La nécessité davancer vers une gestion écosystémique, maintenant largement reconnue, se reflète largement dans le Code de conduite pour une pêche responsable. Il existe cependant des obstacles importants à la mise en oeuvre de lapproche écosystémique, comme en témoignent les difficultés éprouvées par les pays pour appliquer les exigences prévues par le Code. Les obstacles principaux résident dans:
1. Le décalage entre les attentes et les ressources (à la fois humaines et financières), qui devra être géré avec attention. Lapproche écosystémique a beaucoup à donner, mais le manque dinvestissement dans le processus ralentira certainement sa progression et pourrait à terme signer son échec. Les échelles de temps différentes du processus politique et de la gestion peuvent aussi entraîner un manque dengagement et une mobilisation insuffisante de ressources. Lapproche écosystémique est un engagement à long terme produisant des avantages à long terme et il peut donc être difficile de la présenter de manière convaincante aux gouvernements, dont les cycles de travail sont normalement plus courts, surtout lorsquelle entre en compétition avec des objectifs socioéconomiques à court terme.
2. On peut sattendre à des difficultés pour concilier les objectifs concurrents des multiples parties intéressées. Dans certains cas, qui seront peutêtre nombreux, il se peut que le processus de participation ne soit pas suffisant pour permettre de trouver des compromis satisfaisants pour toutes les parties intéressées. Il faudra peut-être alors recourir à un arbitrage de haut niveau pour déterminer les priorités relatives et, éventuellement, les compensations. Le problème se présente déjà avec une certaine acuité dans les pêcheries gérées en fonction des ressources ciblées, et il saggravera avec la gestion écosystémique.
3. Il se peut que la participation des parties intéressées à la conception et à lapplication de la gestion écosystémique soit insuffisante ou inefficace, même lorsque des objectifs concurrents ont pu être conciliés. Ce défaut pourrait être imputable à un certain nombre de facteurs parmi lesquels:
le manque de volonté des partenaires de participer de manière transparente au processus ou de faire des concessions, estimant quils auront plus à gagner à ne pas coopérer quà coopérer;
linadaptation et limprécision de droits dusage ne reconnaissant pas les intérêts et les responsabilités à long terme, et susceptibles de diminuer le sens des responsabilités;
le manque daccès aux informations nécessaires;
un processus ou des modalités de concertation inadaptés;
linvestissement insuffisant de ressources destinées à améliorer la pêche et sa gestion;
le manque de capacités, freinant une participation effective (par exemple manque de connaissances, de ressources financières ou autres, dispersion géographique); et
les intentions cachées (par exemple attentes qui ne sont pas exprimées clairement à tous les participants, provoquant des attitudes fausses et suscitant la méfiance).
4. Le temps nécessaire pour procéder à une concertation effective avec des parties intéressées nombreuses et diverses pourrait être long et représenter un coût important, mais il est souvent possible de bien démarrer avec les ressources déjà consacrées à la gestion axée sur les ressources ciblées.
5. Le manque de connaissances restera un handicap. Lincertitude biologique constitue déjà notoirement un problème important pour la gestion des pêcheries axée sur les ressources ciblées, et le phénomène ne fera quaugmenter avec lapproche écosystémique, lincertitude écologique sajoutant à lincertitude biologique. Ce problème est susceptible de se présenter sous la forme dune incapacité de déterminer des indicateurs valables et rentables pour les objectifs importants. La somme de ces incertitudes nécessitera des approches solides et prudentes qui pourraient poser des difficultés importantes, dordre à la fois social et économique, à certaines parties intéressées. Une autre source dincertitude est le manque généralisé de connaissances concernant les comportements et la dynamique des flottes et des pêcheurs.
6. Linsuffisance de capacités pour la compilation de données et lanalyse des informations disponibles aggravera souvent lincertitude existante. Lorsque les systèmes de suivi et de stockage des données seront ou auront été inadaptés, le problème deviendra particulièrement aigu.
7. Léducation et la sensibilisation, si elles sont insuffisantes, constitueront aussi un problème qui touchera toutes les parties intéressées dans lexercice de leurs responsabilités, y compris les organisations de gestion halieutique et le public, qui devra être mieux formé à son rôle dans le processus.
8. Les problèmes déquité seront toujours difficiles à résoudre lorsquil sagira de déterminer les responsabilités dans la dégradation des écosystèmes, et de faire la part de la pêche et dautres activités économiques telles que lagriculture (et les forêts), lindustrie chimique, le développement urbain et côtier, le secteur de lénergie et le tourisme.
9. La concordance entre les frontières des écosystèmes et les limites des juridictions des autorités compétentes (que ce soit au niveau régional, national ou infra-national) ainsi quentre juridictions dautorités différentes chargées de secteurs concurrents, demeurera un casse-tête. Les problèmes transfrontaliers devront être traités avec une attention particulière. Comme le prévoit lAccord des Nations Unies sur les stocks de poissons, les mesures de gestion écosystémique adoptées par différents pays partageant un écosystème devront être compatibles sur toute létendue géographique de lécosystème.
10. Lautre phénomène qui fera obstacle à la gestion écosystémique comme à la gestion axée sur les ressources ciblées et qui continuera de faire peser sur elle une menace est celui des comportements illicites des parties intéressées: pêche illicite, non application des devoirs de lÉtat du pavillon et de lÉtat du port et déclarations erronées. Tant que ces pratiques persisteront, il est difficile de voir comment les principes et les méthodes décrits dans les présentes directives pourront être appliqués avec succès, surtout en haute mer. LAccord sur le respect des mesures internationales et le Plan international daction sur la pêche illicite, non déclarée et non réglementée devrait contribuer utilement à changer cette situation à lavenir.
11. La pauvreté est une grave menace pour lapproche écosystémique. Les habitants pauvres des zones littorales ayant peu dautres possibilités de trouver des moyens de subsistance, la pêche restera une occupation de dernier recours pour les populations en expansion ou déplacées, ce qui entraînera un effort de pêche excessif, un épuisement des ressources et une dégradation des écosystèmes. Ce phénomène se produira souvent dans des circonstances extrêmes lorsque lincitation à prendre soin de lécosystème est éclipsée par les nécessités de la vie quotidienne.