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Évolution du régime foncier des forêts en Afrique: promotion de la gestion forestière locale

F. Romano

Francesca Romano est consultante, Service des politiques forestières, Département des forêts, FAO, Rome.

Des régimes fonciers des forêts clairs, sûrs et diversifiés sont essentiels à la gestion durable des forêts communautaires, des petites forêts privées et des forêts familiales.

En Afrique, les régimes fonciers des forêts se caractérisent principalement par la propriété publique, la majorité des forêts étant sous le contrôle et la gestion directs du gouvernement. Toutefois, des changements se produisent, notamment dans la gestion forestière qui passe de façon croissante de l’État aux communautés locales. Le présent article, fondé sur une étude entreprise récemment par la FAO (voir l’encadré, page suivante), examine certains exemples, et analyse les facteurs qui concourent ou s’opposent au succès d’autres formes de régimes fonciers. Il examine les systèmes qui ont su répondre aux besoins locaux et soutenir la gestion durable des forêts parce que la propriété était sûre et que les processus de diversification étaient adaptés, favorisant par là même la gestion forestière locale. Il met l’accent sur la sécurité de l’occupation comme base de la gestion forestière durable.

QUE REPRÉSENTE LE RÉGIME FONCIER DES FORÊTS ET POURQUOI EST-IL IMPORTANT?

Le régime foncier des forêts est une combinaison de droits juridiques ou coutumiers de propriété forestière et d’accords conclus pour la gestion et l’utilisation des ressources forestières. Il désigne les individus qui ont droit à l’utilisation de ces ressources, et la durée et les conditions de leur jouissance. Sur le plan juridique, le régime foncier est un mélange de droits et d’obligations: le droit de posséder, détenir, gérer, transférer ou exploiter des ressources et des terres, mais aussi l’obligation de les utiliser de façon à ne pas nuire aux autres. Ces droits de jouissance ne sont pas équivalents aux droits de propriété. L’absence de la propriété totale n’élimine pas la possibilité de jouir d’autres droits sur une ressource naturelle. La sécurité du régime foncier se rapporte à l’assurance, la solidité et la viabilité de l’occupation et le droit d’en exclure les autres.

Dans le cadre de cet article, la gestion forestière locale concerne essentiellement les pratiques forestières paysannes qui s’appliquent à la gestion des forêts communautaires, des petites forêts privées ou des forêts familiales. Ce système de gestion comporte normalement un pouvoir décisionnel et des processus de planification locaux qui tiennent compte des droits fonciers traditionnels (souvent basés sur la propriété commune en Afrique, mais qui varient suivant les pays en fonction des types de gestion des forêts et des autorités traditionnelles qui en sont responsables), des connaissances et des besoins locaux.

Bien que 85 pour cent des forêts du monde soient domaniales (FAO, 2006a), il est de plus en plus apparent que les prises de décisions locales et la sécurité foncière influencent la durabilité de la gestion forestière (PNUD, PNUE, Banque mondiale et WRI, 2005). La sécurité foncière à long terme est nécessaire pour assurer la responsabilité et le contrôle des opérations forestières au niveau local (FAO, 2005). Toutefois, la plupart des ruraux pauvres restent normalement pauvres parce que leurs droits fonciers sont incertains (Bruce, 2004). En outre, la plupart des politiques et cadres juridiques actuels limitent l’accès des populations locales aux ressources naturelles. Comme le souligne Hobley (2007), les réformes du régime foncier ont souvent été incomplètes et limitées, l’État conservant la majorité du pouvoir décisionnel et du contrôle sur les forêts de valeur élevée, malgré les lacunes évidentes de cette gestion publique.

Même s’il est reconnu, d’une manière générale, que la sécurité foncière est importante pour le développement du secteur forestier, plusieurs questions demeurent sans réponse. Dans quelle mesure le régime foncier des forêts influence-t-il l’utilisation des terres et des ressources? Des accords fonciers sûrs peuvent-ils combattre la déforestation et la destruction des forêts qui se poursuivent à un rythme inquiétant (FAO, 2005)? Existe-t-il des systèmes de régime foncier aptes à remplacer la propriété et la gestion forestière publiques qui puissent améliorer cette gestion et les moyens d’existence? Si ces solutions existent, quels sont les facteurs qui permettent leur application?

Bien que la plupart des forêts africaines appartiennent à l’État qui les gère, les nouveaux accords de propriété assurent maintenant des droits matériels aux utilisateurs locaux grâce à la gestion forestière locale; il s’agit principalement de petites forêts communautaires, de petites forêts privées ou de forêts familiales
FAO/R. Faidutti

Étude de la FAO sur le régime foncier en Afrique

Pour compléter l’Évaluation des ressources forestières mondiales 2005 (FRA 2005), la FAO a entrepris des études sur la situation du régime foncier des forêts en Asie du Sud et du Sud-Est (FAO, 2006b) et en Afrique (FAO, en préparation). Ces études visent à rendre plus clairs les mécanismes qui régissent la relation entre le régime foncier, ses changements et ses réformes d’une part, et la gestion forestière durable et la réduction de la pauvreté, de l’autre. Les études ont pour objectif de fournir des directives pouvant aider les gouvernements à renforcer, adapter et formuler des politiques aptes à promouvoir la gestion locale des ressources forestières.

L’étude sur le régime foncier des forêts en Afrique a analysé ce thème par rapport à deux variables: le type de régime de propriété et le niveau de contrôle sur les ressources et leur accès. Elle a examiné les différentes combinaisons possibles de propriété et d’arrangements forestiers aux fins de la gestion et de l’utilisation des ressources forestières.

Les données ont été collectées dans 17 pays représentant différentes écorégions et un large éventail de régimes fonciers (voir la carte). Les informations quantitatives ont été complétées par des études de cas relatives à 11 pays qui analysent l’impact du régime foncier des forêts sur la gestion forestière durable et la réduction de la pauvreté.

Pays étudiés

LA STRUCTURE DU RÉGIME FONCIER DES FORÊTS EN AFRIQUE: SITUATION ACTUELLE ET NOUVELLES TENDANCES

La plupart des 330 millions d’hectares de forêts en Afrique sont à 95 pour cent domaniaux et appartiennent, dans une très large mesure, au gouvernement central (83 pour cent) (figure 1).

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Structure de la propriété forestière

Le gouvernement assume normalement la majorité des responsabilités de la gestion forestière, soit par le contrôle exclusif des forêts (16 pour cent), soit en conférant des droits d’utilisation non commerciale aux populations locales pour satisfaire leurs besoins en produits forestiers (61 pour cent) (figure 2). Les droits d’utilisation peuvent comprendre les droits coutumiers et des permis ou licences de chasse de la faune sauvage ou de ramassage de bois mort ou de produits forestiers non ligneux (PFNL). Dans de nombreux cas, les forêts ne sont ni aménagées ni contrôlées.

Il existe de nombreuses formes de gestion forestière locale, à savoir une gestion qui repose sur des structures locales (soit traditionnelles, soit modernes) et sur les capacités et les connaissances locales, et qui est donc souvent en mesure de répondre mieux aux besoins locaux. Parmi les exemples, figurent la foresterie communautaire et la gestion par des particuliers, ou des communes (cantons), des forêts qu’ils possèdent.

Dans toute la région, les communautés locales gèrent 3 pour cent des forêts de concert avec l’État, et assument la responsabilité totale de 4 pour cent des forêts. Celles gérées par les communautés ne représentent un pourcentage important qu’au Ghana, au Mozambique, en Afrique du Sud et au Zimbabwe.

Bien que la plupart des forêts continuent à appartenir à l’État qui les gère, des modèles de régimes fonciers intéressants et novateurs voient le jour dans certains pays.

La République-Unie de Tanzanie et la Gambie présentent deux cas remarquables de délivrance efficace de titres de propriété (c’est-à-dire la formalisation et l’enregistrement d’un acte de propriété) pour les forêts communautaires. Les réserves forestières villageoises et les forêts communautaires, respectivement, partagent une même approche échelonnée de la mise en œuvre communautaire, grâce à laquelle les gouvernements ont conféré la propriété des forêts pour une durée illimitée aux communautés locales (voir ci-dessous).

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Catégories de gestion forestière dans les forêts publiques

En Ouganda, la loi agraire de 1998 permet aux particuliers et aux communautés d’obtenir des certificats formalisant la détention de terres privées (soit par des particuliers, soit par des communautés au titre de droits fonciers coutumiers).

Au Cameroun, la loi consent, à la demande d’un village et de ses représentants administratifs, aux communes de solliciter la reconnaissance de forêts comme terres communautaires et d’en obtenir la propriété. C’est un premier pas vers l’attribution des forêts publiques aux autorités locales. 

En Afrique du Sud, des programmes différents mais interconnectés visent à réformer le régime foncier et la gouvernance sur les anciennes terres traditionnelles administrées par l’État au bénéfice de ses occupants. En 1994, le gouvernement s’est engagé à transférer en cinq ans aux propriétaires autochtones 30 pour cent des terres appartenant aux blancs. Deux principaux mécanismes ont été mis en place pour ce transfert: la restitution des terres perdues en vertu des lois et pratiques raciales, et la redistribution des terres privées et publiques. Parallèlement à ces programmes, le Département des affaires foncières met en œuvre un programme de réforme du régime foncier qui vise à renforcer les droits des familles, groupes et communautés autochtones occupant des terres au titre de systèmes fonciers informels qui n’ont aucun statut juridique, ou dont le statut juridique est incertain.

Au Mozambique, la loi prévoit l’acquisition par les communautés locales de droits d’utilisation de terres «enregistrées», droits qui sont exclusifs et attribuent donc à la communauté le pouvoir de contrôler l’accès à ces terres et à leurs ressources. Les communautés reçoivent 20 pour cent des recettes perçues sur l’exploitation des forêts naturelles et de la faune sauvage, et doivent être consultées avant qu’une terre ou une ressource puisse être cédée à un concessionnaire extérieur. Le processus de consultation donne aux communautés locales l’occasion de négocier les avantages qui en découlent.

Ces six pays proposent une solution de remplacement à la gestion publique, fondée sur le principe de la gestion forestière locale. Les exemples qui suivent illustrent le succès de certains de ces changements et le sentiment de puissance qui en découle, et résument les conditions de cette réussite ou les contraintes qui peuvent déterminer leur échec.

TRANSITION RÉUSSIE DU RÉGIME FONCIER DES FORÊTS: L’ATTRIBUTION DE TITRES DE PROPRIÉTÉ COMMUNAUTAIRE

La propriété communautaire est un régime foncier coutumier qui réglemente l’accès à des terres et ressources naturelles, leur utilisation et leur conservation au profit des communautés dans de nombreux pays africains. Les gouvernements doivent souvent choisir entre l’individualisation de la propriété de ces ressources, ce qui risque d’en exclure les pauvres, et l’attribution aux communautés de la responsabilité de leur gestion. Du fait que la gestion de la propriété communautaire est complexe, par rapport à la propriété individuelle, si l’État propose cette option, il est tenu de responsabiliser les communautés moyennant des dispositions juridiques, des arrangements institutionnels, le renforcement des capacités pour la prise de décisions et la mise en application, et la reconnaissance, des systèmes autochtones – y compris le régime foncier coutumier – qui peuvent contribuer à l’utilisation durable des ressources (Mwangi, 2006).

Les programmes d’attribution de titres de propriété aux terres domaniales ne donnent pas nécessairement plus de sécurité que les lois coutumières, et peuvent même devenir une source d’insécurité pour les femmes et les ménages pauvres qui n’ont souvent qu’une faible capacité d’enregistrer des terres (Meinzen-Dick et Di Gregorio, 2004). Toutefois, deux exemples au moins démontrent comment la formalisation de la propriété communautaire et le partage des pouvoirs entre les administrations forestières publiques et les communautés locales peuvent influencer favorablement la gestion forestière durable: les réserves forestières villageoises de Tanzanie et la foresterie communautaire de Gambie.

Réserves forestières villageoises de Tanzanie

En République-Unie de Tanzanie, un conseil villageois peut mettre en réserve des terres communautaires en tant que réserve forestière villageoise à des fins de gestion. Le conseil villageois possède et gère les arbres par le biais d’un comité villageois des ressources naturelles, un autre groupe ou un particulier, et le propriétaire supporte la plupart des coûts et bénéficie de nombreux avantages découlant de la gestion et de l’utilisation des ressources forestières (Ministère des ressources naturelles et du tourisme, République-Unie de Tanzanie, 2006). Le gouvernement central joue un rôle minimal dans la gestion de ces réserves, et les conseils de district sont responsables de leur établissement et planification, ainsi que de la surveillance occasionnelle de la mise en œuvre du plan de gestion par la communauté. Pour désigner une réserve forestière villageoise, le village prépare un plan de gestion, qui doit être approuvé par l’assemblée du village. Les villages peuvent stipuler des décrets à l’appui du plan, ce qui confère la base juridique nécessaire à la mise en application des normes de gestion forestière. Ci-après sont décrites certaines des incitations que le Code forestier (2002) fournit pour encourager les communautés locales à créer des réserves forestières. 

Du fait de ces incitations, l’intérêt des communautés à la mise en œuvre de la gestion forestière à assise communautaire va croissant. Il est de plus en plus évident que l’état des forêts s’améliore considérablement lorsqu’elles sont gérées localement par des institutions villageoises autorisées au titre d’arrangements communautaires de gestion forestière.

Approche échelonnée de la foresterie communautaire en Gambie

En Gambie, les forêts domaniales sont groupées en parcs forestiers nationaux et réserves forestières. Un village ou un groupe de villages peut mettre en œuvre la gestion forestière communautaire s’il conclut un accord avec le Département des forêts relativement à une parcelle de terre boisée qui n’entre pas dans la catégorie des parcs forestiers nationaux, et qui se situe dans les terres traditionnelles du village ou du groupe de villages.

Le programme de gestion forestière participative se déroule en diverses étapes. Le moment du transfert de la propriété à la communauté dépend, dans une large mesure, de l’expérience et du niveau de préparation de la communauté concernée. L’utilité de la mise en œuvre échelonnée réside dans le fait qu’elle donne aux partenaires la possibilité d’instaurer un climat de confiance collective.

Les responsabilités transmises à la communauté locale doivent être compatibles avec sa capacité technique et administrative de gérer la forêt de façon durable. Le processus de transfert de la propriété doit donc prévoir des sessions de formation régulières afin de renforcer la capacité communautaire dans des domaines comme la formation de groupe, la planification de la gestion forestière participative, le suivi et l’évaluation, la comptabilité, les techniques sylvicoles et la commercialisation.

La gestion d’une forêt communautaire repose sur un plan de gestion forestière approuvé, élaboré par le comité de gestion local avec l’aide du personnel forestier de terrain du gouvernement. Il existe deux types de plans, qui correspondent aux étapes préliminaires et de consolidation du processus de mise en œuvre de la foresterie communautaire: le plan de gestion préliminaire de trois ans et le plan de gestion forestière communautaire de cinq ans.

Le Département des forêts évalue les résultats de la gestion communautaire avant la fin de l’étape préliminaire. S’ils sont satisfaisants, l’accord de gestion forestière communautaire définitif est établi menant à l’attribution à la communauté de la propriété permanente de la forêt. Pendant cette période de trois ans, le Département des forêts assure le renforcement des capacités du comité de gestion forestière local, y compris une formation en matière de tenue des dossiers et de comptabilité, pour en améliorer la gestion financière.

Le programme a obtenu des effets positifs documentés sur le couvert forestier, la fréquence des incendies forestiers, les questions de parité hommes-femmes, la création de revenus grâce à la commercialisation des produits forestiers, la gouvernance, le renforcement des capacités et la promotion d’une approche intégrée du développement rural (Gouvernement de la Gambie et GTZ, 2003).

Les forêts communautaires en Gambie sont gérées en fonction d’un plan de gestion forestière approuvé, mis au point par le comité de gestion local avec l’aide du personnel forestier de terrain du gouvernement
FAO/S. Grouwels

Éléments communs de succès

Malgré leurs différences, les deux processus décrits ci-dessus ont des éléments clés communs.

Les deux programmes ont exercé un impact favorable évident sur le plan de la durabilité de la gestion forestière, de l’amélioration de l’état des ressources forestières, du sentiment accru de propriété et de responsabilité, et de la réduction des conflits entre le gouvernement et les communautés. Les deux approches reposent sur un processus de partage des pouvoirs et de renforcement des capacités, plutôt que de simple facilité d’accès aux ressources forestières accordée aux communautés.

Les principales contraintes ont résidé jusqu’ici dans les coûts élevés et, dès lors, la dépendance partielle vis-à-vis des financements extérieurs, dans le cas de la Gambie, et dans la dégradation actuelle des forêts assignées à la gestion communautaire en République-Unie de Tanzanie qui a limité leur apport à la réduction de la pauvreté.

La contribution d’un régime foncier clair des forêts à la réduction de la pauvreté dépend du type et de la sécurité des arrangements fonciers. Des arrangements à long terme et sûrs renforcent la confiance des gens et stimulent leur intérêt à investir dans des pratiques forestières qui auront un impact favorable sur leur vie et sur les ressources (Alden Wily, 2001). En Gambie, le code forestier reconnaît la propriété et les droits fonciers intégraux des communautés dans leurs forêts traditionnelles, et la loi du gouvernement local promeut la participation communautaire à la mise en œuvre de micro-projets et à la gestion des ressources locales (FAO, 2005). L’approche de la FAO axée sur l’analyse et le développement du marché [note de l'éditeur: voir p.34] a soutenu la création de petites entreprises forestières gérées par ces comités des forêts locaux. Leur réussite est le fruit du contexte juridique et stratégique, qui permet aux populations locales de gérer durablement les forêts et d’en tirer un revenu.

En Gambie, le transfert de la propriété forestière aux communautés prévoit des cours de formation réguliers qui visent à renforcer leurs capacités
FAO/S. Grouwels

POTENTIEL INEXPLOITÉ: MANQUE D’APPUI À LA GESTION FORESTIÈRE LOCALE

Parmi les contraintes les plus courantes à la diversification et la consolidation de la propriété foncière, figurent l’absence de crédits et la limitation des capacités techniques et humaines des parties prenantes intéressées à la réforme du régime foncier. Une autre lacune générale, qui se vérifie fréquemment dans de nombreux pays africains, est l’inefficacité du flux de l’information et de la communication concernant la réforme, qui est entravé par l’emploi d’un langage trop complexe ou de médias inadaptés. Ces contraintes inhibent la capacité de diverses parties prenantes clés d’observer les normes juridiques prévues par la réforme – comme l’élaboration de plans de gestion, la conduite d’inventaires forestiers et la demande et l’enregistrement de titres fonciers.

Certains programmes potentiellement réussis, tels que l’attribution de titres fonciers en Ouganda et la redistribution et la réaffectation des terres en Afrique du Sud, ont été entravés par l’incapacité des services de vulgarisation et l’administration locale de fournir aux bénéficiaires de la réforme l’assistance nécessaire pour exercer leurs droits, assumer des responsabilités et tirer parti des avantages découlant de la réforme.

Afrique du Sud: inexpérience et conflit institutionnel

Les programmes de restitution et de redistribution des terres en Afrique du Sud ont accusé un retard considérable par rapport à leurs objectifs. Dans la plupart des transferts qui ont eu lieu, les bénéficiaires n’ont pu mettre sur pied des entreprises viables, voire même subsister sur les nouvelles terres acquises. Le manque de soutien après le transfert a été reconnu comme l’une des raisons principales de l’échec des projets de réforme agraire.

Les communautés bénéficiaires comprennent souvent les groupes les moins préparés et économiquement actifs de la société, et elles n’ont pas suffisamment d’expérience et de compétences pour traiter les aspects techniques de la production et de la gestion commerciale. Dans de nombreux cas, il faudrait créer des institutions locales pour régir les relations communautaires ou de groupe. Le manque de soutien donné à l’établissement et au maintien d’institutions locales performantes est un facteur grave qui limite la capacité des groupes de gérer les ressources naturelles sur les nouvelles terres acquises, y compris les forêts.

Outre les faibles capacités et ressources, un autre obstacle qui s’est opposé à une réforme réussie du régime foncier a été l’antagonisme des communautés locales envers les administrations et autorités locales instituées dans le cadre de la réforme. Le gouvernement a créé ces nouvelles structures pour promouvoir la gouvernance démocratique au niveau local et pour décentraliser la responsabilité des fonctions administratives et la fourniture de services. Cependant, leur création a provoqué une tempête de protestations de la part des autorités traditionnelles qui craignaient que la gouvernance locale réformée et la nouvelle administration foncière puissent les priver de la plupart de leurs pouvoirs et privilèges. Le conflit entre les nouvelles structures du gouvernement local et les autorités traditionnelles a provoqué un chaos considérable dans les systèmes de gestion et d’allocation des droits fonciers, retardant de ce fait la mise en œuvre de la réforme.

Ouganda: manque de soutien adapté pour les groupes les plus désavantagés

La loi agraire de 1998 de l’Ouganda permet aux communautés d’acquérir des terres légalement par la formation d’associations communautaires foncières autorisées à posséder des terres. Il était attendu que cette disposition aurait encouragé la gestion responsable des ressources naturelles des terres, réduit la dégradation, promu la gestion forestière durable et aidé les communautés à réduire la pauvreté. Malheureusement, il n’y a pas eu de demande de certificats de propriété foncière enregistrés. Parmi les obstacles, figuraient le découragement à l’égard des responsables des politiques et l’absence de directives adaptées concernant les procédures d’enregistrement. Le manque de soutien a pénalisé surtout les populations les plus pauvres, moins instruites et généralement marginalisées.

En Ouganda, les associations communautaires ou les particuliers peuvent obtenir des titres de propriété fonciers, mais le manque de directives et de soutien a empêché les populations pauvres et marginalisées de profiter de ces certificats de propriété
FAO/CFU000363/R. Faidutti

SQUELQUES PRINCIPES ASSURANT LA DIVERSIFICATION RÉUSSIE DU RÉGIME FONCIER DES FORÊTS

La sécurité foncière peut contribuer considérablement à la réduction de la dégradation et de la destruction des forêts. Pour réaliser ce potentiel, les gouvernements devront mettre bien plus vigoureusement l’accent sur l’appui à donner aux utilisateurs locaux, notamment les groupes désavantagés, et sur l’élaboration d’une législation appropriée.

L’expérience montre que la sécurité foncière est une condition nécessaire mais insuffisante pour assurer une gestion forestière efficace. Par exemple, lorsque le cadre institutionnel est faible, le transfert des responsabilités liées à la gestion forestière à des particuliers ou à des communautés est voué à l’échec.

Dans de nombreux pays africains, l’adoption d’une gestion forestière locale ne s’est soldée par un succès que lorsque la réforme a été appliquée avec un soutien institutionnel adéquat, le renforcement de capacités et un calendrier des activités. Les études de cas résumées ci-dessus montrent comment les réformes en cours et futures du régime foncier des forêts doivent tenir compte des priorités suivantes.

CONCLUSIONS

Des régimes fonciers clairs et diversifiés des forêts sont fondamentaux pour la gestion forestière durable et les moyens d’existence ruraux fondés sur l’utilisation rationnelle des produits forestiers. Cependant, les politiques et cadres juridiques actuels continuent à limiter l’accès aux ressources forestières.

Il est des signes que, dans de nombreux pays africains, les arrangements fonciers qui assurent aux utilisateurs locaux des droits tangibles sont plus propices à la gestion forestière durable et à l’amélioration des moyens d’existence que le contrôle total de l’État sur les forêts.

Un certain nombre de pays africains ont réformé leurs régimes fonciers pour renforcer la gestion forestière locale. L’expérience suggère que le processus de mise en œuvre d’une réforme est aussi important que les arrangements fonciers eux-mêmes. Il est indispensable d’allouer suffisamment de temps, d’identifier toutes les parties prenantes concernées et les mesures à prendre, et de créer un système de suivi qui permet l’apprentissage par l’action.

Un régime foncier sûr et diversifié, qui tient compte du contexte socio­économique propre au pays et des capacités des parties prenantes, et où de multiples partenaires partagent les responsabilités et les avantages, peut contribuer à mobiliser les investissements et assurer la durabilité sociale aussi bien qu’environnementale.

Bibliographie

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