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Chapitre 4

Les contrats et leurs spécifications

Ce chapitre examine le cadre juridique des contrats,
la base de l'accord (la formule),
le type de contrat ou la façon dont il est présenté,
et les spécifications détaillées qui doivent y figurer.

Le cadre juridique

  • Le contrat doit être conforme aux exigences minimales des lois du pays
  • Les usages locaux doivent être pris en considération
  • Les accords d'arbitrage doivent être abordés

La formule des contrats peut reposer sur ...

  • Les spécifications relatives au marché, où seules les normes de qualité sont spécifiées et la disposition relative aux intrant est souvent minimale
  • Les spécifications relatives aux ressources, où les détails de la production par ex. les variétés, sont spécifiées. La fourniture des intrants est souvent limitée et les garanties de revenus souvent minimales
  • Les spécifications relatives à la gestion et aux revenus, qui sont les plus complètes et peuvent comprendre les structures prédéterminées des prix, les avances d'intrants agricoles, le soutien technique et le contrôle de la direction
  • Les spécifications relatives à la propriété foncière et au mode d'exploitation, qui sont une variation du modèle pour la gestion et les revenus avec des clauses supplémentaires relatives au mode d'exploitation. Cette formule est en général employée lorsque le promoteur loue des terres aux agriculteurs

Le type d'accord

  • Les accords formels sont des contrats légaux qui détaillent les obligations de chaque partie
  • Les enregistrements simples sont la forme de contrat la plus répandue que l`agriculteur ou l'agricultrice signe pour indiquer qu'il ou qu'elle comprend les termes de l'accord et désire bénéficier d'un contrat
  • Les accords verbaux sont fréquemment utilisés dans le modèle informel et parfois par les promoteurs des sociétés

Les spécifications peuvent comprendre ...

  • La durée du contrat
  • Les normes de qualité requises par l'acheteur
  • Le quota de production de l'agriculteur
  • Les méthodes de culture exigées par le promoteur
  • Les modalités de livraison de la récolte
  • Les modalités de calcul du prix en employant ...
  • Les prix fixés au début de chaque saison
  • Les prix flexibles basés sur les cours mondiaux ou locaux du marché
  • Les prix du marché au comptant
  • Les prix en consignation, lorsque le prix payé à l'agriculteur n'est pas connu avant la vente du produit brut ou transformé, ou
  • Le fractionnement du prix, lorsque l'agriculteur reçoit un prix de base convenu et un prix définitif après la vente du produit par le promoteur
  • Les modalités de paiement des agriculteurs et de remboursement des avances de crédit
  • Les accords traitant des assurances

Les exemples de contrats
auxquels on se réfère dans ce chapitre
sont donnés en annexe.

Introduction

Les accords, sous forme de contrat écrit ou d'accord verbal, prévoient habituellement les responsabilités et les obligations de chaque partie, les modalités d'application et les recours en cas de rupture du contrat. Ils ont en général lieu entre le promoteur et l'agriculteur bien que dans le cas d'accords multipartites et de certains autres, ils soient souvent établis entre le promoteur et des associations ou des coopératives agricoles. Dans le cas d'accords par le biais d'intermédiaires, le promoteur passe directement un contrat avec ceux-ci qui s'organisent eux-mêmes avec les agriculteurs. Quatre aspects doivent être examinés lorsque l'on prépare les contrats:

  1. Le cadre juridique: le droit régit les contrats dans un pays donné ainsi que les modalités d'application de ces lois dans la pratique.
  2. La formule: la définition des responsabilités des dirigeants, les structures des prix et l'ensemble des spécifications techniques qui règlent directement la production.
  3. Le type d'accord: la manière dont le contrat est présenté.
  4. Les spécifications: les détails de l'exécution du contrat.

Le type de contrat employé dépend d'un certain nombre de facteurs tels que la nature du produit, la première transformation, éventuellement nécessaire, et les exigences du marché en termes de sûreté de l'offre. La nature de l'accord est également influencée par les incitations à la qualité, les accords relatifs aux paiements, le degré de contrôle que le promoteur souhaite avoir sur le processus de la production, et la mesure dans laquelle le contrat immobilise le capital des parties. Un contrat portant, par exemple, sur de l'huile de palme, du thé, ou du sucre, qui demande un important investissement de toutes les parties sur le long terme, sera différent d'un contrat pour des cultures annuelles telles que les fruits et les légumes. De même, un contrat portant sur la production de fruits et de légumes pour des supermarchés locaux peut être différent de celui traitant des mêmes produits pour les marchés extérieurs, susceptibles de subir des contrôles plus rigides sur l'utilisation de pesticides et la qualité, et de devoir respecter des normes de présentation et de conditionnement supérieures.

Bien que les personnes morales, les organismes publics et les promoteurs individuels soient nécessairement les catalyseurs du contrat, on doit donner aux agriculteurs et à leurs représentants la possibilité de contribuer à la rédaction de l'accord; il faut également rédiger les spécifications dans des termes que les agriculteurs peuvent comprendre. Tout contrat, qu'il soit court ou informel, devra être le reflet d'une entente mutuelle entre les parties contractantes. Il incombe à la direction de s'assurer que tous les agriculteurs comprennent parfaitement les accords. Dans de nombreux pays, beaucoup de cultivateurs sont illettrés; il peut donc être nécessaire de préférer les contrats oraux aux contrats écrits. Leurs modalités doivent cependant figurer par écrit pour pouvoir être examinées indépendamment et on doit remettre des exemplaires du contrat aux représentants des agriculteurs. Des exemplaires devraient aussi être mis à la disposition des organismes publics intéressés.

LE CADRE JURIDIQUE

Tous les pays ont des lois de base qui régissent les contrats. Les contrats agricoles, qu'ils soient écrits ou oraux, devront être conformes aux exigences légales minimales en vigueur dans un pays donné. En même temps, toutefois, il est important de tenir compte des usages établis et des comportements de la société envers les obligations contractuelles, car dans presque toutes les sociétés, ces facteurs sont susceptibles de produire des effets différents de ceux de la loi appliquée à la lettre. Dans certaines sociétés, par exemple, on peut avoir l'idée sous-jacente que l'on respecte un contrat seulement si certains facteurs restent constants. Si les conditions climatiques, politiques ou personnelles venaient à changer, la société pourrait considérer comme acceptable le fait que l'une ou l'autre des parties ne l'honore pas, en dépit de ce qu'il stipule ou du droit.

Les pratiques locales peuvent aussi influer sur la décision de rédiger un contrat plus ou moins en détail, ou sur celle d'établir un contrat formel ou un enregistrement plus simple. Bien qu'il existe des exemples de contrats juridiques formels qui couvrent toute éventualité, bien des accords en agriculture contractuelle, en particulier dans les pays en développement, reposent sur des enregistrements informels. la Fiji Sugar Corporation, par exemple, a passé des accords avec plus de 20 000 planteurs de canne à sucre qui se basent sur un document global, entraînant des obligations juridiques. Inversement, de grands programmes relatifs au tabac sur les îles de Lombok et de Java, qui concernent des dizaines de milliers d'agriculteurs, reposent sur des accords verbaux entre les exploitants et leurs promoteurs. En ce qui concerne l'industrie sucrière de Thaïlande, les agriculteurs et les fonctionnaires disent ne jamais avoir vu de contrat formel pour la canne à sucre.

Dans la majorité des cas, il est tout à fait improbable qu'un promoteur intentera un procès contre un petit exploitant pour une rupture de contrat. Les frais impliqués ont tendance à dépasser de beaucoup le montant réclamé. Un procès ne menace pas seulement les relations entre le promoteur et celui contre qui l'action est intentée mais aussi celles avec l'ensemble des agriculteurs. Il est de même improbable qu'un agriculteur intentera un procès contre un promoteur. Ces improbabilités ne signifient pas que les contrats ou les accords formels ne doivent pas être utilisés. Ils peuvent être bénéfiques aux deux parties en précisant clairement les règles des relations.

Etant donné qu'aucune des parties n'est susceptible d'avoir recours aux tribunaux, il est important de préciser dans l'accord comment les litiges pourront se résoudre. On peut, dans certains cas, établir un organisme représentant le promoteur, les agriculteurs et les autres parties intéressées, alors que dans d'autres cas, un organisme public pourrait être le lieu d'échanges le plus approprié. Il est préférable que l'industrie de l'agriculture contractuelle établisse ses propres règles afin d'offrir une certaine protection à tous les participants. On devrait en général éviter que des personnes nommées politiquement aient un rôle à jouer dans ces organismes. Les accords passés entre les promoteurs et les agriculteurs contractuels sont essentiellement des engagements volontaires et, dans la plupart des cas, les deux parties devraient décider de la formule et des spécifications de leurs contrats. Toutefois, dans certains cas, un organisme unique dirigé par le secteur industriel présente des avantages pour la réglementation d'un certain nombre d'accords en agriculture contractuelle, lorsqu'il s'agit d'une même denrée. Les associations du secteur du gingembre de Fidji et de la courge de Tonga ont été créées à cette fin22.

LA FORMULE

Chacun des modèles d'agriculture contractuelle traités au chapitre 3 peut fonctionner selon des accords divers. Chaque contrat est conçu pour une situation spécifique. Sa formule peut être basée sur l'une des catégories suivantes ou une combinaison de celles-ci:

Les spécifications relatives au marché

Dans un contrat portant sur les spécifications relatives au marché, seules sont spécifiées les normes de qualité. Les promoteurs ne fournissent habituellement qu'un minimum d'intrants matériels et technologiques. C'est le type de formule de contrat le plus élémentaire qu'utilisent habituellement les promoteurs individuels dans le cadre du modèle informel.

Les spécifications relatives aux ressources

Ce type de contrat stipule les composantes clefs telles que les variétés et éventuellement, les taux d'engrais, les pratiques culturales et les conditions d'achat de la récolte. Normalement, peu d'avances de fonds ou de matériel sont fournies dans ce cadre-là. Les prix des produits sont en général basés sur le marché libre et les revenus garantis sont minimums. De nombreux promoteurs individuels bien établis qui suivent le modèle informel et certains industriels du secteur de la transformation utilisent ce genre de formule.

Les spécifications relatives à la gestion et aux revenus

En général, les contrats qui sont axés sur les spécifications relatives à la gestion et aux revenus réglementent strictement les caractéristiques du produit. C'est en fait une combinaison des spécifications relatives au marché et aux ressources mais, en outre, les promoteurs peuvent établir des structures de prix prédéterminées et prendre des engagements importants: avances d'intrants, intrants techniques et contrôle de la gestion. Cette formule est celle qui est la plus utilisée par les modèles multipartite, centralisé et de plantation-mère.

Encadré 8
Clauses relatives aux catastrophes naturelles

Il est parfois nécessaire d'inclure dans des contrats formels des clauses relatives aux catastrophes naturelles. Même lors de contrats verbaux, les promoteurs doivent penser que des situations anormales échappant à tout contrôle, telles que la sécheresse, les inondations, les cyclones, les maladies des plantes ou des troubles sociaux, peuvent se produire.

On relate un cas où une société de tabac mit une clause de force majeure indiquant qu'elle achèterait les feuilles de tabac aux agriculteurs «tant qu'elle serait en mesure de le faire». Lorsqu'un incendie détruisit les installations de séchage de la société, on négocia une structure des prix ad hoc avec les représentants des agriculteurs jusqu'à ce que l'on trouve une autre solution pour le séchage. Ainsi, les agriculteurs furent indemnisés pour le tabac qu'ils ne pouvaient pas vendre et que le promoteur ne pouvait pas traiter.

Une autre société inclut une clause de force majeure dans son contrat selon laquelle elle permettait aux agriculteurs de remplir leur quota par le biais d'autres sources. Le promoteur et l'exploitant se partageaient la différence entre le prix que payait ce dernier pour obtenir le produit et celui stipulé dans le contrat. Le terme de force majeure (en français dans le contrat) était défini comme étant la production d'une très maigre récolte causée par le déclenchement d'une grave maladie ou des conditions atmosphériques anormales.

Les spécifications relatives à la propriété foncière et au mode d'exploitation des terres

Ce type de contrat est une extension du modèle s'appliquant à la gestion et aux revenus avec des clauses supplémentaires concernant la jouissance des terres. Lorsque des sociétés privées ou des organismes d'État louent des terres aux agriculteurs pour pratiquer l'agriculture contractuelle, il est nécessaire d'établir des baux à long terme pour la terre cultivable. Ces baux devront avoir des implications juridiques et peuvent contenir des clauses relatives aux techniques culturales et à la gestion des sols. Les clauses concernant la location des terres peuvent stipuler les autres cultures que les agriculteurs ont la permission de cultiver à proximité des cultures sous contrat. Cela permet d'éviter tout risque de maladie.

Tableau 3

Caractéristiques des formules de contrat

TYPE DE FORMULE

PROMOTEURS

CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES

Stipulations relatives au marché

Promoteurs individuels Autorités de l`Etat pour la commercialisation Coopératives agricoles Sous-traitants

Contrôle élémentaire pour les normes de qualité. Intrants et conditions minimums. Paiements aux agriculteurs en général basés sur le marché libre.

Stipulations relatives aux ressources

Promoteurs individuels Secteur des sociétés privées Organismes d'État Coopératives agricoles

Demandes importantes de phytotechnie dans le contrat.Paiements aux agriculteurs parfois basés sur le marché libre, parfois établis.Intrants matériels aux agriculteurs limités.

Stipulations relatives à la gestion et aux revenus

Secteur des sociétés privées Organismes de développement nationaux

Contrats agricoles dirigés. Formules de contrats très concentrées; degré élevé d'intrants matériels et de gestion. Les prix payés aux agriculteurs sont fixés et ajustés pour une saison.Fréquemment employées dans le cadre des modèles centralisés et de plantations-mères.

Stipulations relatives au mode d'exploitation des terres

Secteur des sociétés privées Organismes de développement nationaux

Les clauses relatives à la tenue des terres et à l'usage des terres conditionnent une partie de la formule. Contrats agricoles normalement dirigés. Formules de contrats très concentrées; degré élevé 'intrants matériels et de gestion. Fréquemment employées dans le cadre des modèles centralisés et de plantations-mères.

Nous avons déjà mentionné le projet de culture de coton à Gezira (Soudan) dans l'introduction. Malgré son aspect «colonial», ce projet a contribué à introduire un nouveau concept de développement agricole. Grâce à ce projet, on a instauré un contrôle sur l'utilisation de la terre, insisté pour que les conditions de location à bail soient liées à une unité économiquement viable et développé une bonne rotation agricole. Ces mesures ont permis d'atteindre une production d'une efficacité que seul un grand domaine pouvait égaler auparavant23.

Un accord de location pour un projet de contrat concernant le coton au Zimbabwe stipulait qu'il y avait «une restriction explicite sur les activités non agricoles». Le but que se proposaient les promoteurs en émettant cette restriction était de contraindre les agriculteurs à ne cultiver que du coton25. Des locations officielles comme celle-ci devraient au moins permettre aux agriculteurs et à leurs famille de pratiquer une agriculture de subsistance.

Beaucoup de projets d'agriculture contractuelle se déroulent dans des régions où se négocient des accords coutumiers sur l'utilisation des terres entre les paysans sans terre et les propriétaires traditionnels. Si ce fait permet aux cultivateurs les plus pauvres de ne pas être exclus, il faut appliquer délicatement des mesures pour assurer que les agriculteurs contractuels ne soient pas exploités par des propriétaires qui feraient payer des loyers excessifs.

Encadré 9
Location de terres pour l'agriculture contractuelle

Les projets d'agriculture contractuelle impliquant des terres louées peuvent être complexes. Au cours des années 1960, un organisme paraétatique malaysien, la Fédéral Land Development Company, a loué 715 000 hectares de terres domaniales à plus de 100 000 familles rurales pour qu'elles y cultivent des produits agricoles sous contrat. Pendant la première décennie, il y a eu de graves problèmes d'absentéisme, de sous-traitance illégale et de qualité des cultures. Afin de résoudre ces problèmes, la compagnie a introduit des clauses plus strictes, en évoquant la possibilité de résilier les baux. En 1987, les locataires avaient amélioré leurs résultats et produisaient 10 pour cent du caoutchouc du pays et 25 pour cent de son huile de palme. Le projet était devenu un modèle réussi d'approche intégrée au développement rural24. 

LE TYPE D'ACCORD

Les différents types d'accord sont les suivants:

Les accords officiels

Des types de contrats explicites, reconnus légalement, qui détaillent avec précision les conditions et les obligations de chaque partie, sont très courants dans les projets qui comportent de lourds investissements en infrastructure essentielle ou lorsque des promoteurs louent des terres à des agriculteurs pour des cultures sous contrat. Cependant, ces contrats peuvent aussi être utilisés lorsque la jouissance de la terre n'est pas un facteur.

Les enregistrements simples

Ce sont des types de contrats utilisés communément dans la plupart des opérations centralisées et, à un degré moindre, dans le cadre du modèle informel. Le terme «enregistrement» indique généralement que l'agriculteur, ou l'agricultrice, confirme en signant qu'il ou qu'elle souhaite que le promoteur lui réserve le contrat. Les enregistrements simples sont fondés sur ce que l'on appelle «les associations informelles, reposant sur la confiance et le parrainage, qui évitent les formalités juridiques»26. Par sa flexibilité, son approche sensible et administrative, l'enregistrement simple est une façon pratique, et qui a fait ses preuves, d'appuyer des accords contractuels. L'annexe 2 montre un contrat saisonnier sur le maïs sous la forme d'une feuille d'enregistrement d'une page. Le contrat est divisé en sections technique et financière. Les aspects techniques de l'accord sont rédigés en termes simples et concis, et clarifient les responsabilités du promoteur ainsi que celles de l'agriculteur. Les formules qui établissent les prix dans la section financière sont destinées à encourager les exploitants à produire des rendements maximums tandis que la clause 9 est prévue pour limiter les possibilités de ventes hors contrat.

Encadré 10
Les contrats verbaux temporaires

Les agriculteurs ont à l'origine commencé leur activité dans le cadre d'un projet de coopérative agricole du nord de la Thaïlande. Ils produisaient des œufs frais pour un seul promoteur sur la base d'accords verbaux. On leur payait un prix garanti de 1,50 bahts par œuf. En 1997, un certain nombre d'agriculteurs changèrent d'acheteur. Bien que le prix offert par ce dernier ait été plus élevé, entre 1,70 et 2 bahts par œuf, il n'était pas garanti. Malgré cela, les agriculteurs pensèrent qu'il valait mieux prendre ce risque et renoncèrent aux prix garantis par le premier promoteur. En 1999, un agriculteur changea de nouveau d'acheteur parce que ce dernier calibrait les œufs à l'exploitation et non à l'usine. Les prix et les intrants matériels fournis par le troisième promoteur ne différaient pas mais l'agriculteur préférait que le calibrage se fasse à la ferme. Bien que ces accords laissent une certaine latitude aux agriculteurs dans le choix du promoteur, cette latitude peut avoir un effet négatif lorsque les promoteurs en font usage. Changer d'agriculteurs au hasard peut causer des dysfonctionnements et de l'amertume.

Normalement, l'enregistrement des exploitants pour la saison suivante débute immédiatement après la dernière récolte. Dans les projets bien établis, il ne s'agit pour beaucoup d'agriculteurs que d'une formalité ou éventuellement de changer le nom d'un membre de la famille. Après l'enregistrement, le personnel technique donne son accord pour les terres destinées aux cultures et décide des quotas de production en fonction d'un rendement potentiel.

Les accords verbaux

Les accords non écrits ou verbaux sont communément utilisés par les promoteurs individuels et parfois par les sociétés privées. Le problème majeur de ces accords est l'interprétation des responsabilités et des spécifications. Il peut y avoir facilement confusion et des mal entendus si la direction ne les explique pas clairement aux agriculteurs et à leurs représentants. A son tour, les vulgarisateurs de la direction doivent aussi comprendre clairement les termes de l'accord.

LES SPÉCIFICATIONS

Les contrats devront spécifier certains, ou la totalité, des aspects suivants de l'accord passé entre le promoteur et l'agriculteur:

Ces aspects sont abordés dans ce chapitre. En outre, les contrats spécifient normalement le soutien technique et les intrants fournis par le promoteur qui sont analysés au chapitre 5.

La durée du contrat

La durée des accords dépend de la nature de la culture. Les contrats pour les cultures à court terme telles que les légumes frais sont habituellement passés et renégociés chaque saison, alors que les cultures telles que le thé, la canne à sucre, et le cacao demandent des contrats à long terme qui peuvent être modifiés périodiquement.

Les normes de qualité

La qualité d'un produit, ou plus précisément l'absence de qualité, peut avoir des conséquences d'une portée considérable quant à son acceptation sur le marché et son développement futur. La plupart des contrats comportent des clauses détaillées relatives à la qualité qui permettent de refuser un produit non conforme aux critères convenus. Il importe que les agriculteurs comprennent parfaitement les raisons pour lesquelles ces normes sont établies, que le fait d'accepter un produit de mauvaise qualité aura en dernier lieu des répercussions sur l'ensemble du projet, et qu'ils n'ont donc pas intérêt à tricher s'ils veulent préserver l'avenir. En ce qui concerne la plupart des projets relatifs aux petits producteurs de thé, par exemple, toutes les feuilles achetées la même journée sont traitées en même temps. Si quelques agriculteurs livrent du thé vert de mauvaise qualité, la qualité générale du produit fini en pâtira et tous y perdront.

Les caractéristiques relatives à la qualité peuvent spécifier la taille et le poids du produit, le degré de maturité et la façon dont il est emballé et présenté. Le problème majeur concernant les normes de qualité, c'est qu'elles sont souvent vagues et mal comprises. Ce manque de précision pourrait entraîner des problèmes de corruption: les employés du promoteur cherchant, par exemple, à obtenir de l'argent pour attribuer aux produits une qualité supérieure, ou la direction se livrant à des pratiques déloyales pour leur attribuer une qualité inférieure lorsque les conditions du marché sont mauvaises. L'emploi de termes tels que «catégorie 1, catégorie 2» ou «première qualité», «deuxième qualité», sans en préciser clairement la signification est inacceptable. L'encadré 11 donne un exemple des spécifications requises pour chaque qualité de tabac de Virginie acheté en feuilles, avant séchage. La description de chaque qualité, tout en étant aussi simple que possible, met clairement l'accent sur les paramètres des catégories. Les vulgarisateurs devront, au début de chaque saison, expliquer les spécifications aux agriculteurs et leur en donner les raisons. Il peut être également nécessaire de spécifier le volume maximum de chaque contenant livré, la qualité pouvant en souffrir si ceux-ci (caisses, sacs, élingues, balles, etc.) sont trop remplis.

L'annexe 3 est un contrat proposé à des planteurs de tabac grecs. Les questions relatives à la qualité dont il traite sont complexes et indiquent que l'on a conscience des litiges passés et futurs. Au contraire, les annexes 2 et 4, respectivement pour le maïs et la papaye d'exportation sont deux exemples de contrats simples. La direction doit examiner et réviser continuellement les contrats pour assurer que les accords sont actualisés et éviter que les erreurs ne deviennent permanentes et, partant, menacent la stabilité. L'annexe 5 est un contrat très complexe et déroutant sur l'élevage des porcs. Un contrat aussi détaillé, basé sur l'attente de problèmes et le désir de couvrir toute éventualité, respectera peut-être les droits du promoteur mais sera inévitablement une source de confusion chez les agriculteurs.

Encadré 11
Exemple de spécifications relatives au classement des feuilles de tabac frais

Première qualité.

Pleine maturité, absence de maladie, et ayant de l'épaisseur/corps

Deuxième qualité.

Idem, mais légèrement malades ou tachées

Troisième qualité.

Les quatre feuilles du bas et les autres feuilles pouvant être séchées, à l'exception des feuilles non arrivées à maturité ou ayant dépassé le stade de la maturité, des feuilles déchirées, très malades (plus d'un tiers de la feuille tachée) et des feuilles mesurant moins de 30 cm de long.

Note: Afin de préserver la qualité, aucun ballot ne devra peser plus de 40 kg. Ceux qui dépasseront ce poids seront classés dans une catégorie inférieure.

Source: Adapté de la Southern Development Company (SDC), Fiji, comm. pers.

Chaque fois que ce sera possible, le nombre de catégories devra être réduit au minimum et leurs spécifications présentées en termes clairs. Malheureusement, certains contrats emploient un système complexe comprenant de nombreuses catégories. On cite le cas d'un contrat où figuraient 41 spécifications relatives aux différentes qualités, ce qui créa une grande confusion, des malentendus et aboutissent à un conflit. Dans un autre cas, les agriculteurs d'un projet dans le Pacifique Sud se mirent en grève pendant deux saisons, mouvement qui prit fin lorsque la direction mit en place un système de classification simplifié. Les catégories passèrent de vingt-neuf à trois, ce qui simplifia la vie aux agriculteurs. L'introduction d'une nouvelle technique de transformation conçue pour s'ajuster au nouveau système de classement par catégorie n'entraîna pas de baisse de la qualité. Souvent, cependant, seule une norme est requise, tous les produits livrés devant respecter un ensemble de caractéristiques particulières. Par exemple, dans le cas de la papaye d'exportation originaire de Fidji, on offrait un prix unique. Les spécifications relatives à la classification étaient uniquement basées sur la taille et la maturité d'une seule variété, ces deux critères étant essentiels pour que le produit soit accepté sur le marché (annexe 4).

Les matières premières destinées à la transformation sont souvent achetées sur la base du taux d'extraction probable. Par exemple, on prélève souvent des échantillons sur les livraisons de canne à sucre pour s'assurer que le minimum de pureté du jus, stipulé dans le contrat, est respecté. En France et en Italie, pour ne citer que ces pays, les membres des coopératives viticoles sont payés en fonction de la teneur en sucre de leurs raisins. Toutefois, ces calculs individuels ne sont d'habitude pas applicables aux producteurs relativement petits car leur produit est transporté en vrac avec celui de plusieurs autres vers l'unité de transformation. Les producteurs d'huile de palme, par exemple, sont généralement payés au taux de conversion moyen du «régime de fruits frais» atteint par l'usine pendant une période donnée.

Les quotas de production

Une production insuffisante ou excessive est susceptible d'avoir de graves conséquences. La surproduction peut entraîner des réductions de quotas mal acceptés et des stocks coûteux. Inversement, une sous-production causée par une mauvaise sélection des agriculteurs, des maladies ou des facteurs climatiques aboutira éventuellement à la faillite d'un projet car les coûts de transformation par tonne pourraient atteindre des niveaux inacceptables. En outre, si une unité de transformation est dans l'impossibilité de satisfaire à des contrats de commercialisation préétablis, les commandes à venir pourraient être diminuées ou annulées. Les quotas sont employés dans la majorité des contrats pour:

Utiliser efficacement les capacités de transformation, de stockage et de commercialisation. Ne pas acheter une partie de la production de l'agriculteur qui remplit les conditions du contrat provoquera un vif mécontentement. Cette situation pourrait être due à un mauvais calcul de la capacité du promoteur à organiser la production, la transformer, la stocker et la vendre. Les promoteurs doivent limiter leur engagement contractuel à l'achat aux agriculteurs des seules quantités qu'ils peuvent transformer (au total et, selon le produit, durant tout jour ouvrable) et commercialiser. La capacité des entrepôts est souvent un frein à la transformation.

Le fait d'allouer des quotas en fonction du volume réel que chaque agriculteur doit produire ou, alternativement, d'une surface définie qui doit être cultivée devrait dissiper ces préoccupations. En Thaïlande, par exemple, les promoteurs fournissent du matériel de reproduction d'une variété particulière à leurs cultivateurs de manioc. La quantité du stock fourni est proportionnelle à la surface jugée suffisante par le personnel de vulgarisation à la transplantation, la plantation et la culture. L'avance du matériel végétal devient, donc, le quota de production. Toute la production du matériel de reproduction alloué est acheté selon les spécifications relatives au classement qui indiquent la gravité spécifique et le degré de dommage causé au manioc par les petits rongeurs27.

Garantir des marchés à tous les agriculteurs. L'attribution de quotas par la direction dans chaque contrat individuel permet de garantir à tous les agriculteurs la vente de la totalité de la production remplissant les conditions de l'accord. Sans quotas, ceux qui vendraient les premiers seraient les premiers servis. En théorie, les livraisons de certains agriculteurs pourraient dépasser la demande des promoteurs, empêchant d'autres agriculteurs de vendre tout ou partie de leur récolte.

Assurer le contrôle de la qualité. Les quotas peuvent parfois être utilisés pour contrôler la qualité de la denrée brute. Pour certaines cultures, on ne peut augmenter la quantité qu'au détriment de la qualité comme l'indique, par exemple, le taux d'extraction. Les agriculteurs peuvent être tentés de manipuler le poids en employant des méthodes frauduleuses telles que l'humidification de la récolte avant la vente ou l'adjonction de corps étrangers. Les promoteurs peuvent réduire la probabilité de ces pratiques en établissant des quotas basés sur un rendement prévu pour une surface donnée.

Contrôler les résultats des agriculteurs. Afin de suivre la production des agriculteurs, on utilise les quotas comme un point de référence permettant d'analyser le rendement des cultures. Par le biais d'un suivi efficace du développement des cultures, les vulgarisateurs peuvent en général établir des prévisions réalistes. Si les rendements fluctuent beaucoup, on peut alors enquêter sur les anomalies et prendre des mesures pour y remédier. L'emploi des quotas permet aussi au promoteur de se rendre compte si les exploitants vendent des produits hors contrat, ou s'ils complètent leurs ventes au promoteur par une production hors contrat provenant d'autres agriculteurs. Les techniques de gestion utilisées pour estimer et vérifier les rendements de la production sont décrites au chapitre 6.

L'attribution et la répartition des quotas de production variera selon la culture et les circonstances. Lorsqu'il n'existe pas d'autre marché pour ce produit et que les agriculteurs ont fait de gros investissements à long terme dans la production (cultures arboricoles) ou dans des installations de transformation (par ex. des granges pour le séchage du tabac), le promoteur doit s'engager à acheter la totalité de la récolte prévue par le quota. Cette obligation, bien entendu, est sujette au respect des clauses concernant la qualité. La méthode la plus utilisée et la plus pratique est l'attribution de quotas en fonction de la superficie, la direction calculant la superficie totale à cultiver par rapport à la capacité de transformation du projet et à leur connaissance du rendement prévu pour chaque exploitant.

La direction doit aussi aborder la question de la répartition des quotas entre les localités et les agriculteurs qu'ils ont sélectionnés (chapitre 5). Au Mozambique, dans la province de Nampula, par exemple, les promoteurs attribuent la même superficie à tous les agriculteurs participant aux programmes. Les agriculteurs peuvent être exclus parce qu'ils ne réussissent pas à atteindre leur production cible ou à rembourser un crédit, mais la superficie des terres concédées ne varie pas. On pense que cette approche évite des conflits dans la communauté et la corruption dans l'attribution de quotas28. D'autre part, allouer un quota que les agriculteurs ne peuvent pas remplir, soit à cause de la superficie ou de la quantité, causera de graves problèmes. Les réductions de quotas dans les années suivantes ou la rupture de contrats au motif que les quantités prévues n'ont pas été fournies pourraient démoraliser l'agriculteur ou lui faire perdre de son prestige. L'attribution de quotas appropriés qui reflètent les différents niveaux de ressources et de compétence de l'agriculteur et qui, en même temps, permettent à un grand nombre d'entre eux d'obtenir des contrats, accentuera la stabilité des entreprises en matière d'agriculture contractuelle.

Lorsqu'il existe d'autres marchés pour les cultures sous contrat, les agriculteurs sont très souvent tentés de vendre hors contrat. Les quotas qui sont délibérément fixés à des niveaux inférieurs à la capacité de production réelle des agriculteurs peuvent leur permettre de tirer avantage, le cas échéant, des prix élevés du marché libre. Cet arrangement s'applique en particulier lorsque le prix établi est fixe et non basé sur le marché. La production de fruits de la passion en Colombie en est une illustration. Cependant cet arrangement n'est pas acceptable dans tous les cas; par exemple, une société qui fournit des poussins d'un jour avec leurs aliments s'attendra à ce que les agriculteurs lui livrent le même nombre de poulets moins, bien évidemment, les morts.

Il existe des contrats où les quotas sont superflus, notamment lorsque la production fait l'objet d'une sérieuse concurrence entre plusieurs acheteurs et que la société ne sera vraisemblablement pas en mesure d'acheter une quantité supérieure à celle transformée dans ses installations. Elle veut donc maximiser ses achats. Cela est très fréquent dans le modèle informel comme le montre l'exemple des industries du coton en Zambie et au Zimbabwe où plusieurs sociétés d'égrenage se font âprement concurrence pour la récolte disponible. Dans d'autres circonstances, l'absence de quotas peut jouer contre l'agriculteur. Au Punjab par exemple, des agriculteurs cultivent des tomates dans le cadre de contrats formels, mais les promoteurs ne fixent pas de quotas. N'achetant que la quantité dont ils ont besoin, ils ne laissent pas d'autre choix aux agriculteurs que celui de vendre les excédents sur le marché libre à un prix inférieur. L'acheteur est dans une position de force par rapport aux exploitants.

On doit éviter la vente de quotas entre agriculteurs car il est possible que le nouvel exploitant ne répondre pas aux critères de sélection et que cette pratique entraîne la corruption. Dans toute entreprise, il y a toujours un certain nombre d'abandons; des agriculture meurent, d'autres partent à la retraite ou vendent leurs terres et s'installent dans d'autres régions. Dans ces situations, la direction transfère le contrat à un membre de la famille ou à une personne désignée par l'ancien détenteur du contrat, à condition que le successeur remplissent les critères de sélection.

Les pratiques culturales

Il est légitime, lorsque les promoteurs fournissent les semences, les engrais et les produits agrochimiques, qu'ils s'attendent à ce que ces intrants soient utilisés à bon escient et que les agriculteurs suivent les pratiques culturales recommandées. Il faut se préoccuper du fait que les agriculteurs pourraient employer des produits agrochimiques non autorisés ou illégaux susceptibles de laisser des résidus toxiques, ce qui aurait de graves répercussions sur les ventes du marché. Il est donc essentiel que tous les agriculteurs contractuels respectent scrupuleusement les mesures prises dans le cadre du projet en matière d'intrants. La direction et ses vulgarisateurs doivent s'efforcer d'expliquer les raisons pour lesquelles on doit appliquer les stipulations et les recommandations concernant les intrants.

Les accords concernant la livraison de la production

Les accords pour le ramassage des produits ou leur livraison par les agriculteurs varient beaucoup. Certains projets stipulent qu'ils devront livrer leur récolte à des unités de transformation à certaines dates; d'autres mentionnent que le promoteur utilise son moyen de transport pour ramasser les produits récoltés à des points de vente situés dans un lieu central. En ce qui concerne les légumes frais, le ramassage au départ de l'exploitation est pratique courante. Lorsque l'on utilise le moyen de transport du promoteur, l'agriculteur n'a généralement pas de frais à payer. Dans l'industrie du sucre, on utilise beaucoup les petits chemins de fer; les exploitants livrent leur récolte de canne à sucre à un point de chargement central d'où, une fois pesée et achetée, on la transporte à la sucrerie. Beaucoup de contrats formels ont des clauses qui stipulent les obligations des agriculteurs et des promoteurs en matière de livraison et de ramassage. La direction et ses vulgarisateurs devront systématiquement confirmer ces accords au début de chaque saison et les reconfirmer avant la récolte.

Les accords relatifs à la fixation des prix

Les accords relatifs à la fixation des prix et aux règlements sont les éléments les plus débattus et les plus difficiles de tous les contrats agricoles. Le choix de la structure des prix est influencé par différents éléments: les produits agricoles sont-ils destinés au marché local ou à l'exportation, s'agit-il d'une production saisonnière ou non, et quelle est l'importance de la concurrence dans le système de commercialisation? L'application de formules de prix transparentes est capitale ainsi que l'établissement d'une structure des prix claire et de modalités de paiement pratiques stimulent la confiance et la bonne volonté. Parmi les différentes méthodes de calcul des prix accordés aux agriculteurs on citera les suivantes:

Les prix fixes. C'est la méthode la plus courante. La pratique consiste d'habitude à proposer des prix établis au début de chaque saison. Dans la majorité des cas, les prix fixes sont liés aux spécifications concernant la classification qualitative. Les promoteurs peuvent avoir tendance, lorsqu'ils calculent les prix, à agir avec précaution à cause du risque de fluctuation des prix du marché. Les formules de prix fixes sont en général idéales pour le promoteur; cependant, lorsqu'il existe d'autres débouchés, les agriculteurs peuvent considérer que ces accords sont désavantageux si les prix augmentent sur le marché libre. Pour la direction, ces formules sont préférables pour des raisons à la fois d'ordre budgétaire et de commercialisation, même si elle est tenue d'acheter la récolte aux prix stipulés dans le contrat et que les prix du marché libre sont inférieurs aux prix établis. La structure des prix fixes est largement utilisée par les sociétés de tabac et de conserves. Le tableau 4 donne une formule de prix établis pour le manioc, basée sur la densité et les dommages causés par les ravageurs.

Tableau 4

Structure des prix et de la classification qualitative
du manioc sous contrat en Thaïlande

Qualité

Densité

Surface

Structure

 
   

(%)

endommagée (%)

des prix

   

Valeur standard

Standard

Baht/kg

 

1

> 17,6 %

0,0%

7,30

 

2

>16,6 - 17,6%

0,0-1,0%

6,85

 

3

>15,6-16.,%

1,0-2,0%

6,40

 

4

>14,6-15,6%

2,0-3,0%

5,95

 

5

<14,6%

>3,0%

5,50

Source: D'après les informations fournies par Frito-Lay, Thaïlande

Les prix flexibles. Ce système s'applique aux prix calculés selon une formule liée à l'évolution des marchés mondial et local. Cette forme d'établissement des prix est par exemple habituelle dans l'industrie du sucre où on ne connaît le prix définitif payé à l'agriculteur qu'après la vente du sucre transformé. Les agriculteurs sont payés selon une formule qui tient compte des coûts de transformation convenus et des autres frais du promoteur ainsi que des cours mondiaux du marché sur une période donnée. Il est aisé de connaître le prix des denrées commercialisées dans les échanges internationaux pour lesquelles il existe, si tant est qu'il en existe, peu de classements par qualité, et les agriculteurs devraient en avoir connaissance. En Papouasie Nouvelle Guinée, les petits producteurs d'huile de palme sur les plantations-mères sont payés selon cette formule, qui est contrôlée et approuvée par le gouvernement. En Guyane, les producteurs de canne à sucre reçoivent deux tiers des recettes des ventes de sucre et l'usine un tiers pour couvrir les coûts et le bénéfice.

Dans certains cas, les agriculteurs et les promoteurs peuvent partager proportionnellement les augmentations du prix et des coûts. Aux Philippines, par exemple, un contrat portant sur l'élevage des porcs spécifie que les agriculteurs et la société partageront le montant de la vente en parts égales, déduction faite des dépenses de la société. Les dépenses comprennent l'alimentation des animaux, les médicaments, un montant pour la commercialisation et une indemnité pour la perte de poids entre la livraison de l'animal et la vente qui suivra. Le succès d'un tel accord repose sur l'honnêteté et l'efficacité du contractant. Toutefois, dans d'autres circonstances, ce système peut porter sérieusement préjudice aux agriculteurs car ils sont à la merci d'une transformation et d'une commercialisation inefficaces. Chaque fois que les règlements dépendent des fluctuations du marché, l'industrie devra mettre sur pied un mécanisme d'arbitrage indépendant pour sauvegarder les intérêts des agriculteurs et des promoteurs.

Les prix calculés sur les valeurs du marché au comptant. Les règlements basés sur les prix du marché au comptant peuvent être très complexes et entraînent souvent des malentendus et des conflits. Ces accords ne garantissent plus les revenus des agriculteurs mais leur permettent de bénéficier pleinement des prix élevés du marché. Le principal problème que soulève cette démarche est que les promoteurs et les agriculteurs doivent s'entendre sur ce que constitue un prix de marché qui est en rapport avec la meilleure qualité que les fermiers contractuels seraient susceptibles de produire. Cette forme de fixation des prix est répandue en Thaïlande où de petits entrepreneurs indépendants agissent en tant que courtiers dans le cadre de contrats informels. Les courtiers passent des accords avec des groupes d'agriculteurs pour vendre des légumes frais aux grossistes. Ils prennent livraison de la production à la sortie de l'exploitation, organisent le transport pour Bangkok, et une fois les produits vendus, paient un pourcentage du prix de vente définitif aux agriculteurs. Dans la plupart des cas, le système de fixation des prix du marché libre n'est pas satisfaisant car les agriculteurs n'ont pas la possibilité de vérifier le prix reçu ou ignorent son mode de calcul.

Les prix en consignation. On peut considérer que les prix calculés après la commercialisation et la vente des produits sont une autre forme de fixation des prix du marché au comptant. Ce mode de paiement est généralement appelée «en consignation» et est surtout utilisée par les petits promoteurs informels. Citons un autre exemple de Thaïlande où les promoteurs indépendants organisent la fourniture aux marchés des produits en consignation. Ils prennent une commission sur les gains de l'agriculteur et, en même temps, déduisent les coûts des semences et des engrais avancés aux agriculteurs. On trouve rarement de tels accords dans les projets d'agriculture contractuelle bien structurés et il vaut mieux les éviter. L'importance grandissante des supermarchés indique que de plus en plus de produits frais seront livrés à des prix préétablis plutôt qu'en consignation.

Le fractionnement des prix. Dans ce système, le prix de base convenu est payé au moment de l'achat, à la fin de la saison des récoltes. Le prix définitif est calculé après la vente au comptant de la denrée par le promoteur et dépend du prix du marché en vigueur. Si la récolte est vendue fraîche, le deuxième prix peut en général être calculé dans un délai d'un mois. Lorsqu'il s'agit d'un produit transformé, cela peut prendre plus longtemps.

Les modalités de paiement

La forme qui convient le mieux aux agriculteurs est en général le règlement en espèces, immédiatement après toute livraison de leurs produits agricoles. Toutefois, ce n'est pas toujours possible, en particulier si le promoteur a des ressources limitées, si le paiement dépend de la totalité de la production après transformation ou si le règlement est basé sur le prix obtenu par le promoteur. La société peut, en outre, avoir l'obligation de rembourser les emprunts avancés par la banque aux fermiers qui utilisent les contrats comme garantie. Dans la majorité des cas, les paiements sont effectués périodiquement au cours d'une saison, peut-être en deux, trois ou quatre fois, le dernier règlement intervenant après la dernière récolte. Tout matériel et les avances en numéraire accordées aux agriculteurs pendant la saison sont normalement déduits du dernier règlement.

Les accords relatifs à l'assurance

Les investissements agricoles comportent toujours des risques. Les cinq raisons qui sont le plus susceptibles de faire échouer les investissements sont: la mauvaise gestion des cultures, les catastrophes climatiques, les épidémies d'ennemis des cultures, l'écroulement du marché et les fluctuations des prix. Dans le secteur agroalimentaire, on a généralement recours à l'assurance pour être indemnisé en cas de manque de production. Bien que les programmes d'assurance pour les cultures dirigés par les pouvoirs publics s'avèrent être souvent insatisfaisants, on a fait état du succès de programmes couvrant des risques désignés (c'est-à-dire limités) pour certaines cultures à l'île Maurice, aux Philippines et à Chypre. Le secteur privé prend de plus en plus conscience qu'il faut encourager et promouvoir l'assurance couvrant les cultures29. Plus un accord contractuel prévoit une agriculture avancée du point de vue technologique, plus l'étendue des risques auxquels elle est sujette se restreint. Dans bien des cas, on peut gérer certains des risques restant grâce à une assurance.

Pour les contrats saisonniers qui sont basés sur un prix fixe payable à la récolte, il est peu probable que les agriculteurs soient affectés par un effondrement du marché ou des variations de prix; cependant, ils sont vulnérables aux pertes de production causées par des facteurs climatiques ou humains. Certaines autorités classifient les quatre principales catégories d'assurances pour les cultures dans l'ordre de «leur degré de couverture de risques» comme suit30.

Les catastrophes naturelles. Cette catégorie comprend la sécheresse, les inondations, la grêle, les orages, les cyclones, la foudre, les calamités dues aux insectes et les épidémies que la direction ne peut enrayer. En Inde, par exemple, on a cherché à établir des contrats d'assurance pour la pluie basés sur la durée de la pluie, le manque de pluies précis et un barème d'indemnisation préétabli31. Le degré de compensation par les assurances pour des dommages causés par les inondations, les orages ou la grêle est difficile à estimer quand il s'agit seulement d'une perte partielle. Les cultures en champ qui ont été endommagées par une inondation partielle ou de la grêle requièrent un inspecteur expérimenté ou indépendant qui ne devrait pas seulement évaluer les pertes en quantité mais aussi la qualité de la culture au moment du dommage. Certains contrats peuvent comprendre des clauses relatives aux catastrophes naturelles bien que cela ne soit pas fréquent.

La destruction de biens spécifiés. Beaucoup d'agriculteurs assurent systématiquement leurs maisons, garages, entrepôts et bâtiments de triage. Les tracteurs et les outils peuvent être assurés contre les dégâts et le vol. Il est essentiel que les agriculteurs qui cultivent du tabac sous contrat assurent les fours à sécher. Si un projet d'agriculture contractuel est bien établi, la direction peut parfois organiser l'assurance des bâtiments de ferme et d'habitation non concernés par le contrat, dans le cadre de polices d'indemnisation globales, réduisant ainsi le coût des primes pour l'exploitant.

Le non-remboursement de prêts. Dans la plupart des projets, les promoteurs assument la responsabilité des crédits que la direction avance à l'agriculteur pour la culture sous contrat. Il est donc important que les avances ne s'accumulent pas pour que l'agriculteur puisse rembourser ses dettes. La direction accorde normalement aux exploitants dans l'impossibilité de rembourser à cause de facteurs climatiques ou du même ordre, une prorogation jusqu'aux saisons suivantes. Les promoteurs ont, bien entendu, la possibilité de se prémunir contre le non-remboursement des emprunts faits par les agriculteurs par le bais de leurs propres courtiers d'assurance.

La perte de production et de revenus. S'assurer contre la perte de production et de revenus coûte cher et est complexe. La perte de production peut être causée par un ensemble de facteurs contre lesquels il est difficile de s'assurer. Déterminer qui est le coupable lorsqu'une récolte est détruite par les insectes en est un exemple. S'agit-il d'une catastrophe naturelle ou bien est-ce l'agriculteur qui n'a pas su prendre les mesures nécessaires pour lutter contre les ravageurs en temps utile, ou encore, la direction qui n'a pas formé les agriculteurs à l'usage des pesticides et ne leur a pas donné d'instructions32? Il y a aussi des risques sociaux qui pourraient causer des pertes de cultures tels que le vol et les dégâts causés par les animaux. Dans le cas de dégâts aux cultures causés par des chevaux, des chèvres ou du bétail, le personnel de la direction du projet évalue la valeur de la culture détruite. Si les propriétaires des animaux ne sont pas des agriculteurs contractuels, les responsables de la communauté locale peuvent parfois négocier une compensation. Si les propriétaires sont aussi des agriculteurs sous contrat, les conflits à propos de la compensation peuvent souvent se résoudre lors des réunions d'agriculteurs.

Lorsque les contrats stipulent des prix fixes, il n'y a apparemment pas de risques pour les agriculteurs quant au paiement de leurs récoltes. Si un marché s'effondre, le promoteur devra automatiquement assumer la perte. Toutefois, si le promoteur fait faillite, les agriculteurs pourraient en subir les effets d'une manière permanente. Lorsque les contrats sont basés sur des prix flexibles ou du marché au comptant, la stabilité des revenus des agriculteurs est toujours menacée.

Théoriquement, la proposition d'assurer les cultures et les biens des agriculteurs participant aux projets d'agriculture contractuelle est attrayante. Cependant, avant de leur conseiller d'examiner la possibilité de souscrire à une assurance, on devra bien analyser les risques afin de comparer les avantages économiques qu'elle offre et les risques spécifiques de la culture en question.

22 McGregor, A. et Eaton, C.S., 1989:18.

23 Jackson, J.C. et Cheater, A.P., 1994: 160-161; d'après Gaitskill, A., 1959.

24 Ghee, L.K. et Dorell, R., 1992: 103-106; Centre for Research and Communications, 1990: 20-22.

27 Frito-Lay, Thaïlande, comm. pers.

28 C. Donovan, comm. pers.

30 Mosely, P. et Krishnamurthy, R. en Mishra, P.K., 1996: 271.

31 Mishra, P.K., 1996: 274 (pour que ces accords puissent fonctionner efficacement, les indicateurs qui enregistrent les précipitations doivent être sûrs et protégés contre les interférences).

32 Ray, P.K., 1981:10.

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