DÉVELOPPEMENT FORESTIER
ET GRANDS DILEMMES
III. Patrimoine forestier et politique nationale
LES CHOIX DE POLITIQUES ET LES FORÊTS
Les Etats ont tendance à traiter des questions de patrimoine forestier par le biais de programmes et de projets plutôt que dans le cadre d'une politique nationale d'ensemble. Or, les forêts sont des éléments constitutifs des intérêts nationaux, tout comme l'infrastructure, l'éducation, les finances, les transports et l'énergie. De ce fait, les choix qui expriment et qui servent ces intérêts influent sur la qualité, la composition, la répartition et l'utilisation des forêts d'un pays.
Les gouvernements doivent veiller sur plusieurs types d'intérêts nationaux, notamment: i) le maintien de la souveraineté nationale et d'un équilibre international qui permette au pays de définir ses propres orientations; ii) la stabilité des forces socioéconomiques, de manière à garantir la sécurité, la croissance et un usage efficace de l'autonomie nationale; iii) la croissance économique; et iv) la répartition de la richesse et du pouvoir au service de la sécurité, de l'équité, de la stabilité et de la croissance. Toute politique nationale fait intervenir, à des degrés divers, l'ensemble de ces paramètres.
S'agissant des forêts, les paramètres les plus évidents de la souveraineté se rapportent au droit: i) d'utiliser les produits forestiers pour l'exportation ou comme substitut d'importation (par exemple, dans le domaine énergétique, comme matières premières industrielles, comme moyen de renforcer les réserves de devises ou de réduire la dépendance à l'égard des sources extérieures de capitaux); ii) d'accepter ou de rejeter les dispositions internationales (concernant, par exemple, la diversité biologique, le stockage du carbone, la protection des bassins versants, l'aménagement des forêts ou la gestion de la faune), en fonction des avantages et des inconvénients au plan financier, économique et politique; et iii) de développer un réseau de réserves naturelles (par exemple, encourager, décourager ou canaliser le tourisme et ses conséquences économiques et sociales).
Pour ce qui est des intérêts liés à la stabilité, les forêts répondent généralement à des besoins spécifiques. Ainsi, l'on peut moduler la cadence de l'exploitation forestière de manière à éviter les fluctuations excessives de l'activité économique: le patrimoine forestier sert alors de volant régulateur pour atténuer les cycles, par le biais des subventions et des mesures d'épargne forcée, parfois appliquées simultanément à des groupes différents. Les pressions exercées par les groupes réclamant des terres à vocation agricole, ou la nécessité d'un approvisionnement plus fiable en électricité (impliquant la construction de bassins de retenue), contribuent à accélérer la déforestation. L'industrialisation rapide peut également amener à préserver les forêts en tant qu'élément d'infrastructure, source d'approvisionnement en matériaux et facteur de stabilisation de l'environnement, ou encore pour satisfaire les besoins de loisirs et d'agrément d'une classe moyenne en expansion.
Les intérêts liés à la croissance concernent la conversion des forêts en d'autre formes de capital, leur mise en exploitation agricole ou leur utilisation en vue de recettes ou d'une consommation immédiates. A l'inverse, les gouvernements peuvent étendre les surfaces boisées afin qu'elles constituent une source de capital productif, d'infrastructure ou de combustible renouvelable, en vue de conserver les combustibles fossiles. Ils peuvent aussi préserver les forêts en vue d'en tirer ultérieurement des recettes; obtenir des capitaux pour la fourniture de prestations écologiques à l'échelle mondiale; renforcer le potentiel éducatif et les qualifications grâce à l'étude des forêts et aux initiatives sur le terrain; financer des établissements d'enseignement par l'exploitation forestière.
Les intérêts liés à la répartition concernent les politiques qui modifient l'accès aux forêts domaniales; redistribuent ces forêts à des particuliers ou à des collectivités; créent des régimes d'aménagement concerté des forêts par les autorités nationales et locales; réorientent les subventions ou les taxes sur les produits agroforestiers; modifient les structures commerciales et industrielles qui déterminent les montants et la répartition des avantages fournis par les forêts.
Les forêts figurent en bonne place dans les mécanismes d'orientation destinés à influer sur les relations politiques, sociales et économiques à l'échelle nationale. Ces mécanismes d'orientation créent, dans tout le pays, un éventail d'encouragements et de perspectives pour l'exploitation forestière. La façon dont les forêts sont utilisées dans un lieu donné dépend de l'intensité de la concurrence livrée par d'autres formes d'utilisation des terres, de l'accès aux marchés et aux ressources nécessaires à la foresterie, des droits accordés aux communautés locales qui en vivent, du coût des autre sources d'avantages offerts par les forêts, et du cadre social permettant la négociation et le respect des règles. Ces facteurs traduisent, de manière globale, l'économie et la société d'un pays ainsi que les politiques adoptées par ce pays pour les influencer.
Les modèles de cadre urbain, hydrologique et juridique de formation du paysage présentés dans l'encadré 18 proposent des moyens pour reconnaître, expliquer et orienter les interactions de politiques qui influent sur les modalités d'exploitation des forêts. Ces modèles de formation du paysage sont fidèlement transposés dans les modèles de politiques nationales qui différencient les secteurs urbains-industriels ainsi que les secteurs ruraux-agricoles. Ils fournissent une base permettant d'examiner, de comparer et de coordonner plus efficacement des politiques qui, à première vue, ne présentent guère de dénominateur commun.
ENCADRÉ 18 L'histoire permet de dégager trois paradigmes généraux de transformation des forêts. Il s'agit de modèles dynamiques, dont le moteur principal est le développement urbain ou industriel, l'aménagement des ressources hydriques et la protection imposée, par les pouvoirs publics des limites des forêts. LE CADRE URBAIN Le tissu urbain ou urbain/industriel associant densité démographique et forte activité économique et politique i) pénètre un arrière-pays en régression au moyen de ses routes, de ses marchés, de son administration et de sa technologie et ii) attire vers lui les populations et les produits de base. L'utilisation des terres et les configurations forestières qui en découlent évoluent en fonction des possibilités et des moyens de contrôle auxquels donne accès le système urbain. Nous présentons ci-après un exemple des effets du système urbain sur la répartition des zones boisées. La forêt d'arrière-pays classique - constituée de peuplements extensifs et clairsemés - disparaît à mesure que les réseaux routiers la pénètrent pour coloniser, développer et exercer le pouvoir. En revanche, on voit pousser des arbres à proximité des centres habités et le long des routes, c'est-à-dire là où les autorités sont assez fortes pour les protéger, où l'économie urbaine rend moins intense l'exploitation des terres en attirant la main-d'uvre agricole vers des emplois non ruraux, et où les marchés fonciers urbains augmentent la valeur des propriétés non agricoles. A mesure qu'augmentent la richesse, la puissance et la base urbaine d'un pays, les surfaces boisées irradient vers l'extérieur à partir des centres de population et des réseaux routiers, formant des centres qui se ramifient et s'étendent, et entre lesquels les vides sont peu à peu comblés. La forêt de l'arrière-pays continue de reculer, mais de plus en plus lentement. Ce recul s'arrête au moment où la croissance de l'emploi non agricole dépasse la croissance de la main-d'uvre; la forêt radiale touche alors les limites de l'arrière-pays, et finit par le protéger en répondant à des besoins qui, s'ils n'étaient pas satisfaits, encourageraient les populations à enfreindre ces limites. Tout au long de ce processus, la forêt s'étend d'abord là où les limites peuvent être respectées - c'est-à-dire sur les fermes ou sur les terres appartenant à des propriétaire riches et solidement établis, ou gérées par des organismes publics - et sur les sites où, pour des raisons écologiques ou institutionnelles, les arbres représentent le seul usage potentiel, le meilleur usage ou encore un usage complémentaire; la forêt s'étend en dernier lieu là où manque la cohésion sociale et où les pouvoirs extérieurs compensatoires qui favorisent sa protection sont absents. Les politiques propres à ce système s'inscrivent généralement dans des stratégies nationales de développement industriel et commercial ou de renforcement des institutions centrales et des mécanismes du marché. LE CADRE HYDRIQUE La distribution des ressources en eau détermine la répartition des arbres. La dynamique humaine qui modifie la distribution de l'eau dans l'espace et dans le temps caractérise parallèlement la formation des forêts. La maîtrise de l'eau intensifie la production dans les zones irriguées, «extensifie» ou intensifie cette production dans les hautes terres et stabilise l'environnement dans les villes. En modifiant profondément les potentiels de production, les perspectives agricoles et l'organisation sociale des terres, ces changements provoquent de nouvelles répartitions dans l'utilisation des terres et les configurations forestières. Les effets du cadre hydrologique sur les configurations forestières sont exposées ci-après. Dans un premier temps, les forêts ripicoles naturelles prennent des configurations qui s'élargissent sur les cônes de déjection, les courbes des rivières et les estuaires, et se rétrécissent dans les passages rectilignes ou à forte pente. La construction de barrages et de réseaux d'irrigation morcelle ces forêts ripicoles et augmente les possibilités d'exploitation biologiques, techniques et financières dans les zones irriguées ainsi que dans les villes qui ont besoin d'apports extérieurs d'eau et d'énergie électrique ainsi que d'une protection contre les crues. Grâce aux systèmes d'irrigation, les populations peuvent intensifier la production agricole et, à terme, disposent d'une réserve de terres - tout en améliorant les revenus et la stabilité sociale - qui permet de planter et protéger des arbres sur leurs propriétés. La forêt devient alors un réseau d'arbres suivant les digues et les chemins, avec des bosquets épars sur les éminences, dans les bassins de filtration et le long des segments résiduels du réseau ripicole. Dans les hautes terres non irriguées, les populations se trouvent défavorisées lorsque la production bénéficiant de l'irrigation fait baisser le prix des récoltes. Elles défrichent alors les terres disponibles afin d'étendre les surfaces arables, laissant çà et là des touffes d'arbres clairsemées; lorsque les terres sont rares, elles créent des bois familiaux de haute futaie, en utilisant les feuillages pour augmenter la superficie productrice; si aucune de ces deux options n'est viable, les habitants migrent vers les villes et vers les zones irriguées. Dans les zones urbaines, l'aménagement des eaux permet l'expansion des établissements humains et des activités économiques. Les restes épars des forêts naturelles sont, à terme, remplacés par des espèces exotiques selon des configurations structurées d'espaces libres tels que les jardins, les parcs et les rues. L'étendue du remplacement dépend de l'intensité de la migration rurale, c'est-à-dire, en partie, des conséquences de la redistribution de l'eau sur le potentiel agricole des zones irriguées et des hautes terres, et sur les prix des denrées alimentaires qui y sont produites. Avec le temps, la densité de population augmente et la taille des exploitations diminue dans les zones irriguées. La population crée des forêts familiales de haute futaie et se convertit à la production horticole. Les rangées d'arbres le long des digues et des chemins se dégradent et la forêt se morcelle en bosquets familiaux. La forêt ripicole d'origine est remplacée par une forêt façonnée par les ménages et les villages, avec de maigres lignes ou touffes d'arbres à la lisière des terres cultivées. La forêt des hautes terres s'est transformée en îlots de vestiges forestiers et de bosquets artificiels qui suivent l'implantation des habitations ou des villages. Les politiques propres à ces systèmes s'inscrivent généralement dans les stratégies nationales d'aménagement des ressources agricoles et hydriques et de renforcement des systèmes d'administration spécialisés dans les régions agricoles et autour des installations hydroélectriques. LE CADRE JURIDIQUE - LES RÉSERVES L'établissement de limites tend à déterminer l'utilisation des terres et à modeler la configuration des forêts environnantes. Ce dernier modèle montre comment un ensemble de forces interdit toute incursion dans certaines zones afin d'en conserver le contrôle total. Les conséquences, pour les forêts, découlent des différences de moyens entre les groupes qui occupent la région de la réserve. Citons quelques exemples: En interdisant l'accès aux terres et aux ressources, la réserve transfère vers les zones adjacentes les besoins des populations et risque de les entraîner vers des activités illicites. Ce phénomène favorise généralement les grands propriétaires jouissant d'appuis politiques, qui sont les mieux placés pour profiter des possibilités offertes par la réserve. Les autres occupants sont contraints d'aller défricher la forêt ailleurs, ou de braconner sur la réserve. La configuration forestière se présente alors comme suit: la réserve, au centre, constitue une grande île forestière entourée d'un tissu varié de grandes propriétés relativement boisées, au milieu d'une déforestation générale laissant subsister des touffes d'arbres dans les zones peu accessibles ou rocheuses. Avec le temps, les îlots forestiers se contractent à mesure que les pressions exercées par la population s'intensifient et que les capacités de défense des autorités s'affaiblissent; ils se maintiennent dans la mesure où des accords de coopération sont conclus avec les populations environnantes; ils s'étendent, au contraire, si l'Etat entreprend des programmes d'investissements publics ou de réforme foncière afin de renforcer la stabilité de la base économique régionale. Les politiques propres à ce système s'inscrivent généralement dans les stratégies nationales de finances publiques, de contrôle des limites intérieures et extérieures, de réglementation publique et de relations internationales. |
Les forêts sont des organismes vivants qui évoluent avec le temps, même en l'absence d'intervention humaine. La dynamique permanente de la formation des forêts constitue un mouvement kaléidoscopique d'arbres et d'utilisation des terres dans l'espace. La compréhension des mécanismes sous-jacents permet de prévoir la direction des changements futurs et leurs conséquences. Comprendre la manière dont les politiques nationales affectent les forêts permet d'en orienter la formation dans le sens désiré, de modeler les avantages globaux qu'on en retire et de définir les compromis nécessaires avec les autres objectifs nationaux. Cependant, même si l'on connaît assez bien l'incidence économique générale des modèles de décisions à l'échelle nationale, la constitution d'ensembles paysagers forestiers n'a guère été étudiée.
Les forêts et les ressources consacrées à leur constitution, à leur entretien et à leur protection dépendent d'un ensemble de décisions intéressant de nombreux secteurs: l'environnement, l'énergie, le patrimoine foncier, les produits de base, les échanges commerciaux, l'industrie et l'agriculture, mais aussi les prix, les salaires, les recettes et les investissements, ainsi que les conditions fixées par les accords internationaux. L'analyse doit donc viser à relier ces ensembles de décisions aux conséquences pour les forêts, dans toute une gamme de conditions, et à identifier les décisions qui correspondent le mieux aux intérêts locaux, nationaux et internationaux.
Cette tâche est rendue plus complexe par la mondialisation croissante des enjeux liés à l'état des forêts. Lorsque l'environnement est en cause, l'Etat intervient de plus en plus comme médiateur entre les intérêts internationaux, les besoins nationaux et les initiatives locales - comme il le fait pour les questions de commerce international - plutôt qu'en qualité d'autorité nationale régissant les ressources locales. La coopération internationale requiert une convergence suffisante entre les choix opérés par un pays et les compromis qu'exige la coopération. Les responsables politiques doivent donc élaborer des cadres permettant de traiter, au niveau national, les conséquences de leurs choix politiques d'ensemble pour les forêts, et hiérarchiser les priorités entre les forêts et les autres intérêts nationaux et internationaux.
Les politiques intérieures et l'aménagement des forêts
Un pas important vers la compréhension de l'incidence des politiques générales sur les ressources forestières a été accompli dans les années 80, lorsque les stratégies de développement sont passées de l'assistance axée sur les projets à des programmes s'appuyant sur des politiques. Les analystes ont alors commencé à étudier l'incidence des liens intersectoriels sur le secteur forestier. Ils ont reconnu que les stratégies traditionnelles de foresterie n'étaient pas en mesure de ralentir le rythme, toujours plus rapide, de la déforestation et de la dégradation des forêts; ils ont en outre compris que les causes véritables de la dégradation et de l'épuisement de cette ressource se situaient à l'extérieur du secteur forestier39. Dans les pays industrialisés, les conséquences de la pollution (pluies acides) sur les forêts tempérées ont mis ce problème en lumière. Dans les pays en développement, la croissance démographique, les régimes d'occupation des terres et les politiques agricoles sont apparus comme les causes profondes de la déforestation.
Repetto40 suggère, pour conceptualiser la manière dont ces liens intersectoriels affectent les forêts, d'imaginer un ensemble de cercles concentriques partant de la forêt:
On peut regrouper les recherches en cours sur l'efficacité et la durabilité des effets produits par ces liens en quatre grands thèmes: i) l'échec des mécanismes du marché et les mécanismes incitatifs; ii) l'inadéquation des politiques; iii) les politiques propres au secteur forestier; et iv) l'incidence des mesures concernant le commerce du bois d'uvre sur l'exploitation forestière et sur l'environnement. Nous présentons, ci-après, une analyse des trois premiers thèmes en rapport avec le secteur forestier; le quatrième thème est traité dans la section IV, consacrée particulièrement aux échanges commerciaux.
L'échec des mécanismes du marché et les mécanismes incitatifs. Il y a échec des mécanismes du marché lorsque les incitations offertes aux particuliers, aux ménages et à l'entreprise encouragent un comportement ne répondant pas aux critères d'efficacité; en d'autres termes, il y a divergence entre les prix au niveau individuel et les prix au niveau social (coûts et rendements). Lorsque des biens publics sont en cause, y compris les biens publics à valeur écologique et les effets induits, les mécanismes incitatifs risquent d'entraver le fonctionnement du marché, qui ne met alors pas les utilisateurs face au coût social global de leurs actions. Ainsi, des marchés qui ne prennent pas pleinement en compte la dimension écologique peuvent conduire à une dégradation excessive de l'environnement. Si l'on veut remédier au mauvais fonctionnement du marché, il faut une intervention publique ou collective basée sur la réglementation (direction et contrôle), les mesures d'incitations orientées vers le marché, ou les mesures institutionnelles.
Les forêts peuvent être affectées de plusieurs façons. Ainsi, le prix du marché des produits à base de bois d'uvre largement commercialisés ne reflètent pas, en général, le coût pour l'environnement de leur production. Ils ne prennent pas en compte les valeurs d'utilisation indirecte (par exemple, protection des bassins versants ou cycle des éléments nutritifs), ni les valeurs futures d'utilisation et de non-utilisation (valeur d'option ou valeur d'existence), qui risquent d'être perdues ou altérées par la production ou la consommation de produits forestiers. Bon nombre des avantages liés à l'environnement sont des biens publics; il n'y a donc pas, pour ces biens, de prix déterminé par le marché.
Si tous les biens et services - y compris les services liés à l'environnement - fournis par les forêts pouvaient être échangés sur des marchés fonctionnant bien, les compromis entre fonctions forestières ainsi qu'entre utilisations forestières et non forestières des terres seraient déterminés par la disposition du public à acheter différents services. Si, par exemple, le public préfère les prestations d'une forêt intacte à l'utilisation du bois d'uvre, le propriétaire foncier est payé plus chez pour préserver sa forêt que pour l'exploiter. Comme il n'est pas possible de réserver les prestations à caractère écologique à ceux qui paient pour les obtenir, il n'existe pas de marché pour ces services, si bien que la plupart des propriétaires terriens sous-estiment les fonctions environnementales de la forêt et n'y investissent pas suffisamment.
Il y a alors divergence entre les coûts et les bénéfices au plan individuel et au plan social. Les sociétés d'exploitation forestière risquent de négliger l'incidence de leurs activités sur la faune et sur le paysage. La perte de valeur qui en résulte pour la chasse ou pour le tourisme n'entre pas dans les calculs coûts-avantages auxquels se livre la société privée. Lorsque les coûts externes sont toujours négligés par l'ensemble d'une industrie, les prix de marché tendent à tomber au-dessous du niveau optimal socialement. Des politiques idéales auraient pour effet d'inciter les propriétaires fonciers à accorder aux coûts et aux avantages sociaux de leurs décisions d'utilisation des terres autant d'importance qu'aux coûts et aux avantages privés. Parmi les mesures qui visent à obtenir cet effet figurent les taxes destinées à couvrir les coûts que les propriétaires fonciers imposent à la société, et les subventions qui leur sont versées pour les dissuader d'abîmer l'environnement.
Les régimes de propriété sont un autre élément du système d'incitation et de désincitation à l'exploitation de la forêt. La structure des droits de propriété définit les règles, les droits et les obligations régissant cette exploitation. Les responsables des politiques économiques accordent une grande importance au régime de propriété foncière, car il détermine l'efficacité de l'utilisation des ressources dans toute l'économie, ainsi que la répartition des revenus.
Les régimes d'occupation des terres forestières vont des droits exclusifs au libre accès. Dans bon nombre de pays en développement, les forêts domaniales constituent des ressources d'accès libre, dont nul ne peut être exclu. Dans les pays possédant de vastes forêts tropicales, les droits conférés au secteur public sur les terres boisées dépassent très largement sa capacité d'aménagement des ressources forestières41. En régime de libre accès, un individu peut décider de sauvegarder la forêt ou de la réserver pour un usage ultérieur, tandis qu'un autre décide de récolter le bois dans son intérêt personnel. Face au risque et à l'incertitude que comporte la première option, les individus sont incités à maximiser les bénéfices à court terme, en récoltant sans tarder les produits forestiers. De ce fait, on néglige les coûts d'opportunité liés à l'utilisation de la ressource (à des prix sociaux de long terme).
Ce type de comportement économique n'est pas limité au régime de libre accès. Si le propriétaire d'une parcelle forestière se trouve dans une indigence telle qu'il a immédiatement besoin du produit de la vente des arbres, la pénalisation que lui infligerait l'attente en vue d'avantages ultérieurs est disproportionnée; il lui faut donc abattre sans délai les arbres de la parcelle.
Les régimes institutionnels et juridiques régissant l'occupation des terres et les transactions foncières ont également une incidence marquée sur le mode d'exploitation des terres forestières. Autrefois, la législation foncière et les réformes agraires adoptées dans de nombreux pays obligeaient les colons à défricher la terre pour obtenir un titre sur les zones boisées. C'est ainsi qu'ont été perdues d'importantes surfaces qui auraient pu être exploitées de façon durable pour le bois d'uvre ou d'autres produits.
A l'exception des régions reculées de forêts tropicales, il est rare que l'accès aux zones forestières exploitées pour leur bois soit entièrement libre. Cependant, comme nous le verrons plus loin, lorsque les dispositions régissant les permis d'exploitation des forêts domaniales sont peu satisfaisantes et que les droits de l'exploitant ne sont pas suffisamment garantis, on risque d'aboutir à une situation voisine du libre accès. Dans ce cas, les particuliers et les entreprises récoltent le bois de manière à réaliser un profit maximal à court terme, sans se soucier du potentiel supérieur de revenu que représenteraient les mêmes arbres sur pied à l'avenir.
Les politiques gouvernementales et l'exploitation forestière. L'application de politiques macroéconomiques comme les décisions en matière d'investissements publics risquent de fausser les cours des produits et services forestiers. Il est souvent difficile de discerner la manière dont les liens entre les politiques macroéconomiques, commerciales et sectorielles influent sur le secteur des forêts. Les interventions à différents niveaux de l'activité économique risquent d'affecter la rentabilité de ce secteur par rapport à d'autres secteurs intérieurs, de même que sa compétitivité vis-à-vis des producteurs étrangers.
Les politiques macroéconomiques, telles que les dévaluations ou les taux de service de la dette, influent de diverses manières sur l'utilisation des ressources forestières (voir encadré 19). Ainsi, un taux de change surévalué fait baisser le prix des biens échangeables par rapport à celui des biens non échangeables. Dans un tel cas, une dévaluation réelle ferait disparaître les distorsions économiques et encouragerait davantage la production nationale de biens échangeables (dont les produits forestiers) par opposition aux biens non échangeables. L'abattage des arbres et, par conséquent, l'intensification de la déforestation risquent ainsi d'être encouragés par l'expansion de la production du bois destiné aux marchés étrangers.
De manière plus générale, les politiques macroéconomiques peuvent influer sur la situation globale de l'offre et de la demande, avec des conséquences inévitables pour les ressources et l'industrie forestière. Habito42 expose comment les autorités philippines ont encouragé les migrations de main-d'uvre au moyen de politiques macroéconomiques de subvention aux exportations de produits manufacturés, et d'une taxation de la main d'uvre cinq fois supérieure - par rapport au capital - à celle des pays développés. Une bonne partie des travailleurs ayant ainsi perdu leur emploi ont migré vers les forêts domaniales des hautes terres, défrichant des parcelles afin de les mettre en culture. Cependant, étant donné l'insécurité de leur statut, ces squatters n'étaient pas encouragés à investir dans des pratiques de conservation sous forme de travail ou de capital, ni à planter de nouveaux arbres. Il en est souvent résulté une érosion des sols des hautes terres provoquant l'envasement des réservoirs situés en aval, une détérioration des récifs de corail et des pêcheries ainsi qu'une diminution de la fertilité des sols - tous ces phénomènes contribuant à leur tour à intensifier la conversion des terres forestières43.
Il est difficile d'évaluer l'incidence des résultats et des mesures macroéconomiques sur le secteur forestier. On a rarement tenté d'examiner les liens entre la macroéconomie et la déforestation dans les zones tempérées; quant aux études sur la déforestation dans les zones tropicales, elles aboutissent souvent à des conclusions contradictoires. L'une d'elles, par exemple, établit une corrélation négative importante entre les taux de service de la dette et la déforestation44. En revanche, une autre étude a dégagé un lien positif entre la déforestation en zones tropicales, la dette publique extérieure et les fluctuations de la dette45.
Une des études conclut que les disponibilités abondantes de fonds extérieurs au début des années 70 ont peut-être atténué la nécessité d'exploiter les ressources forestières dans les pays possédant des forêts tropicales. Néanmoins, l'auteur fait également état d'une corrélation négative entre l'abaissement du taux de change et la déforestation des zones tropicales. On voit donc que certaines politiques destinées à atténuer le problème du service de la dette risquent de mener indirectement à une exploitation forestière excessive.
Bien souvent, les investissements publics ont des incidences directs sur les activités du secteur forestier, notamment lorsque les infrastructures de transports et les services publics atteignent des zones forestières précédemment inaccessibles. Ce type d'investissement représente une subvention importante aux entreprises d'abattage et de transformation du bois en réduisant le coût d'accès aux ressources forestières. Il équivaut également à une subvention aux consommateurs puisqu'il réduit les coûts d'acheminement des produits forestiers jusqu'aux marchés. En outre, les investissements publics dans les zones boisées reculées stimulent les migrations humaines et l'expansion de l'agriculture, qui est un des principaux facteurs de défrichage des forêts dans de nombreux pays.
Les mesures concernant le secteur des forêts. Les mesures visant à favoriser directement l'aménagement forestier comprennent notamment les crédits d'impôts ou les subventions à la conversion des forêts, au boisement et à la production de bois. Le secteur forestier subit également l'influence des politiques qui réduisent les incitations ou entravent la concurrence dans les industries situées en aval ou dans les secteurs connexes, comme la transformation du bois et la construction.
Au cours des dernières années, la recherche appliquée s'est concentrée sur les liens économiques entre les politiques forestières et le déboisement46. De nombreuses études concluent que les politiques de fixation des prix et d'aménagement des forêts produisent une double distorsion des coûts. Tout d'abord, le prix des produits à base de bois tropicaux ou des produits provenant des terres forestières converties n'englobe pas la perte de certaines valeurs économiques telles que le renoncement aux loyers des terres productrices de bois d'uvre et aux produits forestiers autres que le bois, à la protection de la forêt et de ses fonctions écologiques ou la réduction de la biodiversité. En deuxième lieu, les coûts directs d'exploitation et de conversion des forêts tropicales sont souvent subventionnés (ou manipulés par d'autres moyens), ce qui encourage l'exploitation excessive et le gaspillage.
Il incombe donc aux analystes des politiques de s'efforcer de déterminer si les avantages découlant de l'incorporation des valeurs perdues lors des décisions affectant l'utilisation des forêts compensent les conséquences d'une réduction de la production de bois d'uvre, de l'activité commerciale, du nombre d'emplois et des revenus - outre le coût de mise en uvre de telles politiques. L'étape suivante consiste à corriger les distorsions imputables aux politiques nationales et au mauvais fonctionnement du marché qui creusent l'écart entre l'exploitation privée des forêts et ce qui constituerait une exploitation sociale optimale. Les décisions de production fondées sur des politiques économiques rationnelles tiennent dûment compte du coût écologique de l'exploitation forestière.
Les politiques qui autorisent un jeu imparfait de la concurrence dans le secteur forestier peuvent être lourdes de conséquences. Les restrictions d'accès risquent d'exclure les entreprises les plus performantes, poussant l'ensemble du secteur à récolter davantage de bois qu'il ne serait nécessaire pour assurer une offre déterminée de produits. Le manque d'efficacité dans le secteur de la transformation a des effets particulièrement néfastes, car il tend à augmenter les besoins de matières premières; les taux insuffisants de conversion des grumes et la surcapacité entraînent des abattages excessifs. Par ailleurs, le fonctionnement imparfait de la concurrence risque de faire obstacle à l'adoption de techniques et de méthodes de gestion qui, tout en améliorant les procédés de récolte, limitent la dégradation de l'environnement.
Enfin, la gestion par des organismes publics est souvent source d'inefficacité. Les auteurs d'une étude sur les forêts domaniales des Etats-Unis estiment, par exemple, qu'il suffirait de faire payer 3 dollars par jour aux personnes utilisant ces forêts à des fins de loisirs pour obtenir des revenus supérieurs à ceux que fournit actuellement la vente du bois d'uvre47. Ces mêmes auteurs considèrent que, si le budget de l'Administration des forêts domaniales des Etats-Unis était exclusivement alimenté par les redevances demandées aux usagers, pour une gamme d'activités allant du camping à l'abattage des arbres, l'Administration autoriserait moins facilement les activités risquant de perturber l'environnement, comme les coupes à blanc et le pâturage.
Politiques forestières et pratiques de gestion
Les politiques gouvernementales dans le domaine forestier risquent de favoriser les gestions inefficaces, et cela de plusieurs façons. Hyde, Newman et Sedjo48 distinguent les politiques forestières selon leur incidence sur: i) l'efficacité des récoltes au niveau privé; ii) l'efficacité des récoltes au niveau social, compte tenu des facteurs externes liés à l'environnement; iii) les divers mécanismes de redevances, de contrats et de concessions d'exploitation, et leurs conséquences en matière d'infractions, de sélection du bois et d'autres dégâts causés à l'environnement49; et iv) les modalités de répartition de la rente. L'encadré 20 présente l'exemple d'un titulaire de concession ayant passé, avec le ministère des forêts, un contrat d'exploitation d'une forêt domaniale. On pourrait facilement adapter cet exemple à l'exploitation de superficies forestières privées.
L'élaboration de politiques forestières visant à corriger les pratiques de gestion peu efficaces et à réduire les dégâts causés par l'exploitation excessive des arbres est un processus complexe nécessitant une étude très attentive des mesures d'incitation à la récolte. En fait, ces politiques créent bien souvent des conditions qui poussent les titulaires de concessions à exploiter à court terme et, dans certains cas, elles subventionnent même les récoltes commerciales à des niveaux non rationnels50.
ENCADRÉ 20 Hyde, Newman and Sedjo (1991) considèrent que les conditions financières d'octroi de concessions et de permis d'exploitation constituent des mécanismes incitatifs déterminants pour l'efficacité, tant privée que sociale, des niveaux d'exploitation du bois d'uvre. En effet, si un concessionnaire s'engage à respecter un plan d'aménagement forestier qui privilégie la valeur future de la production de bois de la concession, ce concessionnaire atteint un palier d'exploitation efficace au plan privé. Si, de surcroît, le concessionnaire indemnise les coûts écologiques externes découlant de l'exploitation du bois d'uvre, tels que la perte d'avantages virtuels non liés à l'extraction et de prestations écologiques (par exemple, la protection des bassins versants), le palier d'exploitation retenu par ce concessionnaire est également efficace au plan social. La figure ci-après illustre ces conditions. Si l'on pose que p est le prix concurrentiel des grumes livrées, V le volume de la récolte et MC1 la courbe de coût marginal privé à court terme du concessionnaire pour les grumes livrées, V1 représente alors le niveau de récolte optimal à court terme au plan privé. En d'autres termes, le concessionnaire privé se préoccupe exclusivement du rendement financier de la récolte, et non pas du rendement potentiel à long terme de la parcelle, sans s'intéresser aux conséquences écologiques externes de l'abattage. Cependant, le niveau V1 d'exploitation n'est pas efficace au plan privé à long terme, car il exclut le coût que représente l'abattage à court terme, à savoir la perte des recettes futures qu'aurait permis de réaliser la préservation d'une partie du peuplement en vue d'une croissance ultérieure, ou le non-recours à des pratiques telles que la sélection qui dégradent la parcelle. Ce niveau d'exploitation n'est pas non plus efficace au plan social, car il ne tient pas compte des coûts environnementaux externes de l'exploitation du bois d'uvre (dégradation des bassins versants, sédimentation en aval, perturbation du cycle des éléments nutritifs, dégradation des habitats naturels, ou encore perte de produits non ligneux). L'amélioration des contrats entre le ministère des forêts et le concessionnaire pourrait amener ce dernier à internaliser les coûts d'utilisateur supplémentaires afin d'atteindre un niveau de récolte efficace au plan privé. Les contrats à long terme qui coïncident avec des rotations optimales de récolte/ régénération pourraient garantir que le concessionnaire a intérêt à tenir compte de ces coûts d'utilisateur, exprimés par MC2 dans la figure. D'autres dispositions, telles que le fait d'imposer des clauses liant la reconduction des contrats à court terme à l'application de pratiques «durables», voire à la vente pure et simple des terres, pourraient également être envisagées. Ces dispositions contractuelles, si elles devaient aider le concessionnaire à atteindre le niveau V2 de récolte optimale à long terme, l'encourageraient à détruire moins d'arbres. Enfin, si MC3 représente les coûts environnementaux supplémentaires hors-site de l'exploitation forestière, on peut aussi internaliser ces coûts en imposant au concessionnaire une taxe équivalant à bd. Le ministère des forêts d'un pays peut également décider d'imposer une taxe unique pour couvrir tant les coûts d'utilisateur que les coûts environnementaux; dans ce cas, le niveau optimal correspondrait à bc, toujours dans la figure. Cependant, Hyde, Newman et Sedjo soutiennent qu'une telle taxe ne contribuerait en rien à prolonger les perspectives d'un exploitant au-delà des gains à court terme, et qu'elle encouragerait en fait les pratiques sélectives, les empiétements et l'évasion fiscale, notamment pour les arbres et peuplements inframarginaux. Dans ces conditions, le concessionnaire récolte au niveau social optimal (V3), c'est-à-dire en dessous du niveau privé à court ou à long terme. Comme le montre le sché-ma, le concessionnaire réalise un profit économique égal à pap1, ou pbp1 si l'on incorpore tous les coûts sociaux. Le ministère des forêts peut s'approprier tout ou partie de ce profit en taxant la récolte. Une taxe ad valorem (forfaitaire), ou une redevance exprimée en pourcentage des recettes nettes, n'affectera pas le niveau de récolte (c'est-à-dire qu'elle ne fera pas passer le concessionnaire de V1 à V3); en revanche, elle l'encouragera à recourir aux pratiques sélectives et aux empiétements, et à ne pas tenir compte des coûts environnementaux hors-site. Une redevance fixe et uniforme (montant forfaitaire par unité de récolte), influe en revanche sur la décision de récolte marginale; cependant, elle augmente parallèlement l'incitation aux pratiques sélectives, aux empiétements et à la négligence des coûts environnementaux hors-site, dans le cas de terres inframarginales. En outre, l'augmentation de cette redevance risque, en fait, de réduire les recettes fiscales lorsque l'élasticité de la courbe des coûts marginaux est supérieure à 1, faisant ainsi tomber le niveau des récoltes en dessous du niveau social optimal, V3. L'incorporation des coûts d'utilisateur et des coûts environnementaux, tout en assurant une meilleure récupération des profits, requiert une gamme plus complexe de mesures, à savoir: dans un premier temps, la mise au point de contrats à long terme et l'établissement d'une taxe environ-nementale égale au bd du schéma; en deuxième lieu, la perception, comme droit d'exploitation de la parcelle, d'une redevance forfaitaire fixée par appel d'offres et égale à pbp1, afin de récupérer le profit économique réalisé au niveau V3. Source: W.F. Hyde, D.H. Newman and R.A. Sedjo. 1991. Forest economics and policy analysis: an overview. Document de synthèse 134 de la Banque mondiale, Washington. |
A moins d'être soumises à une réglementation spécifique, les concessions d'exploitation des forêts domaniales de brève durée ne favorisent pas l'aménagement durable, et les redevances d'exploitation et les permis, lorsqu'ils sont peu coûteux, ne reflètent pas la valeur de rareté des peuplements forestiers sur pied. En outre, les pouvoirs publics sont souvent incapables de contrôler efficacement la récolte et l'aménagement des forêts domaniales, ce qui conduit à des empiétements ou à des abattages illégaux. Tous ces facteurs ont une influence négative sur l'aménagement durable des ressources forestières par les entreprises privées.
Dans l'ensemble de l'Asie du Sud-Est, l'octroi de droits d'exploitation forestière ou de baux de brève durée, associé à l'absence d'incitations au reboisement, a encouragé la surexploitation des forêts vouées à la production de bois d'uvre. Aux Philippines, on a constaté que le gain net découlant de l'exploitation de forêts anciennes était négatif (entre -130 dollars et -1 175 dollars par hectare), après incorporation des coûts de reboisement, d'épuisement des ressources et de dégâts hors-site51.
Les concessions de courte durée encouragent la recherche d'avantages immédiats. En d'autres termes, les concessionnaires mettent en exploitation pour le bois d'uvre de nouveaux peuplements afin de réaliser le maximum de profit à court terme. De plus, l'application de politiques mal conçues de prix et d'imposition permet aux exploitants forestiers de réaliser des gains excessifs52. En imposant des redevances d'exploitation et des taxes insuffisantes, ou en cédant les droits d'exploitation à des prix trop bas, les pouvoirs publics ont permis aux revenus de l'exploitation des ressources de se transformer en profits excessifs pour les concessionnaires et les spéculateurs.
Le tableau 13 (p. 310) indique, pour cinq pays, la part de la rente du bois tropical perçue par le gouvernement. La rente représente la valeur qui subsiste, une fois couverts les coûts d'acheminement des grumes ou des produits dérivés jusqu'aux marchés. La rente du bois d'uvre comprend les recettes effectivement perçues par les pouvoirs publics et les exploitations forestières (concessionnaires exploitants, propriétaires de scieries et négociants) ainsi que la rente potentielle, à savoir les revenus perdus du fait des dégâts causés lors des récoltes, des procédés de transformation inefficaces et de la sélection53. La colonne consacrée à la rente potentielle au tableau 13 indique la rente qui aurait été perçue si toutes les grumes récoltées avaient été affectées à des emplois (exportation directe, sciage, contreplaqué) qui assurent le meilleur rendement économique net54.
Boado55 estime à 1,5 milliard, pour la période 1979-1982, la rente potentielle d'exploitation du secteur forestier des Philippines, alors que la rente réelle a tout juste dépassé 1 milliard de dollars; la différence s'explique par la transformation inefficace du bois dans les usines de fabrication de contreplaqué, si bien qu'une grume exportée sous forme de bois de sciage, ou à l'état brut, rapporte davantage que si elle est transformée en contreplaqué. Durant la même période, les recettes totales tirées par l'Etat des droits d'exploitation forestière et des taxes à l'exportation ont représenté environ 11 pour cent de la rente potentielle. Boado conclut que l'incapacité de l'Etat de récupérer une part plus importante de la rente disponible a favorisé la déforestation rapide en encourageant la prolifération des exploitations forestières dans tout le pays.
Alors que la superficie totale de forêts productives des Philippines est de 4,4 millions d'hectares, la superficie couverte par les concessions d'exploitation atteint, en fait, près de 5,7 millions d'hectares, soit près de 90 pour cent de la superficie boisée de tout le pays. Les concessions sont accordées pour une durée allant de 5 à 25 ans, même si le cycle réaliste minimal de coupe est de 30 années, et le cycle de rotation de 60 années. En règle générale, les grandes décisions concernant les régimes de concessions et d'allocations sont prises par d'autres que les responsables des forêts56.
Les ministères des forêts, notamment dans les pays en développement, ont souvent du mal à administrer et à percevoir les droits et taxes d'exploitation du bois. C'est ainsi qu'au Malawi le Ministère des forêts collecte moins de 50 pour cent des recettes exigibles au titre de l'exploitation forestière. Le problème tient peut-être en grand partie à la complexité des barèmes de droits et des règles d'octroi des concessions, qui rendent très difficiles la mise en uvre et la surveillance de la collecte.
Dans une étude consacrée à la détermination des prix en Afrique occidentale et centrale, Grut, Gray et Egli57 concluent que des politiques appropriées en matière de concessions permettent d'encourager et de soutenir l'aménagement durable et la conservation, tout en reflétant la valeur des ressources forestières et en finançant leur aménagement. Ils font les constats suivants: les revenus forestiers effectifs sont généralement inférieurs aux revenus potentiels, en raison de la faiblesse des redevances et des mauvais taux de perception; les forêts «sans valeur» sont les premières à disparaître; enfin, l'absence de redevances encourage l'exploitation immédiate plutôt que l'aménagement des concessions. Les auteurs suggèrent d'établir un loyer annuel pour les concessions, qui serait fixé par appel d'offres et de remplacer les concessions d'exploitation par des concessions d'aménagement des forêts, soumises à des inspections régulières.
Par ailleurs, les redevances et taxes d'exploitation forestière ont une influence importante sur les formes que prend l'industrialisation à base forestière et son incidence sur le développement économique et le déboisement à long terme. Ainsi, le prix des grumes récoltées sur la parcelle joue un rôle crucial dans l'épuisement des réserves de bois d'uvre et l'expansion des industries de transformation, en facilitant notamment, pour le secteur forestier, le passage de l'utilisation des forêts primaires à celle des forêts secondaires, et en adaptant la capacité de transformation aux réserves de bois d'uvre58. Cependant, dans la plupart des pays en développement, le prix du bois sur la parcelle est généralement déterminé par les services administratifs et non par le marché, de sorte qu'il est sous-évalué et ne reflète pas la rareté croissante des forêts anciennes, avec les conséquences suivantes:
Par exemple, les services australiens des forêts domaniales fixent généralement par voie administrative les redevances d'exploitation, qui sont ensuite négociées individuellement avec les acquéreurs, dans le cadre d'une transaction d'ensemble qui englobe les engagements de transformation. Les redevances sont généralement ajustées à court terme pour tenir compte de l'inflation, et à long terme de l'évolution des marchés. Une récente étude a comparé la fixation administrative des redevances, au cours des années 80, et les prix fondés sur le marché. Selon cette étude, les transformateurs sont disposés à verser des redevances relevées de 49 à 74 pour cent pour les grumes de faible qualité, de 34 à 48 pour cent pour les grumes de qualité moyenne et de 27 à 40 pour cent pour les grumes de premier choix60. Les sciages de feuillus et les sciages de conifères de forêts anciennes étaient généralement évalués en dessous de la valeur du marché; quant aux redevances pour les grumes destinées à la pâte à papier, elles se négociaient aussi bien au-dessous qu'au-dessus du prix du marché.
Dans une autre étude, Wibe souligne les problèmes rencontrés lorsqu'on cherche à s'assurer que les investisseurs et les concessionnaires privés des pays industrialisés exploiteront le bois au plan privé à long terme de façon rentable61. Il constate, en premier lieu, que les imperfections du marché empêchent la capitalisation intégrale des investissements au moyen de la vente du bois sur pied ou de la parcelle plantée. En France, en Allemagne et dans les pays nordiques, par exemple, la commercialisation des produits forestiers est strictement réglementée. En outre, les transactions sur les terres forestières entraînent généralement des frais très élevés, notamment lorsqu'il s'agit de petites superficies - le cas le plus fréquent. En conséquence, les propriétaires de forêts privées ont tendance à ne pas investir suffisamment dans la reconstitution ou le reboisement.
En deuxième lieu, le principal problème, dans le cas de forêts domaniales des pays industrialisés, est de passer de bons contrats avec les exploitants privés. Au Canada, par exemple, où 11 pour cent des terres boisées appartiennent au gouvernement fédéral et 80 pour cent aux provinces, les autorités provinciales cèdent aux exploitants privés des concessions d'une durée de 20 à 50 ans. En règle générale, les concessionnaires ont le droit de récolter une fois sur la concession, les coupes annuelles étant soumises à certaines restrictions. Ils peuvent également obtenir une licence exprimée en volume qui les autorise à prélever un volume déterminé de bois dans une zone donnée. Cependant, ces contrats ne couvrent pas, dans bien des cas, les dégâts à long terme et la détérioration de la parcelle, ni les incidences sur l'environnement (voir encadré 21). Les pertes correspondantes ne sont pas non plus prises en compte dans les redevances d'exploitation, qui sont souvent fixées à un niveau très bas, voire nulles.
Plusieurs études de cas récentes montrent que, dans les pays membres de l'OCDE, l'octroi de subventions, notamment en vue de l'établissement de plantations, a des conséquences directes sur l'environnement62. En Suède, par exemple, les subventions accordées au drainage en vue de stimuler la production de bois d'uvre a entraîné la disparition de plus de 30 000 hectares de terres marécageuses par an. Au cours des années 80, le Royaume-uni a augmenté les dégrèvements fiscaux en faveur du boisement, mais non des achats de terres. De ce fait, les investisseurs ont été encouragés à réduire leurs achats de terres et à obtenir le plus possible d'avantages fiscaux en installant leurs plantations sur des terres de faible valeur agricole comme les marécages, le maquis, les landes, etc., présentant une forte valeur pour l'environnement et les loisirs. Les dégrèvements fiscaux ont été abolis en 1990, mais ils ont été remplacés par des subventions directes aux agriculteurs pour le boisement.
TABLEAU 13 | |||||
Récupération de la rente du bois tropical | |||||
Pays |
Rente potentielle provenant de la récolte des grumes |
Rente effective provenant de la récolte des grumes |
Récupération officielle de la rente par l'Etat |
Part officielle de l'Etat dans: | |
la récupération de la rente potentielle |
la récupération effective de la rente | ||||
(......................... millions de dollars .........................) |
(.................. % ..................) | ||||
Indonésie (1979-1982) |
4 954 |
4 409 |
1 644 |
37,3 |
33,2 |
Sabah, Malaisie (1979-1982) |
2 198 |
2 094 |
1 703 |
81,3 |
77,5 |
Philippines (1979-1982) |
1 505 |
1 033 |
171 |
16,5 |
11,4 |
Côte d'Ivoire |
204 |
188 |
59 |
31,5 |
28,9 |
Ghana |
... |
80 |
30 |
38,0 |
... |
Source: Repetto et Gillis, eds, op. cit., note 46, p. 304. |
Les effets économiques à long terme des subventions aux plantations forestières peuvent aussi affecter indirectement l'environnement. De fait, lorsque ces subventions intensifient le boisement sur des terres arables ou marécageuses, l'augmentation de l'offre peut peser sur les prix et sur la rentabilité. En Italie, ce phénomène a entraîné le remplacement d'exploitants expérimentés de plantations établies de longue date par de nouveaux propriétaires moins qualifiés mais bénéficiant de subventions, d'où des conséquences négatives pour la productivité et la gestion à long terme des plantations de bois d'uvre.
ENCADRÉ 21 Dans les forêts tempérées, la coupe rase est un mode de récolte extrêmement répandu parce qu'elle présente des avantages de simplicité, de souplesse et d'efficacité. Elle est cependant accusée de dégrader les sols, de perturber les ressources hydriques et de provoquer une détérioration rapide du milieu naturel, préjudiciable à la faune sylvicole. Par ailleurs, outre ses conséquences peu esthétiques, elle suscite des conditions d'instabilité physique et écologique à sa périphérie, altérant et morcelant les habitats d'espèces qui ont besoin de grands espaces intacts, comme la chouette tachetée. Les conséquences pour l'environnement des coupes rases en zone boréale sont particulièrement graves pour les raisons suivantes: i) les forêts affectées sont souvent des forêts de première venue, qui n'ont jamais été perturbées; ii) les sols sont fragiles et l'abattage perturbe le cycle hydrologique; iii) les abattages se font à grande échelle; et iv) la régénération comporte une gamme moins large d'essences et d'âges des arbres. Les forêts boréales se renouvellent sous l'effet de vastes incendies, et certains soutiennent d'ailleurs que les coupes rases remplacent ce phénomène naturel. Cependant, un inventaire forestier entrepris par le Ministère des forêts du Canada, en 1991 fait état d'une proportion plus élevée de peupliers et de bouleaux dans les forêts exploitées que dans les forêts boréales intactes, ainsi que d'un déclin de l'épinette et du pin - alors que ce dernier repousse dans les forêts de pin ravagées par le feu. En revanche, l'inventaire ne fait ressortir qu'une différence minime de répartition par tranches d'âge entre les forêts reconstituées et les forêts intactes à ce jour. Les recherches effectuées au Canada et en Finlande font apparaître des différences marquées entre les populations d'oiseaux occupant les forêts anciennes soumises à exploitation et celles qui sont demeurées intactes. Il se peut que la densité neuf fois supérieure d'oiseaux enregistrée dans les forêts intactes par rapport aux plantations de jeunes épinettes s'explique par le stade de croissance différent de ces forêts. Les recherches montrent aussi que l'on peut atténuer bon nombre des effets néfastes des coupes rases en conservant les arbres à semences et les arbres anciens, pour garder des sources de semences et des sites de nidification pour les oiseaux; en ménageant des couloirs permettant le passage des mammifères; en ne déversant pas les déchets d'abattage dans les rivières; en construisant des routes et des pistes d'exploitation forestière aussi espacées que possible afin de réduire le morcellement; enfin en réduisant la superficie des zones d'abattage. |
En Allemagne et aux Etats-Unis, l'intervention de l'Etat a encouragé la vente de bois provenant des forêts domaniales au-dessous du prix de revient, ce qui a eu pour effet de réduire la rentabilité de tout le secteur et de décourager les investissements privés; cette évolution a eu comme corollaire un aménagement forestier peu efficace et une exploitation peu satisfaisante. En Espagne, la non-quantification de la valeur écologique des forêts de chênes et de chênes-lièges des régions de dehesa (pâturage) a entraîné des investissements insuffisants dans les parcelles privées. L'intervention de l'Etat a stimulé la plantation de conifères, de peupliers et d'eucalyptus, qui ont modifié les caractéristiques des peuplements dans ces régions, et ont en fait aggravé la dégradation du milieu naturel local.
Les dysfonctionnements des marchés et les erreurs de politiques ont d'importantes répercussions sur l'aménagement durable des forêts. C'est pourquoi, si l'on veut assurer un aménagement efficace et durable des ressources forestières, il est nécessaire de réorienter les politiques en la matière. Afin de déterminer les politiques appropriées, il faut procéder à l'évaluation économique des programmes en cours. Toutefois, les données et les informations sont rarement assez complètes pour permettre d'apprécier avec exactitude les causes économiques des dysfonctionnements. Bien que, dans la plupart des cas, il suffise de connaître les ordres de grandeur et les orientations générales pour pouvoir analyser les politiques, souvent, ou n'en est même pas à ce stade «d'ignorance optimale».
Les dysfonctionnements du marché et les erreurs de politiques ont également une incidence marquée sur la conversion des terres forestières à l'agriculture ou à d'autres utilisations. Etant donné que c'est là, de loin, la principale cause de déforestation à l'échelle mondiale, il ne suffira pas de s'attaquer aux dysfonctionnements du marché et aux politiques qui affectent directement le secteur forestier pour enrayer la déforestation et la dégradation des forêts dans la plupart des pays.
39 M.R. de Montalembert. 1992. Intersectoral policy linkages affecting the forestry sector. In H. Gregerson, P. Oram et J. Spears, eds. Priorities for forestry and agroforestry policy research. IFPRI, Washington.
40 R. Repetto. 1990. Deforestation in the tropics. Scientific American, 262(4).
41 D. Southgate et C. Ford Runge. 1990. The institutional origins of deforestation in Latin America. Staff Paper P90-5. Department of Agricultural and Applied Economics, University of Minnesota, St Paul.
42 C. Habito. 1983. A general equilibrium model of the Philippine economy and an inquiry into tax policy. Harvard University, Cambridge, Massachusetts. (Thèse de doctorat)
43 W.D. Cruz, H.A. Francisco et Z.T. Conroy. 1988. The onsite and downstream costs of soil erosion in the Magat and Pantagangan watersheds. Journal of Philippine Development, 15 (premier semestre).
44 A.D. Capistrano. 1990. Macroeconomic influences on tropical forest depletion: a cross country analysis. University of Florida. (Thèse de doctorat); et A.D. Capistrano et C.F. Kiker. 1990. Global economic influences on tropical closed broadleaved forest depletion, 1967-1985. Food Resources Economics Department, University of Florida.
45 J. Kahn et J. McDonald. 1990. Third World debt and tropical deforestation. SUNY-Binghampton, Department of Economics, New York.
46 Pour un examen comparatif récent de la manière dont les politiques gouvernementales influent sur la déforestation, voir: E.B. Barbier, J. Burgess, J. Bishop, B. Aylward et C. Bann. 1993. The economic linkages between the international trade in tropical timber and the sustainable management of tropical forests. Rapport final destiné à l'OIBT; W.F. Hyde, D.H. Newman et R.A. Sedjo. 1991. Forest economics and policy analysis: an overview. Document de synthèse de la Banque mondiale 134, Washington; et R. Repetto et M. Gillis, eds. 1988. Public policies and the misuse of forest resources. Cambridge University Press, Massachusetts.
47 R. O'Toole. 1988. Reforming the Forest Service. Island, Washington. Cité dans A.T. Durning. 1994. Saving the forests: what will it take? Worldwatch Paper 117. Worldwatch Institute, Washington.
48 Hyde, Newman et Sedjo, op. cit., note 46, p. 304.
49 Le terme «infractions» recouvre les pertes dues au vol de grumes, mais on pourrait l'étendre aux pertes liées à la corruption. Le terme «sélection» se rapporte au fait de récolter le bois de premier choix et de laisser en place des peuplements dégradés.
50 On trouvera d'autres exemples et une analyse plus détaillée dans: M. Gillis. 1990. Forest incentive policies. Document établi pour l'étude de la Banque mondiale sur la politique forestière; D.W. Pearce, E.B. Barbier et A. Markandya. 1990. Sustainable development: economics and environment in the Third World. Edward Elgar-Earthscan, Londres; et Repetto et Gillis, eds, op. cit., note 46,
p. 304.
51 R. Paris et I. Ruzicka. 1991. Barking up the wrong tree: the role of rent appropriation in sustainable forest management. Etude spéciale no 1 du Bureau de l'environnement, BAsD, Manille.
52 M. Gillis. 1992. Forest concession, management and revenue policies. In Sharma, ed., op. cit., note 7, p. 255.
53 J.R. Vincent. 1990. Rent capture and the feasibility of tropical forest managment. Land Economics, 66 (mai).
54 En soi, la récupération d'une part de la rente n'est peut-être pas aussi fondamentale pour un rendement efficace que la recherche d'une incorporation adéquate des coûts d'utilisation de l'exploitation forestière, par le biais de conditions appropriées de contrats et de concession. En effet, même si la part de la rente revenant au gouvernement est faible, elle peut toujours assurer que la parcelle est récoltée dans des conditions d'efficacité à long terme pour le privé. Or, dans de nombreux pays, l'insuffisance de la part récupérée par l'Etat et celle des politiques de concessions se conjuguent pour inciter les concessionnaires à faire de la gestion à court terme et à rechercher des profits immédiats.
55 E.L. Boado. 1988. Incentive policies and forest use in the Philippines. In Repetto et Gillis, eds, op. cit., note 46, p. 304.
56 D. Poore, P. Burgess, J. Palmer, S. Rietbergen et T. Synnott. 1989. No timber without trees: sustainability in the tropical forest. Earthscan, Londres.
57 M. Grut, J.A. Gray et N. Egli. 1991. Forest pricing and concession policies: managing the high forests of West and Central Africa. Document technique 143 de la Banque mondiale, Washington.
58 J.R. Vincent et C.S. Binkley. 1991. Forest-based industrialization: a dynamic perspective. Document de synthèse sur le développement no 389. Harvard Institute for International Development, Cambridge, Massachusetts.
59 Hyde, Newman et Sedjo, op. cit., note 46, p. 304.
60 Resource Assessment Commission. 1991. Forest and timber enquiry, vols. 1 et 2. Projet de rapport. Australian Government Publishing Service, Canberra.
61 S. Wibe. 1991. Market and intervention failures in the management of forests. Rapport du Comité de l'environnement, OCDE, Paris.
62 T. Jones et S. Wibe. 1992. Forests: market and intervention failures - five case studies. Earthscan, Londres.