Lenquête commissionnée en 2003 par la Banque Asiatique du Développement sur la pauvreté au Laos (ADB 2001:38-39) montre que lallocation foncière est citée par les villageois comme première cause dappauvrissement dans trois régions sur quatre (Nord, Est et Centre). Ce résultat très négatif provient de plusieurs facteurs étroitement liés les uns aux autres: lesprit général de la réforme, la réduction de laccès à la terre, la détérioration des conditions de vie locales et labsence dintensification de lagriculture.
1) Les documents officiels rédigés aujourdhui par le gouvernement lao ou par le MAF opèrent une distinction claire entre deux formes dagriculture sur brûlis, cyclique ou pionnière (voir précédemment, partie I). La première de ces deux formes est considérée comme potentiellement durable lorsque la pression foncière reste faible. Il est cependant excessif dy voir une avancée majeure dans la définition de la politique de développement rural (MAF 2003:42) ou den conclure, comme le font James R. Chamberlain et Panh Phomsombath (2003: 35), que lagriculture sur brûlis cyclique est aujourdhui officiellement acceptée au Laos. Au contraire, les enquêtes de terrain récentes montrent que cette distinction est surtout théorique et quune politique restrictive et contraignante est généralement appliquée. Lagriculture sur brûlis cyclique est tout juste tolérée mais de façon transitoire et avec des jachères maximum de quatre années (durée à partir de laquelle un recru forestier est considérée comme une forêt en régénération, dans laquelle les coupes ne sont pas autorisées)[13]. Il sagit donc de contraindre les agriculteurs à changer leur système de production en réduisant leur espace disponible, ou en dautres termes en créant artificiellement de la pression foncière, sans considération pour le coût social dune telle politique.
2) La détermination des services techniques du MAF à réduire les espaces disponibles pour lagriculture sur brûlis saffiche clairement dans les statistiques du RSCEC: 82% des surfaces allouées depuis 1995 (1995-2002) ont été classées comme zones forestières (MAF 2003:43). Parmi celles-ci, les forêts dusage courant (pa som say: cueillette, récolte de bois, chasse) représentent un quart du total, les forêts en régénération (pa feun fou: jachères de plus de cinq ans retirées des surfaces agricoles utilisables) 15% et les forêts dégradées (pa soud som: essartage toléré avec des jachères de trois années maximum) seulement 2%. Partout à lissue de lallocation foncière, les surfaces protégées sont plus importantes que celles destinées à lusage. Les études locales menées par lunité socio-économique de NAFRI confirment clairement cette tendance: dans les 66 villages district de Namo (province dOudomxay) concernés par lallocation foncière, les terres classées comme forêt représentent 88% de la surface totale et seulement 8% dentre-elles ont été classées comme forêt dégradée. Cette réduction des surfaces disponibles pour lagriculture de montagne semble particulièrement forte au moment de lallocation foncière proprement dite. Le planning de laffectation productive des espaces (ou zonage) (Land Use Planning ou LUP), étape préliminaire à lallocation foncière possède, lui, un effet moindre. Les études menées dans le district de Phonexay (province de Louang Prabang) montrent que dans les villages concernés par la procédure LUP, chaque foyer a accès à environ 4 ha de terres cultivables et à 5 ha de forêt. Par contre, après lallocation des parcelles, chaque foyer na plus accès quà 2,7 ha de terres cultivables et 9 ha de forêt en moyenne.
3) Cette réduction des espaces disponibles sopère au détriment des conditions de vie et de la sécurité alimentaire des foyers, lesquelles ne font lobjet daucune enquête statistique publique ni suivi sur le long terme. Avec la réduction drastique des temps de jachère (3 à 4 ans désormais contre 10 à 15 ans auparavant), et dans un contexte où les techniques névoluent pas, ou peu, la fertilité des champs daltitude décroît fortement, les récoltes de paddy chutent parfois de plus de moitié (Chamberlain & Phomsombath 2003:35-39) et le temps nécessaire au désherbage ne cesse daugmenter en raison de la prolifération des adventices herbeux. Par ailleurs, en raison de la pression foncière et démographique sur certaines zones de la forêt, de nombreux NTFP deviennent plus rares. Il sagit dune tendance extrêmement préoccupante car non seulement ces produits forestiers représentent 55% en moyenne du revenu monétaire des foyers ruraux (UNDP 2001:78) mais ils constituent également la ressource première des foyers les plus pauvres et leur première protection contre linsécurité alimentaire. Les enquêtes menées par NAFRI dans les districts de Namo et de Phonexay[14] montrent que la raréfaction de ce type de ressources concernent principalement les produits destinés à lalimentation et au commerce: cardamome, fougères, certaines variétés de pousses de bambou, miel. Il ny avait jusquà présent que très peu de régulations collectives concernant les NTFP, plutôt une connaissance des bons coins avec parfois, comme dans le cas des champs dimperata (herbe à paillote) une appropriation par un groupe de familles. Avec la limitation des espaces forestiers accessibles, les cas de surexploitation et de cueillettes sauvages sur le finage des villages proches se multiplient.
4) Face à la réduction de leurs ressources naturelles, les agriculteurs ne disposent pas dalternatives viables sur le long terme. Le soutien technique de la part des services publics reste très faible: létude commissionnée par la Banque Asiatique du Développement révèle que sur les 91 villages étudiés dans 43 districts différents, aucun navait reçu daide technique directe pour lintensification de lagriculture, que ce soit sous forme de développement de rizières dans les bas fonds ou de cultures commerciales en altitude (UNDP 2001:81). Une étude de NAFRI menée en 2000 montre que parmi les 49 agriculteurs interrogés, seuls 40% dentre eux ont pu augmenter leur surfaces de rizières tandis que dans 60% des cas, lallocation foncière na eu aucun impact direct de ce point de vue. Cette politique apparaît même contraire aux objectifs poursuivis puisque dans les régions du Nord la production de riz dessart a augmenté dans 47% des cas étudiés (Keoketsy & Bouthabandid & Noven 2000:14). Certes, il existe des cas positifs où les pratiques agricoles sintensifient et où les revenus paysans augmentent mais il sagit moins dun effet de la politique menée par lÉtat que de conditions préalables favorables à lévolution des systèmes agraires. Ainsi dans le district de Kentao (province de Sayabouri), la proximité du marché thaïlandais a directement contribué à la mécanisation et à la spécialisation de lagriculture locale dabord dans la production de coton puis de maïs. Le seul effet de lallocation foncière fut dencourager le labour sur les réserves foncières car les paysans avaient peur de perdre leurs terres sils ne les mettaient pas en valeur. Dautres exemples de ce type peuvent être identifiés, notamment dans le Sud du pays, mais il faut noter quil sagit dexceptions très localisées ne remettant pas en question une tendance générale très inquiétante.
Cet impact socioéconomique globalement négatif est fréquemment attribué à des méthodes trop peu participatives et à la volonté des services du MAF de réaliser lallocation en une seule fois, le plus vite possible et de façon identique dans tous les villages. Les membres du SCREC interrogés durant la mission ont affirmé passer entre 30 et 45 jour dans chaque village pour réaliser lallocation foncière mais il sagit dans ce cas de procédures pilotes, durant lesquelles ils forment les personnels locaux du MAF avant de continuer leur action dans un autre district. En tant normal, le processus dure beaucoup moins longtemps, entre cinq et quatorze jours seulement daprès la plupart des observateurs (Jones 2001: 85). Par ailleurs, laffectation productive des espaces, puis lallocation proprement dite sont effectuées davantage en fonction des désirs des administrateurs locaux et régionaux - qui répondent en cela aux objectifs fixés par leur hiérarchie - quen fonction des savoirs-faire et des besoins des villageois.
Lallocation foncière serait-elle donc simplement une bonne idée mal appliquée? Au-delà des problèmes de méthode, il apparaît que la réforme foncière se déroule, notamment dans les zones rurales Nord, dans un contexte extrêmement défavorable marqué par des recompositions territoriales de grande ampleur et des migrations mal contrôlées par lÉtat. De nombreuses personnes, tant lao quoccidentales, interrogées au cours de la mission ont reconnu que lallocation foncière, même mieux organisée et mieux appliquée, ne pourra donner de bons résultats que lorsque cesseront les déplacements continuels de villages ou de fraction de villages pour la plupart initiés par ladministration[15]. Depuis trois décennies maintenant, le gouvernement lao encourage les villages montagnards à quitter les hauteurs et à venir sinstaller dans les vallées: il sagit de mieux contrôler les populations mais également de rentabiliser les dépenses dinfrastructure en rapprochant et en regroupant les villages dans les zones les plus facilement accessibles. Plusieurs études ont déjà démontré le coût humain très élevé de cette politique (qui accroît de façon spectaculaire et durable la mortalité dans les villages déplacés) et ont dénoncé le cynisme dun gouvernement qui incite les villageois à se déplacer en leur promettant une aide technique puis demande aux projets de développement internationaux dassumer cette responsabilité. En ce qui concerne spécifiquement lallocation foncière, le problème majeur réside dans labsence de concertation entre les services concernés au moment de létablissement puis de la mise en uvre des plans quinquennaux à léchelle des districts. La planification des déplacements et regroupements de villages est du ressort du pouvoir des cabinets des chefs de districts et des gouverneurs provinciaux; celle de lallocation foncière dépend par contre des représentations des bureaux locaux et provinciaux du MAF. La collaboration entre ces institutions est minimale et dans bien des cas les déplacements de villages annulent les effets bénéfiques des services du MAF. Sur ce point, lexemple des villages étudiés par lunité socioéconomique de NAFRI dans le district de Phonexay (province de Louang Prabang) est édifiant.
Dans ce district, 35 villages doivent être déplacés et/ou regroupés au cours de la période 2001-2005 sur un total de 72 (presque 50%!)[16]. Le but affiché des autorités est de réduire le nombre total de villages dans le district à 41. Ceci représente le déplacement de 1725 familles, soit 11 472 personnes, chiffre bien au-delà des capacités de gestion de ladministration locale daprès les rédacteurs du rapport. Ainsi dans le village de Huay Maha (réunion de deux villages auparavant distincts), 180 nouvelles familles doivent arriver au cours des prochaines années et sinstaller avec les 92 déjà présentes sur place. Ladministration locale a besoin de52 millions de kips pour le réseau dadduction deau et de 100 millions de kips pour lamélioration de la piste existante. Le responsable du district essaie dobtenir cette somme auprès de projets de développement étrangers, pour linstant sans succès, mais cela nempêche pas les administrateurs de poursuivre les objectifs annoncés en 2001, alors que la mortalité sur les sites daccueil augmente fortement et que les conditions de vie y sont souvent plus difficiles que sur les sites dorigine[17]. Larrivée permanente de nouveaux foyers dans le village de Huay Maha (77 depuis qua été effectuée lallocation des terres) a très vite rendu caduque les arrangements signés avec les autorités du district sur le partage des espaces agricoles. En prenant en compte à la fois laccroissement naturel de la population et les plans de déplacements de villages par les autorités, on peut en effet estimer que le village comptera 294 familles et 2117 personnes en 2020 (contre 92 en 2002). La demande de terres cultivables à cette date sera denviron 2400 à 3000 hectares mais les études effectuées indique quil ny a que 1225 ha de terres agricoles disponibles sur le finage villageois, soit une capacité denviron 90 à 120 personnes dans un système agraire basé sur trois à quatre années de jachère. En dautres termes, les autorités ont alloué deux fois et demi moins de terres que nécessaire aux villageois pour maintenir ou améliorer leurs conditions de vie, et ce même en comptant les terres agricoles mises en réserve lors du zonage et de lallocation (entre 10 et 15% en moyenne dans chaque village concerné).
De façon directe ou indirecte, la réforme foncière a donc eu pour première conséquence daccroître la pression foncière dans presque tous les villages, à la fois en ce qui concerne les terres cultivables, les lieux de pêche ou les lieux de cueillette. Résultat, des tensions apparaissent fréquemment entre les immigrants venus à lappel des autorités sinstaller dans leur nouveau village et les premiers occupants de celui-ci. Des tensions apparaissent également entre villages voisins en raison de lintroduction dune nouvelle conception de la frontière. Là où existaient autrefois des zones à légitimités multiples (co-gestion des espaces forestiers périphériques par différents villages) ne subsistent plus désormais que des espaces administratifs khét phok khong ban séparés les uns des autres: avec lapparition de légitimités exclusives sur la terre se développent plus fréquemment que par le passé des querelles relatives à certains droits (cueillette, chasse) dont les aires dapplication se chevauchaient autrefois mais sont aujourdhui géométriquement séparées. De nombreux experts pensent que si une attention plus grand était portée au zonage des espaces et si des terres de gestion multivillageoise étaient légalisées, cela permettrait de diminuer sensiblement le nombre de querelles de frontières entre les communautés villageoises. Les difficultés dapplication de la réforme foncière dans les zones rurales ont aussi pour conséquence de remettre en question lavenir du processus: alors que les villageois ont en général une attitude plutôt positive vis-à-vis du droit écrit, les villages non encore concernés par lallocation foncière (en général les plus difficiles daccès) sont aujourdhui de plus en plus réticents car ils se rendent compte des difficultés rencontrées par leurs voisins et ils jugent dautre part leur système coutumier plus flexible et plus juste que la nouvelle régulation introduite par ladministration. Ceci explique également en grande partie le ralentissement du nombre de nouveaux villages dans lesquels est effectuée chaque année lallocation des terres (voir les statistiques du RSCEC en annexe).
Dans un contexte où la mobilité et la pression foncière saccroissent et où, dans le même temps, les techniques de production évoluent peu, les villageois doivent se débrouiller pour maintenir leur niveau de vie, cest à dire concrètement pour accéder à de nouvelles terres qui leur permettront de compenser les rendements décroissants de leurs essarts. Les stratégies suivantes ont été observées dans le Nord du pays (NAFRI-LSUAFRP 2002 & 2003):
Les villageois ne cherchent pas à obtenir plus de terres auprès des autorités (afin déviter de payer des taxes supplémentaires) mais défrichent illégalement dans des zones forestières reculées ou dans des région non revendiquées par les premiers occupants. 70% des cas de ce type ont été recensés dans la moitié Nord du pays (Keoketsy & Bouthabandid & Noven 2000:11). Ce type de défrichement est facilité, dans le cas des villages déplacés, par lautorisation fréquemment donnée aux villageois (preuve de lincapacité des autorités à appliquer la loi de façon aussi ferme quil nest prévu dans les textes officiels) de pratiquer une résidence alternée entre lancien et le nouveau site: les migrants défrichent lespace qui leur est affecté dans le nouveau village tout en continuant un essartage de complément sur lancien site. Parfois, lamende que les villageois payent pour leurs essarts illégaux est considérée par eux comme une façon de légaliser leur occupation. Dune façon générale, la pratique du brûlis ne disparaît pas, au contraire, mais elle tend à se faire de façon plus anarchique que par le passé, et se trouve associée à de nouvelles figures de mobilité (déplacements multiples de fractions de villages, essaimages, mise en place de réseau parfois très étendus).
La location de terres devient de plus en plus fréquente. Le dédommagement peut seffectuer soit en nature, soit sous forme de paiement de la taxe foncière à la place du propriétaire. Cette situation favorise les résidents les plus anciens, au détriment des immigrants ou des jeunes ménages. Il a également été observé une tendance à la location, et parfois à la vente, de terres cultivables pour la plantation darbres de rente (teck notamment) à des personnes extérieures au village. Ceci procure de largent à certaines familles mais réduit leurs surfaces agricoles et menace leur avenir. Ces transactions sont enregistrées par le conseil villageois mais elles ne sont pas forcément transmises aux autorités du district.
Lachat de terres devient également plus courant que par le passé. Il met souvent en relation des occupants anciens et des familles déplacées. Dans le Nord, plusieurs exemples montrent que ce type de transaction est souvent effectué entre deux groupes ethniques distincts: les Khmou (autochtones) et les Hmong (immigrants récents). Ainsi dans le village de Huay Maha précédemment cité, de plus en plus de familles khmou vendent leurs terres à des immigrants hmong. Largent ainsi acquis leur permet de se constituer un petit capital, lequel est ensuite utilisé pour émigrer sur un autre site où se sont déjà installés certains membres de leur lignage (migrations en réseau). Au moment de la transaction, lancien occupant donne à lacheteur son TLUC comme preuve de la cession de son droit. Le problème est que cette cession est doublement illégale: dune part les TLUC ne peuvent pas être vendus et par ailleurs leur période de validité a en général expiré au moment de la transaction. Enfin, ces transactions informelles ne sont pas enregistrées, ne serait-ce quà titre informatif, par les autorités locales, doù un décalage de plus en plus important entre les données officielles et la réalité des arrangements fonciers dans les villages.
Les données disponibles sont beaucoup moins nombreuses que pour lallocation foncière dune part en raison de lextension géographique moindre de cette procédure et dautre part en raison dun nombre détudes moins important. Une série dindicateurs viennent dêtre mis en place par le Département Foncier au sein du MInistère des Finances (MoF, 2003, Socio-economic baseline study) mais il faudra attendre quelques années avant de pouvoir effectuer une véritable analyse de limpact social de cette procédure.
Aucune donnée claire nest pour linstant disponible sur le temps nécessaire aux transactions foncières avant et après la mise en place de la procédure dimmatriculation, ni sur la durée moyenne pendant laquelle une parcelle reste la propriété dun même individu, ni enfin sur le degré de transparence des procédures. Dun point de vue économique, les données sont également lacunaires, faute davoir mis en place dès le début des indicateurs fiables. Il semble que limmatriculation foncière soit corrélée avec une appréciation du prix des terrains mais aucune donnée nest disponible sur lampleur moyenne de cette augmentation, ni sur les zones les plus concernées.
Contrairement aux objectifs poursuivis initialement, limmatriculation foncière ne semble pas, pour linstant tout au moins, avoir réduit le nombre de disputes foncières. Par contre, le temps nécessaire pour résoudre ces disputes est plus court. Le type de disputes évolue après limmatriculation: les disputes relatives aux limites de parcelles ou de finage sont de moins en moins fréquentes mais sont remplacées par des disputes ou des tensions relatives soit à lhéritage (43% des disputes dans les villages concernés par limmatriculation concernent le partage de lhéritage familial) soit à des pollutions liées à des usages particuliers de parcelles adjacentes. Par contre, la procédure dimmatriculation foncière ne change pas les préférences des villageois en matière de résolution des conflits: dans la grande majorité des cas, les disputes sont réglées à lintérieur du village.
Le projet LTP a pour linstant travaillé essentiellement dans les zones urbaines et auprès des classes moyennes et supérieures. Pour cette raison sans doute, il est perçu comme bénéficiant en priorité aux riches (MoF 2003:47). Les populations les plus pauvres, qui habitent en générales dans les zones périurbaines les plus excentrées, nont pas eu loccasion jusquà présent de sécuriser leurs droits via limmatriculation foncière, soit parce quune procédure dadjudication systématique na pas été lancée dans leur quartier, soit parce quelles nont pas les moyens de financer une procédure dadjudication sporadique (dont les frais sont en partie supportés par les demandeurs), soit enfin parce quelles nont pas pu faire valoir de preuves tangibles de leurs droits sur les parcelles quelles occupent actuellement. Ce dernier point concerne notamment les membres de minorités ethniques installés récemment[18] sur des terrains périurbains appartenant à lÉtat -et donc pour lesquels le projet dimmatriculation foncière ne peut sappliquer (MoF 2003:49&83)- ou bien ayant pris possession de leur parcelle par le défrichage, sans quaucun document nait été rédigé lors de leur installation par le chef du village. Il y a donc ici un risque de marginalisation (ou de pérennisation des inégalités sociales) des couches les plus modestes parmi les populations urbaines et périurbaines (locataires, personnes illettrées, occupants de terres publiques, minorités)
Parmi les motifs dinsatisfaction, les personnes interrogées indiquent fréquemment que limmatriculation foncière leur a permis de sécuriser leurs droits sur les parcelles bâties mais non sur les terres agricoles. Dans les zones concernées par le Land Titling Project, 74% des surfaces sont utilisées pour lagriculture et 14% pour les terrains bâtis. Or, les titres délivrés pour linstant portent à 67% sur des terrains construits et à seulement 27% sur des terres agricoles (MoF 2003: 38). Cette contradiction tient en partie au fait que les conflits préexistants sont généralement plus nombreux pour les terres agricoles, ce qui freine la procédure dadjudication tandis que la situation juridique des terrains bâtis semble plus facile à établir (documents disponibles). Un deuxième facteur, dordre politique, semble également important: une immatriculation rapide des terres agricoles périurbaines prendrait le risque daccroître la spéculation foncière[19] et daccélérer le rythme de lurbanisation dans des proportions incompatibles avec les capacités de gestion des administrations locales.
Au fur et à mesure que le Land Titling Project va élargir son aire dactivité, la complexité juridique et sociale va probablement augmenter.
Les procédures dadjudication sporadiques et systématiques vont sappliquer à des parcelles pour lesquelles des TLUC ont déjà été délivrés et parfois transmis ou vendus. Un rapport de 1998 portant sur 179 parcelles dans 6 villages indiquait que 85% des parcelles avaient fait lobjet de transactions non enregistrées et quil y avait une moyenne de 2 transactions non enregistrées par parcelle. Les causes invoquées pour le non enregistrement des transactions concernaient la mauvaise connaissance des procédures, leur coût et la nécessité de se déplacer. De plus, les villageois affirmaient faire entièrement confiance à leur chef de village pour enregistrer la transaction et servir de témoin en cas de problème. La formation des chefs de village aux nouvelles procédures mises en place par le LTP apparaît donc cruciale pour assurer sa pérennité.
Le projet va travailler de plus en plus dans des régions où il na jamais véritablement existé de propriété privée de la terre et notamment où les systèmes coutumiers ne reconnaissent pas à un individu le droit daliéner une terre, même sil dispose dun droit individualisé sur celle-ci.
Le projet devra sadapter à des régulations coutumières et à des modes dorganisation sociale variés quil conviendra didentifier et de comprendre avant dintroduire les nouvelles procédures. En létat actuel, le projet ne dispose que dune documentation très réduite sur ces questions[20] et devra mettre en uvre une étude exhaustive de qualité sur les systèmes fonciers coutumiers (appropriation de la terre, mariage, héritage, résidence, organisation du travail) au Laos et sur les dynamiques sociales (transactions foncières, recompositions territoriales et identitaires, spécialisations économiques) qui affectent les zones rurales et périurbaines du pays.
Durant la première phase, le projet LTP sest montré soucieux déviter des effets négatifs en matière de relations entre les sexes. Cette attention se justifie par le double effet négatif de lallocation foncière dans les zones rurales: non seulement les titres sont majoritairement établis au nom du seul chef de famille mais de plus la diffusion de nouvelles technologies -lorsquelle existe- profite également aux hommes. Toutes les études menées ont montré que lallocation foncière favorisait de ce point de vue la perpétuation et le renforcement dinégalités entre les sexes très présentes dans lorganisation sociale coutumière des minorités ethniques. Dans un rapport daté de 1999 et portant sur 2400 familles réparties sur 100 villages et 17 districts, lUnion des Femmes Lao et le GRID (Gender Resource Information and Development) ont montré que le titre foncier était dans la majorité des cas attribué au chef de famille seul même lorsque la parcelle concernée avait été acquise conjointement avec son épouse ou par lintermédiaire de celle-ci (Lao Women Union & GRID 1999).
Acquisition de la terre et établissement du titre foncier: données par sexe
terre acquise par |
lhomme |
la femme |
les deux |
autres cas |
% |
18% |
30% |
52% |
/ |
titre au nom de |
lhomme |
la femme |
des deux |
autres cas |
% |
58% |
16% |
7% |
19%* |
* comprend les familles pour lesquelles les titres étaient au nom des enfants et les familles nayant pas encore reçu de titre foncier.
Cette tendance, particulièrement forte chez les groupes à organisation patrilinéaire stricte comme les Hmong notamment, sexplique principalement, outre les caractéristiques de lorganisation sociale des groupes enquêtés, par un niveau déducation et une connaissance de la loi moindres chez les femmes ainsi que par la prise en charge systématique par le chef de famille de toute activité de représentation officielle vis-à-vis de lextérieur (Lao Women Union & GRID 1999:3).
Le projet LTP travaillant essentiellement dans des régions peuplées par des représentants de lethnie Lao, où les rapports entre les sexes sont réputés plus égalitaires[21], ses responsables ont porté une attention particulière à son impact dans ce domaine afin de ne pas créer un déséquilibre en faveur des hommes. Le but était de développer une approche sensible à la problématique du rapport entre les sexes, notamment en intégrant des personnels féminins dans les équipes chargées de limmatriculation foncière et, par une meilleure information des femmes, dempêcher que des terres acquises ou héritées par lépouse ne soient enregistrées au nom de son mari.
Les résultats du Land Titling Project dans ce domaine semblent encourageants puisque le nombre de titres fonciers issus par le projet au nom des femmes seules ou bien au nom des deux membres du couple a augmenté: 34% des titres sont au nom de lépouse, 38% aux deux noms et 24% au nom de lépoux tandis que dans les régions non concernées par le projet, ces chiffres sont de respectivement 15%, 28% et 55%. (Zakout 2002:2). Ces données doivent être considérées avec précaution car elles comparent deux types de procédures totalement distinctes (immatriculation foncière dans le cas des zones concernées par le projet LTP, allocation foncière ailleurs). Des documents plus récents, notamment le rapport établissant les critères socioéconomiques pour la deuxième phase du LTP (MoF 2003), donnent des chiffres différents: dans ce rapport, il est indiqué quenviron 20% des titres sont établis au nom des hommes, 28% au nom des femmes et 40% aux deux noms. Cependant, le rapport ne remet pas en question limpact positif de la première phase du LTP dans ce domaine.
Constat
La réforme foncière en cours au Laos promeut la généralisation progressive de la propriété privée comme méthode pour intensifier lagriculture, sécuriser la tenure foncière et accroître les recettes fiscales de lEtat. La théorie sous-jacente à cette réforme est bien connue. Lindividualisation des droits permet leur sécurisation; elle encourage les agriculteurs à investir sur leurs terres et à la cultiver de façon sédentaire par un accès plus facile au crédit (la terre devient un garantie bancaire). Celui-ci facilite le développement du secteur agricole et contribue in fine à la réduction de la pauvreté. Lémergence de marchés fonciers facilite, elle, une répartition optimum des terres, cest-à-dire une affectation à ceux qui ont le plus les moyens de les mettre en valeur de façon appropriée. Cette logique repose sur des postulats forts critiquables, notamment:
Les systèmes fonciers traditionnels seraient totalement étrangers au système de la propriété privée
Les systèmes fonciers traditionnels seraient nécessairement peu sécurisants
Les systèmes fonciers traditionnels seraient trop rigides et empêcheraient une affectation optimum des ressources. Le marché lui par contre, posséderait cette vertu.
Laccès au crédit permettrait lenrichissement dune majorité de personnes
De ce point de vue, lesprit de la réforme en cours au Laos devrait sinspirer des leçons tirées des expériences antérieures dans dautres pays asiatiques, notamment la Thaïlande, où un programme dimmatriculation foncière est financé par la Banque Mondiale depuis 1984[22] Là, la privatisation des terres a entraîné au contraire une insécurité foncière pour les petits agriculteurs, favorisé la spéculation foncière et accéléré lexode rural (Leonard & Narintarakul 2003). Malgré la confiance affichée par les responsables lao, notamment ceux du DONLUPAD, dans limpact positif à long terme de la réforme foncière, il existe une inquiétude réelle concernant les risques de spéculation foncière et dexode rural accru.
Propositions
Il est extrêmement urgent, que ce soit pour limmatriculation ou pour lallocation foncière, de mettre en place des indicateurs de suivi permettant de mesurer limpact social de cette réforme, notamment sur les conditions de vie dans les zones rurales, sur les transactions foncières et sur lévolution du degré de concentration foncière. Il semble également indispensable de renforcer la capacité de suivi et de gestion à léchelle villageoise, au sein des comités dallocation foncière mais surtout auprès des chefs de villages, dont le rôle est crucial dans la mise en uvre et le suivi des procédures dallocation ou dimmatriculation foncière. Un autre point particulièrement délicat concerne la compatibilité (à terme) des procédures et des titres délivrés en zone rurale (allocation = MAF) et urbaines ou périurbaines (immatriculation = DoL). Celle-ci ne pourra être établie sans une collaboration accrue entre les institutions concernées.
Constat
Lallocation des terres recouvre des situations très variables et très inégales. Si le zonage a été effectué aujourdhui dans plus de la moitié des villages du pays, la délimitation et lallocation des parcelles est, elle, beaucoup plus rarement achevée. Cette variabilité peut devenir en elle-même une source de complexité supplémentaire pour la poursuite du processus. La tendance actuelle semble être de privilégier dans un premier temps la délimitation des finages villageois ainsi que leur zonage et de ne procéder à lallocation foncière proprement dite que dans les villages les plus favorables.
Proposition
Etablir une banque de donnée nationale indiquant pour chaque village si une procédure de zonage, dallocation ou dimmatriculation est en cours, les étapes déjà effectuées, celles à effectuer et les problèmes en suspens.
Constat
Toutes les études menées au cours des dernières années montrent que lallocation foncière possède au mieux un impact très faible sur lamélioration des conditions de vie dans les régions rurales et au pire une responsabilité directe dans leur dégradation. Elles montrent également que cette deuxième tendance est malheureusement la plus fréquente, particulièrement dans les régions du Nord et quelle saccompagne de défrichements illégaux non pris en compte par les statistiques du SCREC. Les photographies prises par satellite indiquent que lallocation foncière na pas réussi pour linstant à empêcher la réduction des surfaces concernées par lagriculture sur brûlis. Laccent est mis sur la protection des forêts et la réduction des espaces disponibles pour lagriculture itinérante sans considération pour lévolution du niveau de vie des agriculteurs et leur sécurité alimentaire, qui repose à la fois sur la diversité des cultures que permet lessart (contrairement à la rizière) et sur laccès aux produits forestiers non ligneux.
Propositions
La mise en place dindicateurs fiables sur les conditions de vie des villageois (et notamment le degré de sécurité alimentaire) permettrait de mieux anticiper les problèmes causés directement ou indirectement par lallocation des terres et de réduire lécart existant entre les statistiques officielles, qui annoncent fièrement la réduction massive des espaces concernés par le brûlis, et les situations observées sur le terrain. Cela permettrait également de former les administrateurs locaux à ce type denquête et leur donnerait une marge de manuvre plus importante vis-à-vis des objectifs irréalistes donnés par les provinces. La mise en place de tels indicateurs devrait sinspirer de lexpérience accumulée par certains projets étrangers particulièrement réussis (projets AFD à Sayanbouri et Phongsali notamment)...Chacun de ces projets a développé une méthodologie basée notamment sur la prise en compte dindicateurs socio-économiques pour la mise en uvre et le suivi. Si les données collectées indiquent une dégradation des conditions de vie, les autorités locales doivent en rechercher les causes et stopper pendant ce temps la procédure LA/LUP.
Dautre part, il apparaît indispensable dassouplir au plus vite la législation concernant les forêts en régénération et dautoriser les villageois, au moins dans un premier temps, à conserver des cycles de jachère suffisamment longs pour ne pas mettre en péril leurs conditions de vie. Lintroduction de cultures sédentaires (vivrières ou commerciales) devrait être testée en parallèle et généralisée seulement lorsque elle a fait les preuve de sa pérennité et de sa rentabilité pour les habitants. Si, par des techniques agricoles sédentaires, ceux-ci parviennent à améliorer leur niveau de vie, les autorités nauront alors aucun mal à faire accepter une réduction des surfaces autorisées pour le brûlis, puisque celles-ci ne seront plus utilisées, ou dans des proportions bien moindres que par le passé. En dautres termes, une solution viable doit être trouvée et appliquée avant de réduire les surfaces disponibles mais dans la grande majorité des cas aujourdhui, cest linverse qui se produit. Par ailleurs, il apparaît que le zonage des espaces agricoles (LUP) peut constituer une solution intermédiaire satisfaisante, permettant de régler les éventuels conflits de frontières villageoises: lallocation foncière proprement dite peut très bien quant à elle être mise en uvre plus tardivement, une fois que les conditions locales sy prêtent.
Constat
Le caractère peu participatif des procédures LA/LUP est fréquemment mentionné comme une cause de la méfiance ou du désintérêt des villageois. Il apparaît que la participation des villageois nest sollicitée quau moment du recueil des données et quils ne sont pas associés lors des étapes ultérieures. Par ailleurs, il semble daprès les sources consultées que les fonctionnaires du DAFO essayent de conclure la procédure en une seule fois et le plus vite possible.
Propositions
Les différentes étapes de la procédure LA/LUP devraient être regroupées en plusieurs modules indépendants en sinspirant par exemple de la méthodologie développée par le HPSPSPP dans la province de Samneua, ce qui permettrait une plus grande souplesse.
Par ailleurs, il semble indispensable de mieux prendre en compte les savoirs villageois dans le domaine par exemple de la classification des sols ou des forêts. Ainsi, lexpérience menée par le LSUAFRP sur les taxinomies villageoises des sols a permis une meilleure communication avec les villageois et a facilité le travail des vulgarisateurs agricoles. Ce type dexpérience devrait être menée également dans le domaine forestier de façon systématique quel que soit le groupe ethnique dappartenance.
Enfin, il semble indispensable que, lors de létablissement de la carte du finage villageois, une formation soit dispensée concernant la représentation de lespace en deux dimensions, afin de donner aux villageois les instruments conceptuels suffisants pour participer efficacement à la procédure de zonage et dimmatriculation.
Constat
Limpact de la réforme foncière ne pourra être amélioré que si sa mise en uvre intègre la problématique des déplacements de populations, planifiés ou spontanés. Larrivée dimmigrants se traduit généralement par de nouveaux arrangements sur le plan foncier, et par un besoin accru de terres cultivables. Elle peut également entraîner des conflits entre les villages en croissance démographique et leurs voisins ou bien à lintérieur même de la localité concernée. Elle peut également générer de nouveaux déplacements, soit de populations immigrantes nayant pas réussi à se fixer, soit de populations autochtones qui vendent leurs terres et partent sinstaller sur un nouveau site.
Propositions
Aucun village ne devrait être concerné par une procédure de zonage ou dallocation si des arrivées de nouvelles familles sont prévues par les autorités du district. De ce point de vue, il est indispensable que se mette en place une collaboration plus étroite entre les services locaux du MAF et les bureaux des chefs de district ou des gouverneurs.
Par ailleurs, il serait plus que souhaitable que les déplacements de populations montagnardes cessent et que soient envisagées des solutions alternatives pour le développement des villages en altitude. Dans bien des cas, il suffirait de construire quelques petites pistes muletières pour améliorer laccessibilité des villages les plus reculés et ainsi pouvoir y mettre en uvre la réforme foncière sans nécessairement bouleverser de fond en comble les systèmes agraires existants.
Laide internationale devrait de son côté prévoir daffecter un pourcentage substantiel de ses crédits à des actions de développement en altitude afin dencourager les administrateurs locaux à trouver des solutions alternatives au déplacement. Trop souvent en effet, les autorités locales déplacent des villages sur des sites non aménagés puis demandent aux projets étrangers daider les migrants.
Les déplacements spontanés constituant une proportion importante des mouvements actuels de population, ils ne peuvent tous être anticipés. Cest pourquoi il est crucial que soit mise en place une procédure efficace et uniforme de suivi des transactions foncières et des arrangements inter-villageois concernant lusage des terres et des forêts.
Allocation foncière: résumé des problèmes identifiés et des propositions
Problèmes |
Commentaires |
Lallocation foncière est effectuée trop rapidement et de façon trop rigide |
Souvent entre 5 et 14 jours seulement et en une seule fois. Si les objectifs ne sont pas atteints, la pression retombe sur les fonctionnaires du district |
Réduction des espaces disponibles et dégradation des conditions de vie |
Elle est présentée comme un élément positif mais possède un effet désastreux sur les conditions de vie des villageois. Des terres sont disponibles et pourraient être affectées aux habitants à condition de réduire les surfaces forestières en régénération. |
Monitoring effectué au niveau individuel et de façon essentiellement coercitive |
Plus de participation, se focaliser au niveau villageois. Il est indispensable de mettre à jour les TLUC et de les faire évoluer vers une forme plus définitive. |
Pas de classement approprié pour les documents. Pas de suivi des transactions. |
Il sagit dun aspect capital pour le futur de la réforme. Une procédure uniforme denregistrement et de suivi devrait être mise en place. |
Pas dévaluation adéquate des résultats |
Evaluation essentiellement quantitative, et les conditions de vie ne font lobjet daucune enquête. Améliorations proposées au niveau central ne sont pas communiquées au niveau provincial. Nécessité de mettre au point une série dindicateurs sociaux pour suivre limpact de lallocation des terres. |
Le chef de village joue un rôle déterminant dans lenregistrement des transactions, la résolutions des disputes et linformation juridique. |
Formations spécifiques dispensés aux chefs de village et à leurs adjoints. |
Lallocation foncière est effectuée sans concertation avec les plans de déplacements de villages élaborés par ladministration. |
Renforcer la collaboration des différentes institutions concernées au niveau des provinces et des districts. |
Les déplacements de villages annulent les effets bénéfiques de lallocation foncière et rendent celle-ci inapplicable |
Stopper les déplacements de populations montagnardes vers les vallées. Affecter une partie des sommes de laide au développement des villages en altitude. |
Immatriculation foncière: résumé des problèmes identifiés et des propositions
La procédure dadjudication ne tient pas compte des titres temporaires (TLUC) précédemment émis dans certaines zones |
Prévoir un processus légal de conversion des TLUC en titres permanents. Ajuster les procédures suivies par le MoF et celles du MAF. |
Les populations réfugiées ou déplacées en zone périurbaines et installées sur des terres publiques au cours des dernières décennies ne peuvent sécuriser leurs droits. |
Procéder aux adjudications systématiques en priorité auprès de populations socialement fragilisées. |
La documentation sur les systèmes fonciers coutumiers des groupes ethniques est quasiment inexistante. |
Conduire des études sur les systèmes fonciers des groupes montagnards en prenant soin dinsister autant sur les relations entre groupes que sur les règles coutumières propres à chacun dentre eux. |
Le chef de village joue un rôle déterminant dans lenregistrement des transactions, la résolutions des disputes et linformation juridique. |
Formations spécifiques dispensés aux chefs de village et à leurs adjoints. |
[13] L'article 35 de la loi
sur la forêt de 1996 met en place des incitations financières pour
les agriculteurs acceptant de ne pas couper les arbres sur les jachères
de cinq années et plus. L'article 20 indique lui que les forêts de
régénération deviennent ensuite des forêts "de
protection" ou des forêts de "conservation". [14] Dans le district de Phonexay (province de Louang Prabang), 161 variétés de NTFP on été recensées et classées en 4 catégories: économique (38 produits identifiés), alimentaire (50), médical (61), domestique (12). Dans le district de Namo (province d'Oudomxay) les équipes de Nafri ont recensé 76 variétés dont 27 à usage économique, 27 à usage alimentaire, 6 à usage domestique et 16 à usage médical. [15] L'unité socio-économique de NAFRI réalise des études de suivi dans plusieurs villages du Nord-Laos concernés par l'allocation des terres. Les rapports rédigés à la suite des missions de terrain portent autant sur les effets négatifs des relocalisations et des regroupements de villages que sur l'allocation des terres stricto sensu. [16] Les raisons invoquées pour les déplacements: villages situés sur des zones cruciales d'un bassin versant; opium; implantation d'activités de développement trop difficile; villages situés en dehors des ZPD; population inférieure à 50 familles. Concernant ce dernier point, l'argument apparaît spécieux: 17 villages sur les 35 qui doivent être déplacés par le district de Phonesaï sur la période 2001-2005 sont composés de 50 familles ou plus (LSUAFRP 2002: 3-4). [17] Certains villageois de Huay Maha bénéficiaient par exemple d'un système d'adduction d'eau dans leur village d'origine. [18] Seules 37% des maisons enquêtées sont installées depuis plus de trente ans et 25% d'entre elles occupent leur parcelle depuis moins de dix ans. [19] L'immatriculation transforme la terre en garantie bancaire et, lorsque les populations ont peu d'expérience de ce type de procédure, ou bien lorsqu'elles ont besoin d'argent sur le champ, elles peuvent être amenées à vendre leur terre sans saisir pleinement les implications de cet acte. Les moins bien informés et les plus vulnérables risquent alors de ne pas profiter du nouveau système et même de se trouver dans une situation plus difficile que par le passé, d'où l'importance des activités de vulgarisation et d'information mises en place avant l'immatriculation foncière. [20] La seule etude réalisée pour l'instant dans le cadre de ce projet (Existing Land Tenure and Forest Lands Study, Lao Consulting Group, Land Tilting Project, Avril 2002, 109p) constitue un premier effort dans cette direction mais ses résultats sont très limités. Seuls trois groupes sont étudiés (Lao, Khmou et Hmong) and le texte contient de nombreuses approximations et generalisations abusives (par exemple le terme Khmou est utilisé pour désigner l'ensemble des groupes mon-khmer - ou Lao Theung - du Laos). [21] Le système d'organisation sociale des Lao a parfois été quelque peu idéalisé, ou caricaturé, dans certains rapports écrits pour le Land Titling Project. Dans l'un des plus anciens (Sandbergen & al. 1997: section 1.5) on peut ainsi lire "for the majority of certain Lao Lum groups the issue of land rights has been a very unique and special one as kinship and inheritance patterns are matrilineal and bi-lateral, and residence patterns mainly matrilocal". Au fil des approximations et des exagérations, un mythe de la matrilinéarité et de la matrilocalité des Lao s'est développé et constitue aujourd'hui un élément récurrent des discussions sur la problématique "gender" au Laos. Il est vrai que les Lao, contrairement aux groupes montagnards, possèdent un système de filiation bilinéaire, c'est à dire dans lequel les deux branches, paternelles et maternelles, possèdent un poids égal (système de filiation bilinéaire, ou cognatique). L'héritage, notamment les terres, est transmis à part égale entre tous les descendants, avec une part supplémentaire pour celui restant après son mariage dans la maison de ses parents. Traditionnellement, ce rôle revient à la fille cadette qui hérite donc d'une part plus importante que ses frères et surs. Par exemple, si la famille compte quatre enfants, la sur cadette restant vivre chez ses parents même une fois mariée (mariage matrilocal) héritera de 50% des biens. Il est donc totalement excessif de parler d'une société "matrilinéaire" (la filiation par la mère n'a pas plus d'importance que la filiation par le père), ou "matrilocale" (la plupart des enfants résident une fois mariés dans leur propre maison). Il existe simplement au sein de cette société une inflexion matrilinéaire en ce qui concerne la transmission des biens, et notamment des terres. [22] Quatre phases depuis cette date pour un budget total de 183 millions de dollars |