AUX ÉTATS-UNIS, LA LOI DE 1996 SUR L'AGRICULTURE
FAIT UNE PLUS LARGE PLACE AUX FORCES DU MARCHÉ
La loi fédérale de réforme de l'agriculture, entrée en vigueur en avril 1996, marque un tournant radical dans la politique agricole des Etats-Unis, puisqu`elle met fin à la politique de soutien de l`agriculture introduite au cours du New Deal, par la loi d`ajustement agricole de 1993. Après une phase de réduction progressive du soutien public des revenus agricoles, étalée sur sept ans jusqu`en 2002, les versements directs aux agriculteurs américains devraient prendre fin. Si cette réforme radicale de la politique agricole est pleinement mise en uvre, elle aura une incidente majeure sur les agriculteurs américains et, indirectement, sur l`ensemble du globe.
La nouvelle loi parachève le découplage entre les décisions de production et le versement des primes. Ce découplage avait commencé en 1985, quand les rendements des exploitations utilisés pour calculer les paiements compensatoires avaient été bloqués; la Loi de 1990 a introduit le système des normal flex acres: réduction de 15 pour cent de la superficie prise comme base pour les versements, les agriculteurs ayant toute latitude de décider s'ils veulent ou non ensemencer les superficies ainsi retirées du programme de primes. Vu son effet de découplage, la Loi sur l'agriculture peut influer sur la structure et les résultats de l'agriculture américaine.
La Loi de 1996 marque un tournant radical de la politique agricole des Etats-Unis: elle supprime les prix d'objectif et les paiements compensatoires, de sorte que le soutien des revenus n'est plus lié aux prix agricoles et que l'effet de stabilisation des revenus qui caractérisait les programmes des années 70 a disparu. Les versements aux producteurs et aux propriétaires agricoles seront un peu moins élevés qu'au cours de la dernière décennie. La suppression des programmes de réduction des superficies (gel de terres) donnera aux agriculteurs une plus grande marge de manuvre et les laissera libres de cultiver ce qu'ils veulent, sauf les fruits et légumes, sur la superficie de base. Les producteurs tiendront donc mieux compte des tendances du marché au moment de décider ce qu'ils veulent produire. En outre, les revenus agricoles des producteurs et des propriétaires seront beaucoup plus variables parce que les versements au titre de la Loi de 1996 seront forfaitaires et indépendants du cours du marché.
Pression en faveur de la réforme
L'évolution du secteur agricole et les pressions économiques avaient rendu nécessaire une transformation radicale de la politique agricole des Etats-Unis. Beaucoup d'agriculteurs et de dirigeants considéraient que les mesures limitant les superficies cultivées pendant les années 80 étaient particulièrement contraignantes. Les superficies prises comme base pour les paiements compensatoires étaient calculées sur la base des superficies cultivées pendant les années 70: or, les techniques de production et les marchés ont beaucoup changé depuis lors. Comme la superficie retenue pour les paiements compensatoires était basée sur la moyenne mobile des superficies des années précédentes, ou sur la superficie ensemencée la dernière année si celle-ci était inférieure à cette moyenne, les agriculteurs étaient incités à maintenir leur production au niveau de la moyenne passée. Ils voulaient plus de liberté de décision, même si la Loi de 1990 avait commencé à assouplir les contraintes. De plus, beaucoup considéraient que les programmes annuels de gel de terres, se traduisant par la mise hors production de terres agricoles américaines, encourageaient les concurrents étrangers à accroître leur production, ce qui avait pour effet de réduire les exportations agricoles des Etats-Unis.
En outre, le souci de réduire le déficit du budget fédéral a poussé à une réforme de l'agriculture. Les mesures de soutien agricole coûtaient cher et profitaient principalement à certaines zones géographiques et aux gros producteurs. Leur coût était très variable: 7 milliards de dollars pendant l'exercice 1995, contre le niveau record de 26 milliards pendant l'exercice 1986.
En 1995-1996, la conjoncture a été favorable à la réforme. Les cours des produits de base étant élevés, les programmes de soutien des prix et des revenus étaient moins justifiés; on demandait de toutes parts que les interventions de l'Etat soient réduites pour affranchir les producteurs du joug des réglementations et leur permettre d'adapter leur production à la demande du marché.
Modification des programmes agricoles
La Loi agricole des Etats-Unis englobe toute une gamme de dispositions relatives à l'agriculture. On se limitera ici à présenter les principales innovations concernant la production50. La Loi de 1996 modifie radicalement le régime de soutien des cultures «contractuelles» (blé, maïs, sorgho, orge, avoine, riz et coton de plateau). Le soutien de la production laitière a été supprimé et celui de l'arachide réduit et la disposition autorisant à fixer des contingents de commercialisation (au-delà desquels les producteurs sont pénalisés) pour le sucre a été abrogée. Les programmes de commerce et d'aide alimentaire ont été réorientés en vue de développer les marchés et une place plus importante est faite aux produits d'exportation à prix élevés et forte valeur ajoutée. La Loi proroge de nombreux programmes de conservation et de protection de l'environnement; en particulier, le programme de mise en réserve des terres pour la protection de l'environnement est réactivé.
Remplacement des paiements compensatoires par des versements contractuels découplés. La Loi de 1996 remplace le programme de paiements compensatoires en vigueur depuis le début des années 70 par un nouveau programme de versements découplés qui doit durer sept ans. Pour pouvoir en bénéficier et obtenir du crédit pour les produits contractuels, les agriculteurs doivent souscrire un contrat de production souple aux termes duquel ils s'engagent pour la période 1996-2002 à respecter les dispositions existantes en matière de conservation, de marécages et de souplesse de production et à continuer d'utiliser la terre pour l'agriculture. Le coût total des versements contractuels pour la période 1996-2002 est fixé à un peu plus de 36 milliards de dollars (figure 11). La Loi précise la répartition de ce total entre les différents produits contractuels: 46,2 pour cent pour le maïs, 26,3 pour cent pour le blé, 11,6 pour cent pour le coton de plateau, 8,5 pour cent pour le riz, 7,4 pour cent pour les céréales fourragères.
La nouvelle Loi laisse plus de liberté aux agriculteurs. Jusqu'ici, les paiements étaient réduits si plus de 15 pour cent de la superficie de base de l'exploitation allouée à une culture spécifique étaient consacrés à une autre culture ou si la superficie cultivée dépassait le total autorisé. Pour bénéficier des versements, les agriculteurs étaient souvent obligés de laisser une partie de leurs terres arables en friche en vertu du programme de gel de terres. La nouvelle Loi supprime ce programme et les producteurs peuvent maintenant cultiver ce qu'ils veulent sur 100 pour cent de leur superficie contractuelle ainsi que sur les superficies hors-contrat (avec toutefois une certaine limitation en ce qui concerne les fruits et les légumes) sans perdre la prime, pourvu qu'ils respectent les dispositions en matière de conservation et de marécages.
La Loi de 1996 maintient le principal instrument de soutien des prix, les prêts sans recours - ou prix garantis pour les produits - mais sous une forme modifiée. L'Etat verse aux agriculteurs qui donnent comme garantie un stock de produits un prêt d'un montant déterminé par tonne de produit (taux du prêt). Pour la plupart des produits agricoles, le taux du prêt continue à être déterminé sur la base de 85 pour cent de la moyenne quinquennale des prix agricoles (en excluant la meilleure et la pire des cinq dernières années). Toutefois la Loi de 1996 plafonne le taux du prêt au niveau de 1995 pour la plupart des produits agricoles. La disposition autorisant les agriculteurs à ne rembourser que le prix du marché si celui-ci est inférieur au taux du prêt est maintenue de sorte que les producteurs continuent à bénéficier d'une certaine protection des revenus pour les produits contractuels et le gouvernement n'est pas obligé d'accumuler des stocks de produits donnés en garantie de prêts non remboursés.
Suppression graduelle du soutien des prix des produits laitiers. L'Etat fédéral achète du beurre écrémé en poudre et du fromage à des prix déterminés pour soutenir le prix du lait liquide. Le programme est en partie financé par une taxe de commercialisation de 0,10 dollar par hundredweight (environ 45,4 kg) payée par les producteurs. La Loi de 1996 supprime cette taxe et prévoit que le prix de soutien du lait sera progressivement ramené de 10,35 dollars par hundredweight en 1996 à 9,90 dollars en 1999; le soutien doit être complètement supprimé le 1er janvier 2000. A partir de cette date, un programme de prêts remboursables avec intérêts, correspondant à un prix garanti équivalant à 9,90 dollars par hundredweight de lait liquide sera mis en place pour le beurre, le lait écrémé en poudre et le fromage, afin d'aider les laiteries à gérer leurs stocks.
Les règlements relatifs à la commercialisation du lait émanant du Secrétariat à l'agriculture précisent les prix minimums et les conditions auxquelles le lait peut être vendu et acheté dans une zone déterminée. Les prix minimums sont classés et fixés selon le produit auquel le lait est destiné. La Loi de 1996 regroupe les 33 règlements fédéraux en 10 à 14 nouveaux règlements.
Le Programme d'encouragement des exportations de produits laitiers est reconduit jusqu'en 2002 et élargi de façon à inclure des activités de développement du marché. Des directives ont été données pour que ce programme soit utilisé au maximum dans la mesure où l'Accord issu du Cycle d'Uruguay l'autorise.
Modification du programme d'appui au sucre. Le programme relatif au sucre ne doit en principe rien coûter au gouvernement fédéral. Le prix du sucre est soutenu au moyen de prêts sans recours, correspondant au prix garanti offert aux sucreries. Le prix garanti du sucre de canne brut reste gelé. La Loi de 1996 a aussi gelé au niveau de 1995 le prix garanti du sucre de betterave raffiné. Les prêts sans recours51 ne sont consentis que quand le contingent tarifaire des importations de sucre est égal à au moins 1,5 million de tonnes courtes. Les prêts doivent être obligatoirement remboursés en espèces quand le contingent tarifaire est inférieur à 1,5 million de tonnes courtes (une tonne courte = environ 0,9 tonne). Une taxe de commercialisation est perçue sur tout le sucre transformé. La Loi de 1996 a relevé cette taxe de 25 pour cent. Jusqu'ici, le Département de l'agriculture avait le pouvoir de fixer des contingents de commercialisation de sucre sur le marché intérieur; cette disposition est maintenant abrogée.
Ciblage plus précis des principales dispositions relatives au commerce. Les programmes en matière de commerce et d'aide alimentaire sont réorientés de façon à développer les marchés et plus particulièrement les exportations de produits à prix élevés et forte valeur ajoutée. Les dépenses annuelles au titre du Programme d'encouragement des exportations sont plafonnées (figure 12). En outre, les crédits totaux alloués à ce programme pour la période 1996-1999 sont inférieurs de plus de 1,6 milliard au maximum autorisé par l'Accord issu du Cycle d'Uruguay. Quoi qu'il en soit, les Etats-Unis n'ont guère eu recours à ce programme pendant la campagne 1995/96, parce que les prix mondiaux étaient élevés, de sorte que les dépenses ont été très inférieures aux niveaux autorisés par l'Accord issu du Cycle d'Uruguay. Tant que la tension persiste sur les marchés, le Programme d'encouragement des exportations continuera sans doute à jouer un rôle limité.
Le financement du Programme de promotion des marchés52, rebaptisé Programme d'accès aux marchés, est plafonné à 90 millions de dollars EU par an pour la période 1996-2002. Les accords au titre du Chapitre I de la Loi publique 480 (ventes à des conditions libérales avec règlement à long terme) peuvent désormais être conclus avec des entités privées et non plus seulement avec des gouvernements étrangers. D'autres modifications importantes ont été apportées à la Loi 480: élargissement de l'éventail de produits visés, assouplissement du programme, améliorations opérationnelles et administratives. La réserve de produits pour la sécurité alimentaire (autrefois, réserve de blé pour la sécurité alimentaire) est élargie et pourra atteindre jusqu'à 4 millions de tonnes et comprendre des produits autres que le blé (riz, maïs, sorgho), qui pourront servir pour l'aide humanitaire.
Principales dispositions en vue de la conservation. La Loi de 1996 embrasse une vaste gamme de programmes en matière d'environnement et de conservation. La plupart d'entre eux ont été simplifiés dans un souci de cohérence et de pragmatisme. Le principal programme de conservation est le programme de mise en réserve volontaire des terres pour la protection de l'environnement qui consiste à verser un loyer annuel aux producteurs qui offrent de retirer de la production des terres agricoles écologiquement fragiles pendant 10 à 15 ans et d'y appliquer des méthodes de conservation prescrites. La Loi fixe la superficie maximum de ces réserves à 36,4 millions d'acres (14,7 millions d'hectares), ce qui est leur superficie actuelle. Au bout de cinq ans, les agriculteurs peuvent retirer du programme les terres les moins fragiles. Les terres ainsi retirées du programme, comme celles pour lesquelles le contrat vient à expiration, peuvent bénéficier de contrats de production souples et d'autres terres peuvent être incluses dans le programme de mise en réserve pour les remplacer.
Impact général de la nouvelle législation
La Loi de 1996 accentue les orientations des deux grandes Lois précédentes sur l'agriculture: rôle accru du marché et réduction des interventions de l'Etat dans l'agriculture. La tendance à la réduction du nombre des exploitations et à l'accroissement de leur superficie devrait se maintenir. L'agriculture restera très compétitive. Les producteurs devront avoir de grandes compétences techniques et de gestion. La réduction des programmes de soutien rendra les agriculteurs plus vulnérables aux fluctuations brutales de l'offre et de la demande, de sorte qu'ils auront probablement davantage recours à des formules telles que les contrats de commercialisation et l'intégration pour gérer les risques liés aux prix et à la production. On trouvera ci-après une analyse de l'impact de la nouvelle Loi dans quatre domaines, suivie d'une étude des effets sur les revenus agricoles nets.
Programme de mise en réserve de terres pour la protection de l'environnement. L'impact de la Loi de 1996 sur l'agriculture dépendra beaucoup de la superficie qui sera incluse dans le programme de mise en réserve de terres pour la protection de l'environnement. En 1995, près de 100 millions d'hectares de terres agricoles ont été consacrés aux cultures contractuelles et au soja. Environ 2 millions sont restés en friche dans le cadre du programme de gel de terres et 14,7 millions au titre du programme de mise en réserve pour la protection de l'environnement. Ce dernier couvre donc une quantité notable de terres potentiellement cultivables aux Etats-Unis. Or, les propriétaires peuvent retirer du programme les terres les moins fragiles avant l'expiration du contrat, pourvu que cinq ans au moins se soient écoulés depuis le début du contrat. En outre, à l'expiration du contrat, les terres peuvent être remises en réserve au titre du programme, ou remplacées par de nouvelles terres. Le Département de l'agriculture est habilité à fixer les objectifs pour la superficie couverte par le programme de mise en réserve de terres et la composition de ces terres, mais ce sont les agriculteurs qui décideront s'ils veulent mettre leurs terres en réserve au titre du programme ou les exploiter et recevoir les primes contractuelles au titre de la Loi de 1996 pour les superficies. On ne peut donc absolument pas prédire quelle sera la superficie couverte par le programme de mise en réserve. Avant la Loi de 1996, beaucoup d'analystes pensaient qu'elle tomberait à 10-12 millions d'hectares en 2002, contre 14,7 en 1995. Au vu des dispositions de la Loi, cet ordre de grandeur est vraisemblable, mais l'effet relatif sur les diverses cultures pourra dépendre des critères environnementaux retenus pour inclure de nouvelles terres et proroger les contrats antérieurs.
Produits contractuels et soja. Etant donné la suppression des programmes de gel de terres et des contraintes limitant le choix des cultures, la Loi de 1996 donne aux agriculteurs plus de latitude pour décider ce qu'ils veulent produire: la structure de la production se modifiera probablement tant au niveau de l'exploitation qu'entre les régions pour tirer parti des différences d'avantages comparatifs des diverses cultures. L'impact du programme variera d'une région à l'autre, selon l'assortiment de produits agricoles, le degré de diversification et les alternatives possibles. Les contraintes imposées par le programme ont probablement empêché ces modifications jusqu'ici.
Toutefois, la Loi de 1996 n'aura probablement pas beaucoup d'effet sur la superficie totale consacrée à la plupart des cultures de plein champ; la superficie exploitée, actuellement de 99,4 millions d'hectares, augmentera de 2 à 4 millions d'hectares au cours des 10 prochaines années. Les Lois sur l'agriculture des années antérieures avaient déjà réduit l'impact des programmes de soutien, car les primes étaient pratiquement découplées des décisions des producteurs à la marge. La marge normale de 15 pour cent suffisait pour assurer l'équilibre global de l'offre et de la demande des divers produits. La superficie totale consacrée à la production de blé, de céréales fourragères et de soja sera probablement semblable à ce qu'elle aurait été sans la Loi de 1996 et les variations tiendront en grande partie à l'évolution de la superficie incluse dans le programme de mise en réserve.
En revanche, la Loi de 1996 aura des effets plus marqués sur les superficies consacrées aux cultures de riz et de coton. La riziculture devrait reculer dans des régions telles que le sud-ouest de la Louisiane et le Texas, où les coûts de production sont élevés, à cause de l'abrogation de la clause subordonnant le versement des primes à l'obligation de consacrer 50 pour cent des terres à cette culture et de la nouvelle liberté de choix. La superficie consacrée au coton de plateau pourrait augmenter un peu. Si les législations antérieures avaient été maintenues, c'est probablement la seule culture qui aurait dû abandonner des terres au titre du programme de gel de terres. L'élimination de ce dernier libérera des terres supplémentaires pour la production. En outre, le coton est la seule culture pour laquelle la superficie ait augmenté au cours des cinq dernières années grâce à la souplesse introduite par la Loi de 1990 sur l'agriculture, ce qui donne à penser qu'il est commercialement plus rentable que d'autres cultures. Toutefois, une partie des superficies cultivées en coton pourraient être consacrées à d'autres cultures, de sorte que les superficies consacrées au coton pourraient augmenter dans une proportion bien inférieure à ce qui serait possible car les producteurs utiliseront la plus grande liberté que leur donne la Loi de 1996 pour se protéger contre les fluctuations de la production de coton et des revenus commerciaux.
Produits laitiers. La Loi de 1996 a modifié le régime applicable aux produits laitiers: le soutien des prix sera supprimé graduellement et les multiples règlements applicables à la commercialisation du lait seront regroupés. La croissance de la production laitière devrait ralentir sous l'effet de la baisse des prix et de la réduction de la rentabilité de l'élevage laitier. Le regroupement des règlements pourrait avoir des effets sur les prix à l'échelle des régions. L'impact de la nouvelle législation sur les autres parties du secteur de l'élevage sera probablement minime car le coût des produits fourragers sera très proche de ce qu'il était sous le régime antérieur.
Sucre. La suppression des dispositions fixant des contingents de commercialisation de sucre pourrait offrir aux sucreries les plus efficientes la possibilité d'accroître leur production. Toutefois, cet essor sera limité par le risque de faire tomber le contingent tarifaire des importations de sucre en dessous du seuil de 1,5 million de tonnes, ce qui ferait perdre l'avantage des prêts sans recours. Selon le scénario le plus probable, les Etats-Unis devraient continuer à importer du sucre et leur production totale sera proche de ce qu'elle aurait été sous le régime antérieur. L'expansion de la production de betterave sucrière dans certaines régions sera probablement compensée par la réduction de la production de canne à sucre. Cela s'inscrit dans le droit fil des tendances observées avant la Loi de 1996.
Marchés d'exportation. L'agriculture américaine pourrait devenir plus compétitive sur les marchés mondiaux sous l'effet de la Loi de 1996. Même si les prix ne dépassent pas le niveau garanti, le régime des crédits à la commercialisation autorisant les emprunteurs à rembourser les prêts sans recours sur la base du cours mondial quand celui-ci est inférieur au taux fixé lors du prêt contribuera à assurer la commercialisation des produits et à éviter l'accumulation de stocks publics. Dans le contexte d'une croissance économique mondiale vigoureuse et de la libéralisation des échanges résultant de l'Accord issu du Cycle d'Uruguay, la Loi de 1996 permettra aux producteurs de réagir aux signaux du marché. Quand les prix sont élevés, le programme d'encouragement des exportations n'a pas beaucoup d'effets, de sorte que la réduction des crédits affectés à ce programme fera à peine baisser les exportations américaines de blé et d'orge tant que les cours resteront élevés. Du fait de la suppression du programme de gel de terres et de la suspension du programme de stockage à la ferme, l'Etat fédéral ne limitera plus l'offre sur le marché pour soutenir les prix. Etant plus libres de choisir ce qu'ils veulent cultiver, les agriculteurs américains pourront plus rapidement adapter leur production à l'évolution du marché mondial. Les programmes en matière de commerce, réorientés vers le développement du marché, pourraient devenir plus efficaces.
Incidence sur les revenus agricoles. On pense que les revenus agricoles seront un peu plus élevés sous le nouveau régime que si la législation antérieure avait été maintenue. Les versements de l'Etat aux agriculteurs seront plus élevés car le montant global des primes versées au titre des contrats de production souples dépassera le montant projeté des paiements compensatoires qui auraient été versées sous l'ancien régime. En outre, la modification du calendrier des versements provoquera une croissance supplémentaire de plus de 4 milliards de dollars des revenus nets pendant la première année du programme (1996). Dans le secteur laitier, la nouvelle législation devrait faire baisser les recettes des producteurs après 1996, du fait de la réduction des prix de soutien, mais la suppression de la taxe de commercialisation compensera en partie cette baisse. La rente nette des propriétaires non exploitants augmentera du fait que les versements de l'Etat feront monter la valeur des terres.
Les risques commerciaux se répercuteront davantage sur les revenus agricoles, qui deviendront plus variables du fait que les recettes des agriculteurs dépendront plus directement du marché. En effet, avec la nouvelle législation, les versements de l'Etat seront découplés des prix du marché. Le système de prix garantis qui est maintenu, mais avec des taux de prêt relativement faibles, continue à assurer une certaine protection des revenus.
Les agriculteurs devront continuer à s'adapter à l'économie de marché: ils auront besoin de plus de qualifications pour opérer dans ce contexte d'instabilité accrue des revenus et de réduction des aides publiques qui permettaient d'amortir les baisses de revenus. En prenant leurs décisions en matière de production, de commercialisation et de financement, ils devront se préoccuper davantage de la gestion des risques afin de se prémunir efficacement contre les fluctuations annuelles de revenus. Beaucoup d'agriculteurs devront apprendre à mieux utiliser l'épargne et les investissements, les marchés à terme et les options, les contrats à terme et les autres instruments de commercialisation.
La Loi de 1996 sur la réforme de l'agriculture accentue de plusieurs façons le rôle des forces du marché dans le secteur agricole américain. Premièrement, elle parachève le découplage entre le choix des principales cultures à produire et les versements de l'Etat, puisque les agriculteurs pourront désormais choisir plus librement ce qu'ils veulent cultiver (avec des limitations pour les cultures de fruits et légumes). Deuxièmement, en supprimant les programmes de gel de terres, la Loi élimine les programmes annuels de régulation de l'offre. Troisièmement, les primes de l'Etat ne sont plus inversement proportionnelles aux prix touchés par les agriculteurs.
Globalement, la production végétale devrait augmenter sous l'effet de l'évolution des marchés intérieurs et internationaux. La Loi de 1996 devrait rendre les produits de l'agriculture américaine plus compétitifs sur les marchés mondiaux. Elle devrait permettre aux prix du marché de s'établir à des niveaux tels que le volume des exportations variera de façon à éviter l'accumulation de stocks.
La loi devrait mettre fin, d`ici à 2002, au soutien direct accordé aux agriculteurs américains, mais il reste à voir si les pouvoirs publics auront la volonté politique d`appliquer ces dispositions même lorsque les conditions de production ou de commercialisation sont défavorables.
50 Les dispositions de la Loi fédérale de 1996 sur la réforme de l'agriculture sont résumées et comparées à celles de la loi précédente dans E. Young et D.A. Shields. 1996. 1996 FAIR Act frames farm policy for seven years. Agricultural Outlook Supplement, Service de recherche économique, Département de l'agriculture des Etats-Unis (USDA), avril 1996.
51 Les éleveurs et les laiteries peuvent donner en garantie une certaine quantité de produit et obtenir un crédit de la Com-modity Credit Corporation (CCC). L'emprunteur peut à sa discrétion rembourser en espèces ou abandonner le produit
à la CCC (l'Etat n'a d'autre re-cours que d'accepter le produit en guise de remboursement).
52 Le gouvernement fournit des crédits pour développer les marchés d'exportation. Des associations agricoles sans but lucratif, des groupements commerciaux régionaux et des entreprises privées participent au Programme de promotion des marchés.