Page précédente Table des matières Page suivante


Système d’exploitation agricole mixte céréales-racines


CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME

Bien que ce système partage certaines caractéristiques avec le système à base de maïs (telle que la durée de la période végétative de 120 à 180 jours dans certaines zones où la pluviométrie est monomodale), il possède cependant certaines caractéristiques qui lui sont propres: densité de population relativement faible, abondance des terres cultivées; mauvaises communications; altitude plus basse; températures supérieures; et présence de la mouche tsé-tsé qui limite le nombre de bétail et empêche l’utilisation de la traction animale dans la plupart de la zone. Du fait de l’absence de traction animale, les tubercules comme l’igname et le manioc sont plus importants que les céréales (maïs, sorgho et mil). Une gamme plus importante de cultures est pratiquée et commercialisée et les cultures intercalaires sont bien plus importantes (voir l’encadré 2.11 pour les données de base et l’encadré 2.12 pour la description d’un ménage agricole représentatif).

Encadré 2.11 Données de base: système mixte céréales- racines

Population totale (m)

85

Population agricole (m)

59

Superficie totale (m/ha)

312

Zone agroécologique

Subhumide sèche

Superficie cultivée (m/ha)

31

Superficie irriguée (m/ha)

0,4

Population animale (m)

43

TENDANCES ET PROBLÈMES DU SYSTÈME MIXTE CÉRÉALES-RACINES

La savane guinéenne est une des principales ressources sous-utilisées dans la région.

La terre cultivable y est abondante et relativement sous-utilisée en raison de sa faible densité de population, des mauvaises communications et du manque de maind’œuvre en l’absence de traction animale. Bien que la terre soit suffisamment abondante pour permettre des périodes de jachères importantes dans la rotation des cultures, on assiste, par endroit, à la baisse de fertilité et à l’accroissement de l’acidité des sols liés à l’utilisation prolongée de fertilisants chimiques et à la diminution du taux de matière organique. La baisse de l’utilisation des engrais minéraux sur les céréales en raison du rapport défavorable des prix intrants/produit a entraîné une baisse de la fertilité des sols, alors que les mauvaises herbes comme le striga sont devenues plus difficiles à contrôler. Dans la partie nord de la zone, l’utilisation prolongée de la mécanisation pour la préparation des sols a entraîné la perte de leur structure et de la matière organique.

Un ménage pauvre typique ne cultive pas de coton en raison du coût élevé des intrants. Il comble son déficit alimentaire pendant la saison des pluies en travaillant pour les repas dans les champs d’autres agriculteurs. Pendant la saison sèche, le mari migre vers la zone des forêts pour y travailler chez les planteurs.

Dans les années 80 et au début des années 90, grâce à la diffusion des semences de variétés précoces améliorées, la culture du maïs et du coton se développa rapidement chez les petits agriculteurs aux dépens du sorgho et des tubercules, en particulier dans la partie nord, la plus sèche, de savane guinéenne. Cette expansion a été facilitée par les mesures politiques gouvernementales qui visaient à l’autosuffisance alimentaire - subventions aux engrais, crédits saisonniers de production et commercialisation parastatale. Ces politiques ne furent plus durables à long terme, à cause de leurs coûts trop élevés pour les gouvernements et de leur manque d’impact sur la production.

Encadré 2.12 Un ménage représentatif du système d’exploitation agricole mixte céréales-racines

Un ménage typique cultive 2 hectares à la main (maïs, sorgho, manioc, igname, coton et quelques cultures mineures comme l’arachide, le pois d’Angola, le niébé, les haricots, la patate douce, la courge). Il utilise du fumier (les déjections animales nocturnes sont régulièrement épandues sélectivement sur les champs). Une part substantielle du fumier est fournie par le troupeau nomade Fulani qui traverse la zone pour pâturer les résidus de récolte des cultures.

Souvent le ménage ne possède pas de bétail, mais élève quelques poulets et chèvres. Dans la zone cotonnière, il emploie des engrais minéraux et des pesticides sur le coton en dépit de leur coût très élevé. Par contre, il utilise peu ou même pas du tout d’engrais chimique sur le maïs et sur les autres cultures vivrières. Il lui arrive d’utiliser un peu de travail salarié sur le coton, jamais sur les cultures vivrières. Ce ménage est autosuffisant pour son alimentation et dispose d’un surplus pour la vente. Une partie de la production est perdu à cause du caractère périssable des produits et de l’accès difficile au marché. Les sources principales de revenu monétaire sont le coton, l’igname, le manioc et le maraîchage.

Un ménage pauvre typique ne cultive pas de coton en raison du coût élevé des intrants. Il comble son déficit alimentaire pendant la saison des pluies en travaillant pour les repas dans les champs d’autres agriculteurs. Pendant la saison sèche, le mari migre vers la zone des forêts pour y travailler chez les planteurs.

La libéralisation des prix et du commerce ayant entraîné une détérioration des rapports de prix engrais/maïs, la production du maïs, en tant que culture de rente, devint beaucoup moins attractive pour les petits agriculteurs. D’un autre côté, la dévaluation monétaire réduisit encore la demande urbaine des céréales importées et augmenta la demande pour les cultures traditionnelles comme l’igname et le manioc. Ce facteur entraîna un retour vers l’ancien assolement: augmentation des surfaces en tubercules au dépens du maïs. Cependant la production des racines était très élastique, les prix s’ajustèrent au fur et à mesure de l’accroissement de l’offre. En conséquence, l’impact de la dévaluation sur les revenus des producteurs de cultures vivrières a été plutôt modeste.

Le coton des petits agriculteurs perdit aussi une partie de son attrait avec le démantèlement des programmes parastataux qui fournissaient les petits agriculteurs en semences, engrais et produits phytosanitaires au début de la saison culturale et en déduisaient ensuite le coût du prix de la récolte. Des usines privées s’emparèrent de l’industrie de transformation du coton, toutefois, la plupart d’entre elles furent réticentes à faire l’avance des intrants aux petits agriculteurs avec récupération du crédit en fin de campagne. En l’absence de crédit et en raison d’une forte augmentation du prix des engrais et des prix du coton inchangés ou en baisse, les agriculteurs trouvèrent qu’il était risqué d’acheter des engrais et des produits phytosanitaires. En conséquence, la productivité baissa en raison de l’utilisation de doses d’engrais plus faibles et de l’augmentation de l’incidence des maladies et des ravageurs.

Le succès du programme de contrôle de l’onchocercose a ouvert aux agriculteurs de grandes étendues de terres pour la culture. Les trois prochaines décennies pourraient bien voir le développement de l’infrastructure, de l’accès aux marchés et en conséquence de l’intensification et de la diversification de ces zones.

Les populations animales vont probablement augmenter, spécialement dans les parties sud de ce système de production, au fur et à mesure de la diminution de la pression de la mouche tsé-tsé. La terre était jusqu’ici abondante, toutefois, la croissance de la population locale et l’arrivée de nouveaux venus vont accroître la pression sur les ressources en terre. En l’absence de mesures correctives, on peut s’attendre aux mêmes problèmes de fertilité des sols que dans les autres systèmes d’exploitation agricole à forte densité de population.

PRIORITÉS DU SYSTÈME MIXTE CÉRÉALES-RACINES

En raison de sa densité de population relativement faible et de l’abondance des terres cultivables qui pourraient être mises en culture, ce système est considéré comme l’un de ceux dont le potentiel de croissance agricole est le plus élevé d’Afrique. Il possède de nombreuses possibilités de croissance aussi bien par l’augmentation des surfaces cultivées que par celle des rendements (voir encadré 2.13 pour une vue d’ensemble du potentiel en Afrique de l’Ouest). Les stratégies suivantes, énumérées par ordre d’importance, pourraient contribuer à la réduction de la pauvreté: i) intensification de la production; ii) augmentation de la taille des exploitations; et iii) diversification vers des produits de haute valeur et vers la transformation. Quelques améliorations des niveaux de vie pourraient aussi provenir de revenus hors exploitation.

L’exploitation de ces possibilités implique trois types d’actions concertées: i) agriculture de conservation; ii) gestion intégrée des ravageurs; et iii) intégration agriculture-élevage. A long terme, l’éradication de la mouche tsé-tsé, la mécanisation (à l’aide de la traction animale ou des petits tracteurs) et l’industrialisation agricole, pourraient entraîner l’accroissement de la superficie cultivée par ménage. Les pratiques de agriculture de conservation impliquent la réduction du travail du sol et une meilleure gestion des sols[69], dont l’utilisation de cultures de couverture et de mulch, ainsi qu’une meilleure gestion de la fertilité des sols (voir encadré 2.3). La réussite de l’adoption des pratiques de conservation implique: le pacage et l’alimentation des animaux à l’étable pour la conservation de la matière organique, son épandage en surface et le compostage. La gestion intégrée des ravageurs et des cultures implique le contrôle biologique des ravageurs des plantes et des mauvaises herbes (spécialement du striga). L’intégration agriculture-élevage passe par l’augmentation des cultures fourragères et l’amélioration des systèmes d’alimentation des animaux (fauche et transport à l’étable). A long terme, une telle intégration pourrait permettre, grâce à l’utilisation de nouvelles technologies[70], d’étendre l’utilisation de la traction animale vers le sud dans des zones sujettes à la mouche tsé-tsé. L’introduction de la traction animale pourrait faciliter la réplication des modèles réussis d'expansion de la production cotonnière promus par les anciens organismes parastataux.

Encadré 2.13 Exploitation du potentiel productif du système mixte céréales-racines de Afrique de l’Ouest[71]

Le système de production mixte céréales-racines est localisé dans les zones nord et sud de la savane guinéenne qui s’étendent dans la plupart des pays de l’Afrique de l’Ouest (des zones agroécologiques semblables existent en Afrique du Sud et de l’Est). La période végétative va de 150 jours près de la frontière avec le Sahel à environ 210 jours dans les parties méridionales. La pluviométrie annuelle moyenne varie de 800 mm au nord à 1200 mm au sud.

Les terres cultivables sont utilisées d’une façon plus extensive en raison de leur abondance lorsque l’on s’éloigne des axes routiers. Les terres les plus accessibles sont principalement utilisées pour les cultures annuelles, généralement cultivées avec peu d’intrants externes, aussi les rendements sont-ils bas. Les principales cultures sont: le maïs, le sorgho et le mil dans les parties nord, le coton, le manioc, le soja, le niébé et l’igname près de la limite sud, et le riz aquatique dans les plaines en bordure des rivières et dans les vallées. L’infrastructure est généralement peu développée et mal entretenue. Historiquement, le développement de cette zone a souffert de deux contraintes majeures pour la santé: l’onchocercose et la trypanosomiase. Les efforts du programme de contrôle de l’onchocercose ont libéré quelque 25 millions d’hectares de terre cultivable pour le développement agricole.

Les ménages d’agriculteurs de ce système peuvent améliorer de façon importante la productivité agricole et leur situation économique et nutritionnelle, en modifiant la gestion des sols, des cultures et de l’élevage. La disponibilité en force de traction, particulièrement pendant la période des semis, deviendrait rapidement le point critique à toute tentative d’intensification des cultures. L’utilisation d’animaux de traction est aussi un facteur essentiel pour l’intégration de l’agriculture et de l’élevage. Cette intégration devrait évoluer avec l’introduction de la mécanisation. Les besoins en énergie pour les travaux agricoles dépendent du degré d’adoption des pratiques de conservation pour l’agriculture. Des gains additionnels devraient venir de l’utilisation de systèmes simples et disponibles d’irrigation goutte-à-goutte.

Le développement récent de clones de palmiers à huile précoces à haut rendement, adaptés à de nouveaux environnements, rend possible leur introduction dans certaines parties de la zone de savane guinéenne - spécialement dans les vallées et les plaines des rivières. Le développement de variétés de soja tropical a rendu possible sa production commerciale dans de telles zones. De plus, certaines zones de l’Afrique de l’Ouest, où les coûts de transport sont faibles, peuvent devenir compétitives pour l’offre de chips de manioc aux marchés européens d’aliments du bétail. En conclusion, il existe de grandes possibilités d’intensifier ce système de production. Cette intensification pourrait être accélérée, entre autre, par des investissements pour le renforcement des infrastructures et des services agricoles

Les agriculteurs ont répondu à la baisse des prix du maïs en diversifiant leurs productions végétales, en augmentant la production des cultures de racines traditionnelles ainsi que celle des cultures maraîchères pour les marchés urbains. Cependant, l’augmentation de l’offre aux marchés urbains entraîna un tassement des prix et une limitation des revenus. Les quelques options suivantes pourraient permettre aux agriculteurs d’augmenter leurs revenus: i) amélioration de la transformation à petite échelle du manioc en zone rurale pour l’alimentation humaine et animale afin de permettre aux petits agriculteurs d’obtenir une plus grande valeur ajoutée; et ii) amélioration de l’emballage des produits pour mieux répondre à l’attente des consommateurs urbains. Les solutions pour améliorer l’accès aux intrants et faciliter la commercialisation du coton passent par l’organisation des petits agriculteurs. D’autre part, l’introduction des méthodes de gestion intégrée des ravageurs permettra aussi la réduction de la dépendance à certains intrants (produits phytosanitaires).


[69] La gestion des terres est décrite dans l’encadré 2.18.
[70] Basé sur l’expérience fructueuse de la FAO avec l’éradication de la mouche tsé-tsé.
[71] Résumé de l’étude de cas n° 3, annexe 1.

Page précédente Début de page Page suivante