Page précédente Table des matières Page suivante


II. Relever les dÉfis du XXIe siÈcle


15

La population de la planète devrait augmenter de moitié dans les 50 prochaines années, atteignant ainsi quelque 9,3 milliards d'habitants, pour se stabiliser autour de 10 milliards d'ici la fin du XXIe siècle. La croissance des populations rurales a déjà cessé dans bien des pays du fait de l'exode vers les villes et les prévisions indiquent une égalité de population entre les villes et les campagnes à l'échelon mondial, dès 2006. Un accroissement du revenu par habitant, accompagné d'une diminution progressive du nombre de personnes vivant des conditions de grande pauvreté, est attendu notamment dans les régions et les pays où le taux de croissance démographique est en baisse. Dans de nombreux pays d'Afrique et dans certaines régions d'Asie du Sud, la proportion de ceux qui vivent dans la pauvreté fléchira, mais l'on prévoit néanmoins une augmentation de ces populations en nombres absolus, du moins jusqu'en 2030, si les tendances actuelles se poursuivent.

16

Ces changements s'inscriront dans le cadre d'une interdépendance accrue entre les pays, à cause des avancées technologiques sans précédent dans le domaine des communications et des systèmes de transport, et de la multiplication rapide des transactions internationales. Ils laissent supposer que les politiques nationales tendront probablement à avoir une incidence sur d'autres pays, d'où la nécessité d'une meilleure compréhension de la nature même d'une telle interdépendance, notamment dans le secteur de l'alimentation et de l'agriculture.

Contribuer à l'éradication de la pauvreté et de la faim

17

Il est d'une très grande importance pour la FAO que le premier des OMD appelle à l'éradication de la pauvreté extrême et de la faim, considérant la reconnaissance croissante de la faim comme étant à la fois une cause et un effet de la pauvreté. Dans de nombreux pays en développement où une bonne partie de la population souffre encore de malnutrition chronique, réduire l'incidence de la faim favorisera une croissance économique plus rapide, améliorant ainsi les perspectives d'atténuation de la pauvreté.

18

L'éradication de la faim, un défi qui met l'humanité en échec depuis le début de son histoire et qui se situe au cœur même de l'action de la FAO, est sans aucun doute un objectif parfaitement réalisable au cours de ce siècle. Mais il faudra pour cela s'écarter des chemins habituels. Éliminer la faim exige des interventions délibérées et concertées à très grande échelle, sous la conduite des gouvernements mais avec la pleine participation de l'ensemble de la société. Les réductions du nombre des affamés interviendront plus rapidement si les pays adoptent des politiques assurant une répartition plus équitable des bénéfices de la croissance économique. Dans les pays où les ménages en état d'insécurité alimentaire se concentrent dans les zones rurales, un élément important de la solution réside dans l'accroissement du revenu agricole des petits exploitants et dans la promotion d'un développement fondé sur les activités non agricoles. Dans ce cas, toutefois, il ne s'agit pas de promouvoir l'escalade technologique d'un petit nombre d'agriculteurs, mais plutôt, du moins dans un premier temps, de permettre à des millions de ruraux pauvres de mettre en œuvre des changements simples, à leur portée et donnant lieu à une amélioration immédiate de leurs moyens d'existence et de leur nutrition. Cette position est conforme à la pensée des fondateurs de la FAO, qui avaient établi un parallèle entre «l'arithmétique du progrès et celle du commerce de masse: un petit profit par client multiplié par un nombre suffisant de clients produit un grand total».

19

L'avancée vers l'éradication de la faim sera accélérée par la mise en place de filets de sécurité destinés à assurer une nourriture suffisante aux ménages qui ne peuvent d'ordinaire ni produire, ni acheter les aliments dont ils ont besoin, et à éviter à ceux qui ont de quoi se nourrir mais qui pourraient souffrir de la faim en cas de crises, de devoir dans de telles circonstances se libérer de leurs maigres avoirs. Des dispositifs de protection de ce type peuvent être d'autant plus importants dans les pays où la pauvreté et l'insécurité alimentaire se concentrent dans les centres urbains. Ils peuvent revêtir différentes formes mais doivent être conçus de façon à ne pas induire une dépendance ou favoriser une distorsion des marchés, être ciblés avec attention afin que la plupart des bénéfices soient captés par ceux qui en ont le plus besoin, et comporter des coûts contenus.

20

Éliminer la faim et permettre ainsi aux plus démunis de participer aux processus économiques, ne constitue pas une dépense d'assistance, mais plutôt un investissement qu'aucun pays, aspirant à un taux de croissance durable élevé, ne peut se permettre d'ignorer. Les pays pauvres comme les pays riches reconnaissent de plus en plus que l'éradication de la faim à l'échelle de la planète n'est pas seulement une question de droits humains, mais qu'elle sert également leurs propres intérêts, puisque le monde en sera plus prospère et plus sûr. La vision des fondateurs de la FAO était que l'Organisation naissait d'un besoin complémentaire de paix et d'affranchissement de la faim: «la maîtrise de la faim et la couverture des besoins ordinaires d'une vie décente et digne», doivent rester le premier objectif de l'Organisation.

Renforcer la durabilité des systèmes de production et de distribution

21

Fort heureusement pour la plupart de l'humanité, la couverture des besoins mondiaux en denrées alimentaires et en produits de la forêt a pu être assurée tout au long de l'existence de la FAO, mais cela a comporté des coûts environnementaux et sociaux considérables qui dans bien des cas n'ont été ni calculés, ni payés. C'est un problème particulièrement important pour l'agriculture, les forêts et les pêches qui dépendent lourdement de l'exploitation des ressources naturelles et du travail de bon nombre des membres les plus vulnérables de la population mondiale.

22

D'immenses étendues de forêts primaires ont donc fait l'objet de coupes destructrices, labourées ou encore converties en pâturages à faible intensité, réduisant ainsi la diversité biologique et culturelle et causant la destruction de l'habitat des populations autochtones. Des millions d'hectares de terres fertiles ont été irrigués, sans que les investissements nécessaires au niveau du drainage aient été effectués, de sorte que ces terrains sont désormais salins et improductifs. De nombreux pays connaissent de graves pénuries d'eau, tandis qu'ailleurs on constate une pollution croissante des ressources en eau, superficielles et souterraines, due au lessivage des nitrates contenus dans les engrais et les pesticides. Paradoxalement, les résultats obtenus par les sélectionneurs de végétaux et par les éleveurs dans la sélection de plantes et d'animaux plus performants, contribuent à l'érosion de la biodiversité agricole, en rétrécissant la gamme des variétés et des races dont les programmes de sélection futurs dépendront. Les ressources halieutiques marines ont été décimées par la surexploitation des stocks. Les émissions de méthane provenant des rizières inondées et des élevages intensifs contribuent au changement climatique.

23

Un autre des effets significatifs de la croissance rapide de la production agricole a été un fléchissement marqué sur le long terme du prix des produits de base. Lorsque cela se traduit par une diminution des prix de vente au détail, un grand nombre de consommateurs à faible revenu est susceptible d'en bénéficier. Or cette baisse à long terme des prix a contribué à affaiblir également les revenus des producteurs, surtout dans les pays en développement qui, pour des raisons structurelles et institutionnelles, n'ont pas été en mesure d'effectuer des réductions comparables au niveau des coûts de production. Dans un marché mondialisé, l'agriculteur qui cultive un hectare de terre à la houe est en concurrence directe avec celui qui gère une exploitation agricole à forte intensité de capital, cultivant à lui seul des centaines d'hectares grâce à des systèmes de culture mécanisée et bénéficiant souvent de subventions et autres mesures à effet de distorsion sur les prix. De la même façon, la tentative faite par certains pays de protéger leurs producteurs face à l'évolution du marché mondial, et notamment contre l'affaiblissement tendanciel des prix et l'instabilité des marchés, comporte de plus lourdes charges pour les pays et les producteurs qui ne peuvent se permettre de telles politiques. Les pressions économiques et sociales qui en résultent ont des effets dévastateurs sur de nombreuses sociétés rurales. Une interdépendance grandissante signifie également qu'un grand nombre de ressources partagées risquent d'être surexploitées dans le but d'accélérer la croissance, si elles ne sont pas gérées selon des pratiques convenues par les pays intéressés. Cela concerne de nombreuses ressources d'une grande importance pour l'alimentation et l'agriculture, notamment l'eau, les ressources marines, les forêts et les ressources environnementales, y compris le climat.

24

Ces questions revêtent une importance fondamentale pour la durabilité à long terme des écosystèmes terrestres fragiles et pour les conditions de vie, en particulier celles des populations autochtones, en milieu rural, et donc pour le bien-être futur de l'humanité, comme cela a été reconnu par les fondateurs de la FAO. Elles nécessitent des efforts concertés au sein des organisations du système des Nations Unies, des institutions internationales de recherche et du secteur privé, pour la mise au point de systèmes de production, de traitement et de distribution qui soient véritablement durables dans le sens où, tout en répondant aux besoins de la population mondiale tout entière, ils ne contribuent plus à la dégradation ou à l'épuisement des ressources naturelles de la planète, à l'accélération des changements climatiques ou à l'appauvrissement de la société rurale, en termes aussi bien culturels qu'économiques.


Page précédente Début de page Page suivante