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Les périodes vulnérables de la vie et les besoins spéciaux en énergie et nutriments

Grossesse et allaitement

La femme a besoin d’un supplément d’énergie et de protéines pendant la grossesse afin d’accumuler des réserves en prévision de l’allaitement et pour faire face aux besoins croissants du foetus. Ses besoins additionnels dépendent de ses niveaux d’activité et de son état nutritionnel initial. Une femme bien nourrie et modérément active devrait viser à augmenter sa consommation alimentaire de 100 kcal et de 6 à 7 g de protéines par jour. Une femme bien nourrie, engagée dans de lourds travaux comme l’agriculture de subsistance, peut avoir besoin d’un supplément de 200 kcal par jour. Les femmes sous-alimentées devraient augmenter leurs apports de 200 à 285 kcal par jour pour réduire le risque d’accoucher d’un bébé de poids insuffisant et pour avoir une bonne lactation.

Une mère qui allaite son enfant a besoin d’un surplus de 500 kcal et de 18 à 21 g de protéines chaque jour. L’énergie et les nutriments qui formeront le lait maternel proviennent en partie des aliments consommés par la mère et partiellement des réserves de nutriments qu’elle a su accumuler avant et pendant la grossesse. Pour une sécrétion suffisante de lait maternel, il est plus important de constituer de bonnes réserves en temps utile que de manger davantage après la naissance du bébé.

Les besoins journaliers approximatifs en énergie et protéines des femmes enceintes ou allaitantes sont indiqués au tableau 48. Les femmes enceintes et allaitantes ont également besoin d’un apport accru de fer, de folate et de vitamines A et C pour couvrir l’augmentation des besoins spécifiques de leur organisme.

Les nourrissons et le sevrage

Au cours de la petite enfance, le lait maternel apporte au bébé tous les nutriments dont il a besoin. Si la mère est restée en bon état de nutrition, son lait contient tous ces nutriments en justes proportions. Les nutriments du lait maternel sont plus aisément digérés et absorbés et mieux utilisés par l’organisme du bébé que les nutriments des laits artificiels. Le lait maternel contient aussi des facteurs antiinfectieux vivants qui protègent le bébé contre les infections. Parmi ses nombreux avantages, l’allaitement maternel aide à retarder une nouvelle grossesse, coûte moins cher que l’allaitement artificiel et resserre les liens entre l’enfant et sa mère.

TABLEAU 48

Besoins journaliers en énergie et protéines

Groupe/âge (ans)

Energie (kcal)

Protéines (g)

Régime Aa

Ration Bb

Enfants (garçons et filles)




0-6 mois

585

10

-c

6-12 mois

960

14

-

1-3 ans

1 250

14

23

3-5

1 510

18

26

5-7

1 710

20

30

7-10

1 880

26

38

Garçons




10-12

2 170

34

50

12-14

2 360

43

64

14-16

2 620

52

75

16-18

2 820

57

84

Filles




10-12

1 925

35

52

12-14

2 040

42

62

14-16

2 135

46

69

16-18

2 150

45

66

Enceintes

+200

+6

+7

Hommes, actifs




18-60

2 944

49

57

>60

2 060

49

57

Femmes, actives




En âge de procréer

2 140

41

48

Enceintes

2 240

47

55

Allaitantes

2 640

59

68

>60

1 830

41

48

a Régime équilibré avec peu de fibres et beaucoup de protéines complètes; 100 pour cent de digestibilité; score acido-aminé de 100 à tous âges.

b Régime très riche en fibres, avec beaucoup de céréales, de produits amylacés et de légumineuses, et peu de protéines complètes (animales); 85 pour cent de digestibilité; score acido-aminé de 70 pour le groupe 1-5 ans, de 80 pour le groupe 5-17 ans et de 100 pour les adultes.

c -: Pas de données disponibles; on estime que les besoins sont couverts par le lait maternel.

Source: OMS, 1985.

Si la mère se nourrit correctement, son bébé alimenté au sein se portera bien et se développera régulièrement pendant les quatre premiers mois de sa vie. Si le bébé reçoit trop tôt des aliments solides, il risque d’avoir moins d’appétit pour le lait maternel. Par suite, la mère produira moins de lait et l’on aboutira au sevrage précoce. Le processus graduel du sevrage, tel qu’il est recommandé, va de l’allaitement maternel exclusif, où le bébé dépend totalement du lait de sa mère, vers un allaitement mixte avec une part de lait maternel et une part d’aliments de sevrage, puis vers un allaitement maternel symbolique quand le bébé commence à partager aussi la nourriture familiale, jusqu’au moment où il abandonne complètement le sein de sa mère.

Des repas fréquents et des aliments très denses en nutriments aideront le nourrisson à vivre un sevrage sûr et réussi. Pour assurer au petit enfant des repas plus fréquents et des aliments de sevrage plus denses, il faut y consacrer du temps et des efforts. Un bon moyen consiste à organiser un programme communautaire entre mères, qui leur permet de faire des exercices de puériculture dans la maison de l’une d’elles avec les conseils d’une spécialiste de l’extérieur. De tels programmes seront d’autant plus efficaces qu’ils feront partie de plus vastes programmes de développement bénéficiant d’une aide officielle et du soutien gouvernemental.

Les enfants d’âge scolaire et les adolescents des deux sexes

Les aliments destinés aux enfants d’âge scolaire devront être à la mesure des besoins de leur croissance rapide, de leur activité physique intense et de leur développement mental. Entre 11 et 16 ans, les enfants grandissent très rapidement; ils ont alors besoin de collations en plus des repas ordinaires (encadré 55). Ces collations sont souvent très nutritives et riches en énergie, surtout quand les aliments sont frits dans l’huile.

Les enfants qui arrivent à l’école l’estomac vide ne sont pas capables de se concentrer, et leur apprentissage en souffre. Dans ces cas-là, la fourniture d’un petit déjeuner scolaire peut être appropriée. Des études ont montré que la malnutrition discrète ou modérée agit en synergie avec les facteurs du milieu pour limiter les performances scolaires des enfants (Levinger, 1989). Un niveau énergétique médiocre rend l’écolier passif, incapable d’une attention soutenue; la sous-alimentation chronique peut l’empêcher de réaliser tout son potentiel physique et mental.

ENCADRÉ 55
LES COLLATIONS DE L’ÉCOLIER

Exemples de bonnes collations

Les collations suivantes sont souvent avantageuses pour leur prix:

  • lait bouilli, pasteurisé ou caillé;

  • pain ou chapati (pain de froment frit), surtout avec un aliment riche en énergie, par exemple margarine, pâte d’arachide ou pâte de sésame;

  • beignets, gâteaux de haricots, biscuits;

  • manioc, plantain, igname ou pomme de terre frits ou bouillis;

  • épis de maïs grillés ou bouillis;

  • banane, papaye, avocat, mangue, orange ou autre fruit;

  • noix de coco;

  • oeuf dur;

  • arachides, soja ou autre oléagineux cuit;

  • petit poisson frit;

  • insectes tels que sauterelles ou termites;

  • canne à sucre.

Exemples de collations médiocres

Les collations ci-après sont souvent d’un mauvais rapport qualité-prix; elles peuvent abîmer les dents si elles sont consommées fréquemment, et il faut donc les réserver pour les grandes occasions:

  • sodas;

  • sucreries et sucettes;

  • glaces;

  • glucose en poudre et bonbons;

  • chips et crackers.

Source: King et Burgess, 1993.

La vieillesse

A mesure que l’adulte avance en âge, ses besoins alimentaires et nutritionnels diminuent en parallèle avec le ralentissement de son activité. D’ailleurs, son métabolisme de base diminue aussi, du fait de la réduction de sa masse cellulaire. Quand la maladie vient restreindre encore davantage l’activité physique, les changements dans le domaine alimentaire s’accentuent d’autant. Les tableaux 42, 43 et 48 peuvent être utilisés pour comparer les besoins en énergie et nutriments des femmes en âge de procréer avec ceux des femmes de plus de 60 ans. Les besoins en fer diminuent à la ménopause, avec l’arrêt des pertes de sang menstruel. Les besoins en énergie diminuent quand l’activité se réduit. Les besoins en minéraux autres que le fer demeurent inchangés, tout comme les besoins en vitamines. Si les apports d’énergie sont réduits, les apports de vitamines et de minéraux le sont probablement aussi. Il est donc important d’éviter que l’alimentation des personnes âgées devienne monotone et trop légère. Dans toute la mesure possible, ces personnes doivent manger tous les jours des légumes et des fruits frais, notamment des aliments riches en vitamines A, C et D.

Une politique qui encourage les familles à prendre soin de leurs anciens, conformément aux traditions culturelles africaines, présente des avantages considérables en même temps qu’elle tend à alléger le fardeau des pouvoirs publics. Les soins des proches sont une source de satisfactions émotionnelles et peuvent se révéler particulièrement propices pour préserver la santé, l’état de nutrition, la productivité et la dignité des personnes âgées. Bon nombre de personnes de 60 à 70 ans demeurent aptes à jouer dans la société un rôle précieux. Dans les sociétés africaines, les aînés de la famille au sens large jouissent d’une grande considération et jouent un rôle dominant dans la prise de décisions familiales.

Les regimes alimentaires africains et leur composition

Régime alimentaire, écologie et système agro-alimentaire

La composition du régime alimentaire est importante sur le plan de la nutrition; la fréquence des repas et la distribution des aliments au sein de la famille le sont aussi. Les habitudes alimentaires et les structures de consommation d’une communauté sont souvent en relation étroite avec l’écologie locale.

La domestication des plantes, entreprise en réponse aux écosystèmes naturels, a donné naissance à deux systèmes de culture principaux. La culture semencière (faite à partir de semences) constitue le mode indigène d’agriculture des régions sèches de l’Afrique. La culture des racines et des tubercules, qui dépend principalement d’une reproduction végétative, est surtout pratiquée dans les plaines tropicales humides de l’Afrique. La domestication des plantes peut également entraîner une dépendance à l’égard d’une seule espèce, comme le riz, le maïs, le manioc ou la banane plantain. Si cette espèce est pauvre en tel ou tel nutriment, un état de carence peut s’ensuivre.

Normalement, les pasteurs nomades ne se consacrent pas aux cultures vivrières. Leur alimentation traditionnelle est basée, pour l’essentiel, sur les produits de leurs troupeaux, complétés dans la plupart des communautés par une gamme de produits de cueillette variables selon la saison. Cependant, les céréales comme les mils et le sorgho prennent de plus en plus de place dans leur régime alimentaire. Au chapitre 4, encadré 17, les lecteurs intéressés pourront trouver une analyse du système agro-alimentaire d’une famille de pasteurs maliens et de ses implications nutritionnelles.

D’autres modifications des systèmes agro-alimentaires qui se reflètent sur les régimes alimentaires sont liées à l’urbanisation croissante des populations africaines. Ces changements comprennent la consommation d’autres aliments de base et l’achat plus fréquent de casse-croûte (voir le chapitre 3). Le sorgho, les mils et l’igname sont délaissés au profit d’une nourriture plus moderne, par exemple le maïs, le riz, le blé et ses dérivés, spécialement dans les villes.

La composition des régimes alimentaires en Afrique

Les généralisations sont rarement utiles pour décrire des sujets aussi complexes que les régimes alimentaires, qui dépendent d’un grand nombre de facteurs économiques, écologiques, sociaux et culturels et qui peuvent être typiques d’une région ou d’une communauté. Les régimes alimentaires africains sont basés d’ordinaire sur un plat glucidique qu’accompagnent des soupes, des assaisonnements et des sauces, pimentées ou non, où l’on retrouve une grande variété d’autres aliments. La figure 30 indique la proportion des différents groupes d’aliments dans la structure de la consommation d’un groupe de femmes et d’enfants du Swaziland.

La majeure partie de l’énergie alimentaire provient du plat de base, qui peut aussi contenir une part importante des protéines du repas.

Les céréales de base, comme le maïs, le sorgho, les mils et le riz, fournissent de 40 à 60 pour cent de l’apport énergétique total de la plupart des régimes alimentaires africains. L’assaisonnement fournit des lipides, des protéines, des vitamines et des minéraux, donne de la saveur au plat de base et comble l’appétit. Les composants et l’origine du plat de base glucidique demeurent assez constants dans une communauté, tandis que l’assaisonnement, habituellement composé de légumes verts, de légumes secs ou de noix et de viande ou de poisson s’il s’en trouve, varie dans sa composition, son goût et sa consistance, selon la saison, les ressources de la famille et ses habitudes alimentaires. La consommation de légumes en Afrique est mal documentée, car leur origine parfois sauvage complique les estimations.

FIGURE 30
Composition du régime alimentaire de femmes et d’enfants du Swaziland

Source: Huss-Ashmore et Curry, 1991.

Le contenu lipidique de l’alimentation africaine est souvent très faible. En Afrique subsaharienne, les lipides fournissent en moyenne 18 pour cent de l’énergie, mais les populations de certains pays ne trouvent souvent pas plus de 7 à 15 pour cent des calories de leur alimentation dans les corps gras. De même, les menus sont souvent pauvres en protéines animales. La viande (principalement de mouton ou de chèvre) et les produits dérivés ne fournissent en moyenne qu’à peu près 3 pour cent de l’apport énergétique total. Le lait n’est guère consommé en Afrique, excepté dans certains pays sahéliens comme le Kenya, la Mauritanie, la Somalie et le Soudan, en raison de la très faible production par animal et par défaut de procédés de conservation. L’intolérance au lactose largement répandue dans la population constitue sans doute un autre facteur explicatif.

L’insuffisance des ressources et les difficultés d’accès aux aliments ont conduit la plupart des communautés africaines à développer des typologies alimentaires qui privilégient l’utilisation des produits locaux. Les déficits alimentaires résultent le plus souvent d’un manque d’argent ou d’autres ressources, par exemple le travail ou la terre, ou de temps disponible, surtout dans le cas des femmes.

Le tableau 49 donne des exemples de menus familiaux pour différentes zones de l’Afrique orientale. Il ne s’agit pas de listes de portions moyennes observées à ces endroits, mais de suggestions de menus qui pourront convenir si leurs composants sont disponibles et accessibles aux familles. Ces menus et les repas de l’encadré 56 peuvent servir de références aux vulgarisatrices et aux économistes ménagères désireuses d’offrir aux familles des conseils sur la manière de se nourrir. Si le ménage a facilement accès à la terre et au travail, ces références pourront influencer aussi les conseils relatifs à la production horticole et agricole d’autoconsommation. Si les circonstances sont difficiles, le meilleur conseil sera sans doute une distribution plus équitable des aliments disponibles et l’amélioration de la condition infantile, en encourageant l’allaitement maternel et une fréquence accrue des repas des bébés et des enfants en âge d’être sevrés.

TABLEAU 49

Suggestions de régimes pour une alimentation satisfaisante dans sept zones d’Afrique orientalea

Aliment

Quantité (g/personne/jour)

Région côtière du Kenya


Riz

500

Poisson

100

Haricots

150

Amarante

100

Mangues

100

Noix de coco

50

Huile

15

Sel

15

Village d’Ouganda


Plantains (bananes à cuire)

1 000

Patates douces

200

Viande

50

Haricots

150

Feuilles de patate douce

150

Tomates

50

Huile

15

Sel

10

Région de Morogoro, Tanzanie


Maïs

500

Sprats séchés

50

Niébés

100

Amarante

100

Oranges

100

Oignons

50

Huile

15

Sel

10

Nairobi, Kenya


Pain blanc (blé)

400

Riz

100

OEufs

30

Viande

100

Carottes

100

Feuilles vertes

50

Beurre ou margarine

25

Bananes fraîches

100

Lait (dans le thé)

60

Sucre

30

Sel

10

Mozambique, rural


Mil

400

Manioc

200

Lait suri

150

Tomates

100

Feuilles de manioc

100

Arachides

50

Pois bambara

75

Fruits du baobab

30

Sel

10

Rives du lac Victoria


Maïs

600

Poisson

100

Niébés

150

Papayes

150

Légumes (variés)

200

Arachides

75

Huile

20

Sal

10

Pays Masaï (pasteurs)


Lait

2 000

Sang (animal)

100

Maïs

150

Feuilles sauvages

100

Fruits sauvages

100

Bananes

200

Sel

15

a Il s’agit de quantités pour un homme de taille moyenne.
Source: D’après FAO, 1979.

ENCADRÉ 56
L’ASSOCIATION DE DIVERS VÉGÉTAUX AMÉLIORE LA QUALITÉ DU RÉGIME FAMILIAL

Dans les régions où on ne peut pas souvent se procurer des produits d’origine animale, il est possible d’améliorer la qualité des protéines dans l’alimentation en faisant entrer dans chaque repas un mélange ou une variété de produits végétaux. Si un ménage dispose par exemple de maïs et de haricots, il est préférable du point de vue nutritionnel qu’il consomme un peu de chacun de ces produits à chaque repas, plutôt que de manger du maïs pendant deux semaines puis des haricots les deux semaines suivantes. C’est ce que font par tradition de nombreuses populations d’Afrique orientale. L’irio par exemple, aliment traditionnel des Kikuyus, est fait de maïs, de haricots, de pommes de terre et de feuilles vertes, et l’isyo des Kambas est un mélange de grains de maïs entiers, de haricots et parfois de légumes. On trouvera ci-dessous quelques exemples d’associations de végétaux, dont certains sont empruntés à la cuisine traditionnelle.

  • ragoût de riz et de haricots;

  • haricots et maïs bouilli (nyoyo);

  • maïs, haricots et légumes à feuilles vertes;

  • patates douces rôties, servies avec des pois ou des haricots et des feuilles d’amarante;

  • uji ou ugali de manioc (un tiers de farine de manioc, deux tiers de farine de maïs), servi avec une sauce faite de niébés et de tomates;

  • bouillie de sorgho et de bananes avec de la pâte d’arachide;

  • mil accompagné d’oignons, d’ignames, de pois et de sauce tomate;

  • potage d’arachide avec des pommes de terre;

  • sésame (simsim) ou arachides accompagnant l’ugali;

  • ragoût de légumes (feuilles vertes, tomates, haricots, oignons) servi avec du riz ou de l’ugali;

  • manioc avec une purée de haricots;

  • bananes plantains avec des haricots et du chou.

Source: FAO, 1979.

Fréquence des repas et distribution des aliments au sein de la famille

Dans la plupart des ménages, la fréquence des repas s’ajuste au style de vie et au rythme de travail de la famille. Le repas principal de nombreux ménages ruraux est préparé et servi dans la soirée, après que les adultes sont rentrés des champs et les enfants de l’école. Le petit déjeuner est souvent fait des restes, réchauffés ou non, du repas principal de la veille, servis avec du thé. En ville, on prend du pain et du thé ou du café pour le petit déjeuner. Dans certains cas, si le lieu de travail ou l’école sont éloignés, les adultes et les enfants quittent la maison sans déjeuner mais emportent un peu de nourriture froide à consommer en arrivant. Beaucoup d’enfants rejoignent l’école à pied sans avoir rien mangé.

En ville, les hommes et les femmes prennent d’ordinaire sur leur lieu de travail un repas de midi qu’ils ont acheté dans la rue ou à la cantine de l’entreprise. Ce sera peut-être le principal repas de la journée pour les hommes qui vivent seuls dans un logement loué et mal équipé pour cuisiner. Le soir, beaucoup d’hommes vont au restaurant du quartier consommer ensemble des en-cas, des grillades et de la bière. Dans les zones rurales, le déjeuner est apporté aux champs et consommé sur place à la saison des semis, du sarclage ou de la récolte. Les écoliers reçoivent parfois un peu d’argent de poche pour s’acheter quelque chose à manger à midi. Dans d’autres cas, ils payent une quote-part en nature ou en espèces à la cantine scolaire.

Les mères gardent souvent leurs jeunes enfants avec elles quand elles vont aux champs, sur le lieu de travail si c’est permis, ou sur les marchés locaux où elles font du commerce. L’enfant qui reste avec sa mère toute la journée reçoit sans doute régulièrement le sein et/ou des goûters. Les jeunes enfants laissés à la maison sont pris en charge par leurs aînés, leurs grands-parents ou d’autres membres de la famille. Il est souvent difficile d’assurer à ces enfants une nourriture suffisante, et les mères placées dans ce genre de situation peuvent être amenées à réduire l’allaitement ou à l’arrêter prématurément.

Lorsque les repas sont pris en famille, par exemple le soir ou pendant le week-end, la façon de servir les repas et de distribuer les mets peut affecter considérablement l’apport alimentaire des différents membres de la famille.

Dans certains foyers, l’habitude veut que chacun puise dans le plat commun. Les enfants sont éduqués à maîtriser leur gourmandise et à laisser la préséance à leurs aînés, spécialement pour les morceaux de viande qui sont dans la soupe ou la sauce. Les jeunes enfants peuvent alors avoir des difficultés à consommer assez d’aliments pour satisfaire leurs besoins, et tous les enfants sont censés fixer leur intérêt sur l’aliment de base tant que le père n’a pas fini de prendre de la soupe ou de la sauce. Dans d’autres communautés, la mère commence par servir son mari et les autres hommes; elle mange ensuite avec les enfants, quand les hommes sont rassasiés. Quelquefois, les garçons mangent avant la mère, les filles et les bébés. Cet ordre de préséance reflète la priorité donnée par la famille à ceux de ses membres qui gagnent de l’argent, mais c’est parfois au prix de la sous-alimentation des individus les plus vulnérables. Les résultats d’une analyse de l’effet des modalités de distribution des aliments sur l’état nutritionnel de certaines familles nigérianes sont indiqués dans l’encadré 57 et au tableau 50. Bien que l’inégale distribution des aliments au sein des familles ait souvent fait problème, il convient de noter que, dans la plupart des cas, le problème principal réside dans l’insuffisance des provisions disponibles.

Planifier des régimes alimentaires et nourrir sa famille

Une ménagère ne planifie pas des régimes alimentaires basés sur les besoins en nutriments quand elle s’attelle à la tâche de nourrir sa famille. La production d’aliments, leur transformation et leur préparation sont tellement intégrés à sa vie de tous les jours qu’il lui serait sans doute difficile d’expliquer comment elle procède pour nourrir sa famille. Certes, si cette femme est elle-même cultivatrice, elle s’efforcera de cultiver et de stocker les produits que sa famille préfère et qu’elle est habituée à cuisiner. Cependant, ses choix sont limités par la nature de ses terres et leur étendue, par l’importance de l’aide qu’elle peut attendre de ses enfants et par la capacité de stockage dont elle dispose. Si elle doit acheter des denrées alimentaires, son revenu monétaire sera souvent le facteur limitant de ses choix. Ce ne sont pas là les seuls facteurs importants. Qu’en est-il du bois de feu et de l’eau? Combien de temps a-t-elle pour préparer les repas? Ne faut-il pas mettre de côté une part des légumes du jardin pour les vendre au marché le lendemain? Ces interrogations sont toutes pertinentes quand il s’agit de choisir les menus de la cuisine familiale. Si l’on ajoute à cela qu’il faut laisser téter le bébé et préparer les soupes énergétiques de l’enfant de deux ans, on comprend sans peine pourquoi tant de femmes capables de répondre exactement aux questions que les vulgarisatrices leur posent sur la composition des repas équilibrés appliquent si mal leurs connaissances à l’alimentation familiale.

Aucune règle générale ne serait peut-être plus utile en Afrique que d’attribuer à chacun, sauf aux bébés, une quantité différente d’aliment de base, et à tous une portion identique d’assaisonnement. Le plus souvent, il est possible d’ajouter une petite quantité d’aliment d’origine animale à l’assaisonnement pour qu’il contienne une protéine complète; même une petite portion d’assaisonnement suffit alors pour rehausser la valeur protéique de tout le repas. L’addition d’un aliment d’origine animale contribue aussi à fournir des graisses transformables en énergie, du fer hématique et des vitamines, dont la vitamine A et le folate (provenant du foie). Si les aliments d’origine animale sont difficiles à se procurer, il demeure possible d’améliorer la qualité protéique du régime alimentaire en intégrant à chaque repas un assortiment variable de produits végétaux (voir l’encadré 56). Les familles devront peut-être ajuster leurs habitudes alimentaires, dans les limites des ressources disponibles, pour faire en sorte que la nourriture distribuée couvre de plus près les besoins nutritionnels de chacun de ses membres.

ENCADRÉ 57
RÉPARTITION DES ALIMENTS ET DES NUTRIMENTS AU SEIN DE LA FAMILLE, DANS UNE POPULATION RURALE DU NIGÉRIA

L’étude réalisée au Nigéria a révélé qu’un jeune garçon est mieux traité qu’une fille du même âge en ce qui concerne les rations alimentaires. Il existe donc une discrimination à l’égard des filles en matière de régime alimentaire. Avant l’âge de cinq ans, les enfants ont besoin de moins de calories que les adultes, mais un enfant de six ans consomme autant de calories qu’un adulte de petite taille modérément actif. Les adolescents en consomment plus. Wheeler (observations non publiées) a signalé que, dans des foyers ruraux pauvres, il y avait des différences de l’ordre de 30 à 50 pour cent entre les apports énergétiques des adultes et ceux des enfants, aussi bien qu’entre ceux des hommes et ceux des femmes. Dans la présente étude, les différences étaient de l’ordre de 20 à 50 pour cent entre les apports énergétiques des adultes et ceux des enfants. Cela pourrait être dû à des facteurs socioculturels importants, qui influencent la répartition des aliments au sein du foyer, par exemple l’ordre de préséance. Le père était servi le premier, puis les enfants par ordre d’âge, en commençant par l’aîné. Dans cette société dominée par les hommes, l’influence de ces derniers se faisait sentir de diverses façons. Les aliments de prestige étaient souvent réservés aux hommes, qui se servaient avant les femmes et les enfants. L’étude a révélé que chez les Ibos le visiteur recevait plus d’aliments que les membres de la famille, ce qui montre l’importance de l’hospitalité dans cette culture.

Les traditions culturelles - par exemple les modalités de répartition des aliments au sein de la famille, qui font que l’adulte se sert le premier de poisson ou de viande - peuvent avoir un effet négatif sur les groupes vulnérables.

Il est important de noter que, le plus souvent, ce n’était pas l’inégale répartition des aliments dans la famille qui constituait le problème principal, mais simplement l’insuffisance de vivres. Chez les ruraux ayant fait l’objet de l’étude, les hommes avaient une alimentation déficitaire, sauf en fer et en acide ascorbique. En fait, dans ces foyers, personne n’avait suffisamment à manger, et certains membres de la famille, notamment les plus vulnérables, avaient une consommation inférieure aux niveaux recommandés par l’OMS.

Source: Okeke et Nnanyelugo, 1989.


TABLEAU 50

Préséance au cours des repas dans deux communautés de l’état d’Anambra, au Nigéria

Individu

Opi

Odageri-edda

Total

Nombre

%

Nombre

%

Nombre

%

Père

132

86,8

49

98

181

91,9

Mère et enfants

15

9,9

1

2

16

8,1

Grands enfants

5

3,3

-

-

-

-

Total

152

100

50

100

197

100

Source: Okeke et Nnanyelugo, 1989,


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