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Vers une foresterie durable

Au niveau mondial, la déforestation ralentit. En même temps, la productivité du secteur de la transformation du bois s'améliore, ce qui permet de satisfaire la demande croissante. Cependant, il subsistera vraisemblablement des points névralgiques de déforestation qui saperont la biodiversité et priveront ces zones des autres avantages économiques et écologiques qu'offrent les forêts. Le plus grand défi consistera à améliorer la gestion durable des forêts et à assurer une distribution équitable des avantages tirés de la foresterie.

Les forêts et autres zones boisées assurent des fonctions économiques et écologiques cruciales. Non seulement elles fournissent des marchan-dises et des moyens d'existence, mais elles protègent aussi les sols, régularisent l'écoulement de l'eau et absorbent du carbone qui risquerait sinon de venir s'ajouter aux gaz à effet de serre. Les forêts abritent également une grande partie de la biodiversité terrestre du monde.

En 2000, le monde comptait quelque 3 870 millions d'ha de forêts, recouvrant 30 pour cent de sa superficie émergée. Les forêts tropicales et subtropicales représentaient 56 pour cent de la superficie forestière, et les forêts tempérées et boréales le restant. On estimait que les forêts naturelles constituaient environ 95 pour cent de la superficie mondiale, alors que les plantations forestières en constituaient environ 5 pour cent.

Au total, 51 pour cent des forêts mondiales peuvent fournir du bois. Quelque 12 pour cent des forêts se trouvent dans des zones protégées par des dispositions légales, et les 37 pour cent restants sont physiquement inaccessibles ou, pour quelque autre raison, ne sont pas rentables à exploiter pour le bois.

En termes de biomasse, plus de la moitié du bois consommé mondialement est brûlée comme combustible. La majorité de la consommation de bois de feu a lieu dans les pays en développement, où il est souvent la principale source d'énergie. L'Asie et l'Afrique consomment, à elles deux, plus des trois quarts du bois de chauffage disponible au monde, principalement pour la cuisine familiale, bien que les industries artisanales comme le séchage des aliments et la fabrication de briques en consomment également d'importants volumes dans certains pays.

Le bois rond industriel représente actuel-lement environ 45 pour cent de la production mondiale de bois. Il est intéressant de noter que la consommation de bois par habitant est pratique-ment la même dans les pays développés et ceux en développement, à savoir légèrement supérieure à 0,5 m3 par personne. Cependant, presque 80 pour cent du bois consommé dans les pays développés l'est sous forme de produits industriels dérivés du bois, alors que dans les pays en développement bien plus de 80 pour cent est utilisé comme combustible.

On ne peut guère généraliser en matière de commerce mondial du bois. Les formes de production et de commercialisation sont extrêmement diverses, tant sur le plan régional que d'un produit à l'autre. En 2000, les zones tempérées et boréales comptaient pour 80 pour cent de la production industrielle et 83 pour cent des exportations mondiales de bois rond. Cependant, ces zones représentaient aussi 85 pour cent de la consommation de produits dérivés du bois. En 2000 également, les régions tropicales étaient exportatrices nettes de produits de bois, à raison d'environ 59 millions de m3 par an, bien que ceci ait représenté moins de 4 pour cent de la consommation mondiale.

De la déforestation au reboisement

On entend souvent dire que le monde est confronté à une crise de déforestation. Il ne fait aucun doute que dans certains pays la situation est alarmante et la superficie occupée par les forêts continue de décliner rapidement. Durant les années 1990, la superficie forestière totale rétrécissait de 9,4 millions d'ha net chaque année, superficie équivalente à environ trois fois l'étendue de la Belgique. La superficie perdue sur l'ensemble de la décennie était supérieure à celle du Nigéria.

Il est vrai que si l'on projette dans le futur les taux actuels de déforestation, d'ici 2030 les forêts tropicales naturelles auront encore diminué de 24 pour cent. Cependant, la déforestation a été moins rapide dans les années 1990 que dans les années 1980 et ce ralentissement va probablement se poursuivre au cours des premières décennies de ce nouveau siècle.

Durant les années 1990, la superficie des forêts tropicales a diminué de 12,3 millions d'ha nets chaque année, mais les zones non tropicales ont vu leur superficie forestière augmenter de 2,9 millions d'ha annuellement.

La situation varie considérablement d'une région à l'autre. La déforestation a été le plus rapide dans les tropiques, où les pertes dans les années 1990 atteignaient en moyenne 12,3 millions d'ha par an. L'Afrique a vu disparaître 5,3 millions d'ha de forêt par an et l'Amérique du Sud 3,7 millions d'ha. Par contre, les pertes annuelles en Asie n'ont été que de 0,4 millions d'ha, et les zones non tropicales ont vu leur superficie forestière aug-menter de 2,9 millions d'ha par an.

La déforestation nette est maintenant en train de diminuer dans beaucoup de pays en développement. Depuis plus d'une décennie, des pays comme la Chine, l'Inde, la Jamahiriya arabe libyenne, la Turquie et l'Uruguay plantent plus de forêts qu'ils n'en coupent. En 2000, d'autres pays comme l'Algérie, le Bangladesh, la Gambie et le Viet Nam, avaient aussi commencé à accumuler une superficie forestière nette. Certains pays, comme par exemple la Thaïlande et les Philippines, ont totalement interdit l'exploitation des forêts naturelles, bien que ceci puisse ne pas durer et soit difficile à mettre en oeuvre. Dans de nombreux pays en développement, du fait de la croissance de la population et de la dépendance par rapport à l'agriculture, les forêts vont continuer à rétrécir. Toutefois, les taux de déforestation vont encore fléchir dans l'ensemble au cours des prochaines décennies. Les tendances sociales, économiques et politiques contribueront au ralentissement de la déforestation dans les pays en développement. L'urbanisation réduira la nécessité de mettre en exploitation des terres encore vierges pour créer des moyens d'existence. Elle entraînera aussi un glissement vers les combustibles fossiles et l'électricité de préférence au bois.

Ce ralentissement fait partie intégrante du cycle de développement économique. Lors des premières phases du développement, les populations en rapide expansion comptent encore beaucoup sur l'agriculture et le bois de chauffage et certains pays peuvent dépendre des expor-tations de bois pour obtenir des devises étrangères, ce qui explique que la déforestation soit très répandue. Au fur et à mesure que les pays s'enrichissent et s'urbanisent davantage, la nécessité de défricher les forêts diminue et la valeur accordée aux environnements naturels augmente. De plus en plus de forêts sont protégées ou gérées de manière durable.

Dans les pays développés, les populations n'augmentent que lentement et, pour la plupart, les zones forestières sont en train de s'accroître du fait que les terres agricoles marginales sont abandonnées et se régénèrent sous forme de forêt naturelle secondaire.

Superficie forestière en pourcentage de la superficie des pays


Source: FAO (2001)

Produits du bois: demande croissante, productivité croissante

La demande de produits forestiers va continuer de croître au fur et à mesure que la population mondiale et les revenus vont augmenter. Les projections les plus récentes de la FAO estiment que d'ici 2030 la consommation globale de bois rond industriel va dépasser de 60 pour cent les niveaux actuels, pour atteindre environ 2 400 millions de m3. La consommation de papier et de cartonnages pourrait bien aussi augmenter considérablement.

Les ressources forestières mondiales peuvent-elles faire face? Jusqu'au début des années 1990, les experts étaient pessimistes à cet égard, mais la plupart aujourd'hui ne prévoient plus de crise d'approvisionnement en bois. Les projections de la consommation de bois sont plus basses maintenant, en partie du fait de la croissance ralentie de la population mondiale. Par ailleurs, il y a eu des améliorations au niveau de la gestion forestière ainsi que des technologies d'exploitation et de transformation, une augmentation du nombre de plantations et un développement du rôle des arbres poussant hors des forêts.

L'efficacité de la production de matériaux dérivés du bois s'améliore sans cesse, ce qui réduit les pressions sur les ressources forestières. Non seulement on recycle davantage le papier et le bois, mais au cours de la dernière décennie on a délaissé le bois rond et le bois scié industriels en faveur de panneaux dérivés du bois, qui font un bien meilleur usage de ce dernier. La production globale de bois scié est restée dans une grande mesure statique depuis 1970, tandis que celle de panneaux dérivés du bois a presque doublé, alors que la production de papiers et cartons a pratiquement triplé.

A l'avenir, la grande question ne sera plus de savoir s'il y aura suffisamment de bois, mais plutôt de se demander d'où il proviendra, qui va le produire et comment on devrait le produire.

Les sources d'approvisionnement en bois ont évolué: des forêts naturelles mal réglementées on se tourne aujourd'hui vers les plantations ainsi que vers les forêts et zones boisées gérées de manière durable. On s'attend à ce que la production de bois rond industriel de plantations double d'ici 2030, passant de 400 millions de m3 aujourd'hui à environ 800 millions de m3. Ainsi, l'accroissement de l'offre des plantations va satisfaire une grande partie de la demande accrue de bois pendant cette période. Les arbres cultivés en dehors des forêts seront une autre source de bois très développée.

Les conditions du commerce du bois ne connaîtront sans doute pas de changements spectaculaires, car la plupart des barrières tarifaires significatives ont déjà été réduites à des niveaux modérés ou bien entièrement supprimées - mais l'écoétiquetage et les réglementations environnementales vont sans aucun doute prendre de l'importance. Cependant, il aura de grands changements dans la géographie du commerce international au fur et à mesure que la consom-mation de bois industriel par habitant augmentera dans les pays en développement. Dans certains des pays plus riches, la consommation par personne est actuellement au moins dix fois plus élevée que celle de nombreux pays en développement.

Evolution de la superficie forestière (millions d'ha), de 1990 à 2000


Source: FAO (2001)

Davantage d'accent sur les fonctions écologiques

Une plus grande conscience de l'importance des valeurs et services de l'environnement a favorisé les efforts de protection des ressources forestières et arboricoles. Alors que les fonctions écologiques au sens large des arbres sont reconnues, la plantation d'arbres et de forêts ou leur conservation sont encouragées par des projets et programmes de développement comme moyen d'enrayer l'érosion, de régulariser l'écoulement de l'eau et d'éviter par là les inondations en aval, et de lutter contre la désertification ou la salinisation. La tendance à planter et à conserver les arbres et les forêts va vraisemblablement se poursuivre.

Un changement d'attitude a conduit les organisations non gouvernementales et de développement à accorder une plus grande valeur à l'environnement et à la protection de la nature. La pression est de plus en plus forte pour que tous les efforts visant à stimuler la croissance économique et à promouvoir les moyens d'existence des pauvres en milieu rural se conforment à des normes acceptables de gestion des ressources naturelles. L'émergence d'institutions démocratiques et un meilleur accès à l'information facilitent ce processus.

L'évolution des valeurs du consommateur, en particulier dans les pays développés plus riches, conduit à tenir compte de l'environnement dans les décisions d'achat. La diffusion de l'écoétique-tage permet maintenant aux consommateurs de choisir des produits provenant de forêts gérées de manière durable.

L'écotourisme est un second phénomène issu de cette évolution. On estime actuellement qu'il représente environ 7 pour cent du tourisme mondial, et on s'attend à ce que cette proportion augmente. Paradoxalement, un volume important d'écotouristes peut exercer de lourdes pressions sur des sites offrant des expériences mémorables. Néanmoins, l'écotourisme peut s'avérer être une source précieuse de revenus pour les commu-nautés locales et par conséquent une incitation économique à conserver les forêts qui subsistent.

Des mesures telles que la réduction de la déforestation, la régénération des forêts et le développement des plantations pourraient réduire les émissions de gaz carbonique d'un équivalent de 12 à 15 pour cent de toutes les émissions émanant de combustibles fossiles entre 1995 et 2050.

L'inquiétude croissante concernant le réchauffement de la planète a attiré l'attention sur le rôle potentiel des forêts quant à la régulation des niveaux de gaz carbonique dans l'atmosphère. Les forêts emmagasinent de vastes quantités de carbone dans les arbres, dans le sous-bois, l'humus et le sol. Au total, elles renferment quelque 1 200 milliards de tonnes de carbone, soit un peu plus de la moitié du total contenu dans toute la végétation terrestre et tous les sols.

Les nouvelles forêts, ou les forêts dégradées que l'on laisse se régénérer, absorbent et emmagasinent le carbone au fur et à mesure qu'elles poussent. Inversement, lorsqu'elles sont abattues ou dégradées, les forêts peuvent devenir une source importante d'émissions de gaz carbonique. Selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), des mesures telles que la réduction de la déforestation, la régénération des forêts et le développement des plantations forestières pourraient réduire les émissions de gaz carbonique d'un équivalent de 12 à 15 pour cent de toutes les émissions émanant de combustibles fossiles entre 1995 et 2050. Cependant, on ne peut dire encore dans quelle mesure ce potentiel sera pris en considération dans les accords internationaux officiels sur le changement climatique.

La gestion durable des forêts

L'ensemble des principes et des pratiques connu sous le nom de gestion durable des forêts s'impose de plus en plus comme le paradigme fondamental en matière de développement forestier. La gestion durable des forêts implique un élargissement des objectifs de la gestion, qui ne se limite plus à la production de bois, pour mettre davantage l'accent sur un développement participatif et équitable et sur les considérations écologiques.

Si le développement forestier est inéquitable, les pauvres qui en sont exclus continueront de dépendre des ressources en terres et des forêts, mais ils exerceront des pressions accrues sur les zones restantes auxquelles ils auront accès et il se peut qu'ils empiètent illégalement sur les zones protégées ou sur celles qui sont attribuées à de grandes entreprises. Par conséquent, un important aspect de la gestion durable des forêts est l'accent qu'elle met sur la fourniture de moyens d'existence durables pour les gens les plus pauvres et les plus marginalisés du monde, estimés à 350 millions, qui dépendent d'écosystèmes forestiers.

Les produits forestiers autres que le bois, tels que les aliments sauvages, les herbes et plantes médicinales sont d'une importance cruciale pour ce groupe vulnérable. La majorité sont des produits de subsistance ou sont échangés uniquement sur les marchés locaux. Cependant, il est estimé que 150 produits forestiers autres que le bois font l'objet d'un commerce international. Il se peut que le recours aux produits de subsistance décline pour la plupart, mais la demande crois-sante d'aliments et médicaments à caractère ethnique pourra conduire à une culture plus systématique de certains produits forestiers autres que le bois. L'accès des communautés locales aux connaissances et à la technologie sera critique pour qu'elles puissent tirer profit de cette tendance.

Dans le cadre du développement participatif associé à la gestion durable des forêts, la respon-sabilité première des services forestiers ne sera plus une fonction de gestion mais l'élaboration de politiques et de réglementations. La responsabilité de gestion incombera en grande partie au secteur privé, y compris aux agriculteurs et aux communautés locales.

Les objectifs environnementaux de la gestion durable des forêts comprendront l'expansion de la superficie des forêts protégées et le retour en arrière par rapport aux pertes de biomasse, de fertilité du sol et de biodiversité qu'occasionne la dégradation des forêts. Les pratiques forestières non durables seront découragées et les techniques d'abattage qui réduisent les impacts négatifs sur la forêt dans son ensemble seront encouragées. Une plus grande sécurité quant à la jouissance des terres et des arbres encouragera la plantation d'arbres, tant à l'intérieur qu'en dehors des forêts.

Des progrès ont été accomplis en ce qui concerne l'adoption à plus grande échelle de la gestion durable des forêts, bien que ces progrès aient été inégaux. A un extrême, la gestion des forêts est minutieusement contrôlée selon des critères sociaux et environnementaux convenus. A l'autre, d'importantes étendues de forêts (principalement tropicales) restent mal gérées ou ne le sont pas du tout, ce qui en fait la proie de dégradations irréfléchies ou malhonnêtes.

Les progrès effectués dans les domaines de la télédétection ainsi que du traitement et de l'échange de données permettront aux organismes nationaux et internationaux de surveiller plus facilement les pratiques de gestion des forêts. Mais pour que la gestion durable des forêts réussisse, il sera crucial de renforcer les institutions forestières des pays en développement, qui manquent toujours sérieusement de ressources.

Certains produits forestiers autres que le bois

Usage final

Produits typiques

Produits alimentaires et additifs

Gibier sauvage, noix comestibles, fruits, miel, pousses de bambou, nids d'oiseaux, graines oléagineuses, champignons, sucre de palme et amidon, épices, herbes aromatiques, colorants alimentaires, gommes, chenilles et insectes

Plantes ornementales

Orchidées sauvages, bulbes, cycas, palmiers, fougères arborescentes, plantes grasses, plantes carnivores

Animaux et produits animaux

Plumes, peaux, oiseaux de volière, papillons, laque, cochenille, cocons, cire d'abeille, venin de serpent

Matériaux de construction

Bambou, rotin, graminées, palmier, feuilles, fibres d'écorce

Produits chimiques organiques

Produits phytopharmaceutiques, produits chimiques aromatiques et arômes, parfums, produits agrochimiques/insecticides, biodiesel, tanins, colorants, teintures

Source: données FAO

 

Le rôle des forêts en matière de protection de la biodiversité

De façon croissante, la biodiversité n'est plus considérée seulement comme une source de matériel génétique, de médicaments et autres produits commerciaux, mais pour sa valeur intrinsèque. On estime que les forêts, et en particulier les forêts tropicales humides, abritent jusqu'à la moitié de la biodiversité mondiale.

Plus de 30 000 zones protégées ont été instituées dans le monde. L'objectif de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) est que soit protégée d'une manière ou d'une autre 10 pour cent de la superficie de chaque pays. A l'heure actuelle, quelque 80 pays y sont parvenus, mais dans environ 100 autres ce chiffre est encore inférieur à 5 pour cent.

Le Centre mondial de surveillance de la conservation (WCMC) estime que 6,4 pour cent seulement de la superficie des biomes forestiers jouit actuellement d'une forme ou d'une autre de protection - et ce chiffre n'est que de 3,6 pour cent dans le cas des forêts tempérées de feuillus. Ces écarts reflètent, outre l'incapacité générale à atteindre l'objectif de l'UICN, la distribution inégale des écosystèmes forestiers entre les pays.

Près de 9 pour cent des forêts tropicales humi-des sont protégées, mais dans beaucoup de pays en développement cette protection n'est que nominale. Ces forêts continuent d'être soumises à de sérieuses atteintes, y compris abattages, incendies délibérés, braconnage et autres formes de défrichement ou de dégradation.

Les perspectives d'expansion future des zones protégées sont plus modestes que dans le passé récent. Dans de nombreux pays où les efforts de conservation ne réussissent pas à atteindre l'objectif de l'UICN, on assiste déjà à des pressions intenses sur ces zones et à des conflits sérieux entre finalités économiques et écologiques. Au cours des 30 prochaines années, la superficie totale des terres sous stricte protection n'augmentera que modéré-ment. Il faudra trouver d'autres moyens de conserver la biodiversité, y compris grâce à la production et la conservation des arbres dans les exploitations agricoles et la conservation de plasme germinatif dans les banques de gènes. De plus grandes superficies de forêts pourraient aussi être placées sous gestion durable, approche qui accorde une haute priorité à la conservation en tant qu'objectif de gestion.

La pêche au niveau mondial: options pour l'avenir

Les captures maritimes de poisson se sont stabilisées durant les années 1990. L'aquaculture a connu une rapide expansion, ce qui a permis de continuer à accroître la production totale de poisson. De nombreux stocks maritimes étant maintenant exploités à pleine capacité ou surexploités, il est probable que les approvisionnements futurs de poisson soient restreints par le manque de ressources. Il est crucial d'arriver à une gestion efficace des pêcheries mondiales.

Les pêches jouent un rôle important dans l'économie alimentaire mondiale. A travers le monde, les pêches sont le gagne-pain de plus de 30 millions de pêcheurs et de pisciculteurs et leurs proches. La plupart d'entre eux appar-tiennent à des familles pauvres vivant de la pêche artisanale dans les pays en développement.

Globalement, le poisson fournit environ 16 pour cent des protéines animales consommées par les humains, et c'est une source précieuse de minéraux et d'acides gras essentiels. Les poissons de mer et d'eau douce sont aussi une ressource récréative de plus en plus importante, que ce soit pour les pêcheurs à la ligne ou pour les touristes, les plongeurs sportifs et les amoureux de la nature.

Alors que les captures maritimes de poissons plafonnent, l'aquaculture est en plein essor

Au cours des trois dernières décennies, la produc-tion mondiale de poisson s'est accrue plus vite que la population humaine, et par conséquent la quantité de poisson disponible par personne a aug-menté. La récente stagnation des pêches a été contrebalancée par le rapide essor de l'aquaculture.

La production totale annuelle de poisson a presque doublé entre 1970 et 1999, passant de 65 à 125 millions de tonnes. Cette augmentation a été le résultat de deux tendances contrastées: la croissance des pêches de capture suivie d'une stabilisation dans les années 1990, et le développement spectaculaire de l'aquaculture durant ces mêmes années.

Depuis les années 1950, l'augmentation des captures maritimes a été rendue possible par les progrès accomplis sur le plan de la technologie et de l'efficacité de la pêche, y compris l'utilisation de fibres synthétiques pour le matériel de pêche, la congélation à bord, la détection électronique des poissons et l'amélioration de la navigation. Néanmoins, comme de plus en plus de lieux de pêche et de stocks de poissons sont exploités à pleine capacité ou surexploités, la croissance des captures maritimes s'est stabilisée. Au cours des années 1990, les prises maritimes ont varié entre 80 et 85 millions de tonnes par an, malgré la découverte de nouveaux stocks.

Les prises dans les eaux intérieures, cependant, ont continué à augmenter modéré-ment, de 6,4 millions de tonnes par an en 1990 à 8,2 millions de tonnes en 1999 - mais il y a des chances que le total véritable des prises en eau douce soit beaucoup plus élevé, car les produits sont souvent troqués, vendus ou consommés localement sans être officiellement enregistrés.

C'est le développement rapide de l'aqua-culture, dont la croissance a été de 10 pour cent par an dans les années 1990, qui a rendu possible la hausse continue de la production globale de poisson. La part de l'aquaculture dans la production mondiale de poisson a doublé au cours de cette même décennie, atteignant 26 pour cent en 1999.

La hausse continue de la production globale de poisson a été rendue possible par la croissance de l'aquaculture à raison de 10 pour cent par an durant les années 1990. La part de l'aquaculture dans la production mondiale de poisson a doublé au cours de cette même décennie, atteignant 26 pour cent en 1999.

Jusqu'ici, l'aquaculture s'est fortement con-centrée en Asie, qui a fourni 89 pour cent de la production mondiale en 1999. Une diversité croissante d'espèces est maintenant élevée. Jusqu'à la moitié du XXe siècle, la gamme se limitait aux huîtres, aux moules, aux carpes, aux truites et aux crevettes. Cependant, depuis les années 1950, les chercheurs ont progressivement résolu le problème de la reproduction artificielle pour différentes espèces de carpes, de salmonidés et autres.

L'accroissement global de la production de poisson s'est accompagné parallèlement d'une hausse soutenue de la consommation. Le poisson représente actuellement, en moyenne, 30 pour cent de l'apport protéique animal en Asie, approximative-ment 20 pour cent en Afrique, et autour de 10 pour cent en Amérique latine et aux Caraïbes. En 1999, la consommation moyenne mondiale de poisson, crustacés et mollusques atteignait 16,3 kg par personne, soit une augmentation de plus de 70 pour cent par rapport au niveau de 1961-63.

La pêche est également une source importante de revenus. Dans les pays développés, le nombre d'emplois dans le secteur de la pêche a diminué en raison de l'amélioration de la productivité et de l'effondrement d'importantes pêcheries. Par contre, dans les pays en développement, les effectifs de pêcheurs ont continué de se déve-lopper. Plus de 90 pour cent des gens travaillant à plein temps dans le secteur de la pêche au début des années 1990 vivaient dans les pays en développement ou en transition.

Près de 40 pour cent de la production totale de poisson fait aujourd'hui l'objet d'un commerce international. De ce fait, la pêche est de plus en plus perçue comme un puissant moyen de produire des devises fortes. Les recettes brutes des exportations de poisson par les pays en développement ont augmenté rapidement, passant de 5,2 milliards de dollars EU en 1985 à 15,6 milliards de dollars EU en 1999, niveau largement supérieur aux recettes de produits comme le café, le cacao, la banane ou le caoutchouc.

La consommation de poisson pourrait être limitée par le manque de ressources halieutiques

On s'attend à ce que la consommation de poisson par personne continue d'augmenter. Si elle était déterminée uniquement par l'accroissement des revenus et l'évolution des régimes alimentaires, la consommation moyenne pourrait atteindre jusqu'à 22,5 kg par personne d'ici 2030. Ceci, associé à la croissance démographique, engendrerait une demande totale annuelle de poisson de 186 millions de tonnes d'ici 2030, soit presque le double du chiffre actuel. Cependant, comme les disponibilités seront probablement limitées par les contraintes de l'environnement, la demande se situera plus vraisemblablement entre 150 et 160 millions de tonnes, soit entre 19 et 20 kg par personne.

La situation variera beaucoup selon les régions. Les préoccupations de santé et de qualité de l'alimentation vont faire augmenter la consommation en Amérique du Nord, en Europe et en Océanie, mais à cause d'une lente croissance démographique, l'accroissement total de la demande sera lent.

En Afrique subsaharienne, au Proche-Orient et en Afrique du Nord, il est fort possible que la consommation de poisson par personne reste inchangée ou bien même qu'elle baisse, en dépit de niveaux actuels déjà faibles. En Afrique, les stocks naturels locaux sont pratiquement exploités à pleine capacité et, à l'exception de l'Egypte, l'aquaculture vient tout juste de démarrer. Il est possible que la demande par habitant en Asie du Sud, en Amérique latine et en Chine n'augmente que progressivement, alors que dans le reste de l'Asie de l'Est elle va pratiquement doubler, pour atteindre 40 kg d'ici 2030. Les aquaculteurs d'Asie devraient être en mesure d'augmenter leur production, et toute demande restant à satisfaire pourra l'être grâce aux importations.

On a de plus en plus tendance à commer-cialiser le poisson frais pour la consommation humaine. Ceci tient à la réduction des coûts de livraison du poisson frais aux marchés et au fait que les consommateurs sont prêts à payer un prix majoré pour ce produit. La demande de farine et d'huile de poisson continuera d'augmenter rapidement. Ces produits sont utilisés pour l'alimentation des animaux et du poisson élevé en aquaculture; à l'heure actuelle ils comptent pour environ un quart de la production mondiale de poisson. Jusqu'ici la matière première utilisée pour la farine et l'huile de poisson a été fournie par les pêches de capture, et selon toute probabilité il en restera ainsi. Cependant, la concurrence en ce qui concerne les petits poissons de surface va s'intensifier, et le secteur de la farine et de l'huile de poisson devra exploiter d'autres matières premières, telles que poissons infrapélagiques et krill. La montée des prix entraînera aussi l'utilisation d'aliments de substitution. Néanmoins, on n'a pas encore trouvé de produit satisfaisant pour remplacer l'huile de poisson.

Consommation de poisson par personne et par région, 1961-63 et 1997-99


Source: données FAO

L'expansion de l'aquaculture et de l'élevage marin extensif va se poursuivre

Au cours des trois prochaines décennies, les pêches mondiales vont satisfaire la demande en poursuivant leur glissement, qui s'est développé dans les années 1990, de la capture vers l'élevage de poissons.

La part de la production mondiale provenant des pêches de capture va continuer de diminuer. Le potentiel durable maximum de production maritime a été estimé à environ 100 millions de tonnes par an. Toutefois, ce chiffre est supérieur aux prises annuelles de 80 à 85 millions de tonnes enregistrées durant les années 1990, et présuppose l'utilisation de grandes quantités de ressources aquatiques jusqu'ici sous-exploitées, dont le krill, les poissons infrapélagiques et les calmars de haute mer.

Comme dans les années 1990, le déficit sera en grande partie comblé par l'aquaculture, qui continuera probablement de croître à raison de 5 à 7 pour cent par an, au moins jusqu'en 2015.

Le potentiel durable maximum de pêche maritime est estimé à environ 100 millions de tonnes par an, par comparaison à des prises annuelles de 80 à 85 millions de tonnes dans les années 1990. Mais cette estimation présuppose que de grandes quantités de ressources jusqu'ici inexploitées seront utilisées, y compris le krill et les calmars de haute mer.

Les espèces d'aquaculture vont être améliorées. L'amélioration traditionnelle, la mani-pulation des chromosomes et l'hybridation ont déjà contribué de manière significative à cette évolution. A l'avenir, le recours à de nouvelles technologies, telles que la modification génétique, est à prévoir. On a déjà transféré un gène du flet arctique, codant pour une protéine antigel, chez le saumon de l'Atlantique pour accroître sa tolérance aux eaux froides. Actuellement, cependant, aucun aquaculteur ne commercialise ces espèces transgéniques pour la consommation humaine. Pour aller de l'avant dans ce domaine, il faudra répondre aux inquiétudes du grand public concernant les OGM, procéder à des évaluations de risques et développer des directives pour un usage responsable.

D'autres espèces vont être domestiquées pour l'aquaculture. Pour le flétan, la morue et le thon, qui ont été pêchés en grande quantité dans les pêches de capture, la production en aquaculture pourrait finalement être élevée. Si une technologie commercialement viable est développée prochainement, d'ici 2015 la production de morue en aquaculture pourrait atteindre entre 1 et 2 millions de tonnes par an.

En raison du souci pour l'environnement, l'aquaculture se concentrera probablement moins sur les zones côtières et davantage sur des systèmes intensifs à l'intérieur des terres. L'élevage marin extensif se développera également, bien que son avenir à long terme dépende de la résolution des problèmes de propriété concernant les animaux relâchés. A l'heure actuelle, seul le Japon pratique l'élevage marin extensif à grande échelle.

Les pressions sociales et politiques pousseront également à réduire l'impact environnemental des pêches de capture, en faisant bon usage par exemple des prises involontaires d'espèces non ciblées et en ayant recours à des méthodes et à un matériel de pêche plus sélectifs. L'usage accru de l'écoétiquetage va permettre aux consommateurs de choisir des produits halieutiques exploités de manière durable, tendance qui favorisera l'adoption dans ce secteur d'approches respectueuses de l'environnement.

Vers des pêches durables

La manière dont sont gérées les pêcheries naturelles de capture est à elle seule le facteur le plus important pour leur avenir. Bien que les ressources halieutiques naturelles soient en théorie renouvelables, dans la pratique la production ne peut être illimitée. Si elles sont surexploitées, la production décline et peut même s'effondrer.

Les ressources doivent donc par conséquent être exploitées à des niveaux durables. De plus, l'accès à celles-ci doit être réparti de manière équitable entre les producteurs. Au fur et à mesure que les ressources halieutiques se raréfient, les conflits concernant l'accès se multiplient.

Le principal défi quant aux politiques à mettre en place consiste à ramener la capacité de la flotte de pêche mondiale à un niveau tel que les stocks de poissons puissent être exploités de manière durable. Dans le passé, les politiques ont encouragé l'accumulation d'une capacité excéden-taire et ont incité les pêcheurs à accroître leurs prises au-delà des niveaux durables. Les décideurs doivent agir rapidement pour redresser cette situation.

De nombreuses mesures pourraient être prises pour encourager une utilisation durable et éliminer les incitations pernicieuses à la surexploitation. La pêche fondée sur des droits d'accès clairement définis devra devenir davantage la norme: l'expérience montre que lorsque ces droits ne sont pas seulement mis en place, mais qu'ils sont compris et respectés par les utilisateurs, les conflits ont tendance à être minimisés.

Etat des pêcheries mondiales, 1998


Source: données FAO

Des lois et des institutions doivent être établies ou renforcées, afin de limiter et de contrôler l'accès aux stocks halieutiques marins, de la part à la fois des plus gros navires de haute mer et des pêcheurs artisanaux locaux. De plus en plus, la responsabilité de la gestion des pêches devra incomber à ceux qui y sont directement intéressés et autres parties prenantes. Les arrangements traditionnels au sein des communautés de pêcheurs peuvent être incorporés à de nouveaux régimes de gestion. Toutefois, la nécessité de contrôler l'entrée dans les pêches artisanales va se faire plus pressante. En effet, si cette question n'est pas résolue, un grand nombre de familles de pêcheurs vont se voir contraintes d'abandonner la pêche et basculer dans la pauvreté, à moins qu'elles ne trouvent d'autres moyens d'existence.

Pour que les pêches mondiales puissent atteindre leur plein potentiel, il faudra affronter les principaux défis en matière de politiques et de gestion, et répondre aux inquiétudes de toutes les parties prenantes sur le plan culturel et social. Il s'agit là d'une énorme tâche, mais elle n'est pas pour autant irréalisable.

L'évolution de l'écologie des océans

La biodiversité comprend quatre éléments principaux: la variabilité au sein des espèces, d'une espèce à l'autre, d'un écosystème à l'autre et parmi les plus vastes complexes écologiques. C'est un ingrédient crucial de la durabilité des pêches à l'avenir.

Globalement, plus de 1 100 espèces de poissons, de mollusques et de crustacés sont l'objet de pêches de capture, alors que plus de 300 espèces sont utilisées en aquaculture. La biodiversité dans les populations naturelles permet l'adaptation à l'évolution de l'environnement, alors que chez les poissons d'élevage elle permet une amélioration continue des espèces.

Les activités humaines de pêche ont eu un fort impact sur la biodiversité aquatique. Il est possible que le niveau actuel élevé de cet impact limite la pêche de capture à l'avenir, à moins que la gouvernance et la gestion des ressources halieutiques de mer et d'eau douce ne soient considérablement améliorée.

Les dégâts viennent de diverses pratiques de pêche non durables. Parmi celles-ci il est à noter: l'utilisation de poison et de dynamite près des récifs de corail; un matériel de pêche non sélectif qui capture des mammifères marins, des espèces de rebut ou de trop petits poissons; et le chalutage de fond, qui perturbe l'écologie du fond sous-marin.

L'impact écologique peut-être le plus important provient de la pure ampleur des activités de pêche. De nombreux lieux de pêche et stocks sont exploités au maximum ou au-delà de la limite soutenable, et les pressions exercées par la pêche semblent avoir modifié la répartition et la taille de certains poissons.

L'impact global sur l'écologie marine n'est connu que d'une manière imprécise, mais il paraît considérable. Les statistiques relatives aux prises de poissons indiquent une réduction du nombre de poissons prédateurs de plus grosse taille, et par conséquent les captures se composent d'une plus grande proportion de poissons se nourrissant à un niveau plus bas dans la chaîne alimentaire. Comme les espèces les plus prisées, telles que celles qui vivent dans les fonds marins ou les gros poissons de surface comme le thon, sont sur pêchées, elles sont progressivement remplacées par des poissons de plus courte vie ainsi que des poissons plus petits vivant en surface et en bancs. Le nombre de poissons de plus petite taille est aussi augmenté dans certaines zones par la production accrue de plancton.

En 1998, quelque 12 des 16 régions halieutiques de la FAO enregistraient des niveaux de production égaux ou inférieurs à leur maximum historique. En effet, dans l'Antarctique, l'Atlantique Sud-Est et Nord-Ouest et le Pacifique Sud-Est, les niveaux de production étaient tombés à moins de la moitié du maximum atteint dans le passé.

En ce qui concerne les stocks des principales espèces, la FAO estime qu'à la fin des années 1990, seul un quart des stocks était modérément exploité ou sous-exploité et 1 pour cent étaient en reconstitution. Près de la moitié de tous les stocks était exploitée au maximum de leur potentiel durable et était donc potentiellement sur le point d'être surexploitée. Plus d'un quart des stocks était sur pêché ou épuisé.

Une telle évolution de la situation a soulevé l'inquiétude des écologistes et autres parties prenantes. En réponse, les autorités responsables des pêches oeuvrent pour minimiser ou atténuer les impacts négatifs sur la diversité génétique et biologique. Les mesures prises incluent le développement et l'utilisation de matériel de pêche sélectif qui réduit la capture de mammifères marins, d'espèces cibles de trop petite taille et de poissons de rebut; des contrôles directs de la capture totale admissible de diverses espèces; et, dans certains cas, des interdictions totales de pêche et des moratoires.

Malheureusement, les activités inadéquates de pêche et d'aquaculture ne représentent qu'une des menaces auxquelles est confrontée la biodiversité aquatique. Parmi les autres menaces figurent la pollution, la perte d'habitats et la dégradation des habitats. Ces menaces concourent souvent pour aggraver les pressions exercées sur la biodiversité. On devra s'attaquer à tout cet éventail de menaces si l'on veut que la biodiversité aquatique soit protégée.




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