communication et des responsables des médias publics)

Il s'agit, dans le cadre de la recherche des performances du confort d'écoute et de l'excellence, de travailler à une adoption de normes communes en matière d'équipements techniques.

En adoptant les mêmes normes de production et de diffusion pour les investissements techniques à venir, les médias publics pourraient éventuellement procéder avantageusement à des aménagements et à des échanges de maintenance et de dépannage entre stations régionales sans recourir systématiquement à des achats onéreux.

MISE SUR PIED D'UNE ÉQUIPE TECHNIQUE D'INGÉNIEURS PLURIDISCIPLINAIRES

(A l'attention du Ministère de la communication)

Pour faire face efficacement aux nécessités de maintenance et d'exploitation, il convient de procéder à l'installation d'une équipe d'ingénieurs pluridisciplinaires: exploitation, maintenance, etc., dans l'optique de la rationalisation et de l'efficacité des interventions, et ce d'autant plus que le constat actuel est celui de profondes divergences d'appréciation des techniciens de la presse audiovisuelle nationale.

Une situation qui n'éclaire pas toujours judicieusement les responsables des médias en matière de choix d'équipements qualitatifs.

DÉGRÈVEMENT FISCAL ET DÉTAXATION SUR LES ÉQUIPEMENTS AUDIOVISUELS DE PRODUCTION ET DE DIFFUSION

(A l'attention du Ministère de l'économie et des finances, du Ministère de la communication et du Conseil supérieur de l'information)

En vue d'aider à la promotion de la presse audiovisuelle, il serait intéressant d'envisager une détaxation entière et la suppression des charges fiscales sur les équipements audiovisuels destinés à la production et à la diffusion. Pour ce faire, l'Etat devra considérer les médias comme relevant du domaine prioritaire et capable de bonifier toutes les actions et initiatives de développement durable. En conséquence, l'information et la communication doivent avoir un caractère prioritaire et être mis dans un contexte fiscal et douanier favorisant leur épanouissement.

RÉORGANISATION DU SECTEUR DES MAISONS DE PRODUCTION AUDIOVISUELLE ET CINÉMATOGRAPHIQUE

(A l'attention du Ministère de la communication et du Ministère du commerce)

Dans l'optique de soutenir la qualité des programmes de télévision, il apparaît important de réorganiser le secteur des maisons de production en les dotant de textes appropriés. Cela sera certainement de nature à assainir et à crédibiliser un secteur qui en a grand besoin.

RÉACTIVATION ET VIABILISATION DU FONDS DE PROMOTION ET D'EXTENSION DES ACTIVITÉS CINÉMATOGRAPHIQUES ET AUDIOVISUELLES

(A l'attention du Ministère de l'économie et des finances et du Ministère de la culture et des arts)

Afin de redonner du lustre à l'activité cinématographique et audiovisuelle, il est nécessaire de procéder à la mise en place et au renforcement du fonds de promotion des activités cinématographiques en rédigeant des textes clairs sans ambiguïté, sur les conditions de prêt et de remboursements impératifs.

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