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4. Incidences macroéconomiques de la réforme du commerce agricole

Le paysage des politiques commerciales et agricoles décrit au chapitre 3 est complexe. Il en est de même des propositions pour les réformer. Évaluer les effets économiques des réformes proposées est également complexe8 . Le simple fait d'observer la situation avant et après un changement de politique ne suffit pas à en comprendre l'impact. En réalité, de nombreux changements - par exemple d'autres politiques, la météorologie, la technologie - se produisent simultanément, de telle sorte qu'il est difficile de démêler les effets d'un changement de politique, quel qu'il soit.

On utilise des techniques économétriques perfectionnées pour isoler les effets des changements de politiques ex post, c'est-à-dire après les faits. Cependant, les décideurs ont souvent besoin de comprendre les incidences des différents choix de politique ex ante, c'est-à-dire avant qu'elles se produisent. Les évaluations ex ante de tels choix contribuent à déterminer quels sont les gagnants et les perdants éventuels et à alimenter le débat politique. Le présent chapitre traite surtout des évaluations ex ante des changements de politique agricole dans le contexte des négociations multilatérales sur les politiques commerciales conduites dans le cadre du cycle de Doha.

La première section du présent chapitre décrit certaines des approches de modélisation utilisées dans les évaluations des politiques ex ante, en expliquant leurs atouts et leurs limites. La deuxième section étudie plusieurs travaux, parmi les plus récents, qui s'efforcent de prédire l'incidence de la libéralisation des politiques agricoles. Des études plus détaillées de l'impact sur les marchés des produits et reposant sur les modèles du secteur agricole sont présentées dans la troisième section.

Si ces approches de modélisation fournissent certaines indications d'ordre général sur les gagnants et les perdants éventuels du processus de réforme au niveau national, elles sont en revanche moins utiles lorsqu'elles décrivent les effets de ce processus sur la répartition à l'intérieur d'un pays. Les chapitres 5 et 6 élargissent l'analyse au niveau des ménages et examinent les incidences des réformes des politiques commerciales sur la pauvreté et la sécurité alimentaire.

Modéliser les réformes des politiques commerciales

L'évaluation ex ante des politiques consiste à évaluer une situation qui fait suite à un changement de politique particulier à une situation sans changement. Les économistes utilisent à cet effet des modèles qui simulent la structure de l'économie et la manière dont les différents agents économiques réagissent aux changements de politique. Les modèles économiques partent d'une photographie d'une situation existante, puis élaborent un monde théorique incluant les changements de politique proposés.

Les modèles les plus couramment utilisés sont les modèles d'équilibre du marché, qui contiennent des équations exprimant les réactions des acheteurs et des fournisseurs aux changements de prix. L'offre et la demande sont des fonctions des revenus, des prix et des élasticités. Les prix s'ajustent jusqu'à ce que les marchés soient transparents, l'offre et la demande atteignant le point d'équilibre.

La réaction comportementale des fournisseurs et des acheteurs résulte en général de la prise en compte d'hypothèses optimales. Pour une certaine technologie de production, les fournisseurs choisissent une combinaison d'intrants qui leur assure les coûts les plus réduits pour le niveau de production recherché. De même, en fonction d'un certain nombre de critères préférentiels, le choix des acheteurs portera sur la combinaison de produits qui leur fournira une utilité maximale pour un niveau de dépenses optimal. Ces modèles supposent généralement une technologie à rendements constants, des préférences homothétiques, et des marchés caractérisés par une concurrence parfaite.

Selon les hypothèses établies concernant la flexibilité des facteurs de production (par exemple la terre, le travail et le capital), les modèles d'équilibre des marchés peuvent être classés en court terme, moyen terme ou long terme. Dans les modèles à court terme, certains facteurs de production sont fixes, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas tenus de passer d'un usage à un autre. Le capital et la terre agricole sont généralement considérés comme fixes dans les modèles à court terme, le travail agricole étant, quant à lui, parfois fixe. Dans les modèles à moyen terme, les facteurs de production peuvent progressivement passer d'un usage à un autre. Dans les modèles à long terme, la plupart des facteurs peuvent définitivement passer d'un usage à un autre.

Les modèles d'équilibre des marchés peuvent être subdivisés en modèles d'équilibre partiel ou général, selon qu'ils s'efforcent de «photographier» un seul secteur de l'économie ou l'économie dans son ensemble.

Les modèles d'équilibre partiel traitent des marchés internationaux sur lesquels s'échangent certains produits. Ces modèles de commerce agricole s'intéressent généralement au commerce des produits de base. Ils analysent l'offre, la demande et le commerce de produits agricoles non transformés ou ayant subi une première transformation sans tenir compte du commerce des produits alimentaires transformés, bien que ces derniers représentent une part croissante du commerce mondial. Les modèles économiques, ou modèles d'équilibre général, s'efforcent d'analyser les liens avec le reste de l'économie.

Le principal domaine d'application des modèles d'équilibre partiel est l'analyse détaillée des politiques commerciales concernant des produits représentant une petite partie de l'économie en question. Les changements dus à l'application de politiques à un petit secteur de l'économie sont censés avoir peu d'impact sur le reste de l'économie. Il s'agit là d'une assertion qui est peut-être valable dans les pays industrialisés du fait de la faible part que représente l'agriculture dans leur PIB, mais qui ne l'est certainement pas dans la plupart des pays du monde en développement, où l'agriculture est souvent la source dominante des revenus et des emplois. Il est donc nécessaire d'obtenir une représentation plus complète de ces économies pour comprendre les incidences possibles des réformes des politiques agricoles.

Les modèles économiques d'équilibre général fournissent une représentation plus complète des économies nationales, ce qui exige de spécifier explicitement les marchés des facteurs pour la terre, le travail et le capital. En d'autres termes, on obtient une photographie des principales caractéristiques de l'équilibre général en incluant les mouvements des facteurs entre les secteurs et en tenant compte des interactions au niveau de la demande. Les modèles économiques saisissent les implications du commerce international dans son ensemble en traitant les flux circulaires de revenus et de dépenses et en rendant compte des interactions entre les différents secteurs de l'économie.

Fondamentalement, (voir encadré 5) les modèles informatiques d'équilibre général (EGC) s'intéressent à l'affectation de ressources (voir encadré 5). Ils retracent donc la manière dont l'affectation de la terre, du travail et du capital réagit aux changements de politiques ou aux événements exogènes. Le commerce international est un espace dans lequel les choix de politiques peuvent produire de tels effets. S'ajustant aux variations internationales des prix, les ressources changent d'utilisation à l'intérieur même de l'économie nationale, voire entre des économies différentes si les facteurs de production sont internationalement mobiles.

ENCADRÉ 5
Les modèles d'analyse d'équilibre général calculable

Les principales caractéristiques des modèles d'équilibre général calculable (EGC) sont résumées ci-après.

Au sein de chaque économie régionale, un modèle EGC type représente les interactions entre les industries à travers une structure d'entrées-sorties. La demande pour les facteurs de production est déterminée par la minimisation des coûts, étant donné une fonction de production sectorielle qui intègre la substituabilité entre facteurs. En règle générale, une telle substitution est possible uniquement entre les facteurs de production primaire - terre, main-d'œuvre, capital - alors que le ratio facteurs de production intermédiaires/production est un ration (technologie Leontief).

La structure de production se caractérise généralement par des rendements d'échelle constants, et l'on suppose une concurrence parfaite sur l'ensemble des marchés. Chaque secteur produit un bien homogène qui est parfaitement substituable à l'échelle nationale, mais plus imparfaitement par rapport à des biens d'origine étrangère (hypothèse d'Armington). Outre la différenciation entre biens nationaux et biens étrangers, le caractère multirégional du modèle permet de différencier les produits commercialisés en fonction de leur région d'origine - en d'autres termes de rendre compte des flux d'échanges commerciaux bilatéraux.

Les marchés pour la terre, la main-d'œuvre et le capital sont inclus dans le modèle; les allocations de ressources à ces facteurs primaires sont connues et les facteurs pleinement utilisés. Main-d'œuvre et capital sont censés être totalement mobiles entre les différents secteurs d'activité nationaux, tandis que la terre est imparfaitement mobile et liée à la production agricole.

La demande des consommateurs est dérivée de la maximisation d'utilité dans un budget soumis à des contraintes, et les consommateurs répartissent leurs dépenses entre biens nationaux et biens étrangers. Tous les marchés de facteurs et les marchés de biens sont supposés s'équilibrer, ce qui donne des solutions d'équilibre pour les prix des facteurs et des biens ainsi que les quantités d'équilibre correspondantes.

Les politiques publiques sont représentées par différents types de subventions et de taxes indirectes, notamment les droits d'importation et les aides à l'exportation. Dans les modèles EGC, la prise en compte de ces politiques a convergé vers le concept de prix butoirs ad valorem, et tous les instruments de politique générale sont en règle générale définis dans ces termes.

Toutes les économies régionales sont reliées par des échanges commerciaux bilatéraux et des flux d'investissements interrégionaux. Si l'on suppose une balance des comptes courants constante dans toutes les régions, alors les écarts entre l'épargne et l'investissement régional sont pour l'essentiel prédéterminés; en conséquence, le niveau agrégé de la balance épargne-investissement est aussi prédéterminé. Si l'on admet la détermination endogène de la balance des comptes courants, le modèle doit inclure un mécanisme de redistribution de l'épargne agrégée entre les régions.

Certains modèles incluent une séquence récursive d'équilibres temporaires. Les modèles récursifs génèrent des profils temporels pour des variables endogènes, mais il n'existe pas de lien entre les périodes en termes de comportements. En conséquence, la solution d'équilibre pour chacune des périodes peut fondamentalement être calculée sans faire référence aux périodes antérieures ou postérieures.

Les imperfections du marché ne sont pas prises en compte dans les modèles EGC types. Les problèmes d'information, le manque d'infrastructures, la structure monopolistique du marché et autres tensions de même nature sont légion sur les marchés agricoles, en particulier dans les pays en développement. Toutefois, les modèles EGC les intègrent rarement dans leur analyse. Seuls les modèles dits «de seconde génération» intègrent les rendements croissants d'échelle et la concurrence imparfaite dans certains secteurs, ce qui permet d'obtenir des estimations d'effets d'échelle et de diversité.

L'analyse statique-comparative qui résulte des modèles EGC ne rend pas compte des processus d'ajustement et de leurs coûts potentiels en cas de changement radical de politique. Les redistributions de ressources induites par des mesures de politique générale impliquent inévitablement des pertes de revenus et des processus d'ajustement pour certaines catégories. Les modèles EGC statiques esquivent en général ces questions et se concentrent sur les caractéristiques de la nouvelle situation d'équilibre dans laquelle se stabilise le système, une fois le changement de politique mis en œuvre.

Des développements méthodologiques relativement récents ont donné naissance aux modèles EGC dits «de troisième génération» qui prennent en compte des comportements à terme cohérents et des taux d'épargne endogènes, permettant ainsi de modéliser une dynamique à court terme. Bien que ces modèles soient axés sur les questions d'épargne et d'investissement, il devrait être possible en principe de les adapter pour rendre compte des processus d'ajustement réel à court et moyen termes.

Source: Kehoe et Kehoe, 1994.


Les modèles informatiques d'équilibre général s'efforcent de mesurer l'augmentation du «bien-être» économique dû à l'amélioration de l'efficacité de l'allocation des ressources. Les modèles dynamiques cherchent à mesurer les gains de productivité pouvant résulter d'une plus grande exposition aux marchés mondiaux, par le biais, par exemple, d'économies d'échelle, du perfectionnement des technologies, et d'investissements financiers. Les imperfections des marchés, comme la transmission partielle des prix, les structures monopolistiques et d'autres dysfonctionnements analogues qui abondent dans les marchés agricoles des pays en développement sont, à
l'exception de la concurrence imparfaite, rarement incluses dans les analyses des modèles informatiques d'équilibre
général9 .

La principale faiblesse des modèles d'équilibre général est une conséquence directe de leur champ d'action plus large. Ces modèles, qui doivent être à la fois fonctionnels et suffisamment réalistes pour être utiles à la communauté des décideurs, sont souvent construits selon des agrégats sectoriels et géographiques très macroscopiques, ce qui peut faire perdre de vue les détails propres à un pays ou un produit. En revanche, les modèles d'équilibre partiel sont souvent utilisés pour évaluer les incidences des réformes sur certains produits. Les deux approches sont complémentaires, chacune ayant ses avantages et ses inconvénients10 ..

Modèles informatiques d'équilibre général

Dès que l'économie s'ajuste aux changements de politiques, de nouvelles conditions d'équilibre prédominent. Elles se traduisent généralement par des effets sur le bien-être ou les revenus, des changements dans les flux commerciaux, et des changements dans les rendements des facteurs de production (par exemple les taux de salaire). Les sections suivantes analysent les résultats de plusieurs études effectuées par plusieurs EGC sur la libéralisation du commerce.

Effets sur le bien-être

Le tableau 6 récapitule les résultats d'analyses récentes effectuées par plusieurs EGC sur les effets de la libéralisation du commerce sur le bien-être. Les résultats de ces études ne sont pas entièrement comparables pour plusieurs raisons. Toutes utilisent les EGC, mais certaines s'appuient sur le modèle GTAP, tandis que d'autres ont recours à des modèles adaptés qui prennent en compte les changements dynamiques de la croissance de la productivité ou les écarts par rapport à l'hypothèse standard de la concurrence parfaite.

Toutes ces études ont exploité la version 5 de la base de données GTAP, à l'exception de celle de Francois, van Meijl et van Tongeren (2005), qui utilise la version 6 plus récente. Celle-ci diffère notablement de la version précédente. En effet, elle comprend davantage de pays et de régions, elle est étalonnée jusqu'en 2001 (au lieu de 1997) et fait appel à une mesure plus complexe des niveaux de protection. Plus particulièrement, elle inclut les accords commerciaux préférentiels existants et la conversion de certains tarifs en équivalents ad valorem. Par conséquent, la nouvelle base de données peut rendre compte des efforts de libéralisation déployés à la suite du Cycle d'Uruguay et de celle entreprise de manière autonome par de nombreux pays, notamment en Asie après la crise financière asiatique de la fin des années 90.

Les études mentionnées dans le tableau 6 examinent les différents scénarios de libéralisation du commerce. Certaines portent sur la seule libéralisation du commerce agricole tandis que d'autres adoptent une vue plus générale et incluent l'accès aux marchés non agricoles, les services et l'assouplissement des règles commerciales. D'autres études supposent que tous les obstacles au commerce agricole sont supprimés. Ces scénarios de libéralisation à 100 pour cent prennent pour hypothèse que toutes les formes de protection frontalière, de subventions aux exportations et de soutien interne faussant le commerce sont éliminées. Quelques études envisagent une diminution de 50 pour cent seulement de ces entraves au commerce, ou se concentrent sur les tarifs douaniers, excluant toutes les autres formes de soutien et de protection.

En outre, les études traitent différemment la manière dont les pays et les régions s'engagent sur la voie de la libéralisation. Les scénarios les plus courants à cet égard opposent la libéralisation à l'échelle mondiale à celle entreprise uniquement par les pays développés ou les pays en développement.

TABLEAU 6
Gains de bien-être selon des études EGC de la libéralisation du commerce

Étude

Scénario de libéralisation

Notes

Gains de bien-être (milliards $ 1997)

Avantages globaux
découlant des réformes

Avantages découlant
des réformes agricoles

Toutes
réformes

Réformes autres qu'agricoles

Réformes
agricoles

Pays en
développement

Pays
développés

               

Anderson et al. (2001), GTAP

100%, tous pays, tous secteurs, toutes politiques

 

254

90

164

43

121

Pays en développement uniquement

 

42

31

11

Pays en développement uniquement

 

122

12

110

               
               

USDA (2001), EGC

100%, tous pays, tous secteurs, tous tarifs douaniers

Statique

31

3

28

Dynamique

56

21

35

               
               

Francois, van Meijl et van Tongeren (2003), GTAP v5

100%, tous pays, tous secteurs, tous tarifs douaniers

Rendements d'échelle croissants

366

2571,2

109

50%, tous pays, tous secteurs,
tous tarifs douaniers

Statique

132

1041,2

28

11

17

 

Dynamique

57

27

30

Pays en développement uniquement

Statique

11

6

5

 

Dynamique

32

28

4

50%, pays développés
uniquement

Statique

17

5

12

 

Dynamique

24

-0,7

25

               
               

Francois, van Meijl et van Tongeren (2005), GTAP v63

50%, tous pays, tous secteurs, tous tarifs

Rendements d'échelle croissants

168

138

30

7

24

Pays en développement uniquement

 

10

10

0,5

Pays développés uniquement

 

20

-3

23

               
               

Banque mondiale (2003)

100%, tous pays, agriculture uniquement, toutes politiques

Statique

291

98

193

101

91

 

Dynamique

518

156

358

240

117

Pays en développement uniquement

Statique

103

80

23

 

Dynamique

185

167

19

Pays développés uniquement

Static

84

20

64

 

Dynamique

174

75

100

               
               

FMI et Banque mondiale (2002), GTAP

100%, tous pays, agriculture uniquement, toutes politiques

 

128

30

98

Pays en développement uniquement

 

27

22

5

Pays développés uniquement

 

102

9

93

1 Y compris services.

2 Y compris facilitation du commerce.

3 Gains exprimés en dollars EU de 2001 (milliards).

Bien que ces différences rendent difficile toute comparaison directe des résultats produits par les différents modèles, le tableau fournit néanmoins un aperçu utile des gains de bien-être pouvant résulter d'une libéralisation du commerce. Ces études peuvent également se prêter à un certain nombre de commentaires.

Il doit être noté que les résultats des EGC concernant le bien-être ou les revenus sont généralement exprimés au moyen d'une mesure de bien-être économique appelée «variation équivalente». La variation équivalente mesure la variation de revenus qui serait équivalente au changement de politique proposé. En d'autres termes, quel revenu faut-il donner (ou reprendre) aux ménages pour que le changement de politique proposé leur procure le même niveau de bien-être11 ..

La variation équivalente mesure le changement potentiel de bien-être au niveau national sans tenir compte des effets de répartition. Souvent, un changement de politique produit des gagnants et des perdants, car il est rare que tout monde soit gagnant. En fait, une variation équivalente positive signifie simplement que les gagnants gagnent davantage que ce que les perdants perdent. Du point de vue économique, il ressort que les gains obtenus par les gagnants grâce au changement de politique pourront compenser les pertes subies par les perdants.

Les trois premières colonnes du tableau 6 présentent le modèle, le scénario de libéralisation et la nature statique ou dynamique des gains obtenus. Les autres colonnes incluent les gains de bien-être résultant d'autres scénarios de libéralisation. La quatrième colonne montre l'ensemble des gains de bien-être qui pourraient être obtenus si tous les secteurs étaient libéralisés. Dans la cinquième et la sixième colonnes figurent les gains pouvant être tirés respectivement de la libéralisation des secteurs agricole et non agricole. Les deux dernières colonnes indiquent la manière dont les gains potentiels produits par la libéralisation du secteur agricole seraient répartis entre les pays en développement et les pays développés.

Libéralisation complète du commerce mondial

Les deux études les plus comparables de la libéralisation complète du commerce mondial sont les premiers scénarios établis pour Anderson et al. (2001) et la Banque mondiale (2003). Au moyen de modèles statiques et d'hypothèses économiques standards, ces deux études prévoient la suppression complète de tous les obstacles au commerce et ce dans tous les secteurs. Selon ces études, le montant des gains potentiels au niveau mondial pourrait être de 254 à 291 milliards de dollars EU12 ..

Francois, van Meijl et van Tongeren (2003) font état de gains de bien-être s'élevant à 366 milliards de dollars EU dans leur scénario de libéralisation complète du commerce mondial, parce que leur modèle tient compte des rendements d'échelle croissants (l'efficience des entreprises augmenterait en fonction de leur taille et de l'importance de leurs activités). Le modèle dynamique de la Banque mondiale (2003) produit les gains de bien-être les plus élevés (518 milliards de dollars EU) de toutes les études pertinentes sur le commerce fondées sur les EGC. Le modèle dynamique ne se contente pas des simples gains d'efficience statiques et réalloue les ressources à d'autres activités plus utiles. Il complète ces gains d'efficience par des gains de productivité qui s'ajoutent lorsque la libéralisation stimule les investissements, par exemple dans les technologies renforçant la productivité.

Toutes les études évoquées jusqu'ici partent d'une libéralisation complète du commerce, c'est-à-dire une élimination à 100 pour cent de tous les obstacles au commerce, dans tous les secteurs, par tous les pays. François, van Meijl et van Tongeren (2003; et 2005) estiment que des réformes moins extrêmes pourraient également produire des gains substantiels. Dans ces études, 50 pour cent seulement des obstacles au commerce sont supprimés. Bien entendu, les gains obtenus sont moins importants (132 milliards de dollars EU dans leur modèle statique; 168 milliards de dollars EU compte tenu des rendements d'échelle croissants).

Contribution de l'agriculture

De nombreuses études reposant sur des ECG permettent de comparer les gains de bien-être résultant de la libéralisation de différents secteurs de l'économie mondiale ou entreprise par divers groupes de pays. Elles permettent également de désagréger les gains par région et par pays. Les estimations concernant les avantages potentiels de la libéralisation du secteur agricole diffèrent sensiblement, selon les caractéristiques du modèle et le scénario de libéralisation, mais il est possible de procéder à quelques généralisations.

Les estimations concernant les gains de bien-être statiques résultant de la libéralisation complète du secteur agricole s'échelonnent de 109 milliards de dollars EU (Francois, van Meijl et van Tongeren, 2003) à 193 milliards de dollars EU (Banque mondiale, 2003). Selon une étude du ministère américain de l'agriculture (2001), ces gains seraient considérablement inférieurs (31 milliards de dollars EU dans leur modèle statique). Cette étude présente des différences notables avec les autres: elle ne modélise que la libéralisation du secteur agricole, elle n'inclut que les membres de l'OMC (la Chine, qui n'était pas membre à l'époque de l'étude, en était exclue), et elle suppose que les paiements directs aux agriculteurs étaient complètement découplés de la production.

On estime que les gains de bien-être résultant de la libéralisation de tous les secteurs sont d'un tiers à deux tiers plus élevés que ceux provenant de la libéralisation du seul secteur agricole. Dans toutes les études, à l'exception de celle de Francois, van Meijl et van Tongeren (2003; 2005), les gains produits par les réformes agricoles sont supérieurs à ceux issus des réformes des secteurs non agricoles. Les résultats obtenus par Francois, van Meijl et van Tongeren peuvent être expliqués par leur traitement plus complet des réformes des secteurs non agricoles (y compris les services et l'assouplissement des règles commerciales) et le fait qu'ils tiennent compte des rendements d'échelle croissants.

Ce sont les pays industrialisés qui bénéficient de la plus grande partie des gains de revenus résultant de la libéralisation du secteur agricole parce que l'incidence de leurs politiques agricoles, inefficientes du point de vue économique, est généralement plus élevée dans un premier temps. Ils sont, en quelque sorte, victimes de leurs propres politiques sur le plan économique. La réduction, voire la suppression, de ces politiques interventionnistes génératrices de distorsion, conduit à une allocation des ressources plus efficace du point de vue économique, laquelle est comptée comme un gain de bien-être.

Bien que les gains absolus les plus importants (en dollars EU) reviennent aux pays industrialisés, ce sont les pays en développement qui obtiennent de manière récurrente les gains relatifs les plus élevés, en termes de PIB. Dans les études qui ne relèvent pas de la Banque mondiale, les gains statiques de bien-être revenant aux pays en développement varient de 3 milliards de dollars EU à 43 milliards de dollars EU, ce qui correspond respectivement à 0,2 et 0,7 pour cent du PIB des pays en développement. Dans l'étude de la Banque mondiale, les effets sur le bien-être varient de 101 (modèle statique) à 240 milliards de dollars EU (modèle dynamique). Le scénario de la Banque mondiale le plus optimiste ajoute 1,7 pour cent au PIB des pays en développement13 ..

Même ces gains plus importants en termes de PIB sont relativement faibles et insuffisants pour atténuer l'incidence moyenne de la pauvreté dans les pays en développement. On peut en déduire que si la libéralisation du commerce bénéficie aux pays en développement, la libéralisation seule ne leur permettra pas de réaliser leurs objectifs du millénaire pour le développement concernant la pauvreté et la faim.

S'agissant des pays en développement, entre 70 et 85 pour cent des gains potentiels résultent des réformes de leurs politiques agricoles. La suppression des obstacles au commerce entre les pays en développement ouvrirait des possibilités accrues aux exportations.

Enfin, les résultats des modèles montrent que certains pays sont perdants dans les scénarios de libéralisation de l'agriculture, même à long terme. Certes, la plupart des pays sont gagnants, mais l'on observe d'importantes exceptions. Les pays importateurs nets de produits alimentaires subissent, au niveau de leurs échanges commerciaux, les effets négatifs de la hausse des prix mondiaux des produits alimentaires due aux changements des politiques. Les bénéficiaires actuels des arrangements commerciaux préférentiels sont également perdants car la valeur des préférences diminue. Pour ces pays, les pertes ne sont pas compensées par les gains d'efficience résultant de la réallocation des ressources dans la seule agriculture. Ces résultats soulignent qu'il est important d'améliorer l'accès aux marchés des exportations de produits non agricoles provenant de ces pays.

Effets sur le commerce14 .

Outre les effets sur le bien-être examinés ci-avant, la structure du commerce international est une autre dimension importante de l'approche de modélisation fondée sur les CGE. Certaines des études mentionnées soulignent d'ailleurs qu'il est important d'exploiter le potentiel que représente l'augmentation du commerce Sud-Sud. Bien que les volumes d'échanges entre les pays en développement affichent une courbe ascendante remarquable depuis quelques années, surtout en ce qui concerne le commerce entre l'Afrique et l'Asie, il est clair que les exportations des pays en développement sont encore essentiellement tournées vers l'Union européenne et les États-Unis. Supprimer les obstacles au commerce dans les pays en développement libérerait les échanges commerciaux
Sud-Sud.

Francois, van Meijl et van Tongeren (2005) donnent un exemple qui illustre bien ces résultats. Le tableau 7 présente les prévisions de changement des flux commerciaux bilatéraux de trois groupes de pays: les 25 pays de l'UE, des pays en développement et d'autres pays membres de l'OCDE. Deux scénarios sont envisagés: un scénario concernant les échanges à l'échelle mondiale dans lequel tous les pays libéralisent tous les secteurs, et un scénario dans lequel seuls les pays de l'OCDE s'engagent dans des réformes. Enfin, les résultats présentés concernent le commerce de tous les produits et le commerce des produits agricoles et alimentaires.

Le volet supérieur gauche du tableau 7 montre les changements affectant l'ensemble des flux commerciaux dans le cadre du scénario à l'échelle mondiale. Le commerce mondial croît de 11 pour cent tandis que le commerce intracommunautaire (UE) baisse de 2 pour cent. Suite à la réduction des préférences commerciales intracommunautaires, les producteurs des pays en développement augmentent leurs exportations vers l'UE de 16 pour cent, réalisant la plus forte croissance, en termes de parts de marché, sur les marchés européens.

TABLEAU 7
Commerce bilatéral: pourcentage de variation en valeur des volumes d'importations bilatérales

 

Commerce mondial

Commerce axé sur l'OCDE

 

Tous produits

Tous produits

Vers →
En pro- venance

UE-25

Pays en
développement

Autre
OCDE

Total

UE-25

Pays en
développement

Autre
OCDE

Total

                 

UE-25

-2

17

10

4

-1

7

11

3

Pays en développement

16

26

21

21

7

-2

8

5

Autres OCDE

12

22

6

12

11

9

7

8

Total

4

22

11

11

3

5

8

5

                 
 

Agriculture et produits alimentaires

Agriculture et produits alimentaires

Vers
En pro-
venance

UE-25

Pays en
développement

Autre
OCDE

Total

UE-25

Pays en
développement

Autre
OCDE

Total

                 

UE-25

-1

31

24

6

-1

3

12

1

Pays en développement

25

44

24

32

17

5

16

12

Autres OCDE

31

36

25

29

27

14

22

21

Total

8

39

24

21

6

8

18

10

Source: Francois, van Meijl et van Tongeren, 2005.

Les pays en développement obtiennent la plus forte croissance globale des exportations (21 pour cent). Les simulations indiquent que leurs exportations sont en augmentation vers toutes les destinations, la plus forte hausse observée concernant le commerce entre les pays en développement.

Dans la partie inférieure gauche du tableau, le commerce est présenté séparément de l'agrégat. En comparant ces chiffres avec ceux concernant l'ensemble des biens, on voit que les exportations des pays en développement sont principalement tirées par les exportations agricoles. Celles-ci augmentent de 32 pour cent, la croissance la plus forte observée se produisant entre les pays en développement.

D'autres pays membres de l'OCDE connaissent également une forte croissance des exportations agricoles, notamment vers l'UE et les pays en développement. Ce groupe comprend l'Australie, les Etats-Unis et la Nouvelle-Zélande, qui sont eux-mêmes des exportateurs de produits agricoles.

Le volet droit du tableau 7 présente le scénario dans lequel seuls les pays membres de l'OCDE s'engagent dans les réformes (les pays en développement n'y participent pas). La croissance des échanges est réduite pour les deux groupes de pays, mais surtout pour les pays en développement. Le commerce entre les pays en développement se rétrécit par rapport à la base. On constate donc que les effets de diversion sur le commerce sont encore plus nombreux lorsque les pays membres de l'OCDE suppriment leurs obstacles au commerce et que les obstacles ne relevant pas de l'OCDE restent en place.

Dans le scénario impliquant les pays membres de l'OCDE, les exportations des pays en développement vers les économies développées augmentent à un rythme plus lent que dans le scénario d'une libéralisation plus large. En effet, l'incapacité à procéder à des réformes empêche la spécialisation, et les ressources dégagées sont trop faibles pour assurer l'expansion des industries tournées vers l'exportation. Du fait de la croissance plus lente des exportations, les recettes en devises sont insuffisantes pour financer une croissance des importations15 ..

Effets sur les revenus

Le tableau 8 présente l'incidence des réformes des politiques commerciales sur les revenus des travailleurs non qualifiés, qui est l'un des principaux moyens pour le commerce d'influer sur la pauvreté. Cette étude de Francois, van Meijl et van Tongeren (2003) examine les effets d'une réduction de 50 pour cent du soutien interne, des subventions aux exportations et de la protection des importations dans l'agriculture, l'industrie et les services. Cette approche permet d'évaluer l'incidence plus large des politiques commerciales sur les revenus (et par suite des aspects de la sécurité alimentaire liés aux revenus).

TABLEAU 8
Effets de la libéralisation du commerce sur les salaires des travailleurs non qualifiés par secteur et scénario (changement du pourcentage)

 

Total

Commerce mondial

Commerce axé sur L'OCDE

 

Libéralisation mondiale

Libéralisation axée sur l'OCDE

Agriculture

Droits sur les produits manufacturés1

Services

Facilitation
du commerce

Agriculture

Droits sur les produits manufacturés

Services

Facilitation
du commerce

Europe

                   

France

1,3

1,2

0,4

0,3

0,5

0,1

0,5

0,1

0,5

0,1

Allemagne

1,3

1,1

0,4

0,5

0,3

0,2

0,4

0,3

0,3

0,1

Pays-Bas

1,3

1,1

0,5

0,5

-0,1

0,4

0,5

0,4

-0,1

0,3

Reste de UE-15

0,9

0,7

0,4

0,3

0,0

0,2

0,4

0,2

0,0

0,1

UE-10

0,3

0,3

0,3

-0,1

0,1

0,1

0,3

-0,1

0,1

0,1

                     
                     

Afrique et
Proche-Orient

 

 

 

   

 

 

   

 

Région méditerranéenne

1,6

0,0

0,4

0,7

0,1

0,4

-0,1

0,0

0,1

0,1

Afrique du Sud

2,0

0,7

0,0

0,7

0,7

0,5

-0,2

0,1

0,6

0,1

Afrique sub-saharienne

3,1

0,9

0,8

0,8

1,0

0,5

0,0

-0,1

0,9

0,2

                     
                     

Amériques

 

 

 

   

 

 

   

 

Amérique du Nord

0,1

0,1

0,0

0,1

0,0

0,1

0,0

0,0

0,0

0,1

Amérique du Sud

0,4

-0,1

-0,1

0,2

0,2

0,2

-0,3

0,1

0,1

0,0

                     
                     

Asie et Pacifique

                   

Chine

-0,3

-0,6

0,1

-0,7

0,2

0,2

-0,2

-0,5

0,1

0,0

Inde

3,1

0,2

0,9

1,2

0,8

0,3

-0,1

0,2

0,0

0,1

Pays d'Asie à haut revenu

1,6

1,3

0,7

0,4

0,1

0,3

0,7

0,3

0,1

0,3

Autres pays d'Asie et du Pacifique

4,5

0,5

0,4

2,4

0,0

1,7

-0,2

0,3

0,0

0,5

Australie et Nouvelle-Zélande

1,3

1,1

0,1

0,5

0,4

0,3

0,1

0,4

0,4

0,3

                     

Reste du monde

0,2

0,1

-0,3

0,2

0,1

0,2

-0,3

0,0

0,1

0,2

1 Manufactures.

Source: Données basées sur les résultats des simulations de Francois, van Meijl et van Tongeren, 2003.

En général, dans les groupes de pays à revenus faibles et moyens, l'agriculture est beaucoup plus importante pour les revenus du travail non qualifié dans les pays en développement qu'il ne l'est dans les pays membres de l'OCDE. Cependant, il apparaît simultanément que c'est la libéralisation qui se produit en dehors des pays membres de l'OCDE - essentiellement par le biais de réformes de politiques menées de manière autonome - qui génère l'essentiel des gains de revenus liés à l'agriculture dans les pays en développement. L'important en la matière varie selon les pays et les régions. En Afrique du Nord et au Moyen-Orient, par exemple, ce sont les travailleurs non qualifiés qui bénéficient le plus des réformes des politiques agricoles entreprises dans leurs pays. Il en est de même en Afrique du Sud. En Inde, en revanche, la libéralisation du secteur manufacturier (tels que les tarifs douaniers sur les vêtements dans les pays aux revenus moyens) est au moins aussi importante que celle de l'agriculture. Le groupe constitué d'autres pays d'Asie et du Pacifique connaît une situation identique.

Dans les études reposant sur les EGC, les résultats concernant les revenus nous amènent naturellement à évoquer l'incidence du commerce agricole sur les ménages, sujet de la section suivante. Il convient de noter que les travailleurs faiblement qualifiés ne sont pas nécessairement des travailleurs agricoles, d'autant que les revenus du travail faiblement qualifié représentent très souvent l'essentiel des revenus des ménages urbains dans les pays à revenus faibles et moyens. En fait, la part croissante des revenus du travail faiblement qualifié dans les ménages urbains pourrait aller de pair avec la baisse des revenus des ménages ruraux. Ces études regroupent donc des données concernant les ménages ruraux et urbains, et cette combinaison serait plus facile à interpréter si l'on pouvait faire appel à des modèles incluant des données sur les ménages.

Une des conclusions pouvant être tirée à cette étape est que le commerce agricole peut avoir un impact significatif sur les revenus des ménages. Toutefois, le commerce non agricole peut produire un impact équivalent, voire plus grand, sur les revenus salariaux. Dans la mesure où la sécurité alimentaire est liée aux revenus, et en supposant qu'il est possible de se procurer une nourriture suffisante par des moyens monétaires, on peut en déduire que la sécurité alimentaire dépend du commerce effectué en dehors de l'agriculture ainsi que du commerce des produits agricoles.

Modèles s'appliquant au secteur agricole

Comme susmentionné, les modèles d'équilibre partiel s'appliquant au secteur agricole peuvent donner une vue plus détaillée des effets de la libéralisation du commerce sur les marchés de certains produits. La FAO a conduit une évaluation approfondie des incidences potentielles des réformes agricoles sur les produits, en prenant comme référence une série historique de projections concernant le commerce et la production. Ce modèle tient compte de la capacité des pays à réagir aux changements de politique s'appliquant à différents types de produits (FAO, 2003a).

Le tableau 9 présente les résultats de deux scénarios de libéralisation. Dans le premier, tous les soutiens aux prix de marché des produits agricoles sont supprimés. Dans le second, tous les soutiens et les protections accordés à l'agriculture sont supprimés dans les pays développés et en développement. Comme dans les analyses s'appuyant sur les EGC étudiées précédemment, la plus grande partie des avantages obtenus dans ce scénario revient aux pays membres de l'OCDE sous la forme d'une baisse des prix à la consommation des produits qui étaient protégés auparavant.

TABLEAU 9
Incidence d'une politique de réforme sur les prix mondiaux des produits de base

 

Réforme partielle
(élimination progressive
du soutien des prix)

(élimination progressive
de toutes les mesures
de soutien)

 

(Variation des prix réels par rapport au prix de référence1)

Céréales

103

111

Blé

104

119

Riz

104

111

Maïs

99

106

Lait et produits laitiers

111

117

Bœuf

106

108

Viande de mouton et de chèvre

104

105

Viande de porc

102

103

Volailles

103

104

1 Prix de référence = 100.

Source: FAO, 2003a.


Même dans le scénario prévoyant des réformes de politiques plus complètes, les incidences sur les prix devraient être relativement faibles. Les changements les plus importants devraient se produire sur les marchés des produits des zones tempérées tels que les céréales, la viande et les produits laitiers, qui subissent la plus grande partie des effets de distorsion dus aux politiques menées par les pays membres de l'OCDE. La production de ces produits chuterait dans les pays qui les subventionnent actuellement et augmenterait dans les pays qui n'accordent pas de subventions, essentiellement des producteurs également membres de l'OCDE tels que l'Australie, la Nouvelle-Zélande et certains pays en développement où les produits des zones tempérées sont fabriqués de manière compétitive, notamment l'Argentine, le Brésil et la Thaïlande.

Des produits comme le riz et le sucre, qui reçoivent des subventions très élevées et pour lesquels les pays en développement sont des producteurs compétitifs, pourraient être à l'origine de gains extrêmement importants pour ces pays. Dans l'ensemble, les prix mondiaux des produits des zones tempérés pourraient augmenter de 5 à 20 pour cent, selon le niveau initial des distorsions de marché et la capacité d'autres producteurs d'élever leur niveau de production. Ces effets sur les prix sont relativement faibles parce qu'il existe un potentiel de production considérable pour la plupart des produits et parce que la libéralisation simultanée de tous les produits pourrait produire des effets de compensation.

Pour les pays en développement, les avantages tirés d'une libéralisation plus poussée de produits tropicaux tels que le café et le cacao seraient relativement minimes, parce que les obstacles aux importations dans les pays membres de l'OCDE sont déjà notablement réduits et que la consommation est saturée. Ces produits peuvent être à l'origine de gains potentiels dans d'autres pays en développement, où les obstacles aux importations sont assez élevés. La capacité des agriculteurs des pays en développement de bénéficier de la libéralisation dépend dans une grande mesure des politiques agricoles appliquées par leurs propres pays, lesquelles vont souvent à l'encontre de leurs intérêts car elles reposent sur des niveaux d'imposition élevés, des infrastructures médiocres et des systèmes de commercialisation inefficients (FAO, 2003a).

Principales conclusions

Les avantages économiques qui pourraient résulter d'une réforme complète des politiques agricoles sont potentiellement importants, surtout si elle est associée à des réformes d'autres secteurs. Cela étant, le processus de réforme entraînera nécessairement des coûts d'ajustement. Les décideurs doivent comprendre les incidences possibles des réformes des politiques commerciales agricoles avant qu'elles soient adoptées, afin que des politiques adaptées puissent être mises en place pour accompagner le processus d'ajustement.

Bien que les divers modèles économiques utilisés pour évaluer les incidences potentielles de la libéralisation du commerce diffèrent dans les détails, il est néanmoins possible d'en tirer un certain nombre de conclusions générales relativement cohérentes, tant sur le plan théorique que pratique.



8 Le présent chapitre est basé sur des documents de travail préparés par van Tongeren (2005) et Francois, van Meijl et van Tongeren (2005).
9 Pour un exemple récent, voir Roland-Holst (2004), qui examine l'éloignement des marchés et son impact sur la transmission des variations de prix à la frontière internationale.
10 Ces dernières années, la base de données compilée par le Projet d'analyse des échanges mondiaux (GTAP), - consortium regroupant des organisations comme la FAO et la Banque mondiale ainsi que des organisations gouvernementales et des instituts de recherche - est devenue la norme pour ce type d'analyse. Les études examinées dans le présent document s'appuient sur cette base de données. Certaines utilisent le modèle statique comparatif avec concurrence parfaite fourni par le consortium du GTAP, d'autres modifient le modèle pour inclure des caractéristiques dynamiques et les rendements d'échelle croissants dans les secteurs non agricoles. voir le site suivant: http://www.gtap.org.
11 La variation équivalente considère la nouvelle situation comme une référence. Une autre mesure, baptisée «variation compensatoire», prend l'ancienne situation comme référence et pose la question hypothétique suivante: «Quel est le montant minimal de la compensation, après la variation de prix, qui permette d'obtenir un bien-être équivalent à celui qui existait avant le changement?»
12 La Banque mondiale (2005b) a révisé son étude originale en utilisant la version 6, plus récente, de la base de données du GTAP. Selon ce modèle révisé (qui ne figure pas dans le tableau 6), l'impact sur le bien-être mondial est de 263 milliards de dollars EU, soit un chiffre légèrement inférieur à l'estimation initiale de 291 milliards de dollars EU, ce qui témoigne entre autres choses de la libéralisation qui s'est produite depuis la mise à disposition de la version 5 de la base de données.
13 D'autres estimations plus récentes et non publiées de la Banque mondiale, dans le contexte des travaux en cours sur le commerce et la pauvreté, produisent les mêmes séries de résultats qualitatifs. Voir par exemple Martin et Anderson (2005), et Hertel et Winters (2005).
14
Cette section s'inspire beaucoup des travaux de Francois, van Meijl et van Tongeren (2005).
15 La symétrie de Lerner est un terme technique de la théorie des échanges qui est ici pertinent. Les obstacles aux importations finissent par supprimer les exportations. Ce phénomène est très évident dans la structure des exportations des pays en développement.


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