3 Des problèmes profonds

3.1 Des systèmes pédologiques et hydrologiques au bord de la rupture

Les pressions qui sont exercées sur les systèmes pédologiques et hydrologiques compromettent la productivité agricole. Et cela se produit précisément aux moments et aux endroits où l’on a le plus besoin de croissance pour atteindre les cibles mondiales en matière d’alimentation durable. La dégradation des ressources en terres et la raréfaction de l’eau dues aux activités humaines augmentent les risques qui pèsent sur la production agricole et les services écosystémiques (carte S.12). Le changement climatique ajoute un nouveau degré d’incertitude quant aux risques agroclimatiques que doivent affronter les producteurs, notamment ceux qui sont les moins en mesure d’absorber les chocs et qui sont en situation d’insécurité alimentaire. L’instabilité du climat et les phénomènes hydrologiques et météorologiques extrêmes touchent l’ensemble des producteurs, mais les risques sont plus importants dans les zones les moins bien pourvues en ressources, dont la population est en expansion et qui ne disposent que de capacités économiques limitées pour adapter les systèmes alimentaires locaux ou trouver des solutions de substitution.

CARTE S.12. RÉGIONS EXPOSÉES À DES RISQUES, EN FONCTION DE L’ÉTAT DES RESSOURCES EN TERRES ET DES TENDANCES ENREGISTRÉES, 2015
Source: Coppus, forthcoming, modified to comply with UN, 2021.
Note: Risque biophysique global combiné à la tendance générale.
Source: Coppus, à paraître, modifiée pour être conforme à UN, 2021.
©FAO/Giulio Napolitano
©FAO/Giulio Napolitano

L’ampleur et l’intensité de l’utilisation actuelle des terres et de l’eau pour l’agriculture ne sont pas durables dans de nombreux endroits. Dans certains cas, le problème se pose à l’échelle mondiale, avec le risque que l’approvisionnement à flux tendus s’effondre, notamment si une sécheresse non anticipée venait à faire chuter fortement la production végétale.

Les projections dans le contexte du changement climatique montrent de quelle manière l’évolution des températures peut exacerber les risques en matière de production. La concurrence pour les terres et l’accès à l’eau est manifeste, notamment dans les communautés démunies, dont la sécurité alimentaire et les moyens d’existence dépendent directement de ces ressources. Les migrations forcées résultant des conflits augmentent la demande dans des économies fragiles, dont les ressources limitées s’épuisent rapidement.

©FAO/Albert Gonzalez Farran
©FAO/Albert Gonzalez Farran

Le risque de dégradation anthropique des terres touche principalement celles qui sont cultivées. Presque un tiers des terres cultivées sans irrigation et près de la moitié de celles qui sont irriguées sont exposées à ce risque (tableau S.5).

TABLEAU S.5. TERRES PRODUCTIVES EXPOSÉES À UN RISQUE DE DÉGRADATION, 2015
Source: Coppus, à paraître.
Note: Le terme «dégradation» correspond à des pressions élevées liées à des facteurs d’origine anthropique. Pour toutes les autres baisses d’état biophysique, on parlera de «détérioration».
Source: Coppus, à paraître.

Les terres cultivées menacées sont généralement celles qui ont été mises en production récemment. Elles sont soumises à des disponibilités limitées en eau douce et à une densité croissante de population. L’analyse de la fréquence des épisodes de sécheresse sur les terres cultivées sans irrigation montre cette concentration du risque de sécheresse dans les zones densément peuplées (carte S.13).

CARTE S.13. FRÉQUENCE DES ÉPISODES DE SÉCHERESSE SUR LES TERRES DE CULTURE PLUVIALE, 1984-2018
Source: FAO, 2020c, modified to comply with UN, 2021.
Source: FAO, 2020c, modifiée pour être mise en conformité avec UN, 2021.

La plupart des herbages menacés sont des espaces où les disponibilités en eau douce diminuent. On note quelques exceptions en Amérique du Sud et en Afrique subsaharienne, où la baisse de la productivité des terres et l’amoindrissement de la protection des sols sont dus à l’affaiblissement des services écosystémiques. En Asie, le stress hydrique croissant contribue aux risques qui pèsent sur les herbages. En Afrique subsaharienne, ceux-ci sont exposés à des incendies fréquents et intenses.

Les terres forestières sont menacées par le déboisement, et par ces mêmes incendies fréquents et intenses en Afrique subsaharienne. L’état biophysique de la plupart des régions exposées se caractérise par une teneur peu élevée des sols en matière organique et une faible biodiversité des espèces végétales, lesquelles subissent l’influence des cycles hydrologiques. On estime que la salinité entraîne chaque année le retrait de la production de terres agricoles d’une superficie comprise entre 0,3 et 1,5 million d’hectares et qu’elle diminue la productivité d’une superficie supplémentaire comprise entre 20 et 46 millions d’hectares. Le Département de l’agriculture des États-Unis indique que, chaque année, environ 10 millions d’hectares de terres arables cessent d’être utilisées à des fins agricoles en raison de la salinisation, de la sodisation et de la désertification.