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Les défis que nous devons surmonter pour éliminer la faim, l’insécurité alimentaire et toutes les formes de malnutrition ne cessent de grandir. La pandémie de covid-19 a mis encore davantage en lumière les fragilités de nos systèmes agroalimentaires et les inégalités de nos sociétés, et a accentué la faim et l’insécurité alimentaire grave dans le monde. Malgré des progrès à l’échelle mondiale, les tendances en matière de dénutrition infantile – notamment le retard de croissance et l’émaciation, les carences en micronutriments essentiels, ainsi que l’excès pondéral et l’obésité chez l’enfant – continuent de susciter de profondes préoccupations. Par ailleurs, l’anémie maternelle et l’obésité chez l’adulte restent alarmantes.

Les données probantes les plus récentes dont on dispose indiquent que le nombre de personnes qui ne peuvent pas se permettre une alimentation saine a progressé de 112 millions à l’échelle mondiale pour atteindre au total près de 3,1 milliards, du fait de l’augmentation des prix des produits alimentaires durant la pandémie. Ce nombre pourrait encore être revu à la hausse une fois que les données relatives aux pertes de revenus en 2020 seront disponibles. La guerre en Ukraine déstabilise les chaînes d’approvisionnement et a des répercussions sur les prix des céréales, des engrais et de l’énergie. Au cours du premier semestre 2022, les prix des produits alimentaires ont ainsi encore augmenté. En outre, des phénomènes climatiques extrêmes plus fréquents et plus graves perturbent les chaînes d’approvisionnement, notamment dans les pays à faible revenu.

Les progrès accomplis s’agissant du retard de croissance – réduction d’un tiers de la prévalence au cours des deux dernières décennies, soit 55 millions d’enfants épargnés – risquent d’être anéantis par la triple crise (climat, conflit, pandémie de covid-19). En l’absence d’efforts supplémentaires, le nombre d’enfants souffrant d’émaciation ne pourra qu'augmenter.

Le présent rapport met en lumière de manière récurrente l’intensification des principaux facteurs d’insécurité alimentaire et de malnutrition: les conflits, les phénomènes climatiques extrêmes et les chocs économiques, dont les effets se conjuguent à ceux de l’accroissement des inégalités. L’enjeu n’est pas de savoir si d’autres épreuves sont à venir ou non; il s’agit plutôt de prendre les choses en main avec plus de courage et de renforcer la résilience face aux chocs futurs.

Les voies à suivre pour transformer les systèmes agroalimentaires ont été exposées dans le rapport de l’année dernière, mais le fait est qu’opérer cette transformation est plus facile à dire qu’à faire. Les perspectives de croissance économique mondiale pour 2022 ont été considérablement revues à la baisse; par conséquent, les ressources financières à investir dans les systèmes agroalimentaires sont plus limitées. Les partenariats public-privé seront extrêmement importants pour les investissements dans les systèmes agroalimentaires. Une gouvernance efficace sera également décisive pour veiller à ce que ces partenariats profitent au bout du compte aux communautés et aux personnes les plus démunies, et non aux acteurs majeurs du secteur.

Le présent rapport démontre que les pouvoirs publics peuvent investir plus équitablement et plus durablement dans les systèmes agroalimentaires, avec le même niveau de ressources publiques. Le soutien apporté par les pouvoirs publics à l’alimentation et à l’agriculture se chiffre à près de 630 milliards d’USD par an à l’échelle mondiale. Cependant, une grande partie de ce soutien fausse les prix du marché, est préjudiciable à l’environnement, nuit aux petits producteurs et aux peuples autochtones, et n’assure pas une alimentation saine aux enfants et aux autres personnes qui en ont le plus besoin.

Les pays importateurs de produits alimentaires apportent souvent un soutien public plus vigoureux, en particulier pour les céréales, afin de protéger leur secteur agricole de la concurrence internationale. Ce faisant, ils favorisent peut-être de manière disproportionnée la production de céréales au détriment des légumineuses, des graines, des fruits, des légumes et d’autres aliments nutritifs. Ces politiques contribuent à la sécurité alimentaire en veillant à un apport suffisant de calories, mais elles ne sont pas efficaces dès lors qu’il s’agit d’améliorer la nutrition et la santé, notamment des enfants.

Les éléments probants dont nous disposons indiquent que si les pouvoirs publics réorientent les ressources qu’ils utilisent pour soutenir principalement les consommateurs et pour encourager la production, la fourniture et la consommation durables de produits alimentaires nutritifs, ils contribueront à rendre l’alimentation saine moins coûteuse et plus abordable pour tous.

Les pouvoirs publics doivent s’engager dans cette étape importante de la transformation, mais celle-ci doit s’appuyer sur une architecture multilatérale dans le cadre de la Décennie d’action des Nations Unies pour la nutrition. Il faudra en outre, dans le cadre de la réorientation des mesures commerciales et des subventions, tenir compte des engagements que les pays ont pris et des flexibilités dont ils bénéficient au titre des règles de l’Organisation mondiale du commerce.

Le présent rapport est fondé sur des éléments factuels, et s’inscrit dans la dynamique du Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires et du Sommet de Tokyo sur la nutrition pour la croissance, qui se sont tenus l’année dernière, ainsi que des résultats attendus des négociations de la COP26 s’agissant du renforcement de la résilience climatique au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition.

Nous savons que les pays à faible revenu n’auront que très peu de ressources publiques à réorienter, et auront besoin du soutien financier international en faveur du développement. Ce sont des pays dans lesquels l’agriculture joue un rôle essentiel au regard de l’économie, de l’emploi et des moyens d’existence, et où des millions de personnes souffrent de la faim, de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition. Nous sommes résolus à travailler aux côtés de ces pays pour trouver des moyens de renforcer la fourniture de services publics qui soutiennent les acteurs des systèmes agroalimentaires à titre collectif, avec la participation des institutions locales et de la société civile, tout en nouant des partenariats public-privé.

Dans tous les contextes, les réformes visant à réorienter le soutien à l’alimentation et à l’agriculture doivent également s’accompagner de politiques qui favorisent les changements de comportement des consommateurs, ainsi que de politiques de protection sociale destinées à atténuer les éventuelles conséquences indésirables des réformes relatives au soutien public pour les populations vulnérables. Pour terminer, ces réformes devront être multisectorielles, et englober les politiques en matière de santé, d’environnement, de transport et d’énergie.

Nos organisations sont résolues et prêtes à appuyer les États et à apporter des alliés supplémentaires pour assurer la cohérence de ces politiques aux niveaux mondial et national. Chacun a droit à un accès à des aliments nutritifs et sans danger pour la santé ainsi qu'à une alimentation saine et abordable. L’investissement dans des systèmes agroalimentaires sains et durables est un investissement dans l’avenir, et dans les générations futures.

Qu Dongyu
Directeur général de la FAO

Gilbert F. Houngbo
Président du FIDA

Catherine Russell
Directrice générale de l’UNICEF

David Beasley
Directeur exécutif du PAM

Tedros Adhanom Ghebreyesus
Directeur général de l’OMS

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