Mr. D. COVES
I. INTRODUCTION
De 1974 à 1982, la technique d'élevage larvaire du loup a permis la production de plusieurs centaines de milliers d'alevins par an dans les écloseries françaises.
Cependant, les résultats étaient incertains, irréguliers et souvent faibles avec un taux de survie compris entre 0 et 40% à l'issue des deux premiers mois d'élevage.
Les producteurs devaient donc utiliser de grandes capacités d'élevage et d'énormes quantités de larves pour assurer une production suffisante.
Depuis 1983, la station expérimentale de PALAVAS a mis au point une technique permettant dans un premier temps d'améliorer le comportement des larves, leur survie et dans deuxième temps la qualité des animaux produits.
De plus la grande fiabilité de cette techique démontrée à l'échelle d'un pilote semi-intensif et intensif permet désormais de proposer des normes technologiques et d'évaluer les coûts de production pour cette phase de l'élevage du loup.
II. RAPPEL DES CONDITIONS D'ELEVAGE ET DES POINTS DE BLOCAGR RENCONTRES AVEC LA TECHNIQUE “EAU VERTE”
II. 1. Conditions générales d'élevage
La technique d'élevage larvaire faible densité dite semi-intensive de type “eau verte” a été décrite par BEDIER (1979). Elle se caractérise par les paramètres principaux suivants:
Mise en élevage à une concentration initiale faible de 20 larves par litre en moyenne dans un bassin de 10 m3 de couleur noire.
Le milieu d'élevage est stagnant avec un bloom phyto-planctonique pendant les 20 premiers jours. Le renouvellement de l'eau se fait ensuite progressivement par fraction du volume.
L'élevage artificiel de type incandescent à mercure et/ou fluorescent induit une intensité de 2 000 à lux à la surface des bassins dès l'éclosion.
II. 2. Anomalies recontrées
Deux anomalies principales survienment alors fréquemment:
Une anomalie de type comportemental a lieu entre le 20ème et le 30éme jour de l'élevage (température de 18°C à 20°C). Elle se caractérise par une crise de tourni accompagnée d'une perte d'appétit et la production de fèces blanches. Dans certains cas, ces symptômes sont suivis d'une mortalité totale du cheptel.
Des anomalies de type anatomiques. D'une part, certains élevages comportent
un pourcentage élevé d'individus présentant des malformations des ares mandibulaires
(prognathe, operculés uni ou bi-latéraux); d'autre part, une malformation
squelettique de type lordose apparaît sur 80 à 90% des animaux
dès la taille de 20 mm (CHATAIN en préparation). De telles quantités d'animaux
ainsi fragilisés réduisent fortement les performances de l'élevage et les
taux de survie au sevrage restent médiocres (CHATAIN en préparation).
Dans ce dernier cas, il existe une corrélation entre la présence d'une lordose
et l'absence d'une vessie gazeuse fonctionnelle (CHATAIN en préparation).
III. RESOLUTION DES POINTS DE BLOCAGE
III. 1. Démarche pragmatique
Dès 1984, l'effort a été porté sur l'amélioration globale de la qualité du milieu d'élevage. La démarche a d'bord été pragmatique et la technique s'est orientée au mieux vers la reproduction des conditions naturelles de vie des larves (COVES on préparation, COULET, 1985).
Par conséquent, l'eau verte a été et un renouvellement d'eau continue mis en place dès le début de l'élevage. D'autre part, la lumière artificielle (type néon) a été remplacée par la lumière naturelle de plus faible intensité (maximum 1 000 à 1 500 lux au zénith de novembre à mars) et donc discontinue (9 à 12 heures de jour pendant la saison d'élevage).
Sur le principe de cette méthode, deux techniques d'élevage sont simultanément utilisées . L'une, dite intensive, se pratique dans des bassins de 2 m3 avec une forte densité larvaire au départ (50 – 100 larves par litre), l'autre, dite semi-intensive, dans des bassins de 10 m3 avec une faible densité larvaire (10 – 25 larves par litre) (Tab. № 1 page 6).
Les résultats obtenus à l'échelle des deux pilotes sont d'emblée très significatifs:
La crise de tourni est totalement supprimée ainsi que les anomalies mandibulaires et operculaires.
La survie progresse de 15% à 40 – 50% en moyenne (Fig. № 1, 2, 3, 4, et Tabl. № 2 pages 7, 8, 9, 10 et 11).
Les résultats obtenus sur l'ensemble des essais montrent une bonne fiabilité de la méthode lorsque des problèmes purement technologiques (pompage, chauffage) sont maîtrisés.
Le pourcentage moyen des animaux présentant une vessie natatoire fonctionelle est amélioré mais les résultats sont sont encore irréguliers (Fig. №1 et 3, page 7 et 9, Tab. № 2 page 11).
III. 2. Démarche expérimentale
Parallèlement aux essais pragmatiques réalisés à l'échelle pilote, plusieurs hypothèses ont été testées à l'échelle expérimentale dans de petites unités cylindro-coniques d'une volume utile de 500 litres.
En 1985, les résultats décrits ci-dessous ont été transférés à l'échelle d'un pilote intensif pour donner naissance à une nouvelle technique d'élevage extrêmement fiable et performante.
III. 2. 1. Influence de la couleur des bassins
La comparaison est réalisée entre des bassins à parois blanches et d'autres à parois noires.
Les conclusions sont nettes. La couleur noire des parois favorise le le comportement, la prédation, la croissance et la survie (RONSANI en préparation)
III. 2.2. Influence du paramètre lumière incidente
Les différents essais réalisés dans bacs à parois noires avec un éclairage artificiel de type incandescent ont permis de révéler le rôle prépondérant du paramètre lumière sur la qualité de l'élevage.
a) La photopériode
Un éclairage continu défavorise (l'inflation de la vessie gazeuse et ne permet pas une bonne consommation des proies pendant l'intervalle de temps correspondant à la phase nocturne naturelle (RONZANI en préparation).
b) L'intensité lumineuse
Lors d'une première expérience, une gamme 70 lux - 1 800 lux est testée pendant les 40 premiers jours d'élevage. L'intensité testée est stable durant 9 heures sur 24. Seul le doublet 1 800 lux présente une anomalie de comportement et le phénomène de tourni du 20ème au 30ème jour (WEPPE, JOASSARD en préparation).
Lors d'une deuxième série d'expériences, la gamme 50–5 000 lux est testée pendant les 20 premiers jours d'élevage. Aucune corrélation n'a pu être mise en évidence entre l'intensité lumineuse et le taux d'inflation de la vessie gazeuse (JOASSARD en préparation).
III. 2. 3. Influence de l'environnement et de la séquence alimentaire
De récentes expériences ont permis de définir une nouvelle méthode d'élevage en contrôlant l'environnement et la séquence alimentaire pendant les 15 premiers jours d'élevage. Cette technique donne enfin la possibilité à l'éleveur d'obtenir de forts taux d'inflation de la vessie gazeuse dès le 12ème jour, donc lui assure une production d'alevins de bonne qualités ne présentant pas de malformation squelettique.
Testée à l'échelle d'un pilote intensif, elle s'est révélée très fiable tant sur le rendement de l'élevage (survie entre 35 et 55 %) que sur la qualité de ce dernier (taux d'alevins normaux compris entre 75 et 95 % (Fig. № 3, page 9).
IV. NORMES TECHNICO-ECONOMIQUES
Le nombre d'essais à échelle expérimentale et la fiabilité des résultats lors de leur transfert à échelle pilote nous permettent d'ores et déjà d'évaluer des normes technico-économiques. Ces dernières sont d'autant plus réalistes que ces calculs portant sur l'élevage d'environ l million de larves de 45 – 50 jours produites à partir de 12 bassins de 2 m3 réalisés en 3 cycles durant la saison 1985 (Fig. № 4, page 10).
Plus que le bilan économique d'une technique de production, ces normes constituent un outil de programmation efficace. Ces chiffres montrent d'une part clairement que le coût de production hors amortissement d'une larve de 45 – 50 jours est relativement faible, soit 0,12 FF; d'autre seule une baisse du prix de l'aliment (représenté à 90 % par le prix des cystes) peut permettre une diminution sensible du coût de cette phase de l'élevage du loup. (Tab. №3 et 4, page 12 et 13).
V. CONCLUSIONS
Deux années de recherches 200techniques ont permis de lever des points de blocage importants qui rendaient hasardeux l'élevage du loup. Cette étape franchis permet maintenant à tout producteur potential d'envisager clairement la gestion de son entreprise. Il nous reste maintenant à aborder l'étape des gains de productivité qui resteront relativement faibles tant que l'artémia n'aura cédé la place à l'alimentation artificielle.
BIBLIGRAPHIE
BEDIER E., 1979 - Production à l'échelle pilote d'alevins de loup (Dicentrarchus labrax L.). Symposium on the early life history of fish - Woodshole, USA , 2–5 avril 1979.
COULET J. L., 1985 - Synthèse des données acquises sur l'élevage larvaire du loup (Dicentrarchus labrax). Technique semi-intensive et intensive. Rapport interne IFREMER, équipe MEREA - 27 pages.
TABLEAU №1: | REARING METHOD, 1984 |
INTENSIVE | SEMI-INTENSIVE | ||||
TANK | - volume(m3) | 2 | 10 – 15 | ||
- shape | cylindro-conical | circular | |||
- colour | black (white bottom) | black | |||
ONE DAY OLD LARVAE PER LITER | 50 — 100 | 10 — 25 | |||
LIGHTING [natural] | - period (h) | 9 – 12 | |||
- maximal intensity (lux) | 1000 – 1500 | ||||
WATER | - quality | opened circulating system | |||
- renewing rate (% total volume.h1) | 5 (D1) | 30–50 (D46) | |||
- temperature (°C) | 14 (D1) | 18–22 (D45) | |||
AERATION | (liter - mn-1 - m3 | 0.4 (D 1) | 3.0 (D46) | ||
PREYS | - Brachionus plicatllis (fed on yeast and algae) | D 6 | – | D 12 | |
- Artemia nauplii (San Gransisco) | D 9 | – | D 20 | ||
- Artemia metanauplii (fed on dry compounded powder) | D 16 | – | D 45 |
FIGURE №1: ELEVAGE LARVARE FAIBLE DENSITE DU LOUP, DICENTRACHUS LABRAX.
EVOLUTION DE LA SURVIE ET DU TAUX DE VESSIES NATATOIRES NRMALES A L'ISSUE DES 50 PREMIERS JOURS AU COURS DE LA PERIODE 1976–1984.
FIGURE №2: ELEVAGE LARVAIRE FAIBLE DENSILE DU LOUO. DIGENTRARCHUS LABRAX.
EVOLUTION DES RENDCMENTS ET DES PRODUCTION OBTENUS A L'ISSUE DES 50 PREMIERS JOURS PENDANT LA PERIODE 1976–1984.
FIGURE №3: ELEVAGE LARVAIRE HAUTE DENSITE DU LOUP, EICENTRARCHUS LADRAX.
EVOLUTION DE LA SURVIE ET DU TAUX DE VESSIES NATATIIRES NORMALES A L'ISSU DES 50 PREMIERS JOURS AU CODURS DE LA PERIODE 1981–1985.
* | RESULTAY DU PREMIER CYCLE 1985 |
** | RESULTAT DU DEUXIEME CYCLE 1985 |
*** | RESULTAT DU TROIXIEME CYCLE 1985 |
FIGURE №4: ELEVAGE LARVAIRE HAUTE DENSITE DU LOUP, DICENTRARCHUS LABRAX.
EVOLUTION DS RENDEMENTS ET DES PRODUCTIONS OBTENUS A L'ISSUE DES 50 PREMIERS JOURS PENDANT LA PERIODE 1981–1985.
TABLEAU №2 | AVERAGE PILOT PRODUCTION RESULTS, 1984 |
METHOD | rearing quality | total survival rate D 45 (%) | swimbladder inflation rate D 45 (%) | total fry number per m3 D45 | total normal* fry number per m3 D 45 |
SEMI-INTENSIVE | 1 | 57.0 | 48.5 | 10270 | 4980 |
2 | 57.0 | 48.5 | 10270 | 4980 | |
INTENSIVE | 1 | 22.5 | 28.0 | 21160 | 5890 |
2 | 44.5 | 23.0 | 44300 | 10080 |
* with an inflated swimbladder
1 means obtained from all attempts
2 means oblained from attempts realised without any trouble
TABLEAU №3 | SEA-BASS LARVAE REARING TECHNICO ECONOMIC RESULTS, 1984 |
INTENSIVE | SEMI-INTENSIVE | ||||||||||||
REARING METHOD AND RESULTS SUMMARY | |||||||||||||
* TANKS VOLUME (M3) | 2 | 10 | |||||||||||
* DI LARVAE A LITER | 100 | 18 | |||||||||||
* SURVIVAL RATE (%) | 44 | 57 | |||||||||||
* TEMPERATURE (°C) | 18 | 18 | |||||||||||
* RENEWING RATE(%) | 5 | → | 50 | 3 | → | 30 | |||||||
* AERATION (L.MN-1M-3) | 0.4 | → | 3.0 | 0.4 | → | 3.0 | |||||||
* PREYS | ROTIFERS | ► | ARTEMIA | ROTIFERS | ► | ARTEMIA | |||||||
10000 D45–50 LARVAE PRODUCTION COST | COST (FF) | % | % | COST (FF) | |||||||||
D1 LARVAE | 39.1 | 2.4 | 1.9 | 30.9 | |||||||||
* | Rotifers | 19.6 | ] | [ | 174.1 | ||||||||
PREYS | * | Nauplii | 25.0 | 56.3 | 77.8 | 3.7 | |||||||
* | Metanauplii | 866.0 | 1069.8 | ||||||||||
* | Heated water | 28.6 | ] | [ | 66.7 | ||||||||
FLUIDS | * | Normal water | 0.9 | 1.9 | 4.3 | 1.8 | |||||||
* | Air | 0.1 | 0.3 | ||||||||||
* | General | 205.0 | ] | [ | 198.0 | ||||||||
LABOUR | 39.5 | 16.0 | |||||||||||
* | Counting | 435.0 | 57.3 | ||||||||||
* TOTAL PRODUCTION COST | 1620 | 1603 | |||||||||||
TABLEAU №4: NORMES TECHNICO-ECONOMIQUES DE L'ELEVAGE LARVAIRE INTENSIF DU LOUP, 1985
1. | TECHNOLOGIE et RESULTATS | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
2. | COUTS DE PRODUCTION: | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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BIBLOGRAPHIE
BEDIER, E., 1979 - Production à l'échelle pilote d'alevins de loup (Dicentrarchus labrax L.). Symposium on the early life history of fish - Woodshole, USA, 2 – 5 Avril 1979.
COULET, J.L., 1985 - Synthèse des données acquises sur l'élevage larvaire du loup (Dicentrarchus labrax). Technique semi-intensive et intensive, Rapport interne IFREMER équipe MEREA - 27 pages.