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Système d’exploitation agropastoral à base de mil et de sorgho


CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME

Comme mentionné dans la première section de ce chapitre, les cultures et l’élevage ont sensiblement la même importance dans ce système de production (voir encadré 2.14 pour les données de base de ce système). Les mil et sorgho pluviaux sont les principales cultures vivrières, elles sont rarement vendues, alors que le sésame et les légumineuses sont parfois commercialisés.

Encadré 2.14 Données de base: système d’exploitation agropastoral à base de mil et de sorgho

Population totale (m)

54

Population agricole (m)

33

Superficie totale (m ha)

198

Zone agroécologique

subhumide sèche

Superficie cultivée (m ha)

22

Superficie irriguée (m ha)

0,6

Population animale (m)

25

La préparation de la terre se fait à l’aide de bovins ou à la houe le long des berges des rivières. Les chameaux sont parfois utilisés dans les zones les plus sèches. Les groupes ethniques sont souvent d’anciens pasteurs sédentarisés. Le bétail est élevé pour la subsistance (lait et produits laitiers), la reproduction, le transport (chameaux et ânes), la préparation de la terre (bœufs et chameaux), la vente ou l’échange, l’épargne, la dote de mariage et l’assurance contre la perte des récoltes.

Les récoltes sont transportées sur le dos des animaux plutôt que dans des charrettes. L’interaction culture élevage est limitée; les animaux sont utilisés pour le labour, les résidus de récolte sont pâturés dans les champs après la récolte (et parfois coupés), mais on ne pratique pas de cultures fourragères et le fumier est rarement épandu dans les champs. La population vit en villages toute l’année, bien qu’une partie du troupeau, gardée par des enfants bergers, continue ses migrations saisonnières. L’encadré 2.15 présente un ménage typique du système agropastoral.

L’insécurité alimentaire est principalement causée par la sécheresse et aggravée par la faiblesse du capital. La sécurité alimentaire des agriculteurs de la strate supérieure est assurée les mauvaises années par la vente de bétail dont ils disposent en quantité suffisante, ce qui leur permet d’acheter le grain manquant. L’insécurité alimentaire est chronique chez les ménages les plus pauvres, aussi bien les bonnes que les mauvaises années, car ils ne peuvent pas cultiver suffisamment de céréales pour se nourrir et n’ont que peu d’animaux ou autres biens à échanger contre des céréales.

Encadré 2.15 Un ménage typique du système d’exploitation agropastoral à base de mil et de sorgho

Un ménage typique possède 1,5 ha de terre cultivée et a un niveau de production alimentaire ne dépassant pas 93 kg/tête. La plupart de ces ménages ont un déficit alimentaire, même les années sans pertes de récolte. Le ménage moyen cultive 1,1 ha de mil ou de sorgho et 0,2 ha de légumineuses, le reste étant réservé aux cultures mineures comme le maraîchage, le sésame ou le coton. Les rendements sont bas, en moyenne 400 kg/ha pour le sorgho, 350 kg/ha pour le mil et 230 kg/ha pour les légumineuses. Le ménage possède quelques poulets, 2 à 3 bovins ou 5 à 10 moutons et chèvres. Le mil et le sorgho sont cultivés presque exclusivement pour la subsistance (y compris la fabrication de bière). Les principales sources monétaires sont le bétail, le coton et la migration saisonnière en zone de forêt.

La différentiation socioéconomique se marque par la possession de bétail. Environ 40 pour cent des ménages n’ont pas de gros animaux (mis à part un âne) et 60 pour cent ne sont pas autosuffisants en traction animale (spécialement au Botswana ou huit bœufs sont nécessaires à la préparation non mécanisée de la terre). Dans un ménage pauvre typique, la production alimentaire domestique ne permet de se nourrir que pendant 2 à 6 mois, selon la pluviométrie. Le travail occasionnel dans d’autres fermes, les ventes de bière et de bois de chauffage représente 40 à 50 pour cent des revenus du ménage, et probablement plus les années sèches.

La strate moyenne est autosuffisante en céréales les bonnes années et déficitaire les mauvaises années. La sécurité alimentaire est assurée les années moyennes par la possession de quelques animaux à échanger contre des céréales. Toutefois ces ménages sont très vulnérables les mauvaises années. Les mécanismes d’ajustement comprennent: i) la culture de variétés de mil et de sorgho précoces et résistantes à la sécheresse; ii) le stockage des céréales d’une année sur l’autre; iii) la vente ou l’échange de petits ruminants pour acheter des céréales en période de disette; et iv) les revenus hors exploitation les années où les récoltes sont perdues, afin de pouvoir acheter des céréales et d’éviter d’être obligés de vendre leurs animaux. Les plus pauvres, qui n’ont plus d’animaux à vendre, réduisent leur alimentation, collectant et mangeant des produits sauvages, coupant et vendant du bois de chauffage et travaillant pour d’autres en échange de repas.

La principale cause de pauvreté est la succession des sécheresses. Celles-ci entraînent la perte de récolte, le déficit alimentaire, la forte hausse des prix des céréales, la chute des prix du bétail et la faiblesse des animaux (entraînant parfois leur mort), et la décapitalisation des troupeaux par les ventes forcées. La misère survient quand les ménages ont mangé toute leurs semences et perdu leurs animaux d’élevage, de sorte qu’ils ne peuvent plus semer ou reconstituer leur troupeau à la fin de la sécheresse. Un ménage typique doit, en plus des difficultés liées à la sécheresse, faire face aux problèmes suivants: i) grave manque d’eau en saison sèche pour les gens et les animaux; ii) manque de pâturage saisonnier; iii) isolement physique, manque de routes et d’accès aux marchés; iv) conditions de commercialisations désavantageuses pour les cultures et le bétail; et v) manque de services de santé et d’écoles. Les problèmes spécifiques de ce système de production sont les suivants: dégâts aux cultures causés par les oiseaux et les locustes, décorticage laborieux des grains, vols de stocks, empiètement des rivières sur les cultures et, au sud de l’Afrique, manque de terre et surpopulation, héritage des problèmes liés au colonialisme.

TENDANCES ET PROBLÈMES DU SYSTÈME AGROPASTORAL À BASE DE MIL ET DE SORGHO

Ce système de production a souffert d’une réduction générale de la pluviométrie pendant les deux dernières décennies. Des pluies insuffisantes et aléatoires ont entraîné de faibles rendements des cultures et l’abandon de l’arachide et du sorgho tardif. Il existe un grave manque d’eau potable et de bois de chauffe dans certaines zones. Des problèmes de fertilité des sols apparaissent dans les plaines en raison du raccourcissement des jachères et des longues périodes de culture continue. Le manque de terre est aussi un problème dans les zones plus densément peuplées où les sols sont plus fertiles.

La pression sur les ressources devrait augmenter au cours des prochaines décennies en raison de l’accroissement des populations humaines et animales de ce système d’exploitation. Dans certains cas, cette situation pourrait conduire à l’adoption spontanée de la gestion durable des ressources et à l’intensification comme à Machakos (qui présente toutefois une agroécologie favorable); toutefois, ces réussites sont des exceptions. La fertilité des meilleures terres devrait baisser en l’absence d’intervention technologique importante pour la conservation de la fertilité. Sans une bonne gestion des pâturages par les communautés, les ressources des parcours de nombreuses zones vont aussi se détériorer. Dans ces conditions, la pauvreté à la fois chronique et passagère, devrait augmenter.

Les contraintes sont la sécheresse, la baisse de fertilité des sols, l’infestation des mauvaises herbes (principalement le striga dans les céréales et le niébé), les maladies et ravageurs du niébé et de l’arachide, et le manque général de crédit et son coût élevé pour les intrants du coton. Les recommandations des instituts de recherche furent dans le passé souvent inadaptées aux besoins des petits agriculteurs car elles mettaient l’accent sur la maximisation des rendements plutôt que sur leur stabilisation et la réduction des risques. Les contraintes relatives à l’élevage comprennent le manque de pâturage en saison sèche et la condition précaire des animaux de trait au moment où les efforts physiques les plus importants leur sont demandés. Les pertes de récoltes, lorsqu’elles se produisent, sont exacerbées par la hausse des prix des céréales et la baisse des prix du bétail.

En période de disette, les prix des grains payés avec des animaux sont trois fois plus élevés qu’au moment de la récolte. Les prix des céréales montent et ceux du bétail chutent en cas de mauvaise récolte.

N’ayant jamais bénéficié de services importants, ce système de production n’a pas été très touché par le retrait du secteur public de l’offre de semences et d’engrais et de la commercialisation des cultures. Les services de vulgarisation n’apportèrent aucune réponse aux problèmes des agriculteurs pauvres en ressources. Ils ont souvent fait la promotion de paquets technologiques trop chers et trop risqués pour les cultures en conditions semi-arides. Les semences de bonne qualité, de variétés à maturité précoce et tolérantes à la sécheresse restent insuffisantes en quantité.

PRIORITÉS DU SYSTÈME AGROPASTORAL À BASE DE MIL ET DE SORGHO

Les stratégies des ménages pour réduire la pauvreté de l’environnement difficile du système d’exploitation agropastoral à base de mil et de sorgho sont diversifiées. La meilleure stratégie est la sortie de l’agriculture. Il existe toutefois trois autres stratégies: intensification, diversification, et augmentation de la taille des fermes. La priorité consiste à diminuer les risques de perte de récolte les années de sécheresse par une meilleure gestion des sols et de la conservation de l’eau et par la multiplication de variétés de mil et sorgho de bonne qualité gustative, résistantes à la sécheresse et de maturité précoce. Le contrôle des dégâts causés par les oiseaux et les attaques de criquets pèlerins devrait complémenter cette stratégie.

L’identification de méthodes améliorées de maintien de la fertilité des sols et leur application aux différents types de sols permettront d’apporter une solution à la baisse de fertilité. La végétation de savane devrait être régénérée afin de fournir des réserves de fourrage et de bois de chauffe de manière durable.

Les interventions spécifiques contre l’insécurité alimentaire et financière sont les suivantes: maximisation de la conservation de l’eau dans le sol et de son utilisation par des techniques de gestion des sols; diffusion des techniques de conservation de l’eau de ruissellement telles que les «demi-lunes» et les pierres sur les contours en lignes de niveau comme cela a été démontré avec succès au Mali, au Niger et au Burkina Faso (voir l’encadré 2.16). Ces interventions devraient aussi faciliter la multiplication par les agriculteurs des semences des variétés de mil et de sorgho à maturité précoce, tolérantes à la sécheresse et possédant des caractéristiques appréciées localement (goût acceptable et tolérance au striga et aux dégâts d’oiseaux). Le développement de méthodes intégrées de contrôle du striga et des autre ravageurs et maladies aux champs et en cours de stockage ainsi que l’amélioration des méthodes de stockage des céréales sont aussi des facteurs importants capables d’améliorer la sécurité alimentaire. Une meilleure utilisation des résidus de récolte et de ses sous-produits, la promotion de l’utilisation d’espèces animales adaptées localement, le contrôle des maladies épizootiques et l’amélioration de la production de volaille dans les villages pourront permettre d’augmenter la productivité animale dans son ensemble. La régénération des forêts est nécessaire pour l’approvisionnement durable en bois de chauffage.

Les interventions pour accroître le revenu de l’élevage devraient inclure: i) l’organisation et la mise en place du suivi des maladies; ii) des réglementations de certification pour l’exportation des animaux vivants et des produits animaux; iii) une intégration plus grande avec la production des cultures pour permettre l’approvisionnement en fourrage et la vente d’aliments pour les bovins des zones plus favorables (telles que celles des systèmes d’exploitation mixte céréales et racines et à base de maïs); et (iv) l’appui à la commercialisation du bétail par les petites entreprises privées. Les peaux et les cuirs sont des produits des systèmes agropastoraux qui sont souvent sous-estimés[72]. Afin d’assurer un produit de haute qualité, les services de vulgarisation devraient porter plus d’effort sur les soins vétérinaires à apporter aux animaux vivants, ainsi que sur le traitement des peaux immédiatement après abattage.

Encadré 2.16 Amélioration des pratiques locales de conservation des sols et de l’eau en zones semi-arides[73]

Comme de nombreuses zones semi-arides, le Niger a souffert de la dégradation des terres liée à la sécheresse et la pression démographique. Un projet financé par le FIDA a testé un certain nombre de technologies locales pour restaurer la production et réduire les variations de production liées aux aléas climatiques. Un facteur de succès important a été le développement d’une forme modifiée de la pratique des tassas. Cette pratique a continué à se diffuser spontanément après la fin du projet.

La pratique des tassas consiste à creuser des trous de 200 à 300 mm de diamètre et 150 à 200 mm de profondeur et à recouvrir les fonds de ces trous de fumier. En favorisant l’activité des termites pendant la saison sèche, cette technique améliore l’infiltration ultérieure de l’eau. Les agriculteurs plantent ensuite leur mil et sorgho sur les bords de ces trous. Les tassas ont permis à la région d’atteindre des rendements moyens de mil supérieurs à 480 kg/ha comparés à 130 kg/ha en l’absence de cette technique. Les tassas font maintenant partie de la technologie locale, leur utilisation se propage à une vitesse surprenante.

Trois facteurs principaux contribuent à son succès: i) une approche recherche-action souple et ouverte aux initiatives des agriculteurs pour leur permettre d’aller de l’avant; ii) la diffusion d’une technologie simple, facilement reproductible, adaptée aux systèmes d’exploitation agricole existants qui entraîne des bénéfices rapides et tangibles; et iii) la possibilité d’adaptation d’une technologie au contexte local changeant. La pratique des tassas est fondée sur une pratique locale qui, bien qu’elle ne soit pas hautement performante, est pourtant efficace.

Les tassas plaisent aux agriculteurs parce qu’ils obtiennent des résultats rapides et appréciables de restauration de la productivité des sols tout en diminuant les risques climatiques et en accroissant de 20 à 40 pour cent la disponibilité alimentaire des ménages participants. Ils sont faciles à répliquer parce qu’ils ne nécessitent que des modifications simples des outils manuels locaux et n’impliquent pas de travail additionnel pendant les périodes critiques de semis et de sarclage. Pouvant être exécutés par les agriculteurs sans assistance extérieure, les tassas sont particulièrement intéressants pour les jeunes, puisqu’ils leur permettent de cultiver les terres de plateaux, jusqu’alors non utilisées, apportant ainsi une réponse à la pression croissante sur la terre

Les pertes d’animaux peuvent être limitées en facilitant l’accès aux services de santé animale par la présence de personnel de santé animale issu des communautés. La pression sur les pâturages peut être diminuée par: i) le développement de politiques pour une bonne utilisation des terres et de l’eau des parcours; ii) la reconnaissance négociée des droits coutumiers des pasteurs sur les zones de pâturage en saison sèche - y compris sur celles des zones adjacentes, plus humides; et iii) la promotion de mécanismes pour résoudre, sur une base communautaire, les conflits liés à l’accès aux terres et à l’eau entre éleveurs nomades et agriculteurs sédentaires.


[72] Pendant les années 90, 25 pour cent des peaux et cuirs entrant dans les tanneries d’Addis-Abeba furent déclassés, ce qui entraîna une perte de la valeur des exportations estimée à 6,9 millions de dollars EU (Bayou, 1998).
[73] Mascaretti 2001.

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