La situation des forêts du monde 2022

Chapitre 5 Les petits exploitants, les communautés locales et les peuples autochtones ont un rôle crucial à jouer dans le développement des solutions forestières à une échelle plus grande

5.6 La participation des femmes et des jeunes est indispensable à une relance inclusive et à la création de chaînes de valeur locales dans la filière forestière

Dans le monde, 1,35 milliard de personnes vivent avec moins de 1,25 USD par jour et dépendent des ressources naturelles pour leur emploi: 829 millions d’entre elles, soit 61 pour cent, sont des femmes et des filles542, 543. Des données issues de plusieurs pays montrent qu’il est très bénéfique pour la conservation des forêts et le développement d’associer les femmes et les jeunes à la gouvernance des ressources naturelles. À titre d’exemple, selon une étude menée en Afrique de l’Est et en Amérique latine, la présence de femmes dans les structures de gouvernance des forêts communautaires a sensiblement renforcé les comportements responsables et la durabilité des forêts544.

L’inclusion des femmes dans la gouvernance des ressources forestières n’est pas toujours immédiatement réalisable. Lorsque la participation est subordonnée à l’existence de droits fonciers, il est nécessaire, étant donné que les femmes n’ont généralement pas de droits, ou peu, sur le foncier et sur les arbres, de faciliter le processus de garantie formelle de ces droits et de faire entendre la voix des femmes (voir l’encadré 42).

Encadré 42La participation des femmes à la formalisation des droits fonciers en Colombie

En Amérique latine, 33 pour cent des forêts sont soumises à des régimes fonciers collectifs et ce sont les communautés, essentiellement des peuples autochtones, qui en sont propriétaires545. Pourtant, malgré les dispositions légales, la formalisation des droits est un processus lent, complexe et coûteux, et il y a peu d’informations sur la manière dont les femmes y sont associées et sur les avantages qu’elles en tirent546,547. En Colombie, les organisations de femmes participent maintenant activement aux processus de formalisation et aux discussions sur la politique à suivre548. Cadasta (une organisation qui fournit des services techniques sur les droits à la terre et aux ressources) travaille avec Aso Manos Negra, une organisation dirigée par des femmes, pour cartographier les terres communautaires des AfroColombiens dans la région du Pacifique et établir des documents. Cadasta a instauré des systèmes et des formations pour aider ses membres féminins à recueillir des données sur les activités économiques des femmes et l’utilisation des terres, et à suivre les processus de formalisation. Elle fait également participer les femmes autochtones aux projets relatifs aux moyens de subsistance, à la planification de la gestion des ressources, à la planification de l’affectation des terres forestières et aux opérations de mise en œuvre549.

Les jeunes ont des qualités à faire valoir. Ils peuvent aider à rendre les entreprises forestières plus efficaces et plus productives, par leur énergie, leur enthousiasme, leur présence sur les réseaux sociaux et leur propension à prendre des risques. Ils ont peut-être aussi plus envie que d’autres groupes d’investir dans des projets ambitieux et sont moins susceptibles d’être freinés par l’opposition des autorités coutumières550. Enfin, ils disposent généralement d’un meilleur accès à l’éducation et à l’information que les générations précédentes, et peuvent donc proposer de nouvelles idées et des innovations organisationnelles, tout particulièrement en ce qui concerne les technologies de l’information. Les jeunes qui migrent vers les zones urbaines peuvent devenir des sources de financement (par le biais des envois de fonds), et ceux qui, à l’inverse, rentrent peuvent directement introduire de nouvelles connaissances et investir des fonds (voir l’encadré 43)551.

Encadré 43Les organisations de jeunes prennent part aux dialogues sur les politiques liées à REDD+

En Indonésie, le Groupe d’apprentissage sur la gouvernance forestière (Forest Governance Learning Group, FGLG) est né de l’engagement d’un groupe de jeunes forestiers. C’est aujourd’hui une instance multipartite qui développe un réseau pour aider à la fois le FGLG en Indonésie et la prochaine génération de forestiers. Les membres restent en relation avec le groupe tout au long de leur évolution professionnelle et ils défendent une gouvernance forestière communautaire respectueuse des droits des communautés locales. Récemment, FGLG Indonésie a contribué à la promotion d’une approche multisectorielle dans la stratégie nationale REDD+ de l’Indonésie, afin d’harmoniser la gouvernance forestière et les politiques relatives à l’agriculture, aux terres, au secteur minier et à la croissance économique, en mettant l’accent sur l’exploitation communautaire des forêts et la participation locale. FGLG Indonésie a facilité des consultations qui ont permis d’améliorer sensiblement la réglementation sur le bois de santal en Nusa Tenggara oriental, de créer de nouveaux outils d’apprentissage REDD+, de promouvoir une participation active à REDD+ et d’échanger sur le changement climatique et la politique de la forêt en Indonésie.

SOURCES: Institut international pour l’environnement et le développement. 2014. Forest Governance Learning Group – Indonesia – Supporting governance in REDD+ and community forestry. Londres. (également disponible à l’adresse suivante: pubs.iied.org/g03864). Siswanto, W. 2015. Arguing forests – The story of FGLG Indonesia. Rapport national. Londres, Institut international pour l’environnement et le développement. 35 p. (également disponible à l’adresse suivante: https://pubs.iied.org/13577iied).

Les organisations communautaires donnent des moyens d’action aux femmes et aux jeunes

Dans de nombreux pays, les organisations des secteurs forestier et agricole utilisent des stratégies de mobilisation des jeunes et des femmes afin d’élaborer des politiques visant à inclure ces groupes dans la gouvernance forestière et à renforcer leurs droits fonciers. Elles suivent un modèle d’activité qui a pour intérêt de créer des emplois, d’offrir aux femmes un accès aux marchés, d’avoir des retombées positives sur l’activité économique , à l'échelle des ménages et à plus grande échelle, et d’accroître l’accès aux services sociaux tels que les formations professionnelles, la garde des enfants et les congés de maternité: autant de mesures favorables à la participation des femmes au marché du travail, sur un pied d’égalité avec les hommes580.

Les organisations de producteurs dans les secteurs forestier et agricole aident aussi les femmes à créer des entreprises, pour favoriser l’entrepreneuriat féminin. Par exemple, il est possible de concevoir des programmes de formation différents pour les hommes et pour les femmes, qui s’adaptent aux plages horaires dont disposent les femmes, et qui ciblent des types d’entreprises qui conviennent à leur situation familiale. En Inde, une association d’auto-entrepreneuses (la Self Employed Women’s Association) dirige une école de gestion qui s’adresse aux jeunes femmes et à toutes celles qui se lancent dans la création d’entreprise. Les enseignements portent sur l’entrepreneuriat, le développement commercial, l’accès au marché, la gestion, les nouvelles technologies, la qualité des produits et la certification, les questions juridiques et financières, et la direction d’entreprise552. Former un plus grand nombre de femmes aux activités de vulgarisation peut être particulièrement important dans les communautés qui interdisent aux hommes d’interagir avec les agricultrices.

Les organisations du secteur forestier et agricole facilitent l’accès de groupes de jeunes aux terres, sous condition de performance553, 554. Elles ont contribué à la création d’entreprises agroforestières plus écologiques et plus durables, à l’intention des jeunes555. Par leur enthousiasme et leur propension à prendre des risques, les jeunes ont un rôle important à jouer dans la mise en place de nouveaux systèmes d’exploitation agricole qui pourraient être plus productifs: mise à l’essai de diverses cultures et de nouveaux arbres, nouvelles techniques d’agroforesterie et de conservation du sol, et nouvelles techniques de transformation, par exemple. Une étude récente sur la demande de connaissances, menée auprès d’organisations du secteur forestier et agricole, a établi que 59 pour cent des 41 organisations étudiées, dans six pays différents, avaient des programmes pour les jeunes556. Au Guatemala, par exemple, l’école commerciale d’agroforesterie rurale gérée par la fédération des coopératives de Las Verapaces est née des nombreux services que la coopérative fournit à ses 37 coopératives membres et à plus de 100 autres groupes de producteurs557.

La fourniture de services financiers est un autre facteur d’importance croissante, qui est lié à l’autonomisation des femmes. Il s’agit par exemple des services fournis par les associations rurales d’épargne et de crédit (VSLA) et les sociétés coopératives d’épargne et de crédit, qui affichent des taux de croissance parmi les plus élevés au monde chez les coopératives. Leurs membres sont principalement des femmes, qui sont souvent insuffisamment couvertes par les services bancaires formels580, 558. Au niveau mondial, les VSLA comptent plus de 11,5 millions de membres dans 73 pays et constituent plus de 660 millions d’USD d’épargne par an. Au total, les VSLA permettent à 2 milliards de personnes, dont une proportion élevée de femmes en milieu rural, de bénéficier d’un financement à des fins sociales ou pour une activité commerciale (voir l’encadré 44)559, 560.

Encadré 44Au Kenya, une organisation communautaire dirigée par des femmes donne accès à des financements

Thiongote est une organisation communautaire kenyane dirigée par des femmes et constituée de dix groupes d’exploitants œuvrant dans les secteurs forestier et agricole. Elle milite en faveur de l’agriculture durable et de l’agroforesterie, mène des campagnes de sensibilisation et de lobbying, crée des partenariats et facilite l’accès aux marchés et aux intrants. La plupart des membres réinvestissent leurs bénéfices dans des exploitations agricoles ou dans des programmes de formation ou des prêts. Un fonds collectif permet aux membres d’acheter en gros des semences et des plants de bonne qualité à moindre coût auprès des organismes publics.

SOURCE: Bolin, A. 2020. Women’s empowerment through collective action – How forest and farm producer organisations can make a difference. FAO et Institut international pour l’environnement et le développement. https://doi.org/10.4060/ca8713en

back to top HAUT DE LA PAGE