La pomme de terre

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La pomme de terre contient les glycoalcaloides alpha-solanine et alphachaconine (Maga, 1980), concentrés principalement dans les fleurs et les germes (200-500 mg/100 g.). Dans les tubercules de pomme de terre sains, la concentration de glycoalcaloïdes est habituellement inférieure à 10 mg/ 100 g et elle diminue normalement avec l'épluchage (Wood et Young, 1974; Bushway et al., 1983). Dans les variétés amères, la concentration d'alcaloïdes peut atteindre 80 mg/100 g dans le tubercule entier et 150 à 220 mg/100g dans la peau. La présence de ces glycoalcaloïdes est imperceptible aux papilles gustatives à moins que la concentration n'atteigne 20 mg/100 g quand le goût est amer. A de plus fortes concentrations, ils causent une sensation de brûlure persistante comme le piment rouge. A ces degrés de concentration, la solanine et d'autres glycoalcaloïdes sont toxiques. Us ne sont pas détruits durant la cuisson normale car la température de décomposition de la solanine est d'environ 243 °C.

La teneur en glycoalcaloïdes peut augmenter dans les pommes de terre exposées à une lumière vive pendant de longues périodes, ou à la suite de meurtrissures produites au moment de la récolte ou au cours de la manipulation après-récolte et de l'entreposage à des températures inférieures à 10 °C (Jadhav et Salunkhe, 1975). Les glycoalcaloïdes sont des inhibiteurs de cholinestérase et causent des accidents hémorragiques dans le tractus gastro-intestinal et dans la rétine (Ahmed, 1982). L'empoisonnement par la solanine rend très malade mais n'entraîne que rarement la mort (Jadhav et Salunkhe, 1975).

La pomme de terre contient également des inhibiteurs de protéinase qui représentent une défense efficace contre les insectes et les micro-organismes mais ne posent pas de problèmes à l'homme car ils sont détruits par la chaleur. Des lectines et des hémoglutélines sont aussi présentes dans la pomme de terre. Ces toxines sont capables d'agglutiner les érythrocytes de plusieurs espèces de mammifères dont l'homme (Goldstein et Hayes, 1978), mais cet effet n'a guère d'importance du point de vue nutritionnel puisque les hémoglutélines sont également détruites par la chaleur, et qu'en règle générale on fait cuire les pommes de terre avant de les manger.

Le taro

La forte teneur en cristaux d'oxalate de calcium - environ 780 mg pour 100 g - dans certaines espèces de taro, Colocasia et Xanthosoma, expliquerait en partie le goût âcre de ce végétal et l'irritation qu'il provoque. L'oxalate tend aussi à précipiter le calcium et à le rendre inassimilable par l'organisme. Oke (1967) a analysé en détail le rôle de l'oxalate dans la nutrition, y compris son rôle éventuel dans l'oxalurie et la lithiase rénale. L'âcreté des cultivars de taro à forte teneur en oxalate peut être réduite par l'épluchage, le râpage, le trempage et la termentation durant la transformation.

L'âcreté est due aussi aux enzymes protéolytiques comme dans les venins de serpent. On a tenté d'isoler ces enzymes du taro, Colocasia esculenta, et le composant principal a été appelé «taroine» par Pena et Pardales (1984).

Bananes et plantains

Les bananes et les plantains ne contiennent pas une quantité importante de principes toxiques, mais renferment de la sérotonine, de la dopamine et d'autres amines biogènes en fortes concentrations. La dopamine est responsable du bruissement enzymatique de la banane coupée en rondelles. L'ingestion de grandes quantités de sérotonine présente dans les plantains a été associée à l'étiologie de la fibrose endomyocardique (Foy et Parratt, 1960). Toutefois, Ojo (1969) a montré que la sérotonine est rapidement éliminée du plasma circulant et ainsi ne contribue pas à des concentrations élevées d'amines biogènes chez les Nigérians en bonne santé. Shaper (1967) a confirmé qu'il n'y a pas suffisamment de preuves pour considérer sa concentration dans les plantains comme un facteur dans l'étiologie de la fibrose endomyocardique.

L'igname

L'igname comestible, arrivée à maturité et cultivée ne contient pas de principes toxiques. Cependant, des principes amers tendent à s'accumuler dans les tissus des tubercules encore verts de Dioscorea rotundata et de D. cayenensis. Il peut s'agir de polyphénols ou de composés semblables au tanin (Coursey, 1983). Certaines espèces sauvages de D. dumetorum contiennent des principes amers, d'où leur nom d'ignames amères. Normalement, on ne les mange pas, sauf pendant les disettes. On les détoxique généralement en les faisant tremper dans un récipient d'eau salée, dans de l'eau douce chaude ou froide ou encore dans un ruisseau. Le principe amer est l'alcaloïde dihydrodioscorine, tandis que celui de l'espéce malaise D. hispida est la dioscorine (Bevan et Hirst, 1958). Ce sont des alcaloïdes hydrosolubles qui, lorsqu'ils sont ingérés, provoquent des symptômes sérieux et pénibles (Coursey, 1967). Des cas graves d'intoxication par les alcaloïdes peuvent être mortels. On n'a pas signalé la présence d'alcaloïdes dans les variétés cultivées de D. dumetorum.

Dioscorea bulbifera est appelée igname bulbifére ou pomme en l'air, et serait originaire d'un centre indo-malais. En Asie, on a recours aux méthodes de détoxication, extraction par l'eau, fermentation et rôtissage du tubercule râpé pour les cultivars amers de cette igname. Les principes amers de D. bulbifera comprennent un 3-furanoside norditerpène appelé diosbulbine. Ces substances sont toxiques et à l'origine d'une paralysie. Les pécheurs utilisent quelquefois des extraits pour immobiliser les poissons et les prendreplusfacilement. La toxicité est aussi parfois causée parles saponines présentes dans l'extrait. Les Zoulous utilisent cette igname comme appât pour les singes et les chasseurs malais l'emploient pour empoisonner les tigres. En Indonésie, un extrait de D. bulbifera sert à préparer un poison pour les flèches (Coursey, 1967).

Le phytate

Le phytate est une substance de réserve de phosphore que l'on trouve dans les graines des végétaux et dans bon nombre de racines et tubercules (Dipak et Mukherjee, 1986). L'acide phytique a la capacité de lier le calcium, le zinc, le fer et d'autres minéraux et réduit de ce fait leur assimilabilité dans l'organisme (Davis et Olpin, 1979; O'Dell et Savage, 1960). En outre, la formation complexe de l'acide phytique avec des protéines peut inhiber la digestion enzymatique de la protéine (Singh et Krikorian, 1982). Les carences en fer et en zinc se produisent chez les populations qui vivent de pain complet sans levain pour les quelles il représente la principale source de ces minéraux. Les carences ont été attribuées à la présence de phytates.

Récemment, Marfo et Oke (1988) ont montré que le manioc, le taro et l'igname contiennent respectivement 624 mg, 855 mg et 637 mg de phytate pour 100 g (tableau 7.4). La fermentation réduit la quantité de phytate respectivement de 88 pour cent, 98 pour cent et 68 pour cent, la réduction étant rapide pendant 48 heures mais très lente après 72 heures de transformation. Ainsi, la transformation en aliments fermentés réduira suffisamment la teneur en phytate des plantes-racines pour annuler son effet négatif. La perte de phytate en cours de fermentation est due à la phytase, enzyme naturellement présente dans les tubercules ou sécrétée par des micro-organismes de fermentation. La transformation en nbo ou en kokonte entraîne la perte de 18 pour cent seulement de phytate dans le manioc et de 30 pour cent dans le taro et l'igname (tableau 7.5). Le séchage au four réduit très peu la teneur en phytate par rapport à la fermentation. De même la cuisson a un effet sensible, aboutissant à une diminution du phytate de 62 pour cent, 65 pour cent et 68 pour cent respectivement dans l'igname, le taro et le manioc.

Tableau 7.4 Teneur en phytate de quelques tubercules non fermentés et fermentés (mg/g)

Echantillon Farine non fermentée Farines fermentées Perte de
phytate
    (24 h) (48 h) (72 h) (96 h) (%)1
Manioc 624 116 99 90 70 88,7
Taro 855 180 28 13 13 98,4
Igname 637 394 296 222 211 66,8

1La peste de phytate (en pourcentage) est la diminution du phytate après une fermentation de 96 heures exprimée en pourcentage de 1e teneur totale en phytate Source: Marfo & Oke, 1988.

Tableau 7.5 Effet de la transformation sur le phytate dans le manioc, le taro et l'igname

  Produit frais
et non
transformé
Produit
coupé en
tranches
et cuit
(ampesi)
Farine
cuite
formant
une pâte
(tuo,
kokonte)
Poudre
granuleuse
séchée
(gari)
Gari
en pâte
(éba)
Foufou
(cuit
et pilé)
Manioc 624 196 411 70 55 188
Perte de phytate
(%)1
 
- 68,5 18,1 86,0 89,0 69,8
Taro 855 302 592 9 8 281
Perte de phytate
(%)'
 
- 64,6 30,7 98,9 99,0 67,1
Ignarne 637 239 412 188 179 209
Perte de phytate
(%)'
 
- 62,4 30,8 70,4 71,8 67,1

1La perte de phytate (en pourcentage) est la diminuition du phytate provoquée par chaque méthode de transformation exprimée en pourcentage de la teneur totale en phytate. Source: Marfo & Oke, 1988.


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