Table des matières - Précédente - Suivante


La lutte contre le ruissellement et l'erosion linéaire

Elle consiste à réduire la vitesse du ruissellement et progressivement son volume.

AUX CHAMPS

Il est possible, par l'adaptation des techniques culturales et du couvert végétal de réduire le volume de ruissellement issu du champ. On a vu que le labour profond permet un meilleur enracinement, un meilleur stockage de l'eau en profondeur et donc un meilleur développement du couvert végétal, lequel entraîne une baisse significative de l'érosion et du ruissellement. Une autre technique consiste au contraire à ne jamais laisser nue la surface du sol, à travailler le sol au minimum et toujours localement sur la ligne de semis. Là aussi on constate que les eaux s'infiltrent par les macropores créées par la mésofaune et on constate une très faible érosion. Là où les vers de terre et les termites sont présents, ils vont consommer la litière déposée à la surface du sol, creuser des macropores et maintenir une excellente infiltration.

DANS LES VALLEES SECHES

Dans les vallées sèches, les petites ravines et les fonds de vallées drainées, il suffit bien souvent de ne pas cultiver le terrain ou de maintenir les terrains tassés sous prairie pour réduire les dégâts par érosion. On peut aussi installer "en V" au travers de ces vallées des obstacles vivants tels que des haies ou des obstacles morts tels que des balles de paille. Enfin, une autre solution, plus coûteuse, consiste à creuser des étangs d'orage ou à construire de petits barrages collinaires destinés à écrêter la crue, à intercepter les transports solides pour éviter que ces boues ne viennent dégrader les terrains habités. Il faut cependant considérer que cette méthode est coûteuse car elle immobilise du terrain et nécessite un curage régulier (voir Ouvry, 1990 dans le Pays de Caux, chapitre 15).

LA FIXATION BIOLOGIQUE DES PETITES RAVINES (Lilin, Koohafkan, 1987)

"L'activité des petites ravines est très variable d'une région à l'autre en fonction du stade de dégradation atteint. Si la végétation ligneuse constitue encore une armure défendant les bas-fonds, mais que celle-ci donne localement des signes de faiblesse, il convient simplement d'accorder une importance aux mesures préventives et de réduire le développement agricole dans les bas-fonds. Par contre, une fois que la ravine a commencé à inciser, il faut restaurer l'équilibre rompu.

On peut distinguer deux objectifs pour ces types d'aménagement.

L'objectif principal sera généralement l'amélioration de la productivité agricole ou forestière par la mise en valeur des atterrissements créés derrière chaque seuil dans le bas fond. Comme les phénomènes torrentiels sont peu importants, ces atterrissements ont souvent un potentiel productif élevé. A mesure que la terre s'accumule en amont du seuil, on peut y planter toutes sortes d'arbres fruitiers (exemple en Haïti: arbres à pain, manguiers, cocotiers et bananiers; en Algérie, poiriers, pommiers, abricotiers, noyers, ou peupliers, frênes, etc...) ou bien des espèces vivrières exigeantes en eau.

Le deuxième objectif est la réduction du débit solide et la régularisation des écoulements. Il concerne surtout les secteurs situés à l'aval de la zone traitée. Compte tenu des conditions écologiques et du matériel végétal disponible, l'accent doit être mis sur le traitement biologique des petites ravines. L'outil de base est un seuil placé en travers de la ravine et constitué par du matériel végétal vivant. Cet aménagement s'inspire de la technique des haies vives constituées de grandes boutures rapprochées, utilisées par les paysans pour clôturer les parcelles cultivées et les protéger contre le bétail. Cette dernière technique largement répandue en Haïti comme au Rwanda et au Burundi est bien maîtrisé par les paysans mais il convient de l'adapter aux problèmes spécifiques du traitement des ravines.

La construction d'un seuil fait appel à divers types de matériel végétal. Soit des grandes boutures d'espèces ligneuses, soit des plantes comme le sisal et des graminées pour mieux freiner l'eau et protéger l'aval de l'ouvrage contre l'affouillement. Le choix des espèces doit être guidé par leur adaptation aux exigences du traitement des ravines: résistance à une vitesse importante de l'eau, aux chocs et à l'écorçage comme à l'affouillement et à la submersion, vitesse de croissance élevée. En Haïti, on peut faire usage de l'Euphorbia lactea, divers sisals, Bromelia, Glyciridia sepium, Yucca, Bambusa vulgaris, Goyavier, Jatropha curcas, Cassia et Leucaena leucocephala. Mais dans chaque région il convient d'adapter cette liste de plantes utilisables et de préciser leurs conditions d'adaptation ainsi que les modalités de la production d'éclats ou de boutures et de plants racinés.

Après installation d'une haie vive en travers du lit, le filtre chargé de favoriser le dépôt des sédiments transportés par l'eau, est réalisé au moyen de branchages s'appuyant sur les plants installés. L'élévation de ce filtre doit suivre le rehaussement de l'atterrissement et la croissance des végétaux de la haie vive. En Haïti, pour la fixation des seuils il est souhaitable d'utiliser des boutures de l'ordre de 1,2 à 1,5 m dont 50 cm seront enterrés. Lorsque les conditions sont favorables, les boutures constituant le seuil peuvent être plantées directement au travers du lit, sans précaution en une ou deux rangées à faible écartement, environ 30 cm entre les boutures. Dans certains cas, la reconquête du lit actif de la ravine doit être entreprise à partir des deux berges; en particulier lorsque les colluvions sont régulièrement déblayées par les crues, lorsque les eaux vives, lors des plus fortes crues, arrachent la végétation. Dans ces conditions, il peut être possible de végétaliser la ravine en s'appuyant sur les arbres poussant sur les deux berges: par exemple en pliant deux boutures des berges opposées et en installant par dessous des corbeilles tressées remplies de terre ou des vieux pneus avec des boutures fixées dans ces corbeilles et sur les boutures initiales. De cette façon, on crée d'emblée des conditions plus favorables au démarrage de la végétation.

Lorsque le ravinement est déjà trop avancé, la technique consiste à construire un petit seuil en pierres sèches avant la plantation des ligneux. Ce seuil crée par son atterrissement un milieu favorable à l'installation des plants. Par ailleurs, il étale la nappe d'eau s'écoulant dans la ravine lors des crues et aide ainsi le seuil végétal à mieux résister à l'arrachage. Lorsque les pierres sont rares elles peuvent être remplacées par des sacs de récupération remplis de terre et protégés par une petite couche de cailloux ou de ciment ou simplement de terre surtout s'il s'agit de sacs plastiques dont la dégradation est accélérée par l'exposition aux rayons du soleil. Ces seuils en pierres ou en sacs de terre ont un rôle provisoire, la végétation du seuil biologique prenant ensuite le relais pour maîtriser le ravinement. Il n'est pas nécessaire de leur donner une hauteur importante: 50 cm à1 m de hauteur à la cuvette doit suffire, mais ils devront avoir une forme en V, concentrant l'écoulement dans l'axe de la ravine.

Une fois ces petits ouvrages construits, il convient de veiller à leur entretien:

- réparation des points faibles du seuil par plantation complémentaire,
- addition d'un filtre en résidus végétaux,
- prévention du contournement de l'ouvrage en installant une végétation protectrice le long des berges renforcées si besoin est, par la mise en place de branchages,
- prévention de l'affouillement à l'aval en limitant la hauteur de l'ouvrage et en installant certaines espèces à son pied: agaves et espèces fourragères à fort développement.

Généralement, cet entretien ne peut être assuré par les agents de l'Etat. Les paysans peuvent en assurer l'entretien au cas où ces seuils ont un impact suffisant sur la productivité agricole du bas fond. L'espacement entre les seuils de correction d'une petite ravine n'a pas besoin d'être calculé comme dans le cas du traitement des ravines importantes à fonctionnement torrentiel. En effet, l'épaisseur des alluvions est en général faible et de ce fait, lors du surcreusement local dû à la destruction d'un ouvrage, l'érosion régressive progresse moins vite vers l'amont que lorsqu'elle travaille dans des alluvions profondes. L'aménageur dispose donc d'une certaine souplesse dans la localisation des ouvrages. Il pourra en particulier démarrer le traitement là où la tenure des terres ne pose pas de problème et où les propriétaires riverains sont disposés à collaborer entre eux. En principe il faut intervenir en priorité sur les tronçons amont, là où les chances de réussite sont supérieures, compte tenu d'une torrentialité moindre. Une fois ces secteurs aménagés, le traitement de l'aval sera plus facile.

Deuxième priorité, il faut intervenir sur les tronçons de ravines propices à une certaine mise en valeur: configuration topographique permettant de créer un atterrissement important pour un même type d'ouvrage, proximité du village et accessibilité facilitant la surveillance et l'écoulement des récoltes."

LES GROSSES RAVINES TORRENTIELLES (Lilin et Koohafkan, 1987).

"Dans les grosses ravines à fonctionnement torrentiel, le barrage de correction torrentiel est l'outil de base de l'aménageur. L'aménagement peut avoir deux objectifs:

1. Stabiliser le profil en long de la ravine dans les secteurs où la tendance générale est au surcreusement. Ces ouvrages retiennent surtout la partie du versant qui serait peu à peu descendue dans la ravine (par sapement de berges et par glissement) si l'incision s'était poursuivie. Ils arrêtent l'érosion régressive au niveau de la ravine ainsi traitée.

L'objectif n'est donc pas ici de retenir beaucoup de sédiments, mais de limiter l'approfondissement de la ravine.

2. Retenir les sédiments dans les sections en transit où l'incision est faible. De "sous-produit", la fonction "retenue d'alluvions" devient ici principale. L'intérêt du stockage d'alluvions est lié soit à l'objectif "protection d'une retenue contre l'envasement", soit à l'objectif "amélioration des ressources en eau par étalement des crues et par développement de nappes souteraines dans les matériaux alluvionnaires retenus", soit à l'objectif de "protection contre les laves torrentielles des lieux habités".

Les principes généraux de l'aménagement des grosses ravines sont les suivants:

- Les barrages doivent avoir une grande durée de vie puisque la végétation ne pourra pas venir prendre immédiatement le relais. Ce seront des ouvrages en dur: en gabions mais surtout en maçonnerie de grosses pierres au mortier de ciment.

- La végétation joue un rôle important même si les barrages sont ici la partie centrale de l'aménagement. La végétalisation des atterrissements, sauf dans la partie centrale du canal laissée libre pour faciliter l'écoulement des crues:

• consolide les atterrissements, leur donne une pente plus forte, ce qui se traduit par un volume d'alluvions stockés supérieur;

• canalise et recentre les écoulements et évite ainsi les sapements de berges et le contournement des ouvrages;

• suivant le choix des espèces utilisées produit du bois, du fourrage ou des fruits dans un milieu par ailleurs peu propice aux cultures annuelles compte tenu de la torrentialité.

- Les ouvrages doivent s'appuyer les uns sur les autres, l'écartement étant calculé en tenant compte de la pente de compensation, c'est à dire de la pente observée au fond des ravines sur le terrain où l'on ne constate ni arrachement, ni sédimentation. Le principe de la correction en escalier doit être respecté si l'on veut assurer la pérennité de l'aménagement. Un écartement trop important ou la destruction d'un ouvrage compromet à terme la stabilité de tous les ouvrages supérieurs. En effet l'érosion régressive est particulièrement rapide lorsqu'une masse d'alluvions tapisse le lit de la ravine. Même lorsque cette érosion est moins rapide parce qu'elle doit inciser la roche en place, nous sommes obligés de raisonner sur des durées longues, compte tenu de la pérennité recherchée des ouvrages.

Lorsque l'écartement entre les ouvrages est trop important, la base d'un barrage est affouillée, le coût de l'opération est élevé (reprise de la maçonnerie en sous-oeuvre, construction d'un contre-barrage). Il est donc économiquement plus rentable de déterminer l'écartement entre les ouvrages de telle façon que le risque d'affouillement soit minimisé.

Lorsque l'objectif est de stabiliser le profil il faut traiter les sections où l'incision joue réellement un rôle. Dans ce cas, il suffit souvent d'installer des ouvrages de taille modeste pour cesser cette incision. Lorsque l'objectif est de stocker des sédiments, on intervient généralement plus à l'aval dans des sections à pentes faibles, ce qui permet de retenir un volume d'alluvions plus important pour une même hauteur d'ouvrage. Cet objectif conduit à donner une hauteur plus importante aux ouvrages.

Les travaux de correction torrentielle décrits constituent une technologie à la fois coûteuse et fragile. Le coût est lié à l'emploi de matériaux durables (gabion et maçonnerie) et à la nécessité de dimensionner largement les ouvrages pour leur permettre de résister aux diverses contraintes et risques (chocs de gros blocs, cisaillement des berges instables, renversement sous la pression de l'eau, affouillement, renardage, contournement, etc...).

La fragilité provient de ce que la destruction d'un ouvrage provoque souvent la ruine des ouvrages situés en amont sous l'effet de l'érosion régressive. L'écrêtement d'une grosse ravine n'est justifié que dans le cas où cette ravine menace des intérêts ayant une grande importance économique, là où un service chargé d'assurer l'entretien des ouvrages existe et dispose de moyens financiers importants et d'un personnel qualifié."

LE TRAITEMENT DES RAVINES MOYENNES PAR GENE MECANIQUE ET BIOLOGIQUE (Lilin et Koohafkan, 1987)

"Lorsque les petites ravines se sont dégradées suffisamment pour qu'il ne soit plus possible d'installer directement des barrages biologiques mais que le stade de ravinement torrentiel n'est pas encore atteint, il faut alors utiliser successivement des seuils pour fixer les fonds et ensuite une intervention biologique.

L'ensemble des principes nécessaires pour l'aménagement des ravines moyennes est présenté dans l'encart "dix commandements pour l'aménagement des ravines". Les seuils à construire n'ayant pas une durée de vie indéfinie il peut être économique de remplacer les seuils en pierres sèches souvent difficiles à trouver, et les seuils en gabion encore trop chers, par des seuils en grillage métallique dont le coût est généralement trois fois plus faible que les premiers. C'est ensuite à l'utilisation de la végétation que l'on doit la stabilisation finale de ces ravines. Il s'agit d'une part de fixer les sédiments dès qu'ils se sont déposés grâce à des herbes à rhizomes qui suivent progressivement l'élévation des sédiments; l'usage de lignes continues serrées d'arbustes sur les flancs de la ravine permet de recentrer les écoulements. D'autre part, dès qu'un volume suffisant de terre est rassemblé, on peut planter en bordure de la ravine, des grands arbres produisant du fourrage, des fruits ou du bois noble qui vont stabiliser les versants. Sur les flancs des ravines, il sera souhaitable de rechercher les espèces les mieux adaptées et les plus productives. En bordure de ravine, une ligne d'arbres peut aussi servir à isoler ce milieu qui reste toujours fragile.

Dans le cas de ces ravines petites et moyennes il est possible de développer une exploitation végétale intéressant les paysans. Ceux-ci pourront donc être formés à la maintenance de ce système de fixation et de correction des ravines et valoriser, par la même occasion, la production de fourrage, de fruits et de bois.

En Algérie par exemple, la durée de vie des barrages étant extrêmement réduite, de l'ordre de deux à dix ans pour les petits barrages collinaires et de vingt à cinquante ans pour les grands barrages, une action de restauration des terrains de montagne et de correction des ravines a été développée (figure 55). Celle-ci a pour rôle général d'arrêter l'érosion, c'est-à-dire de bloquer les ravines là où elles creusent. On installe des seuils dans des goulots d'étranglement profonds et étroits et l'on forme des seuils élevés que l'on peut surélever jusqu'à obtenir une pente d'équilibre du fond et des berges; il s'agit donc de gérer les sédiments. Mais, comme l'aménagement d'une ravine moyenne d'un kilomètre vaut de l'ordre de cent à cinq cent mille francs français et qu'il existe des dizaines de milliers de ravines à aménager, des études sont actuellement en cours pour réduire le coût de ces aménagements et d'autre part, pour chercher à valoriser ces aménagements (Roose, 1989; Bourougaa et Monjengue, 1989). Actuellement, des gabions sont installés au débouché des ravines secondaires dans les ravines principales mais des seuils en grillage léger permettent de fixer l'ensemble de ces ravines secondaires.

Valorisation des aménagements de ravine

[planches photographiques 14 et 15]

Le coût de la correction torrentielle et de l'aménagement des ravines est très élevé (environ 100 000 à 500 000 FF/Km): il ne se justifie que s'il existe en aval des barrages, des logements, des routes ou des ouvrages importants à protéger.

Mieux vaut prévenir que guérir et ne pas attendre que les sols soient profondément dégradés pour tenter de réduire le ruissellement et l'érosion dès qu'ils se forment sur les champs - en mettant au point des systèmes de production couvrant bien le sol.

FIGURE 55 : Différents types de seuils perméables peu coûteux souples, faciles à monter avec des matériaux produits localement

Seuil en grillage de fer galva. (maille 0,5cm.) tendu sur des fers cornières (45mm) enfoncés dons le sol sur 50 cm.

Seuil en pneus de > 1 m de 0 de récupération fixé par des fers cornières enfoncés de 50 cm dans le sol. Les vieux pneus sont ligaturés en place et remplis de terre locale

En sac plastique 100 de long, 60 large, épaisseur 1 mm

Seuils en sacs plastiques épais remplis de terre locale, déversoir renforcé par quelques socs de sable mélangé ou ciment

Prix pour seuil de 4 m3

2200 dinars

en gabion

(matériel + main d'oeuvre + transport)

84 %

en pierres sèches

à 90 dinars par jour

34 %

en grillage de fer


21 %

en toile brise-vent plastique


20 %

en pneus récupérés


(t 15 %)

en sacs plastique

1 dinar = 0,25 FF en juin 1992

en France = 500 FF/m3 de gabion

Cependant, les ravines, petites et moyennes, peuvent être traitées avec des seuils simplifiés, peu coûteux (20 % du prix des gabions), utilisant des matériaux non sophistiqués et une main d'oeuvre paysanne rapidement formée (figure 55).

L'originalité de la démarche, c'est, non seulement de bloquer l'érosion linéaire qui creuse les ravines, de stocker quelques dizaines de m3 de sédiments derrière les petits seuils, mais c'est surtout de valoriser l'eau stockée entre les sédiments captés derrière les seuils en produisant des fourrages verts en saison sèche et des arbres qui peuvent motiver les paysans à gérer correctement leurs terres et les ravines. C'est la condition essentielle pour passer d'un stade où l'Etat s'occupe de tout, à une étape où l'Etat favorise l'initiative paysanne indispensable pour le maintien de l'environnement rural.

Le stade ultérieur consiste à aménager d'abord les ravines secondaires avant de construire de petits barrages collinaires susceptibles d'alimenter en eau les paysans qui entretiennent les montagnes et qui manquent cruellement d'eau pour abreuver le bétail et irriguer un petit jardin à haute productivité.

DIX COMMANDEMENTS POUR L'AMENAGEMENT DES RAVINES

1. Tant qu'on n'a pas amélioré l'infiltration sur le bassin versant, il ne faut pas tenter de reboucher la ravine (sinon elle trouvera un autre lit), mais prévoir un canal stable capable d'évacuer les débits de pointe de la crue décennale (au minimum).

2. L'aménagement mécanique et biologique d'une ravine peut être réalisé progressivement en 1 à 6 ans, mais il doit concerner tout le bassin dès la première année. La fixation biologique d'une ravine vient consolider les versants et le fond de ravine stabilisé par différents types de seuils; si on inverse l'ordre, les plantes sont emportées avec les terres lors des crues.

3. L'emplacement des seuils doit être choisi avec soin selon l'objectif visé. Si on cherche seulement à rehausser le fond de ravine pour que les versants atteignent la pente d'équilibre naturel, il faut choisir un verrou, une gorge étroite où de nombreux seuils légers pourront s'appuyer sur des versants solides.

Si on cherche à fixer le maximum de sédiments ou à récupérer des espaces cultivables, il faut choisir les zones à faible pente, les confluents de ravines secondaires, les versants évasés et construire de gros ouvrages-poids qui seront rehaussés progressivement.

4. L'écartement entre les seuils est fonction de la pente du terrain. Le déversoir aval doit être à la même altitude que la base du seuil amont, à la pente de compensation près (1 à 10 % selon la nature du fond de ravine) qui peut s'observer sur place (zone stable sans creusement ni sédimentation). Dans un pemier temps on peut doubler cet écartement et construire les seuils intermédiaires dès que la première génération de seuil est comblée de sédiments: stabiliser immédiatement les sédiments piégés avec des plantes basses dans l'axe d'écoulement et des arbres sur les versants.

5. Pour éviter la pression hydrostatique des coulées, il vaut mieux drainer les seuils (grillage, chicanes ou pierres libres).

6. Les seuils doivent être ancrés dans le fond et les flancs de ravine (tranchée de fondation) pour éviter les renards et contournements. Au contact entre le sol limono-argileux et les pierres des seuils, il faut prévoir une couche filtrante de sable et de gravier pour éviter que les sous-pressions n'entraînent les particules fines et la formation de renards.

7. Le courant d'eau doit être bien centré dans l'axe de la ravine par les ailes du seuil, plus élevées que le déversoir central. Ce déversoir doit être renforcé par de grosses pierres plates + cimentées ou par des ferrailles pour résister à la force d'arrachement des sables, galets et roches qui dévalent à vive allure au fond des ravines.

8. L'énergie de chute de l'eau qui saute du déversoir doit être amortie par une bavette (enrochement, petit gabion, grillage + touffes d'herbes) ou par un contre-barrage (cuvette d'eau) pour éviter les renards sous le seuil ou le basculement du seuil.

9. Tenir le bétail à l'écart de l'aménagement: il aurait vite fait de détruire les seuils et de dégrader la végétation. En compensation, on peut permettre des prélèvements de fruits, de fourrages et plus tard de bois, en échange de l'entretien de l'aménagement.

10. L'aménagement mécanique n'est terminé que quand on a éteint les sources de sédiments, stabilisé les têtes de ravine et les versants. La végétalisation doit alors se faire naturellement si on a atteint la pente d'équilibre, mais on peut aider la nature en couvrant rapidement les sédiments (herbe) et en les fixant à l'aide d'arbres choisis pour leurs aptitudes écologiques et leur production. Il faut passer de la simple gestion des sédiments à la valorisation des aménagements.

Les ravines peuvent devenir des "oasis linéaires".

Chapitre 7 : L'érosion en masse


Les formes d'erosion en masse
Les causes et les processus des mouvements de masse
Les facteurs de risque de glissement de terrain
La lutte contre les mouvements de masse


Alors que l'érosion en nappe s'attaque à la surface du sol, le ravinement aux lignes de drainage du versant, les mouvements de masse concernent un volume à l'intérieur de la couverture pédologique. Nous ne présenterons ici que les principes généraux de prévention et de lutte contre les mouvements de masse à portée des paysans. Nous pensons que seul l'Etat dispose des moyens techniques, financiers et légaux, pour maîtriser les problèmes de glissement de terrain, souvent catastrophiques, et pour imposer des restrictions d'usage aux terres soumises à des risques majeurs de mouvement de masse.

Nous prions le lecteur de consulter les ouvrages du Cemagref (1984-85) et les références en annexe (en particulier Heusch, 1988) pour obtenir des informations plus spécialisées qui échappent au cadre de cet ouvrage sur la GCES.


Table des matières - Précédente - Suivante