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1. LES PLANS D'EAUX DE MADAGASCAR

La superficie totale des eaux continentales couvre environ 550.000 Ha soit approximativement 1% de la surface de Madagascar.

Ce réseau hydrographique composé de lacs, lagunes, mangroves, fleuves, rivières et marais divers est très inégalement réparti dans le Pays, ainsi qu'il ressort du Tableau 1. ci-dessous :

Tableau 1 - Plans d'eaux des Pêches Continentales

PROVINCESUPERFICIE TOTALE DES EAUX
(Ha)
ZONES PRODUCTIVES PRINCIPALES (Ha)1*R E M A R Q U E  2*POPULATION HUMAINE (1970) -3*
TANANARIVE  35.000    9.50025.000 Ha de marais et rivières peu productifs.1.861.000.-
FIANARANTSOA  20.000    5.00015.000 Ha de marais et rivières peu productifs.1.863.000.-
TAMATAVE190.000  33.000157.000 Ha de marais et rivières peu productifs dont 75.000 Ha de marais au Lac Alaotra, en voie de comblement1.220.000.-
MAJUNGA215.000  77.000Plus de 200.000 Ha de mangroves à haute potentialité piscicole partiellement exploitées.  918.000.-
TULEAR  75.000  18.00060.000 Ha de mangroves à haute potentialité piscicole, faiblement exploitées.1.168.000.-
DIEGO-SUAREZ  15.000    5.00010.000 Ha de mangroves à haute potentialité piscicole peu exploitées.  617.000.-
MADAGASCAR550.000147.500-7.647.000.-

*1. Ces zones ont été classifiées d'après l'importance des plans d'eaux et l'activité piscicole dont elles font l'objet, que ce soit pour les besoins locaux couverts par les pêches de subsistance ou pour l'approvisionnement des marchés urbains assuré par des pêches à caractère commercial. Il s'agit en fait des lagunes et lacs principaux de plus de 50 Ha(Réf. Tableau 2 ci-après).

*2. Il apparaît clairement que les eaux à haute productivité ou à forte potentialité piscicole sont principalement rassemblées dans la région Ouest de l'île, notamment à MAJUNGA, et TULEAR, alors que TAMATAVE, tout en disposant d'importants plans d'eaux naturellement peu productifs, reste largement déficitaire en poisson.

*3. Une autre inégalité apparaît également dans la répartition des populations ; celles-ci sont en effet concentrées sur les Hauts-Plateaux ( TANANARIVE - FIANARANTSOA) et la Côte Est (TAMATAVE), précisément dans les Provinces où les plans d'eaux sont les moins importants et/ou les moins productifs, posant ainsi le problème de leur approvisionnement en poisson à partir des zones éloignées de l'Ouest, à potentiel excédentaire.

PLANS D'EAUX PRINCIPAUX (LACS)

Plan1
  1.Alaotra20.000Ha
  2.Kinkony13.900Ha
  3.Ihotry  1.000Ha
  4.(pour mémoire)* 
  5.Itasy  3.500Ha
  6.Komanaomby  1.810Ha
  7.Bemamba  1.586Ha
  8.Hima  1.547Ha
  9.Mandrozo 1441Ha
10.Amparihibe/S  1.247Ha

* LacTsimanampetsotsasans poissons (haute teneuren sels de potassium).

GRANDES LAGUNES ET MANGROVES
PRINCIPALES

 LAGUNES
 
1.Loza15.600Ha
2.Pangalanes18.000Ha
3.Anony  2.262Ha
4.Ampahana  2.175Ha
5.Masianaka  1.329Ha
6.Région de Fort Dauphin
 
 MANGROVES
 
A.Mahavavy-Nord33.200Ha
B.Loza et Narinda18.000Ha
C.Mahajamba39.400Ha
D.Betsiboka46.000Ha
E.Mahavavy-Sud et Soalala34.000Ha
F.Besalampy45.700Ha
G.Maintirano25.500Ha
H.Tsiribihina et Manambolo37.000Ha
I.Mangoky23.200Ha
 
 RESERVOIRS/BARRAGES
 
 i.Tsiazompaniry3.200Ha
ii.Mantasoa2.050Ha

La classification des plans d'eaux selon leur nature est la suivante :

Tableau 2 - Classification des Eaux, selon leur nature

a)-    Lacs - Lagunes - Marais (*1)Superficies (Ha)
   22Lacs et lagunes  de plus de 1.000 Ha  93.260.-
   21""de 500 à 999 Ha  14.000.-
   45"" de 250 à 499 Ha  14.700.-
   98"" de 100 à 249 Ha  14.740.-
 338"" de   20 à   99 Ha  19.500.-
Total partiel156.200.-
b)-Mangrove (forêt de palétuviers soumise aux marées) (*2) 
  Mangrovede la Mahavavy-Nord (Ambilobe)  11.200.-
 "de l'Ifasy (baie d'Ambaro)  14.000.-
 " de la Sambirano (Ambanja)    8.000.-
 "de la Loza (Analalava-Antsohihy)  18.000.-
 " de la Baie de la Mahajamba (Port-Bergé)  39.400.-
 " de Bombetoka (Betsiboka-Majunga)  46.000.-
 " de la Mahavavy-Sud et Soalala  34.000.-
 " de Besalampy Nord et Sud  45.700.-
 " de Maintirano  25.500.-
 " de la Manambolo    9.000.-
 " de la Tsiribihina (Belo-sur-Tsiribihina)  28.000.-
 " de la Mangoky (Morombe)  23.200.-
 Total partiel302.000.-
c)- Rivières-fleuves-marais (*3)  91.800.-
 Total général550.000.-

*1)- La surface du Lac Ihotry varie de 1.000 à 5.000 Ha ; elle est comptée ici pour 1.000 Ha.
Le Lac Tsimanampetsotsa (Betioky) de 3.000 Ha n'est pas repris, car sans poisson du fait d'eaux trop riches en sels de potassium.
Le marais de 75.000 Ha environnant le Lac Alaotra n'est pas repris dans cet inventaire, car il s'agit surtout d'une mer de cyperacae en voie de comblement, sans intérêt majeur pour la pêche, à long terme.

*2)- La mangrove croît en eaux saumâtres, mais comme telle on ne peut l'exploiter que dans les passes et chenaux. Cette zone dont on n'a pas la maîtrise, car soumise aux marées, sera mise en valeur par l'aquiculture dont le développement ne peut être envisagé qu'à long terme.

*3)- Sauf quelques cas exceptionnels, les fleuves et rivières ont des eaux pauvres (turbidité élevée) mais ces dernières sont utilisées pour l'irrigation d'environ 800.000 Ha de rizières auxquelles on peut associer le poisson, ce qui représente, même en élevage extensif, un potentiel extrêmement important.

Si l'on ne considère que les Lacs et Lagunes de plus de 1.000 Ha susceptibles de développer des pêches commerciales à caractère économique, l'importance des zones de production principale se présente comme suit :

Tableau 3 - Principaux Plans d'Eaux de plus de 1.000 Ha - Production
(détail de la première ligne du Tableau 2)

P l a n s  d'e a u xSurface (Ha)Production/T.S o u r c e
DIEGO-SUAREZ   
• Sahaka (Vohémar)    1.000?-
FIANARANTSOA   
• Analampotsy (Nosy-Varika)    1.098?-
• Masianaka (Vangaindrano)    1.329?-
MAJUNGA   
• Loza (Antsohihy-Analalava)  15.600?-
• Anketraka (Bealanana)  12.438?-
• Bemamba (Ouest) (Antsalova)    1.586?-
• Mandrozo (Maintirano)    1.471?-
• Amparihibe Sud (Maevatanana)    1.247      2.400 (*1)-
   Etude CTFT 1964
Estimation région, par sondage.
• Kinkony (Mitsinjo)  13.900  800Etude CTFT - 1965/1966
Recensement-Estimation par sondage.
TAMATAVE   
• Alaotra (Ambatondrazaka)  20.0003.820- idem - 1961/1963
  ?Estimation par sondage
• Mahajery (Moramanga)    2.016? 
• Ampitabe (Brickaville)     1.148           381 (*2)- idem - 1966/1967
Estimation pour l'ensemble des Pangalanes.
• Rasoabe  (       "      )     2.000   
• Ihosy (Mahanoro)      1.189    
• Nosive (Tamatave)      3.411   
TANANARIVE   
• Tsiazompaniry (Andramasina)    2.333   50- idem - 1968/1970
• Mantasoa (Manjakandriana)    1.375   50- idem - 1968/1970
• Itasy (Miarinarivo)    3.500300- idem - 1963/1964
     1968/1969
TULEAR   
• Anony (Fort-Dauphin)    2.262?-
• Hima (Belo/Tsiribihina)   1.547        ? (*3-
• Komanaomby (Belo-Tsiribihina)   1.810?-
• Ihotry (Morombe)  1.000?-
Total93.260  

(*1)- Estimation 1969 pour l'ensemble des Lacs de la région, couvrant 8.000 Ha
(*2)- Estimation de la production des Pangalanes-Est, totalisant 11.000 Ha
(*3)- Région jusqu'alors enclavée, très peu exploitée, mais qui va se développer rapidement, suite au bitumage de la route ANTSIRABE-MIANDRIVAZO.

Les quelques chiffres disponibles, relatifs à la production ne résultant pas d'observations statistiques, mais de simples sondages pour la plupart des plans d'eaux d'une part, et ces données elles-mêmes n'étant pas stables tout en évoluant continuellement d'autre part, on reste dans l'ignorance la plus complète sur les résultats de l'activité halieutique. Ce pendant, la très large dissémination de ces plans d'eaux à travers tout le Pays a entraîné un peu partout une exploitation piscicole en rapport direct avec les besoins immédiats des populations rurales locales (pêches de subsistance), ou dans les cas les plus favorables, une pêche intensive avec acheminement des produits vers les marchés urbains (pêches commerciales). Les pêches continentales malgaches ont donc à la fois un caractère commercial et traditionnel de subsistance.

La première tentative d'estimation de la production des eaux douces et saumâtres du Pays a été réalisée par KIENER (Poissons - Pêche et Pisciculture à Madagascar - 1962) dans une esquisse de l'évolution de la Pêche et de la Pisciculture durant la période 1950–62; le chiffre avancé qui semble assez réaliste et admis dans les statistiques officielles était alors de l'ordre de 22.000 à 25.000 Tonnes.

Depuis lors, aucun système de contrôle statistique permanent ou périodique de ces activités n'a été mis en place. Les seuls paramètres disponibles aujourd'hui résultent d'enquêtes, études et sondages effectués par la Division des Recherches Piscicoles du Département de Recherches Forestières et Piscicoles, entre les années 1960–1970 qui ont permis de dégager une tendance générale de la production que l'on estime se situer actuellement (1975–76) aux environs de 40.000 Tonnes; le secteur des pêches aurait donc progressé d'environ 15.000 Tonnes au cours des années 1960–75 et les deux chapitres suivants vont tenter d'expliciter cette évaluation.

Sur le plan socio-économique, la valeur de la production des pêches continentales peut être estimée à 2 Milliards FMG, à raison de 50 FMG le kilo de poisson, prix-producteur (secteur primaire). Les données manquent complètement pour avancer un chiffre réel de la valeur que représente la partie de la production commercialisée; mais si l'on admet qu'approximativement un tiers de la production totale parvient aux différents marchés du Pays, soit environ 15.000 Tonnes de poisson, la valeur de la partie commercialisée (secteur tertiaire) serait également de l'ordre de 2 Milliards FMG au prix moyen consommateur de 100 à 200 FMG le kilo. Le domaine des activités halieutiques représenterait donc actuellement une valeur totale de l'ordre de 4 Milliards FMG.

1.1 - Pêches Continentales Commerciales

Elles concernent les plans d'eaux principaux approvisionnant plus ou moins régulièrement les marchés urbains les plus importants : Lac Alaotra (marchés de TANANARIVE et TAMATAVE) ; Lac Itasy (marché de TANANARIVE) ; Lac Kinkony (marchés de MAJUNGA, TANANARIVE et TAMATAVE) ; les Pangalanes (marchés de TAMATAVE) ; les Lacs de la région AMBATO-BOENI, MAROVOAY, MAEVATANANA (marchés de MAJUNGA, TANANARIVE et TAMATAVE).

Etant donné l'importance de l'impact socio-économique des activités halieutiques en développement dans ces différentes zones, celles-ci ont fait, en priorité, l'objet d'études du milieu comprenant entre autres des essais d'évaluation des potentialités (productivité), de la production (pêche) et de la composition des populations piscicoles (composition et dynamique des stocks); ces enquêtes ont toutes été menées par la Division des Recherches Piscicoles du D.R.F.P. (ex-CTFT) cité plus haut, et elles ont donné comme résultats :

Tableau 4 - Production estimée des principaux plans d'eaux

Plans d'eauxSuperficie
(Ha)
Estimation de la Production débarquée (T)Production optimum soutenable()
1960196519701975
- Lac Alaotra22.0002.2503.2003.8204.0004.000(R.1)
- Lac Itasy3.5001.2401.3404443001.000(R.2)
- Lac Kinkony15.0006207808108004.500(R.3)
- Lacs région Maevatanana, Ambato-Boéni8.0001.8002.1002.5202.8004.000(R.4)
- Pangalanes11.022320365351320700(R.5)
- Lac Mantasoa1.375665560150-
- Lac Tsiazompaniry2.333-25260250 
Totaux63.2306.2367.7938.0528.340- 

(R.1)- Le milieu “Lac Alaotra” est moyennement productif en raison de son environnement caractérisé par l'abondance de cyperacae (75.000 Ha) donnant un humus abondant et acide. Cependant cet immense marais contribue vraisemblablement au réapprovisionnement piscicole du Lac, ce qui autorise un rendement soutenu d'environ 200 kg/ha/an.
La production actuelle semble indiquer que l'effort de pêche serait arrivé à son point maximum. Cependant les stocks des différentes espèces piscicoles introduites sont encore relativement jeunes et évoluent, de même que les techniques de pêche; l'introduction du Black-base dans ce milieu a été certainement prématurée ce qui est fort regrettable. La rationalisation des pêches et l'aménagement des populations piscicoles ne peuvent être menés à bonne fin si ces interventions ne sont pas contrôlées par un système simple mais suffisant de données statistiques élémentaires.

(R.2)- Le milieu “Lac Itasy” est très riche car situé en sol volcanique à productivité élevée. On constate cependant que ce lac a été surexploité pendant les années 1960/1965 et que les populations piscicoles juvéniles, décimées de surcroît par le Black-bass, ne parviennent plus à reconstituer le stock maximum. Son évolution en fonction de l'effort de pêche doit être suivie statistiquement, d'autant plus que ce lac, le plus proche de TANANARIVE, est “sollicite” intensivement.

(R.3)- Le milieu “Lac Kinkony” est naturellement riche du fait que, communiquant avec la mer par la Mahavavy Sud et la Kotomay, il est réapprovisionné constamment en stocks piscicoles euryhalins, ce qui le rend pratiquement inépuisable. L'effort de pêche peut donc y être intensifié considérablement, mais il implique toutefois un contrôle statistique sérieux.

(R.4)- Le milieu des “Lacs de la région d'AMBATO-BOENI - MAROVOAY - MAEVATANANA” aux eaux alcalines est très riche, et sa forte potentialité naturelle est encore accrue par les effets bénéfiques bien connus sur la croissance des populations piscicoles que provoquent les fortes crues périodiques auxquelles la région est soumise. Depuis le bitumage de l'axe routier TANANARIVE-MAJUNGA, l'exploitation de cette zone s'intensifie rapidement ainsi qu'en témoigne l'accroissement des apports en poisson sur les marchés de la capitale : 332 Tonnes de poisson séché-fumé en 1969 et 670 Tonnes en 1971. Ces activités ne sont cependant contrôlées d'aucune façon alors qu'il importe d'en suivre l'évolution de près, notamment le recrutement des stocks, leur dynamique, la mesure de l'effort de pêche (éviter la surexploitation) ainsi que le résultat socio-économique découlant de cette activité.

(R.5)- Le milieu “Pangalanes” et vastes marais environnants est naturellement peu productif. Seule source d'approvisionnement en poisson frais pour TAMATAVE, son exploitation est intensive. Cet effort de pêche soutenu n'a pas permis aux stocks d'espèces planotonophages introduites d'atteindre leur développement optimum, d'autant plus que ceux-ci sont de plus en plus contrôlés par une faune ichtyophage envahissante sinon inquiétante. L'aménagement piscicole des Pangalanes est très complexe et les actions à entreprendre pour y rationaliser les pêches ne peuvent être menées à bonne fin sans contrôle statistique et permanent.

Les chiffres de production avancés dans le Tableau 4 ne résultent pas d'observations statistiques méthodiques, mais ils constituent l'approche la plus réaliste possible de l'évolution de la production piscicole des principaux plans d'eaux étudiés ces dernières années, basée sur les résultats de pêches de sondages et du recensement des effectifs de pêche, ainsi que des moyens de production. La plupart de ces Centres de production principale sont actuellement d'accès facile, soit par route bitumée (Lacs Itasy, AMBATO-BOENI, MAEVATANANA), soit par chemin de fer (Lac ALAOTRA-PANGALANES). Seul, l'accès par route et par piste des Lacs ALAOTRA et KINKONY reste difficile sinon problématique en saison des pluies. Plus récemment, le bitumage de la route MIANDRIVAZO-ANTSIRABE ouvre cette région au développement de la chaine des lacs de la TSIRIBIHINA, à haute potentialité.

La tendance la plus objective que l'on puisse dégager de ces chiffres estimatifs est un accroissement très modeste de la production, bien que celle-ci soit dynamisée par une commercialisation des plus profitables; le prix du poisson évolue en effet dans une période très favorable de haute conjoncture, les autres produits d'origine animale tels que viande, volaille, etc… n'entrant nullement en compétition, du fait d'un sous-approvisionnement permanent et croissant sur les principaux marchés urbains où la demande en produits d'origine animale n'est pas satisfaite.

Le taux d'accroissement moyen de la pêche à caractère commercial n'a été que de l'ordre de 2% pendant les 15 dernières années. Ce taux à première vue anormalement faible, s'explique en fait par deux tendances opposées : d'une part, une tendance positive caractérisée par un accroissement annuel de l'ordre de 4% de la production du Lac ALAOTRA résultant d'une “injection” de nouveaux matériels de pêche (filets maillants) de 1966 à 1970 ; un taux d'accroissement de 3% de la production des lacs de la région AMBATO-BOENI - MAEVATANANA, sans apport matériel, mais suite aux facilités de transport résultant du bitumage de la route MAJUNGA-TANANARIVE, et d'autre part, une tendance négative caractérisée par une stagnation notoire de la production du Lac KINKONY (enclavement) ainsi qu'aux PANGALANES (eaux peu productives, exploitées intensivement et de plus en plus contrôlées par les voraces), et une regression spectaculaire de la production du Lac ITASY surexploité de 1960 à 1965, et dont les stocks ne parviennent plus à se reconstituer normalement. Ces deux tendances aboutissent finalement à un taux d'accroissement de 2%, restant ainsi inférieur au taux d'accroissement de la population que l'on estime à près de 3%, et surtout très inférieur au taux d'accroissement des populations urbaines que l'on situe entre 5 et 6%, confirmant la notion d'un sous-approvisionnement croissant des grands marchés en poisson.

De toute évidence, il est probable qu'actuellement le même niveau d'intensité d'exploitation soit atteint dans tout le Pays, pour les lacs de plus de 1.000 Ha (Tableau 3), en raison de l'accroissement des besoins des populations.

Si l'on admet cette hypothèse, la totalité de la production des pêches commerciales s'éleverait en 1975–76 à (8.340 T : 63.230) × 93.260 = 12.300 Tonnes, soit un rendement moyen de 130 kg/ha/an. Or, la productivité moyenne des eaux tropicales se situe souvent entre 100 et 300 kg/ha/an. Ce chiffre de 130 kg/ha/an indiquerait qu'en de nombreux cas (Réf. Tableau 4) la production n'est pas loin d'atteindre son rendement maximum soutenable d'où l'importance et la nécessité d'obtenir rapidement des données reposant sur des bases plus précises, par observations statistiques, pour éviter avant tout la surexploitation, planifier et préparer l'aménagement des populations piscicoles de ces plans d'eaux.

Or, dans le domaine précis des pêches commerciales, on se trouve devant une situation assez particulière. En effet, en politique d'aménagement des pêches, la Direction des Ēaux et Forêts procède depuis 1961 à la mise en valeur des plans d'eaux naturels par l'amodiation du droit de pêche rendue obligatoire chaque fois que cette activité revêt un caractère commercial. L'application de cette réglementation prise par Décret No 61.094 du 16/02/61 n'est jusqu'alors entrée que très partiellement en vigueur, si l'on en juge par le tableau récapitulatif des amodiations effectives, disponibles à ce jour :

Tableau 5 - Récapitulatif des amodiations du droit de pêche

ProvincesNbre AmodiatairesSurface amodiéeAmodiation par engins de pêche
Eperviers/NassesSenne/Filet Maillant
TANANARIVE    
- Lac Mantasoa  15500 Ha--
- Lacs/Tananarive    3  30 Ha--
FIANARANTSOA    
- Rivières - Ihosy Sakero-Matsiatra134-10826
MAJUNGA    
- Lacs et Rivières divers  58-    549
TULEAR    
- Rivières Isalo Betsioka-Maromby    3--15
TAMATAVENEANT---
DIEGO-SUAREZNEANT---

Cette situation est loin de refléter la réalité, alors que pratiquement tous les plans d'eaux naturels de quelque importance ont développé aujourd'hui des pêches permanentes, temporaires ou occasionnelles à caractère commercial plus ou moins intensif. (réf. Tableau 6).

Il faut bien reconnaître qu'après plus de 15 ans d'existence, cette législation s'avère en grande partie inopérante parce que non appliquée, voire probablement non applicable dans de nombreux cas en raison des graves conflits sociaux qu'elle peut soulever. Les buts recherchés ne sont pas atteints, notamment ceux relatifs à :

D'une part, le manque de moyens et de personnels halieutiques aux Eaux et Forêts pour faire appliquer cette législation est certainement très évident, mais d'autre part, devrait-on encore aujourd'hui persister dans son application?

Si le principe de l'amodiation du droit de pêche (par unité de surface) est simple en droit, il n'en va pas de même en fait, car la difficulté majeure à laquelle s'est toujours heurtée la mise en application des textes en vigueur, est précisément l'opposition constante faite par les habitants riverains des plans d'eaux concernés, aux demandes d'amodiation formulées le plus souvent par des pêcheurs professionnels non riverains. Cette attitude s'explique et se comprend d'autant mieux que l'exercice de la pêche traditionnelle (convertible en pêche commerciale) par les populations riveraines confère à ces dernières des droits acquis qu'elles entendent conserver et protéger. Ce point de vue a toujours été soutenu par les élus locaux.

A l'heure où le Pays met en place des structures nouvelles et populaires, il est à craindre que l'opposition à l'application de cette législation non acceptée ne se cristallise davantage surtout au niveau des Fokonolona et des élus locaux.

Par contre, la décentralisation administrative permettra certainement un contact et un dialogue beaucoup plus direct et plus étroit avec les milieux concernés pour se prononcer rapidement sur les demandes d'amodiation du droit de pêche qui, cependant, se heurteront vraisemblablement comme auparavant à une fin de non-recevoir, en raison des droits acquis et par souci de défense des intérêts immédiats ou futurs des populations riveraines exploitant traditionnellement ou non ces eaux.

Aussi, tenant compte de l'expérience acquise, des options de politique gouvernementale pour la promotion des masses rurales et des changements administratifs en cours, le moment semble assez opportun pour examiner dans quelle mesure la pratique de l'amodiation du droit de pêche (par unité de surface) doit être maintenue, raffermie et appliquée plus efficacement par les autorités locales décentralisées, sans risque de soulever de graves conflits sociaux; ou le cas échéant et le plus vraisemblable, donner à cette politique une orientation nouvelle, plus souple et administrativement beaucoup moins lourde, en instaurant par exemple tout simplement le permis de pêche annuel obligatoire, contre redevance par engin utilisé, comme cela se pratique déjà partiellement sous la dénomination “amodiation par engin de pêche” à TULEAR, MAJUNGA et FIANARANTSOA (Réf. Tableau 5). Cette formule parfaitement démocratique et beaucoup plus facilement acceptable par les populations riveraines vivant traditionnellement de la pêche offre certains avantages substantiels et notamment:

Les redevances doivent être étudiées et fixées par région, par plan d'eau et par engin utilisé selon les conditions locales de la pêche, et sur avis consultatif des Fokontany et Firaisampokontany. Sous ce rapport, l'Administration des Eaux et Forêts décentralisée a un rôle des plus importants à jouer notamment dans :

Quant au reoueil des données statistiques sur la production, ce problème restera avant tout l'affaire des Services Techniques des Eaux et Forêts, car il est de toute évidence illusoire de croire, quelle que soit la formule adoptée, que les pêcheurs (amodiataires ou non) fourniront spontanément à l'Administration des renseignements suffisamment corrects sur les résultats de leurs activités. De même la conduite des réempoissonnements éventuels doit être laissée à l'initiative des personnels spécialisés des Eaux et Forêts et des Recherches Piscicoles, seuls qualifiés pour mener à bien de telles opérations.

Les moyens de production actuellement connus figurent au Tableau ci-dessous :

Tableau 6 - Moyens de Production

Plans d'EauxAnnéePêcheursPiroguesSennesEperviersF.maillantBarragesNasses
- Lac Alaotra1962/691.300742102778/65 Km -7.636
- Lac Itasy1969  700184   393569201.037
- Lac Kinkony1966      -   -105 -  20 -   470
- Lacs région Maevatanana/Ambato-Boéni1969      -   -   -  -   -  - -
- Pangalanes1967  600350 40  -132391.172
Lac Mantasoa1970      -   -   -  -   -  - -
- Lac Tsiazompaniry1970   68  42   5  - 47  - -

Dans l'ensemble ces données datent d'une dizaine d'années pour la plupart et elles ne reflètent probablement plus du tout la physionomie actuelle des moyens de production. En effet, celle-ci n'a cessé de croître, impliquant une augmentation évidente des moyens de production, parallèle à l'intensification des activités halieutiques dans ce secteur, et il est vraisemblable que cette tendance a dû se généraliser sur l'ensemble des plans d'eaux.

Ceci confirme l'urgence de disposer dorénavant de données statistiques valables, car sans celles-ci, on va au-devant du risque dangereux de surexploitation de la plupart des plans d'eaux principaux, comme ce fut le cas déjà au lac ITASY, ce qui entraînerait alors des répercussions socio-économiques très graves. C'est dire combien la responsabilité des Eaux et Forêts administrant et gérant ce domaine spécifique est engagée, et souligner l'effort particulier que devront consentir les personnels ayant dans leurs attributions, le recueil des données statistiques sur les pêches.

En 1976, le Bureau d'Etudes de la Direction des Eaux et Forêts en accord avec la Division Pêche et Pisciculture a mis au point un système de fiches codifiées spécifiques à chacune des activités halieutiques, en vue d'effectuer des recensements tests au lac ALAOTRA et aux PANGALANES, mais les résultats de cette initiative ne sont pas encore actuellement disponibles ni exploitables. Cependant, ces enquêtes de base doivent être poursuivies, analysées et étendues si possible à toutes les pêches commerciales du Pays; en outre elles doivent être complétées par des données statistiques suffisantes de rendement par engins, sur la nature et le volume des captures par espèces, de manière à rassembler progressivement et sûrement toutes les informations indispensables à la planification de l'aménagement des populations piscicoles des plans d'eaux à entreprendre dans la seconde phase du projet (1979–81).

1.2 - Pêches traditionnelles de subsistance

C'est la pêche la plus banale et la plus répandue; elle s'exerce principalement dans les lacs et lagunes de seconde importance (156.200 Ha-93.260 Ha = 62.940 Ha), les mares, marais et rivières (91.800 Ha), les mangroves (300.000 Ha), en pêche extensive; elle se pratique également et traditionnellement dans tous les plans d'eaux principaux, par les populations riveraines, ainsi que par les “amateurs de pêche du Dimanche et des jours fériés”.

Cette activité occasionnelle mobilise sans aucun doute un grand nombre de personnes, mais très peu de matériel: de simples cannes à pêche avec ligne et hameçon, des nasses, des nattes ou des pièces de tissu constituent l'essentiel des engins utilisés.

La plupart de ces zones sont d'accès difficile; si l'on excepte celles se trouvant à proximité des villes ou des grosses agglomérations rurales, les seuls moyens de communication consistent en pistes temporaires, voire dans de nombreux cas, en simples sentiers. L'activité des pêches exercée par les paysans - agriculteurs - pêcheurs revêt un caractère occasionnel ou saisonnier. L'essentiel des captures de ces pêcheries de subsistance sert d'abord à l'alimentation familiale (auto-consommation), mais un effort accru peut s'exercer notamment le jour du marché hebdomadaire local donnant alors des surplus qui sont consommés dans le voisinage des centres de production, la plupart du temps sous forme de poisson frais.

L'évaluation de cette activité non recensée et sans jamais aucun contrôle, reste des plus difficiles à exprimer. Si l'on admet cependant comme objectivement valable l'estimation de la production totale avancée par KIENER, dans “Poissons, Pêche et Pisciculture de Madagascar (1963)” et qui était vers les années 1960 de l'ordre de 25.000 Tonnes desquelles on soustrait les 6.000 Tonnes de production des pêches commerciales d'alors (Tableau 4), le volume des pêches de subsistance était donc à l'époque de l'ordre de 19.000 Tonnes. Si l'on admet par ailleurs que ces pêches ont suivi plus ou moins le taux d'accroissement des populations, de 2,5% en moyenne (seul paramètre utilisable et généralement admis dans le cas de grandes disponibilités en réserves potentielles piscicoles, ce qui est vrai pour Madagascar) et ceci en dépit du fait que le taux d'accroissement des pêches commerciales n'a pas été supérieur à 2 % pendant le même temps, mais on a vu pourquoi ci-dessus, le volume des pêches de subsistance aurait effectivement atteint 28.000 Tonnes en 1975/76, totalisant avec les 12.000 Tonnes des pêches commerciales mentionnées ci-avant, l'ordre de grandeur de 40.000 Tonnes représentant le volume total de la production actuelle des pêches continentales.

Cependant, compte-tenu de la faiblesse du taux d'accroissement des pêches commerciales dont le volume de production dans certains cas déjà est proche du rendement maximum soutenable, et sauf une mise en exploitation de certaines zones potentielles nouvelles jusqu'alors en réserve, comme par exemple les lacs de la région : MIANDRIVAZO, BELO-SUR-TSIRIBIHINA, la lagune de la LOZA, le lac KINKONY, le marais d'ANKETRAKA, etc…, il est évident que l'on ne peut continuer plus longtemps à appliquer systématiquement un tel pourcentage moyen d'augmentation de la production annuelle, encore moins en pêche de subsistance, sans se baser sur des données plus précises de l'effort de pêche consenti dans chacun de ces secteurs (pêches commerciales et pêches de subsistance), sinon les chiffres avancés n'auraient plus aucun sens ni signification, parce que sans rapport avec la réalité; ils pourraient de surcroît, fausser dangereusement toutes les données nécessaires aux futurs programmes d e développement et de rationalisation des pêches intérieures. Ce sont les raisons pour lesquelles le recueil des données statistiques essentielles de base sur les pêches revêt actuellement une telle importance.


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