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Priorités stratégiques du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord


La revue des caractéristiques, tendances et potentiels des principaux systèmes d’exploitation agricole du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord indique clairement l’étroite interdépendance des personnes, de l’eau et des ressources en terre. Il existe aussi des liens importants entre les différents systèmes agricoles, particulièrement entre les animaux et les systèmes de cultures. L’investissement dans les secteurs du développement agricole et rural, irrigation mise à part, a été relativement modeste.

Deux groupes ont été exclus de la plupart des initiatives: i) les agriculteurs les plus pauvres vivant dans les zones des terres arides; et ii) les éleveurs qui occupent une place unique dans l’économie rurale et dans la stabilité à long terme de l’environnement des zones sèches. En raison de l’interdépendance des systèmes de gestion des ressources, la négligence d’un système agricole pourrait avoir un impact majeur sur les personnes dépendant des autres systèmes.

Ces 30 dernières années ont vu l’accélération de l’urbanisation avec pour conséquence la croissance des villes. Cette tendance va sans doute se poursuivre, entraînant une augmentation de la demande en eau et en produits alimentaires - particulièrement les céréales et les produits animaux. La part des revenus provenant des activités hors exploitation va probablement continuer à croître dans les zones rurales; ce phénomène devra être pris en compte lors de l’examen des options stratégiques pour les investissements.

Les perspectives de réduction de la pauvreté agricole dans la région sont assez bonnes. Le tableau 3.4, établi à partir des analyses réalisées ci-dessus dans le cadre d’une diminution de moitié de la faim et de la pauvreté, résume l’importance relative des cinq stratégies dont disposent les ménages pour échapper à la pauvreté.

Ce tableau montre que, pour la région dans son ensemble, la sortie du secteur agricole est la meilleure stratégie, vient ensuite l’augmentation du revenu hors exploitation. Parmi les stratégies d’amélioration des ménages au niveau de l’exploitation agricole, la diversification et l’intensification sont d’égale importance, suivant de près le revenu hors exploitation dans le classement général.

Les principales priorités stratégiques pour la région sont regroupées ci-dessous dans cinq thèmes majeurs qui représentent les éléments essentiels de tout programme d’ensemble d’assistance à la revitalisation des systèmes agricoles et des modes de vie ruraux de la région. Ces thèmes sont: les politiques, les marchés, l’information, les technologies et les ressources naturelles. Ils sont tous, plus ou moins, interdépendants et ils recoupent les systèmes agricoles.

POLITIQUES, INSTITUTIONS ET BIENS PUBLICS

Les principales fonctions de l’état sont d’aider au développement des infrastructures vitales (routes, eau, services, énergie) et de contrôler l’utilisation et le prix des ressources qui, comme l’eau par exemple, deviennent de plus en plus rares. La région a, dans le passé, souffert d’une planification très centralisée et de la mise en place de programmes, particulièrement en agriculture, en faveur des populations urbaines et contre les intérêts des agriculteurs. De telles politiques ont été contreproductives et ont découragé les petits agriculteurs, les artisans et les entrepreneurs.

Le développement dynamique de l’agriculture ne pourra être assuré que par une plus grande décentralisation et par une augmentation des ressources au niveau régional. La mise en place de cette stratégie nécessite une participation collective accrue des parties prenantes pour la gestion et la protection de la terre, de l’eau et des ressources en pâturage. Une telle participation demande le renforcement des institutions locales et du pouvoir des communautés.

Le secteur privé a beaucoup investi dans l’agriculture et dans les industries agricoles. Les compagnies multinationales ont une influence dans la région; les activités de bon nombre d’entre-elles ne sont pas toujours en faveur des besoins des agriculteurs pauvres. Il devrait être possible de développer des partenariats plus constructifs entre le secteur privé, les principaux donateurs et l’état, afin de prendre en compte les besoins les plus urgents des pauvres des zones rurales. Le secteur privé devrait pouvoir jouer un rôle dans la réponse aux besoins en infrastructure (en particulier pour les systèmes d’adduction d’eau, les routes et les autres types d’infrastructure).

La réglementation et la gestion de l’élevage, aussi bien dans les villes qu’à la campagne, est un domaine crucial pour l’amélioration de la situation. Cela ne peut être réalisé que par un partenariat des principaux acteurs. Dans le cadre de la nouvelle approche pour la recherche et le développement, les systèmes de recherche nationale et de vulgarisation devront être intégrés. De profonds changements dans le contenu et les méthodes de formation seront nécessaires afin de mieux répondre aux besoins des agriculteurs pauvres. A l’exemple de l’Amérique latine, le secteur privé pourrait jouer un rôle actif dans ce domaine.

D’autre part, le recours à des approches scientifiques modernes devrait permettre l’identification et le suivi des changements dans l’utilisation et la distribution des ressources naturelles, particulièrement de l’eau.

Dans de nombreuses zones de la région, la distribution de la propriété foncière n’a subi que peu de changements depuis de nombreuses années et sa restructuration a été découragée par la faiblesse des stratégies politiques et de leur cadre d’application. Des restes d’anciens systèmes de gestion communautaire des terres persistent, mais ils ont tendance à disparaître avec la modernisation de l’agriculture qui a encouragé l’individualisation des propriétés foncières et la cassure de liens autrefois vitaux.

Actuellement, les parcelles cultivées qui sont gérées dans ces systèmes sont fragmentées, ont une faible productivité et souffrent du manque d’investissement. La migration des jeunes hommes et femmes vers les centres urbains entraîne une diminution de la main-d’œuvre. L’agriculture manque de dynamisme et d’esprit d’innovation en raison de certains arrangements fonciers, de l’absence d’institutions locales efficaces et de pratiques inchangées de gestion des sols et des eaux.

Tableau 3.4 Potentiel et importance relative des stratégies des ménages pour la réduction de la pauvreté au Moyen-Orient et en Afrique du Nord




Stratégies de réduction de la pauvreté

Système d'exploitation agricole

Potentiel de croissance agricole

Potentiel de réduction de la pauvreté

Intensifi-
cation

Diversifi-
cation

Accroissement de la taille de l'exploitation

Accroissement du revenu hors exploitation

Sortie de l'agriculture

Irrigué

Important

Important

3

4

0

2

1

Mixte des hautes terres

Important

Moyen

1

1

2

2

4

Mixte pluvial

Important

Important

3

2

1

2

2

Mixte des terres sèches

Moyen

Moyen

2

1

1

2

4

Pastoral

Faible

Moyen

2

2

0

3

3

Dispersé (aride)

Faible

Faible

1

2

0

3

4

Basé sur la pêche côtière artisanale

Faible

Faible

2,5

1,5

0

3

3

Urbain

Faible

Faible

2

3

0

4

1

Moyenne pour la région



2,0

2,0

0,9

2,3

2,8

Source: Avis d’experts.

Note: Le total des points pour chaque système d’exploitation est égalá 10. L’évaluation des stratégies est faite uniquement pour les agriculteurs pauvres. La moyenne régionale pondérée pour les populations agricoles des systèmes est calculée à partir du tableau 3.1.

Des tentatives de remembrement des terres sont en cours dans le cadre de réformes foncières. Elles sont lentes et difficiles à mettre en place. La politique essentielle et les réformes institutionnelles de ce processus devront inclure la consolidation et la rationalisation de la propriété foncière avec pour objectif la survie et l’intérêt à long terme des communautés occupant les bassins versants. Le développement de formes collectives de gestion des terres, qui permettra l’introduction de pratiques de travail du sol et de gestion des technologies plus efficaces et plus rationnelles, est aussi très important. Ce processus pourrait être facilité par la mise en place de gestion communautaire des ressources et de groupes associés à un mode de vie.

Comme le montre bien l’exemple de l’action planifiée dans la région pastorale à l’est du Maroc, la prise en compte des pratiques locales par la législation et la réglementation est nécessaire pour pouvoir contrôler la pression sur les pâturages des terres arides et des hautes terres. Ces actions devraient conduire à: i) l’élimination des subventions (directes et indirectes) à l’importation des céréales utilisées pour la production animale intensive; ii) l’établissement de groupes de commercialisation pour les producteurs de viande, regroupant éleveurs et entrepreneurs urbains impliqués dans le financement de l’industrie; et iii) la mise en place de groupes d’action de recherche répondant aux besoins de gestion des propriétaires des différents types d’animaux. Ces initiatives doivent prendre en compte des aspects plus larges de gestion des systèmes d’élevage, y compris la disponibilité saisonnière en aliment du bétail, le fourrage et l’eau et leur distribution dans l’espace, entre les systèmes des plaines et entre les plaines et les systèmes des hautes terres. Une action de recherche intégrée de cette nature bénéficiera à la fois aux éleveurs et aux agriculteurs. Il est particulièrement nécessaire d’aider les propriétaires de petits troupeaux qui représentent la majorité des éleveurs. Cette assistance pourrait prendre plusieurs formes: nouvelles modalités d’accès à l’alimentation de complément, aux plants et aux semences, arrangements pour la commercialisation et le transport.

Dans de nombreuses zones, il est urgent de mettre en place une réglementation sur l’utilisation et les droits de l’eau - particulièrement pour l’utilisation de l’eau souterraine non renouvelable. Les problèmes liés à l’utilisation de l’eau auront, dans les trente prochaines années, une incidence majeure sur l’agriculture et le développement des zones urbaines (par exemple le bassin de Sanaa au Yémen). Il est nécessaire de mettre en place de meilleures techniques de gestion de l’eau et des méthodes de suivi qui impliquent la participation de tous les intéressés d’une manière impartiale. La législation qui assure le partage équitable des ressources en eau doit être appuyée par des accords nationaux et internationaux. Cela impliquera, bien sûr, l’introduction de systèmes plus efficaces de taxation de l’eau utilisée, particulièrement dans les zones d’irrigation intensive. De plus, des institutions locales démocratiques devront être mise en place. Elles devront inclure des groupes d’utilisateurs d’eau assurant le contrôle efficace et juste de l’eau et de sa gestion. Les améliorations techniques ne sauraient être durables et efficaces sans la mise en place de telles institutions.

La décentralisation des structures de pouvoir associées au développement rural et à l’amélioration du niveau de vie est un premier pas essentiel. La création de nouvelles formes de recherche agricole intégrée et de systèmes de vulgarisation est aussi nécessaire. La mise en place de nouvelles politiques et interventions est nécessaire pour encourager un meilleur partenariat entre le secteur public et le secteur privé afin d’assurer une meilleure gestion des ressources rares. Des mesures politiques sont aussi nécessaires pour permettre un meilleur accès: à l’information concernant les nouvelles technologies du sol et des cultures, aux techniques de gestion intégrée des ravageurs et du sol, et au crédit à la production; pour supprimer les distorsions dans les marchés et les prix (par exemple chez les céréales) qui affectent les pauvres plus que les riches; et pour répondre aux besoins en transformation et commercialisation.

LIBÉRALISATION DU COMMERCE ET DÉVELOPPEMENT DES MARCHÉS

Le développement rapide des marchés mondiaux, très concurrentiels, a entraîné une forte pression sur les systèmes d’exploitation et de commercialisation existant et la disparition de nombreux petits producteurs. Une aide aux petites et moyennes entreprises est nécessaire pour leur permettre de s’adapter à ces nouvelles conditions. On a assisté durant les 30 dernières années à un exode des jeunes issus de l’agriculture, surtout des hommes, vers les villages locaux et les villes ou même hors de la région. Des remembrements de terre et des reprises d’exploitation ont lieu, mais il existe encore des millions de petites exploitations, souvent gérées par des femmes ou des hommes âgés. Un certain nombre de domaines revêtant une importance particulière pour le développement sont présentés ci-dessous.

La libéralisation totale devrait entraîner une mise à plat de la production agricole dans toute la région. La région ne possédant pas d’avantage comparatif pour la production de nombreux produits agricoles traditionnels, la libéralisation devrait entraîner des ajustements, particulièrement pour les systèmes d’exploitation agricole pluviaux et des hautes terres qui devraient se tourner vers la production de cultures de haute valeur pour des créneaux de marché particulier (par exemple, les olives et l’huile d’olive, les fruits et légumes frais ou transformés, tels que les agrumes, le raisin, le raisin sec et les tomates). La production horticole et de grains alimentaires telle que celle du blé et du riz pourrait être compétitive et se développer dans les systèmes d’exploitation des grands périmètres irrigués situés près des marchés. De la même façon, l’augmentation des prix du grain résultant de la disparition des distorsions actuelles des prix entraînerait un changement dans les rapports entre le système pastoral et les feedlots.

Face au manque de terre, de nombreuses familles de petits agriculteurs ont recours aux revenus hors exploitation pour assurer leur alimentation et couvrir d’autres besoins. Ce phénomène devrait probablement se poursuivre, aussi toutes les initiatives et les investissements en faveur de la réduction de la pauvreté devraient-ils en tenir compte. Les principales stratégies d’amélioration des entreprises existantes et de création de nouvelles entreprises sont: i) l’encouragement des petites entreprises pour la transformation et la commercialisation des cultures régionales et des produits animaux, grâce à l’élimination des contraintes et à la création de services de conseils techniques et économiques; ii) la création de clubs d’épargne ou l’organisation de petits producteurs qui créeront des fonds de réinvestissement pour l’amélioration de la terre et des eaux et le développement des petites entreprises; iii) la mise en place de programmes de crédit pour faciliter l’achat d’équipement d’irrigation, de matériels de culture, de récolte, de transformation et de commercialisation, qui pourraient être en propriété collective ou loués; iv) l’amélioration de la connaissance des besoins des consommateurs selon les marchés (villes de la région ou Europe) de la part des petits entrepreneurs; et v) l’identification et l’exploitation des marchés pour des produits particuliers (par exemple aliments biologiques, herbes médicinales).

INFORMATION ET CAPITAL HUMAIN

L’investissement conjoint des secteurs privé et public pour un meilleur accès aux systèmes d’information locaux et internationaux (en particulier dans le domaine des marchés) est une priorité pour le développement de l’agriculture régionale. Il est important d’améliorer l’accès à la connaissance des marchés locaux et internationaux pour les petits producteurs, ainsi que l’accès à l’information utile aux femmes d’agriculteurs et aux travailleurs ruraux.

Les agriculteurs ne peuvent bénéficier d’une information disponible que s’ils savent comment l’utiliser. Aussi, les gouvernements et la société civile devraient-ils favoriser la formation des agriculteurs aussi bien à l’école que dans les centres de formation agricole. Il est nécessaire de restructurer et de réorganiser les systèmes d’enseignement supérieur agricole afin de mettre l’accent sur les modes de vie ruraux et urbains plutôt qu’uniquement sur la production agricole. Les programmes devraient être reformulés pour donner plus d’importance à l’approche enseignement interdisciplinaire basée sur les systèmes (non seulement sur les disciplines et les produits par exemple). La formation et l’information des jeunes ruraux en matière agricole ainsi que sur les possibilités de développement de l’agro-industrie et du tourisme, sont une priorité.

SCIENCE ET TECHNOLOGIE

La recherche nationale et les systèmes de vulgarisation ont été particulièrement inefficaces et improductifs pendant de nombreuses années. On a assisté à une absence de réflexion en terme de système en ce qui concerne la nature des ressources naturelles et la façon de les gérer plus durablement afin de réduire la pauvreté. Les politiques en matière de science et de technologie devraient être revues afin de mieux répondre aux besoins de la majorité de la population rurale et urbaine - particulièrement les pauvres. Une réorientation fondamentale de la recherche et des systèmes de vulgarisation est nécessaire pour les mettre plus en accord avec les approches participatives récentes, impliquant les producteurs comme partenaires dans le développement de la recherche et des programmes de vulgarisation. Cela devrait permettre d’impliquer collectivement les producteurs dans tous les aspects de la recherche végétale et animale et dans les processus de multiplication. Ces mesures pourraient s’appliquer à la sélection des variétés, à leur testage et à leur multiplication; le développement de technologies de gestion des sols et des eaux; la conception, le test et la mise en œuvre de la gestion de la terre; et l’équipement de récolte pour les petits producteurs. Il est nécessaire de renforcer l’aide au développement des technologies qui s’adressent spécifiquement aux femmes - à la fois comme producteurs et comme personnes dont on n’a pas encore utilisé les talents pour la transformation des produits alimentaires et leur commercialisation.

La recherche sur les cultures mineures et l’élevage devrait être renforcée afin de permettre la diversification des productions qui pourra aider à réduire la pauvreté.

Il est urgent de trouver des technologies qui permettent aux petits agriculteurs de répondre aux créneaux de marchés de l’Europe pour des produits horticoles de qualité ou biologiques; toutefois, les firmes qui achètent ces produits sont souvent mieux à même d’introduire de telles technologies. Souvent la solution se trouve non seulement dans la technologie mais aussi dans la formation et les arrangements institutionnels. L’ICARDA a joué, pendant les 25 dernières années, un rôle actif dans la réalisation d’un grand programme de recherches stratégiques et appliquées aux produits et aux ressources de base de la région. Il est maintenant nécessaire de consolider les efforts et d’aider plus activement les institutions nationales de la région. Cette initiative nécessite des investissements importants en matière de formation pour une recherche et des systèmes de vulgarisation dynamiques. Les professionnels de ces systèmes pourraient s’inspirer de la recherche menée dans la région (dans le delta du Nil par exemple) ou dans d’autres parties du monde, pour formulation et la mise en œuvre de technologies. Les agriculteurs pourraient prendre part à ce processus et apporter leur connaissance particulière des semences, de la tolérance à la sécheresse et à la salinité et de la collecte, du stockage et de la réutilisation de l’eau.

L’aide à la recherche et à la vulgarisation doit être plus interdisciplinaire et faire plus appel à l’imagination. Les chercheurs et les vulgarisateurs doivent davantage travailler sur des objectifs de recherche et développement stratégiques et de systèmes et se mettre d’accord sur des mécanismes de suivi. La recherche sur le développement de systèmes agricoles intégrés et des modes de vie plus durables devrait être une priorité. Elle devrait porter sur: i) une plus grande diversification; ii) la gestion intégrée des ravageurs, des sols et des eaux; iii) la participation des agriculteurs, hommes et femmes, au processus de recherche et de diffusion; iv) le développement de variétés de fourrage et de cultures tolérantes à la salinité; et v) la formulation et la planification d’une gestion plus efficace de l’eau au niveau de l’exploitation, conjointement à l’utilisation et à la réutilisation de l’eau.

Il est nécessaire de continuer à investir des ressources nationales et internationales pour accroître l’efficacité technique des systèmes d’irrigation de tous types, ceux-ci peuvent en effet permettre aux agriculteurs un plus grand choix d’activités et de pratiques de production. Les systèmes irrigués, à l’inverse de nombreux autres systèmes, offrent la possibilité d’une plus grande diversification, de la pratique de cultures intercalaires et de l’intensification des cultures ou des arbres fruitiers. La diversification et le changement vers des assolements qui économisent l’eau sont un autre domaine possible d’investissement. Ils exigent un développement rapide et l’accès des agriculteurs aux systèmes de microdistribution de l’eau qui ne sont pour l’instant utilisés que par un groupe restreint d’agriculteurs riches. Il faut continuer à développer ces technologies relativement nouvelles en y faisant participer les femmes. De nouveaux systèmes de rotation des cultures et de gestion des cultures intercalaires doivent être explorés par des groupes actifs d’agriculteurs et de chercheurs. Ces priorités s’appliquent non seulement aux systèmes irrigués, mais aussi aux zones à pluviométrie plus forte et à celles où la récolte des cultures dépend de l’importance des pluies saisonnières.

L’introduction de techniques culturales de conservation, d’équipement et de stratégies permettant une meilleure utilisation de la force de travail, des ressources en sol et en eau, est de la plus haute importance pour la région. La nécessité d’augmenter la productivité du travail implique le recours à des formes de mécanisation qui pourrait bien entraîner plus de partage de l’équipement et du travail. Cela pourrait être facilité par des mécanismes institutionnels locaux, qui vont au-delà des besoins stratégiques pour une gestion durable des sols et des eaux dans un district ou dans une sous-région. Les types de techniques qui pourraient être appliqués dans la région ont été mis en place depuis de nombreuses années dans d’autres zones arides du monde; elles comprennent: i) un travail minimum ou le non travail du sol; ii) un suivi précis des relations du sol et de l’eau; iii) le développement d’options rationnelles pour les choix à long terme des cultures et de l’assolement; iv) la participation des groupes d’agriculteurs dans les processus de prise de décision; et v) le développement de technologies spécialement adaptées aux besoins des femmes impliquées dans la production et la transformation.

RESSOURCES NATURELLES ET CLIMAT

Les problèmes relatifs à la gestion des ressources naturelles sont en partie liés à la détérioration continue de la qualité des ressources en eau et en sol. De plus, les ressources en eau non renouvelables sont de plus en plus menacées par l’extraction excessive qui en est faite. Le plus souvent, en raison de méthodes de culture inappropriées et de la forte pression des animaux sur les pâturages de certaines zones spécifiques, l’érosion du sol par le vent et l’eau continue d’être un problème majeur dans la région. Les changements climatiques vont probablement entraîner des extrêmes plus marqués de sécheresse qui pourront toucher plus sévèrement les zones à faible pluviométrie que celles bénéficiant d’une pluviométrie modérée.

La demande croissante en produits animaux de la part des zones urbaines et le développement incontrôlé de la production animale industrielle urbaine et rurale entraînent des pressions sans précédent sur les paysages de steppe et des hautes terres, ainsi que sur les personnes qui gèrent les animaux. L’industrie, dans son ensemble, a besoin d’être analysée et comprise d’une façon rationnelle pour permettre aux modes de vie ruraux de rester durables à long terme.

Les domaines suivants devraient faire l’objet d’une attention prioritaire: i) la revitalisation et l’adaptation de systèmes anciens de rotation des pâturages et de gestion des terres en impliquant tous les intéressés dans la planification et le suivi des changements dans les ressources; ii) les systèmes de gestion du sol et de l’eau au niveau du bassin versant (plutôt qu’à celui de l’exploitation individuelle); iii) le développement de systèmes durables de gestion de l’eau souterraine; iv) l’introduction de taxes réalistes et équitables sur l’eau; v) les techniques de gestion des sols et des eaux durables à long terme pour les cultures annuelles et pérennes; et vi) la conservation et le développement de la flore et de la faune uniques de la région.

On s’est, pendant de nombreuses années, interrogé sur la valeur et les revenus qui pouvaient être tirés des zones à faible et à fort potentiel et s’il était plus intéressant d’investir dans l’une que dans l’autre. On a souvent fait remarquer que le retour sur investissement des zones à faible potentiel était peu satisfaisant.

Cependant, les comparaisons simplistes entre terres à bas ou haut potentiel peuvent ne pas se montrer très utiles ici, en raison du rôle important de lien entre les différents systèmes que joue les animaux au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

Les zones à haut potentiel continueront à faire l’objet d’une attention particulière en raison de leur importance dans la production des céréales, des fruits, des légumineuses et des cultures de rente. C’est d’elles que les gouvernements attendent l’essentiel de la contribution à la sécurité alimentaire nationale en matière de céréales et de produits alimentaires de base. Il est nécessaire de porter beaucoup plus d’attention à la gestion de l’eau, à son interaction avec le sol et aux intrants externes. Il est aussi nécessaire de mieux contrôler et de mieux réglementer l’utilisation des produits phytosanitaires, en particulier ceux utilisés sur le maraîchage et les fruits près des marchés urbains, et de diminuer l’utilisation des intrants externes, permettant ainsi des productions présentant moins de risques à long terme pour les humains et les sols.

Les zones à faible potentiel produisent non seulement les cultures essentielles des systèmes pluviaux, telles que l’orge, mais elles permettent aussi la production d’un grand nombre d’animaux (moutons et chèvres) nourris sur les steppes et les régions montagneuses pendant la saison humide et migrant vers les zones plus humides à haut potentiel après la récolte des cultures principales. La productivité de l’élevage résultant de l’utilisation de tous ces systèmes peut être très forte. Le manque d’accès des agriculteurs et des éleveurs à l’élevage et aux terres cultivées en orge limiterait les options possibles et entraînerait une augmentation de la pauvreté et des migrations déjà très importantes. La modernisation (financement d’un grand nombre d’animaux par des urbains et moyens de transport pour les animaux et l’eau) entraîne une pression importante sur les pâturages de nombreuses zones qui seront difficiles à récupérer. Des formes de gestion communautaire des ressources - terre, forêt, buissons, animaux et eau - peuvent permettre de stabiliser ces zones et de rendre leur utilisation plus durable. De telles zones nécessiteraient d’être protégées par une réglementation et des mesures politiques appropriées. La protection et la conservation du faible potentiel des terres parfois arides de la région est une tâche vitale pour les gouvernements, les autorités locales et les agences extérieures, car ces zones contiennent des plantes et une faune rares et fournissent des ressources saisonnières en pâturage à des millions d’animaux.

On rencontre des grandes et des petites exploitations agricoles dans toutes les zones, qu’elles soient à fort ou faible potentiel, d’altitude ou de plaine. Les terres agricoles, même celles des petites exploitations, sont souvent fragmentées dans les systèmes agricoles pluviaux. Dans plusieurs pays, les terres autour des habitations du village sont gérées en blocs, facilitant ainsi la mécanisation de la préparation des terres et des récoltes et la gestion du pâturage des moutons après la récolte. Il serait souhaitable d’étudier les systèmes anciens de coopération entre petits agriculteurs afin d’évaluer leurs avantages et inconvénients, surtout pour la gestion des intrants, le contrôle de la qualité et la commercialisation des produits. Les propriétaires de grandes exploitations sont souvent relativement riches et habitent parfois en ville; dans ce cas les opérations courantes sont souvent laissées à un fermier peu motivé.

Il est souvent possible d’améliorer la gestion du sol et de l’eau sur ces exploitations et d’augmenter ainsi leur productivité.

CONCLUSIONS

En dépit de la richesse en ressources pétrolières de quelques pays de la région, la production agricole et les ressources en eau restent vitales pour le mode de vie de nombreuses familles agricoles. Les perspectives de réduction de la pauvreté agricole dans le cadre des objectifs internationaux sont assez bonnes. La sortie du secteur agricole est, pour l’ensemble de la région, la meilleure stratégie pour réduire la pauvreté et l’insécurité alimentaire des ménages; vient ensuite l’accroissement des revenus hors exploitation. La diversification et l’intensification sont deux stratégies d’égale importance au niveau de l’exploitation, elles viennent juste après les revenus hors exploitation. L’accroissement de la taille des exploitations ne semble pas être une stratégie importante.

Deux groupes importants continuent d’être exclus de la plupart des initiatives de développement: les agriculteurs les plus pauvres des terres arides et les éleveurs. La stabilité et la durabilité des systèmes basés sur les ressources naturelles sont très menacées. Des politiques alimentaires inappropriées et faibles ont entraîné des prix très bas en zone urbaine au détriment des agriculteurs et des éleveurs les plus pauvres. Néanmoins, la nécessité de réorienter le développement vers l’élimination de la pauvreté, basée sur l’usage durable des ressources, est aujourd’hui reconnue. Cinq stratégies liées entre elles sont proposées:

Gestion durable des ressources. Les ressources naturelles ont besoin d’être conservées par une gestion améliorée des bassins versants dans les zones de collines et de montagnes et par la conservation des sols sur les terres en pente et la gestion améliorée des pâturages dans les zones pastorales. Les composantes comprennent: le renforcement des groupes locaux d’usagers des ressources, l’amélioration des pratiques de gestion et l’amélioration des politiques à long terme.

Gestion améliorée de l’irrigation. Une meilleure efficacité de la gestion de l’eau d’irrigation est essentielle pour permettre l’intensification et la diversification de la production et réduire les pertes. Les composantes comprennent: les technologies pour une meilleure utilisation de l’eau de surface et l’eau souterraine et des ajustements sur la taxation de l’eau et autres mesures réglementaires.

Réorientation des services agricoles. La réorientation des systèmes de recherche agricole avec la participation des agriculteurs devra mettre l’accent sur l’intensification des systèmes irrigués et des systèmes mixtes pluviaux et la diversification des activités dans tous les systèmes. Les composantes en sont: des services de vulgarisation basés sur des fournisseurs de services publics et privés et une forte assistance au secteur agro-industriel rural afin de créer des emplois hors exploitation.

Amélioration des ressources humaines. Le recours aux nouvelles approches en matière de science et d’amélioration des méthodes d’enseignement est particulièrement important pour la formation des étudiants en agriculture qui vont travailler aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public. Les composantes comprennent: l’adoption des progrès qui partout dans le monde ont joué un si grand rôle dans l’enseignement agricole en matière de formation et de réflexion en terme de système.

Rationalisation des politiques agricoles. Les politiques doivent réorienter le développement vers l’élimination de la pauvreté à partir de l’utilisation durable des ressources. Les composantes comprennent: l’élimination des subventions à l’importation des céréales (très utilisées pour la production animale intensive) ainsi que celle des autres formes de support au bas prix urbains au détriment des agriculteurs et des éleveurs les plus pauvres.


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