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LA PISCICULTURE COTIERE DU HAUT ADRIATIQUE

Mr G. RAVAGNAN

I. INTRODUCTION

Pisciculture côtière du Haut Adriatique signifie surtout “valliculture vénitienne” et, avant de traiter spécifiquement cotte forme piscicole, je crois opportun d'exposer d'abord quelques considérations fondamentales, soit pour la situer parmi les systèmes d'aquaculture soit pour indiquer les raisons de ses actuelles orientations techniques.

I.1. Méthodes d'élevage

En général, or regroupe les pratiques de pisciculture selon trois méthodes fondamentales: extensive, intensive et semi-intensive.

Ces méthodes différent entre elles par la différente dérivation énergétique de leur régime nutritionnel et, sur cette base, on pourra dire qu'un élevage est extensif lorsque le milieu ambient pourvoit à la totalité des besoins alimentaires; intensif, au contraire lorsque les besoins alimentaires sont intégralement satisfaits de l'extérieur; semi-intensif s'il fait appel au milieu, mais avec également une intégration alimentaire de provenance extérieure (RAVAGNAN, 1978).

I.2. Classification des élevages extensifs

Les élevages extensifs revêtent les aspects techniques les plus variés, plus ou moins perfectionnés selon le contexte socio-économique où ils s'insérent. Nous pouvons les classer sommairement comme suit:

- Elevages extensifs “primordiaux”, qui se distinguent du simple plan d'eau où l'on pêche, par la présence d'aménagements peu nombreux, primitifs et souvent précaires;

- Elevages extensifs “structurés”, munis de structures générales stables et rationnelles.

- Elevages extensifs “équipés”, a savoir seulement “structurés”, mais disposant également d'installations et équipements leur conférant un caractère hautement fonctionnel.

I.3. Formes d'énergie

Une exploitation d'acquaculture, n'importe laquelle, est toujours un systène conçu pour transformer une certaine quantité d'énergie en produit utile à l'home et, en ce qui concerne les différents processus de production propres à l'acquature, nous pouvons distinguer trois formes d'énergie utilisée et précisément:

- énergie “primaire”, à savoir la radiation solaire incidente;

- énergie “susidiaire”, a savoir celle qu'une portion d'écosystème (comme l'est une exploitation d'élevage) peut tirer de l'écosystème adjacent (marées, vents, températures, sels nutritifs, etc...);

- énergie “auxiliaire”, c'est à dire dérivée de circuits mis en action par l'home.

II. LA VALLICULTURE

La valliculture est un exemple type de pisciculture extensive d'eau saumâtre et, donc des zones côtières, lagunaires ou d'estuaires. Depuis le début du XVI ème siècle, elle se présente dans le territoire vénitien comme une activité de production non plus primaire et approximative mais déjà avancée et bien organisée.

Elle tire ses origines de la pêche lagunaire ainsi que des capacités d'observation des anciens opérateurs. Son non vient du latin “vallum” qui signifie défense, protection, enceinte et qui -dans notre cas- indique les ouvrages d'enceinte des nappes d'eau destinées à la pisciculture et indiquées justement comme “valli” dans des documents vénitiens remontant aux premières années du XIV ème siècle (voir BULLO, 1940).

III. - LA VALLE

III.1. Structure et caractéristiques

La “valle” est une portion d'écosystème aquatique, situé sur la côte, isolé par l'homme pour être destine à la pisciculture. Primitivement, les “valli” étaient entourées de clayonnage de roseaux ou de joncs ou même de filets, c'est à dire d'aménagements précaires, incapables, de toutes façons, d'assurer une gestion des eaux autonome, un contrôle biologique satisfaisant des aires délimitées.

Par la suite, les ouvrages de délimitation devinrent des levées ou des digues, à savoir des structures on dur ne laissant absolument pas pénétrer l'eau ni le poisson et on y introduisit des structures capables de contrôler la communication avec le milieu extérieur. L'homme poursuivit son oeuvre guidé par la nature : au début, en se limitant à recueillir les fruits naturels sans altérer les caractéristiques des lieux, par la suite en mettant des obstacles au mouvement des poissons, pour finir par réaliser un écosystème satellite capable de rendre optimale sa propre efficience écologique ainsi que de trier des apports d'énergie de l'écosystème de base.

Une “valle” est principalement dotée, en plus des ouvrages de délimitation et de communication controlée, d'une prise d'eau de mer, d'une d'eau douce (là, évidemment où c'est possible), de barrages filtrants, de bassins de récolte (colaùri), de chambres de capture et de triage du poisson (lavorièri), de bassins d'hivernage (peschière), de machines pour la culture des bassins, et, dans différents cas, d'installations de pompage.

L'étendue d'une “valle” peut, aller de quelques dizaines à quelques milliers d'hectares. Dans la région vénitienne, la dimension moyenne atteint à peu prés 300 à 400 hectares, avec une surface minimum de 10 à 20 hectares et maximum de 1 600 hectares environ. Il y a en tout, dans cette zone, 47 “valli” réparies sur 18 000 hectares enviorn, presque toutes de type “équipé”, très peu de type seulement “structuré”, aucune de type “primordial”.

III.1.1. conditions ambiantes

La nature des terrains des “valli” est, selon les zones, formée essentiellement de sable ou d'argile. La profondeur des bassins d'élevage est, en moyenne de 80 cm, alors que l'on atteint des profondeurs bien plus grandes dans les bassins de récolte ou dans ceux d'hivernage.

Le milieu-type de la “valle” est que l'on trouve sur les franges côtières ou dans les estuaires, milieu soumis à de fortes et soudaines variations de salinité et de température.

Le long de la côte où se trouvent les “valli” vénitiennes, plus de sept fleuves importants, dont le Po, se jettent dans la mer ; Presque toutes les valli communiquent avec la mer indirectement, à savoir par l'intermédiaire de plans d'eau lagunaires, plus ou moins importants dont la capacité thermique est très inférieure à celle de la mer.

Par conséquent, au fil des saisons et en coincidence avec des événemets particulieurs, tels que les crues des fleuves ou les tempêtes de mer, les conditions de salinité son soumises à variations comprises entre 5 et 32% et la température connaît de l'année grands écarts allant d'un minimum de 1 – 2° C en hiver à un maximum de 30 – 32° C en été.

Avec de telles conditions, on imaginera facilement que la valliculture ne peut se permettre que l'élevage d'espèces ichtyques euryalines et eurythermes.

Espèces de poissons élevées, en général, dans les “valli” met durée de la saison d'élevage

Dans les “valli” vénitiennes, on trouve, d'ordinaire, les espèces suivantes :

Dicentrarchus labraxBar européen
Sparus auratusDaurade
Liza aurataMuge doré
Crenimugil labrosusMuge à grosses lèvres
Mugil cephalusMuge cabot
Liza saliensMuge senteur
Liza ramadaMuge porc
Anguilla anguillaAnguilla
Atherina boyeriPrêtre

En plus des espèces, citées, qui représentent, jusqu'à maintenant la presque totalité de la production provenant de la valliculture, d'autres sont ou peuvent être élevées, comme par exemple:

Gobius ophiocephalusGobie ophiocephale
Solea soleaSole commune
Pleronectes flesusFlet européen

Seuls Atherina boyeri et Gobius ophiocephalus se reproduisent dans les bassins des “valli”, tandis que toutes les autres espèces citées se reproduisent en mer.

Nous avons quelques exemples d'élevage d'espèces d'eau douce dans les “valli” ; en particulier, de Salmo gairdneri et de Acipenrides.

D. labrax, S. auratus, Mugilides, A. boyeri, Gobius ophiocephalus, A.anguilla résistent bien, même à des températures élevées (28 – 30° C) habituellement atteintes par les eaux des “valli”, en été. Les températures minimales létales pour ces espèces sont comprises entre 3 et 5° C (exception faite pour A. anguilla qui résiste jusqu'à 0° C). En hiver, dans les bassins des “valli” les températures descendent presque toujours jusqu'à 2 – 3° C et, quelquefois même, encore plus bas. Ceci explique la nécessité d'aménagements pour l'hivernage du poisson.

Les températures opérationnelles d'élevage vont de 10 – 12° C à 28 -30° C. les optimales de 20 à 26° C. La saison d'élevage va de la mi-mars à fin octobre; elle couvre donc une duré e de sept mois environ, avec une période de rendement optimal de quatre mois.

Fonctionnement

Le fonctionnement d'une “valle”, même s'il est articulé sur une certaine variété d'oprérations, repose sur trois phases fondamentales qui sont : ensemencement, engraissement, récolte ou si l'on veut introduction des sujets dans l'élevage, leur séjour dans les aires de pâturage, leur capture lorsqu'ils atteignent la taille marchande.

Ensemencement

On peut effectuer l'ensemencement en suivant des méthodes différentes, utilisées seules ou ensemble. Ces méthodes consistent à :

  1. favoriser la “montée” ou si l'on veut migration (anadromique) de jeunes poissons de la mer vers des milieux trophiques, comme ceux des “valli” et à empêcher la “remontée”, c'est à dire la migration en sens opposé (migration catadromique);

  2. capturer les alevins en mer et à les introduire dans les bassins d'élevage;

  3. activer les processus de reproduction artificielle selon des techniques plus ou moins complexes.

La “montée” constitua la seule méthode d'ensemencement de la valliculture d'autrefois ; très vite, toutefois, on procéda à la capture des alevins dans les zones côtières d'autant plus loin que les moyens et les techniques de transport étaient plus avancés. De nos jours, plusieurs installations de reproduction artificielle fonctionnent déjà et l'on estime que leur diffusion ainsi que le perfectionnement des technologies sont une condition essentielle, non seulement pour le développement de la culture d'espèces de poissons de poissons de mer, mais aussi pour la survivance même de la valliculture actuelle.

La reproduction artificielle ou, mieux, controlée, a été, jusqu'à maintenant, réalisée pour toutes les espèces de Mugilides, pour D. labrax, pour S.auratus, pour S. solea et pour d'autres encoure. On soulignera que c'est seulement pour D. Labrax, pour S. auratus que l'on a appliqué des techniques de reproduction massive avec des installations de type commercial.

Ces espèces sont, es effet, parmi les espèces élevées, les plus prisées et en même temps, les plus difficiles à trouver.

Dans une “valle”, la quantité d'alevins introduite, tous les ans, varie selon l'étendue et les caractéristiques trophiques de chaque “valle”. de même que la répartition de l'ensemencement selon les différentes espèces.

En moyenne, les besoins par Ha/an peuvent être évalués entre quatre et cinq mille alevins, dont 85% environ est représenté par cinq espèces de Mugilides et les 15% restant par S. auratus et D. labrax.

Les besoins d'ensemencement pour la valliculture vénitienne peuvent être évalués, en gros, à 80 millions d'alevins/an. Dans les “Valli”, le cours de l'ensemencement est néamons sujet, dans le temps, à des variations quantitatives quelquefois très grandes et discontinues, pour certaines espèces. Ce phénomène s'explique dans la mesure où il est lié à la disponibilité des ressources marines qui varient par rapport à des facteurs que la valliculture me peut, certes, ni contrôler ni prévoir.

Les pourcentages de survivance des alevins, relevés au moment où ils atteignent leur taille commerciale, oscillent, selon les espèces et les techniques d'élevage, entre un minimum de 10 – 20% et un maximum de 30 – 50%. Les “valli” avec une très forte présence de D. labrax voient ces valeurs se réduire énormément.

L'ensemencement des anguilles dans les “valli” vénitiennes, ne fut pratiqué, sauf exception, qu'à la fin des années cinquante. La montée de civelles de la mer était presque toujours suffisante pour la subsistance de standarts productifs typiques de chaque modèles de “valle” (sableuse ou argileuse), et jugés de façon optimale sous le rapport “quantité - taille” , avec des variations moyennes de 30 à 60 kg/ha/an.

A partir de 1957, dans les “valli” de la lagune de VENISE, puis progressivement dans toute la valliculture de la région, on assista à une invasion de Argulus giordanii, crustacés ectoparasites du genre des Branchiuri, qui détruisit une très grande partie de la production à la fois riche et constante. A partir de cette époque -malgrè la présence persistante de Argulus- on se mit à pratiquer des ensemencements de soutien de civelles, mais surtout de “ragani” c'est à dire de jeunes anguilles d'un poids moyen corporel allant de 15 à 30 gr. les résultats ne sont pas brillants et les productions sont devenues le tiers ou la moitié des productions d'avant. Quant au repérage de l'ensemencement d'anguilles, il n'y a pas de grandes difficultés, surtout en ce qui concerne les civelles.

On effectue normalement l'ensemencement des “valli” pour toutes les espèces durant les mois de mars, avril, mai ; quelquefois à l'automne (octobre – novembre) pour A. anguilla et M.cephalus.

Les alevins (indiqués, dans leur ensemble, comme "novellame) sont d'abord introduits dans des bassins de dimension réduites (quelques hectares) et par la suite lachés dans les grandes étendues de pâturage, appelées, en général, “laghi di valle”.

Engraissement

La croissance en poids de la population piscicole de la “valle” repose uniquement sur les ressources alimentaires offertes pur les bassins d'élevage, c'est à dire sur la capacité biogénique du milieu. Par capacité biogénique, on entend la capacité du milieu à transformer en produit d'intêret commercial une partie plus ou moins importante de sa propre productivité naturelle.

En général, le valliculteur ne pratique pas d'interventions directes pour augmenter la productivité naturelle, mais il se limite à exercer une bonne gestion d'échange d'eau. Le renouvellement en eau d'une “valle” n'a pas d'exigence de continuité, mais il requiert par contre “quantité adéquate et intervention ponctuelle”. En d'autres termes, un certain mouvement d'eau devra se vérifier, dans une phase et une cirsconstance donnée, au bon moment, dans une juste mesure.

La gestion hydrique de la “valle” repose principalement sur des interventions de défense et d'enrichissement (visnat à la conservation et à l'amélioration de l'efficacité écologique des bassins) et sur des interventions de coordination des opérations d'élevage (ensemencement, pâturage, récoïte, etc…). On peut calculer que pendant une année, on doit procéder à trois renouvellements complets du volume d'eau d'une “valle”, dont un au début du printemps, un au cours de la saison d'engraissement, un à la fin de l'automne ou le début de l'hiver, en correspondance avec la phase de récolte.

Récolte

Si, pour ensemencer les “valli” par la “montée”, on compte sur la tendance de certaines espèces ichtyques à remonter de la mer vers les lagunes ou vers les “valli”, attirées par des besoins alimentaires, pour récoïter le poisson, on compte sur la tendance de ces populations ichtyques à redescendre vers le mer, poussées par ces conditionnements thermiques et ou par les instincts de reproduction. A l'exception de A. anguille tout le contingent élevé, bien qu'immature sexuellement et commercialement, tend à descendre, chaque année, vers la mer, puisque'il fuit -avant tout- les basses températures hivernales des bassins.

A. anguilla, par contre, résistante au froid, reprend la direction de la mer, seulement quand son murissement sexuel met fin à à sa période trophique.

Pour ce poisson, donc, le séjour dans les aires de pâturage dure -à partir de son entrée dans la “valle” au stade de civelle- de 8 à 12 ans, selon si c'est un mâle ou une femelle.

La récolte est effectuée à travers une double action d'asséchage (c'est à dire un très fort abaissement du niveau de l'eau à l'intérieur de la “valle”) et “rappel” c'est à dire l'introduction dans la “valle” d'un flux d'eau de mer chaude et presque toujours plus salée que celle de la “valle”.

En exploitant, par conséquent, le rhéotactisme des poissons ainsi que la différence de température et de salinité, l'on obtient le déplacement du produit élevé vers les bassins de récolte.

Une “valle” bien conçue aura la possibilité de diriger tout le contingent de poissons vers un seul bassin de récolte. On pourra avoir plusieurs bassins dans le cas de “valli” étendues ou ayant une conformation toute particulière.

Le bassin de récolte est situé immédiatement en aval de l'ouvrage de communication contrôlée avec le milieu extérieur et doit être assez profond pour pouvoir conserver une profondeur d'eau d'au moins 1,50 m, lorsque les bassins doivent être reliés aux zones de pâturages par un réseau de canaux sub-lagunaires, dont le fond présente une pente légère dans leur direction de façon que, à l'époque de la récolte, le poisson soit poussé par l'action d'assèchement et guidé par l'action de rappel.

A l'intérieur et sur les bords du bassin de récolte, nous trouvons plusieurs installations importantes. Les principales concernent l'ouvrage d'introduction et celui de capture. Le premier est placé au point d'intersection entre les lacs de pâturage et la bassin de récolte. Il consiste en un barrage à plusieurs ouvertures muni de vannes mobiles et de dispositifs capables de diriger les poissons dans le bassin ; le second consiste en un barrage conçu façon à pouvoir activer la capture du poisson à l'intérieur même du bassin, à éviter aussi bien la fuite vers la mer que le retour dans le bassin de récolte et à obtenir en outre une séparation entre les anguilles et les autres espèces de poisson, voire même pour les anguilles, une sélection par rapport à leur taille.

A une certaine distance (vers l'intérieur) de l'ouvrage de capture principal (c'est à dire de celui qui est place sur la “frontière” mer-élevage) on en installe presque toujours un second, ayant pour fonction de capturer le produit contenu dans le bassin de récolte quand le courant va vers la mer et non pas vers le bassin d'élevage.

Sur les bords du bassin, on trouve également des ouvrages qui permettent le triage du poisson immature d'un point de vue commercial, ou du poisson mûr en attente d'être commercialisé.

Hivernage du poisson

Dans le langage de la valliculture vénitienne, “hivernage” sert à indiquer l'ensemble des opérations visant à conserver en bonne santé le poisson pendant l'hiver, en le protégeant du gel et des intempéries de cette saison. Elle ne représenté pas une phase proprement dite du processus de production, mais plutôt l'organisation défensive de l'élevage pendant la saison hivernale. toutefois l'importance qu'un tel moment assume dans une valliculture telle que la vénitienne, qui se trouve dans une zone climatique aux hivers froids, nous pousse à nous arrêter sur cet argument.

L'hivernage comence en novembre par l'acheminment ou par le transfert du poisson dans des bassins spéciaux applés “peschiere” et se termine vers la fin mars avec l'ouverture des “peschiere” et l'introduction du poisson dans les lieux de pâturage.

La dificuïté de l'hivernage varie d'espèce en espèce. La plus résistant est A. anguille pour laquelle aucun bassin d'élevage n'est prévu, étant donné, que pendant l'hiver, elle se défend on s'enfonçant au fond des bassins de pâturage. Les autres espèces, classées par ordre décroissant de résistance sont:

D. labrax, M. saliens, M. cepbalus, Liza ramada, Crenimugil labrosus Liza aurata, S. auratus. On met à hiverner ce dernier séparément, dans des bassins spéciaux où il séjourne à basse densité et où l'on doit garder une température qui ne soit pas intérieure à 6°c.

Pendant l'hiver, les poissons subissent une diminution de poids plus ou moins importante selon le cours climatique saisonnier. Dans les conditions les plus défavorables, elle peut aller jusqu'à10% et même plus. La température optimale pour l'hivernage est celle qui correspond à un équilibre métabolique du poisson base sur la demande minimum d'énergie. II varie selon les espèces par rapport au niveau thermique où se manifeste le stimulus alimentaire.

Les “peschiere” d'hivernage, caractéristiques de la valliculture, sont constituées par une série de canaux d'une largeur de 3 à 6 mètres et de longueurs variables (de 30 à 100 mètres), tous reliés entre eux (même si séparables eu moyen de vennes ou de grilles) et orients de façon à offrir au poisson un abri contre le vent, venant de toutes directions. Entre un canal et l'autre, on trouve une parcelle de terre plus ou moins large surélevée par rapport à la surface de l'eau (un mètre environ) où l'on culture, en général, des Semper virens servant de haies brise-vent. Les “peschiere” au fond sabloneux et alimentés aussi bien en eau douce qu'en eau salée révèlent les plus fiables.

Les canaux d'une “peschiera” sont d'autant plus efficaces qu'ils sont plus profonds. Une profondeur de 4 – 5 m ou plus même, avec une largeur ne dépassant pas les 6 mètres environ, assure une protection contre l'action du vent, une importante capacité thermique, une abondante réserve en oxygène en cas de gelée

Si les “peschiere” se trouvent â proximité de fleuves ou de dunes de table qui exercent sur elles une pression manométrique, on aura, à travers les couches de sable, une lente filtration capable de maintenir un certain renouvellement et de fournir au milieu de la chaleur. Ce siphonnement de couche est un système de chauffage naturel très efficace.

Pour l'hivernage d'un contingent ichtyque égal à 10 tonnes, on doit disposer de 40 000 m2 environ de bassins de peschiera. Une “valle” de 400 ha doit être dotée de 300 000 m2 au moins de “peschiere”

Ily a quelques années, le valliculteur se rendant compte que ce qui limitait la production, c'était la capacité d'hivernage plutôt que la capacité biogénique du milieu “valle”, se consacra à la recherche de technologies visant d'une part à rendre plus efficients les bassins traditionnels, de l'autre à expérimenter des systèmes moins onéreux et plus sûrs dans leur fonctionnement.

Plusieurs “peschiere” furent dotées d'installations de chauffage d'urgence, on fit hiverner le produit le plus prisé dans des cuves de ciment chauffées et à l'abri, on obtint enfin de bons résultats avec des sous narines échauffées.

Potentialité productive des “valli”

Les capacités de production des “valli” vénitiennes atteignent les 150 kg/ha/an, dont 50 % de Mugilides, 25 % de D. labrax et S. auratus, et 25% d'Anguilles.

Compte tenu du climat où l'on opère, un tel niveau de production peut être même considéré comme satisfaisant, mais il est sûr que, de la valliculture vénitienne, on pourrait obtenir beaucoup plus.

Cycles d'élevage

Chaque espèce élevée est caractérisée par son propre indice de croissance par rapport auquel on détermine la taille commerciale du produit.

Par exemple, s. auratus a un cycle d'élevage de 18 mors environ, elle atteint une taille commerciale à partir déjà du 6ème - 7ème mois et la taille optimale de 400 g. environ à la fin du cycle ; D. Labrax a un cycle d'élevage de 37 mois environ pour atteindre une taille de 400 – 500 g. ; M. Cephalus et C. Labrosus atteignent leur taille optimale de 800 – 1 000 g. en 53 mois environ ; L. aurata, saliens, ramada, qui ont un indice de croissance sensiblement inférieur, atteignent la taille optimale de 300 g environ dans l'espace de 21 – 36 mois ; A. anguilla a un cycle d'élévage beaucoup plus long, comme nous l'avons remarqué et, on la récolte seulement lorsqu'elle est argentée, c'est à dire sexuellement mure. A ce stade, sa taille peut être plus ou moins élevés selon son sexe et selon les conditions climatiques de la “valle”. En général, les “valli” vénitiennes produisent des anguilles de taille allant de 200 à 600 g.

Evolution actuelle de la valliculture

Depuis plus de dix ans, la valliculture vénitienne, afin d'augmenter sensiblement sa propre capacité de production, s'est fixé comme objectif de dépasser les limites imposées par la capacité biogénique naturelle (à laquelle est liée justement la productivité des élevages estensifs) et s'est orientée vers la recherche de techniques capables aussi bien d'obtenir de fortes productions dans un espace réduit que d'augmenter la productivité du milieu. Ceci l'a amenée à affronter de nombreux problèmes que l'on peut regrouper de la façon suivante:

D'une part ceux concernant l'adoption de techniques de reproduction artificielle et d'élevage intensif et semi-intensif des espèces élevées, de l'autre ceux touchant le repérage des chaînes alimentaires sur lesquelles repose l'élevage extensif ainsi que les interventions opérationnelles capables de les potentialiser.

De ces expériences menées sur ces deux fronts dérive le système de “valliculture intégrée” basé sur la pénétration, du point de vue fonctionnel et énergétique, entre l'intensif et l'extensif. Les “valli” structurées selon ce système se composent de secteurs d'élevage intensif et d'autres d'élevage extensif. Les premiers produisent de façon autonome et même temps de premiers stades à l'extensif. De ce rapport dérive un processus de production de type semi-intensif, où l'on voit les bassins extensifs mettre à profit leur capacité naturelle biogénique et, en même temps, tirer d'apports énergétiques en provenance des secteurs intensifs représentés par du matériel piscicole “semi-élevé” par le courant d'eau et par les catabolites d'élevage.

2) Schéma des flux d'énergie dans un système de valliculture intégrée. On peut observer que les secteurs intensifs sont soutenus par l'énergie auxiliaire et la nourriture artificielle et les bassins extensifs, au contraire par l'énergie primaire et la nourriture naturelle. L'énergie subsidiaire peut aider surtout les bassins extensifs mais aussi l'alevinière, en y introduisant des alevins qui proviennent de la mer. En vertu de l'intégration du système, il y a beaucoup d'énergie qui passe des intensifs aux extensifs, sous forme de flux hydrique, de poisson et de matière organique. En bas, nous voyons les sorties productives ; quelques unes proviennent directement des intensifs, d'autres des extensifs.

Elevage intensif

Toutes les espèces de poissons élevées en valliculture intégrée (exception faite actullement pour Atherina boyeri et en partie et pas toujours pour Anguilla anguilla) commencent leur cycle dans des secteurs d'élevage intensif. Certaines y restent jusqu'à leur mûrissement commercial (D. labrax et A. anguilla), d'autres au contraire (S. auratus, Mugilides et, en partie, A. anguilla) y restent pendant des périodes plus ou moins longues, et, pour compléter leur cycle, elles passent ensuite dans les secteurs extensifs.

La structure des secteurs intensifs varie d'espèce à espèce comme d'ailleurs la densité d'élevage qui va d'un 25–30 Kg/mé pour D. labrax à un minimum de 0.5 – 1 kg/m2 pour les Mugilides.

Elevage extensif

Les bassins extensifs, recevant leur contingent de poissons à élever des intensifs et des apports de déchets organiques des mêmes affluents sont soumis à plusieurs opérations de culture visant essentiellement à la bonne gestion des eaux (à l' aide des installations de pompage) et au labourage du fond des terrains (effectué à l'aide d'équipements appropriés).

De cette façon, la valliculture réduit d'une mesure appréciable la durée de ses propres cycles d'élevage et augmente de 300 kg et plus par ha et par an, le potentiel de production des bassins extensifs.

Potentiel de production de la valliculture intégrée

Une installation de “valliculture” intégrée se propose d'obtenir des productions les plus importantes possible avec le minimum d'énergie venant de l'extérieur; elle vise par conséquent à mettre en valeur la productivité naturelle.

Les dimensions des secteurs d'élevage intensif seront calcul1ees non seulement par rapport à des critères commerciaux mais principalement en fonction du bénéfice énergético-productif que les secteurs extensifs pourront tirer de leur intégration avec les secteurs intensifs. La potentialité de production de la valliculture intégrée, sur la base de cet équilibre, réunit donc celle des secteurs intensifs et celle des secteurs extensifs atteignant ainsi des niveaux remarquablement élevés. Des installations expérimentales situées dans la Vénétie ont démontré qu'il était possible d'obtenir des productions d'environ 1 000 kg/ha/an provenant pour 60 – 70 % des secteurs intensifs et 30 – 40 % des extensifs.

L'expérience a déjà montré l'intérêt de “multiplier” les lignes de production opérant dans les bassins extensifs en régime de polyculture rationnelle, de façon à mettre à profit la plus grande partie possible de la structure trophique à disposition.

Par conséquent, on devra accorder une grande importance au choix des espèces à élever, au rapport de poids entre les populations ichtyques, au temps ainsi qu'aux méthodes concernant leur introduction dans le milieu, à la succession des types de culture et aux interventions opérationnelles visant à soutenir les vitesses de production.

On affirme, avec raison, que plus bas est le niveau trophique dans lequel s'insère un organisme élevé, plus grand est le rendement énergétique du processus de production. Il est toutefois bon d'observer que certaines espèces de poissons ou de crustacés même si elles sont placées à un niveau trophique plutôt élevé (3° ou 4°) se nourrissent de petits organismes benthoniques ou planctoniques qui ne peuvent d'aucune autre façon augmenter la production intéressante pour l'homme, si ce n'est justement à travers une action qui les introduira dans la chaîne alimentaire montante ou prédatrice, tout en les empẽchant de tomber dans la chaîne descendante ou saprophyte. En d'autres termes, on obtient une économie d'énergie évitant ainsi une diminution de vitesse de production.

Les possibilités d'application du modèle de “valliculture” vénitienne

Là où la valliculture traditionnelle (ou si l'on veut la pisciculture extensive), est ou peut être pratiquée, la valliculture intégrée peut l'être à son tour. Le modèle peut être sans aucun doute valable pour toute l'aire méditerranéenne et peut être introduit dans les lagunes ou les estuaires, dans les étangs, marais, ou dans les terrains côtiers inondables avec des résultats d'autant plus satisfaisants que les conditions climatiques sont plus favorables.

4) Les circuits des déchets dans un système de valliculture intégrée.

Ce schéma représente un système complet à partir de la reproduction artificielle jusqu'au produit fini.

Nous pouvons constater que les déchets font partie intégrante du régime productif. Un complexe bien équilibré et bien maîtrisé devrait et pourrait dispenser, par son flux hydrique ou décharge, moins de nutrients qu'il n'en introduirait en puisant l'eau de l'écosystème extérieur.

3) A ce propos, nous pouvons en particulier voir les circuits trophiques fondamentaux et les principales sorties productives des systèmes de valliculture intégrée.

Ici aussi, on peut observer comment les secteurs d'élevage intensif introduisent de l'énergie dans les circuits naturels, sous forme de matière organique.

Principaux problèmes liés aux programmes de développement

Pour conclure, nous voudrions mettre en relief les principales difficultés liées au développement de la valliculture et donc de la pisciculture en eau salée ou saumâtre. Non pas tant pour que le pessimisme l'emporte sur l'emporte sur l'optimisme, que parce que nous croyons qu'un programme sérieux doit reposer sur une vision réaliste, d'une part des possibilités effectives et, de l'autre, de difficultés qui sont loin d'être légères.

Nous laissons de côté ici les problèmes soulevés par la formation du personnel, la commercialisation des produits, le financement des diverses initiatives et d'autres encore, non parce que nous les jugeons peu importants, mais plutôt parce qu'il faut, selon nous, donner la premières place à ceux qui concernent :

  1. l'approvisionnement en alevins,

  2. la défense écologique et l'affectation du territoire

a) Approvisionnement en alevins

Pour l'ensemencement avec des espèces de poissons marins, on continue aujourd'hui encore, à prélever des alevins en mer (exception faite, dans une certaine mesure, de quelques espèces), ce qui, d'une part, favorise la pratique de l'élevage dans des zones où il y a une abondante production d'alevins (zones méditerranéennes méridionales) et, de l'autre, encourage les éleveurs travaillant dans les zones moins ou pas “dotées” (zones méditerranéennes septentrionales) à aller pêcher du matériel nouveau à très grande distance et à le transporter jusqu'à leurs installations. Etant donné que la pisciculture en eau salée ou saumâtre utilise presque uniquement des espèces à reproduction marine, la poursuite et le développement de cette activité sont inévitablement liés aux disponibilités correspondantes d'alevins.

C'est pourquoi il faudra, d'une part, appliquer des technologies de capture, de transport et d'élevage propres à assurer la meilleure utilisation possible des ressources actuelles (ce qui offre déjà la possibilité de tripler en moyenne les taux de survie et donc le potentiel productif) et, de l'autre, recourir à l'application à l'échelle industrielle de techniques de reproduction artificielle.

On se demande souvent si la recherche d'alevins en mer n'a pas pour effet d'appauvrir les ressources productives générales. En principe, la réponse ne peut être que rassurante si l'on considère la faiblesse des taux de survie dans la milieu marine. Dans la pratique, plus nombreux seront les alevins transférés de la mer dans les élevages, plus satisfaisants sera le résultat sur le plan de la production. Les questions à poser à ce propos sont plutôt -à notre avis- les suivantes:

  1. Combien d'alevins la mer peut-elle fournir ?

  2. Que peut-on faire pour maintenir (augmenter si possible) ce précieux potentiel?

Il est difficile de répondre à la première question sans procéder à des enquêtes minutieuses et portant sur une très vaste zone géographique. Pour le moment, on ne peut recourir qu'à des évaluations très approximatives dont on peut toutefois déduite que l'actuelle production commerciale des stations d'élevage méditerranéennes provient de quelques centaines de millions d'alevins et que l'on pourrait vraisemblablement doubler la quantité d'alevins disponibles en aménageant à cette fin des zones de lagunes et d'estuaires qui ne sont actuellement utilisées ni pour la pêche ni pour l'élevage.

En réponse à la seconde question, nous devons faire observer que la capture quasi intégrale des alevins nés en mer, entrainerait, à très long terme peut être, une diminution du nombre des reproducteurs “libres” (diminution d'autant plus forte que les élevages seraient plus perfectionnés) et donc finalement une pénurie d'alevins. Il nous semble que cet aspect est justement celui qui mérite d'être examiné attentivement, en considérant qu'il pourrait, peut être, se révéler opportun, non pas tant de renoncer à capturer des alevins que, plutôt, de restituer à la mer un certain nombre de reproducteurs parvenus à maturité.

Au-dessus toutefois de toutes ces considération, nous avons le fait que seulement la reproduction artificielle peut assurer le développement de la pisciculture côtière ; celà seulement donne en effet le contrôle du cycle de production sans lequel la pisciculture ne pourra jamais être une bioculture autonome et complête.

b) Défense écologique et destination du territoire

La défense écologique du territoire (dans notre cas des côtes, de la mer, des masses d'eau, des lagunes, des estuaires, des cours d'eau, etc …) est essentielle non seulement pour la promotion de nouvelles entreprises de pisciculture, mais aussi pour assurer la survie même des entreprises existantes.

Il existe encore heureusement de vastes et nombreuses zones en bonnes conditions écologiques, mais on ne peut nier que beaucoup d'entre elles ne le soient déjà plus et que d'autres encore soient plus ou moins menacées.

En principe, la pisciculture n'est pas incompatible avec d'autres activités ; il en est au contraire quelques-unes de type industriel, avec lesquelles elle peut s'accorder pleinement ; elle peut aussi quelquefois tirer carrément parti de leur présence comme lorsqu'elle utilise certains effluents chauds. Cependant, il serait absurde de penser qu'il n'y aura ni dommages ni conflits si l'on ne se décide pas à faire de la pisciculture, dans certaines zones, une activité nettement privilégiée par rapport à toute autre.


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