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Partie I: Introduction


Chapitre 1: Présentation du manuel
Chapitre 2: Description de la zone d'application des méthodes


Chapitre 1: Présentation du manuel


Définitions des termes hydrologiques
Détermination des principaux paramétres intervenant dans le calcul des crues et des apports


La maîtrise de l'eau pour l'agriculture est un des préalables fondamentaux au développement rural durable en Afrique sub-saharienne. Celle-ci requiert, pour la réalisation d'aménagements hydrauliques, deux catégories d'informations particulièrement importantes et difficiles à estimer en l'absence de réseaux de mesures hydrologiques. Il s'agit d'une part des événements hydrologiques exceptionnels (crues), dont la quantification est requise pour le dimensionnement des ouvrages, et d'autre part des volumes d'écoulement des bassins versants, nécessaires à l'estimation du potentiel de développement hydraulique et au dimensionnement des retenues de barrages.

De nombreuses mesures ont été prises durant les trente dernières années sur des petits bassins versants représentatifs en Afrique sahélienne et tropicale sèche, et plusieurs méthodes ont été mises au point pour l'estimation des crues. En revanche, le problème de l'écoulement annuel n'a fait jusqu'à présent l'objet d'aucune étude de synthèse et la rareté des séries statistiques de débits de longue durée rendent cet exercice particulièrement délicat.

Au regard de cette situation, la FAO a décidé de financer un programme qui a été exécuté conjointement entre 1991 et 1994 par le Comité interafricain d'études hydrauliques (CIEH), l'Orstom (l'Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération) et le Laboratoire commun de télédétection CEMAGREF/ENGREF. Ce programme avait les objectifs suivants:

• la compilation de toutes les données existantes concernant les crues et apports annuels des petits bassins versants de l'Afrique sahélienne et tropicale sèche;

• la révision et l'actualisation des principales méthodes de prédétermination des crues décennales;

• la présentation, sous la forme d'un manuel unique, des principales méthodes de prédétermination des crues décennales et des apports annuels sur les petits bassins versants non jaugés;

• l'étude des possibilités d'application de la télédétection et des systèmes d'information géographique à la détermination des caractéristiques hydrologiques des petits bassins versants.

Cet ouvrage est le résultat du programme décrit ci-dessus. Il s'agit d'un manuel pratique présentant les différentes méthodes existantes, selon le schéma suivant:

• la définition des termes hydrologiques et la détermination des principaux paramètres intervenant dans le calcul des crues et apports;

• les méthodes de prédétermination des crues décennales (révisées):

- La méthode Orstom;

- La méthode CIEH;

- Les formules d'écoulement.

• Les méthodes d'évaluation de l'écoulement annuel:

- La méthode Rodier;

- Le modèle Girard;

- La méthode Dubreuil-Vuillaume;

- La méthode du bilan d'eau des retenues.

• Une description de l'apport que peuvent fournir la télédétection et les systèmes d'information géographique pour l'estimation des caractéristiques hydrologiques des petits bassins versants;

• La liste des bassins versants répertoriés.

Les méthodes Orstom et CIEH pour le calcul de la crue décennale, ainsi que la check-list (cf. annexe 1) ont été informatisées. Ces programmes, ainsi qu'un fichier contenant la liste des bassins versants expérimentaux recensés (cf. annexe 2), sont disponibles sur disquette auprès de la FAO.

DOMAINE D'APPLICATION DES METHODES

Géographique

Le domaine d'application des méthodes présentées dans le manuel correspond à la zone sahélienne et tropicale sèche de l'Afrique de l'Ouest et du centre. Elle s'inscrit dans un rectangle délimité par les parallèles 10° et 18° de latitude Nord et par les méridiens 16° de longitude ouest et 24° de longitude est. Les méthodes d'estimation des crues sont présentées pour la zone comprise entre les isohyètes 150 et 1200 mm.

Physiographique

Bien que le manuel soit conçu principalement pour estimer les caractéristiques des petits bassins versants ruraux (jusqu'à quelques centaines de km2), certaines méthodes peuvent être utilisées pour des bassins allant jusqu'à plus de 1000 km2. Le domaine d'application des méthodes est précisé dans chaque cas.

 

Définitions des termes hydrologiques


Caractéristiques physiques des bassins
Précipitation
Ecoulement


Caractéristiques physiques des bassins

Bassin versant:

Marque à la fois la notion topographique de zone limitée par une ligne de partage des eaux et celle de surface d'interception des précipitations susceptibles d'être drainées jusqu'à l'exutoire par le réseau hydrographique.

Indice de compacité:

Appelé également coefficient de forme, il correspond au rapport du périmètre du bassin à celui d'un cercle de même superficie:

(1.1)

où,

P est le périmètre stylisé du bassin, en km;

S est la superficie du bassin, en km2.

Rectangle équivalent:

C'est un rectangle qui a la même superficie, la même indice de compacité et la même distribution hypsométrique que le bassin versant. Sa longueur est donnée l'expression:

(1.2)

où,

L est exprimée en km; Icomp est l'indice de compacité, sans dimension;

S est la superficie du bassin versant, exprimée en km2.

Indice global de pente: Indice caractérisant le relief d'un bassin. Il est défini par la formule:

(1.3)

où,

D représente la dénivelée, exprimée en mètres, séparant les altitudes ayant approximativement 5% et 95% de la surface du bassin au-dessus d'elles; ces altitudes sont déterminées sur la courbe hypsométrique;

L est la longueur du rectangle équivalent, exprimée en km;

Ig est exprimé en m/km.

Dénivelée spécifique (Ds):

Produit de l'indice de pente global (Ig) par la racine carrée de la superficie du bassin (S). Elle s'exprime en mètres et est indépendante, en théorie, de l'aire du bassin. On peut distinguer différentes classes de relief en fonction de Ds:

Relief faible

Ds < 50 m

Relief modéré

50 m < Ds < 100 m

Relief fort

100 m < Ds

Densité de drainage (Dd):

Rapport à la superficie d'un bassin versant, de la longueur totale des cours d'eau de tous ordres.

Infiltrabilité:

Aptitude d'un terrain à l'infiltration. Ce terme, essentiellement qualitatif, est utilisé de préférence à celui de perméabilité ou coefficient de perméabilité.

Dégradation hydrographique:

Dans les régions à faible pente, la vitesse de l'eau dans le réseau hydrographique, et particulièrement dans le cours principal, peut ne pas être suffisante pour entretenir un tracé net du lit dont la forme se dégrade d'amont en aval pour aboutir à un cheminement parfois difficile à identifier. L'aridité du climat amplifie le phénomène, ce qui explique que dans les zones désertiques ou subdésertiques la dégradation hydrographique commence à se manifester dès que les pentes longitudinales descendent en dessous de 1 à 2%.

Aspect du réseau hydrographique:

Répartition générale des différents cours d'eau d'un bassin. Si on considère que l'aspect le plus courant est celui d'un réseau dendritique, bien hiérarchisé, de forme arborescente, les cas extrêmes opposés correspondent (figure 2):

Figure 1: Valeurs caractéristiques de la pluie et de la crue à tendance unitaire

• d'une part, au réseau en arête de poisson, caractérisé par un thalweg principal occupant une position centrale avec des affluents d'importance secondaire sur les deux rives;

• d'autre part, au réseau radial formé d'un thalweg principal issu de la convergence, dans son bief aval, de formateurs d'importance similaire, les points de confluence

étant répartis sur les deux rives.

Précipitation

Averse:

Episode pluvieux continu pouvant présenter une (averse simple) ou plusieurs pointes d'intensité (averse complexe).

Averse unitaire:

Averse simple couvrant l'ensemble d'un bassin, d'intensité suffisante pour entraîner un ruissellement généralisé, et de durée suffisamment courte pour que la réaction impulsionnelle du bassin (hydrogramme unitaire) présente une durée constante, quels que soient son intensité et le volume de ruissellement résultant. D'une manière pratique, seule est prise en compte la fraction de l'averse qui suit immédiatement le début du ruissellement.

Hyétogramme:

Représentation de l'intensité de la pluie en fonction du temps (figure 1).

Intensité d'une pluie:

Hauteur de pluie tombée durant l'unité de temps. Elle est communément exprimée en mm/h.

Intensité de pluie limite de ruissellement Il:

Seuil d'intensité au-dessus duquel apparaît un ruissellement (figure 1).

Pluie journalière:

Hauteur de précipitations tombées en vingt-quatre heures (généralement entre 8 heures du matin du jour j et 8 heures du matin du jour j+1). Elle correspond à une ou plusieurs averses.

Pluie utile Pu:

Partie d'une averse susceptible de donner lieu à du ruissellement. Elle est définie comme la partie d'un événement pluvieux ayant dépassé un certain seuil d'intensité, fonction des caractéristiques du bassin, du sol et de son état de surface (figure 1).

Indice d'humidité du sol de Kolher:

Indice tenant compte des précipitations antérieures, défini par la formule:

(1.4)

où,

IKn : valeur de l'indice avant la pluie Pn;

IKn-1 : valeur de l'indice avant la pluie Pn-1;

a : coefficient compris entre 0 et 1;

t : temps, en jours, séparant la fin de la pluie Pn-1 du début de la pluie Pn.

Coefficient d'abattement d'une pluie A:

Coefficient de réduction qui permet de passer, pour une fréquence donnée (fréquence décennale par exemple), d'une hauteur de pluie ponctuelle à une hauteur moyenne calculée sur une certaine superficie, située dans une zone pluviométriquement homogène (voir calcul en page 17).

Ecoulement

Crues

Crue:

Période de hautes eaux consécutive à une averse (figure 1).

Hydrogramme de crue:

Graphique de variation du débit en fonction du temps durant une crue.

Hydrogramme unitaire:

Hydrogramme provoqué par une averse unitaire. Il s'agit d'un opérateur fonctionnel caractéristique de la réaction d'un bassin en théorie homogène. En pratique, on admet qu'une averse est unitaire si elle est suffisamment bien répartie sur le bassin et que sa durée ne dépasse pas la moitié du temps de montée de la crue.

Coefficient de pointe a : Rapport du débit maximum ruisselé Qr au débit moyen ruisselé Qmr:

a = Qr /Qmr (1.5)

Plus a est grand, plus la pointe de crue est aiguë.

Ruissellement:

Partie de l'écoulement qui parvient à l'exutoire d'un bassin sans avoir pénétré dans le sol. Sur la figure 1, le volume ruisselé Vr correspond à l'aire délimitée par les courbes ABC et AB'C. On emploie parfois le terme de ruissellement superficiel, ou ruissellement rapide, par opposition à l'écoulement retardé.

Ecoulement retardé:

Ecoulement qui parvient, avec un certain retard, à l'exutoire d'un bassin par suite d'un ralentissement ou d'un stockage temporaire, soit en surface notamment par la végétation ou le micro-relief, soit dans les couches superficielles du sol. Sur la figure 1, son volume correspond à l'aire délimitée par les courbes AB'C et AD qui sont souvent, par commodité, assimilées à des droites.

Ecoulement de base:

Partie de l'écoulement due à la restitution des nappes souterraines. Sur la figure 1, il débute au point D. En région sahélienne, cet écoulement est souvent insignifiant, voire nul.

Coefficient de ruissellement Kr:

Pour un événement pluie-débit déterminé, c'est le rapport du volume de ruissellement rapide Vr au volume précipité Vp, avec Vp = Pm . S (où Pm est la pluie moyenne sur le bassin de superficie S). Il est généralement exprimé en pourcentage.

Temps de montée Tm:

Temps qui s'écoule entre le début du ruissellement et le maximum de la crue. Il correspond à la branche ascendante de l'hydrogramme (temps s'écoulant entre les points A et B de la figure 1).

Temps de base Tb:

Temps compris entre le début et la fin du ruissellement rapide (temps séparant A et C sur la figure 1).

Débit de pointe Qmax:

Débit maximal instantané (débit correspondant au point B de la figure 1). Fréquemment, les méthodes d'estimation des caractéristiques de crues ne permettent d'évaluer que le débit maximal ruisselé Or (différence entre débit en B et débit en B'). Toutefois, pour des événements suffisamment rares, celui-ci est toujours bien supérieur au débit correspondant à de l'écoulement retardé (débit en B'). En zone sahélienne, ce dernier ne représente qu'une faible fraction du débit maximum ruisselé (souvent entre 3 et 6%). Les zones à végétation dense, sols profonds et nappes phréatiques bien alimentées peuvent présenter, au contraire, des débits importants correspondant à de l'écoulement retardé et à des apports souterrains.

Débit moyen de crue Qmr:

Débit défini par le rapport entre le volume ruisselé et le temps de base:

Qmr = (Pm . Kr . 5) / Tb (1.6)

Apports annuels

Année hydrologique:

Année correspondant au cycle annuel de variation des débits, découpée dans l'année calendaire de manière que les réserves du bassin soient minimales au début et à la fin de la période choisie.

En zone sahélienne, année hydrologique et année calendaire peuvent, en ce qui concerne les bassins de faible ou moyenne dimension, être confondues.

Apports annuels:

Ensemble des écoulements superficiels passant par l'exutoire d'un bassin versant durant une année.

Ils peuvent être appréciés:

• en volume annuel (V), exprimé en m3;

• en débit moyen annuel (Q), défini en m3/s, égal au volume (V) divisé par le nombre de secondes dans l'année;

• en lame d'eau écoulée annuelle (Le), exprimée en mm, correspondant à la hauteur d'eau fictive qu'atteindrait le volume écoulé (V) s'il était uniformément réparti sur une surface horizontale de superficie (S) égale à celle du bassin versant.

Ces différentes grandeurs sont liées par la relation:

V (m3) = 31,54 · 106 · Q (m3/s) = 103 · Le (mm) . S (km2) (1.7)

Module hydrologique (Qm), exprimé en m3/s:

Moyenne des débits moyens annuels calculée sur une période aussi longue que possible, confondu dans la pratique avec le débit moyen interannuel.

Lame écoulée annuelle moyenne (Lm), exprimée en mm:

Moyenne des lames écoulées annuelles (Le), calculée sur une période aussi longue que possible.

Lame écoulée annuelle médiane (Lmed), exprimée en mm:

Lame atteinte ou dépassée une année sur deux.

Hauteur pluviométrique annuelle (Pan), exprimée en mm:

Quantité de précipitations tombée en un site durant une année et ramenée à l'unité de surface.

Hauteur pluviométrique annuelle moyenne (), exprimée en mm:

Moyenne des hauteurs pluviométriques annuelles (Pan) observées en un site et calculée sur une période aussi longue que possible.

Hauteur pluviométrique annuelle médiane (Pmed), exprimée en mm:

Valeur annuelle atteinte ou dépassée une année sur deux.

Hauteur pluviométrique annuelle moyenne sur un bassin versant (Pa), exprimée en mm:

Moyenne spatiale représentant la hauteur pluviométrique annuelle répartie sur la totalité du bassin.

La moyenne arithmétique des Pa mesurées durant plusieurs années représente la hauteur pluviométrique annuelle moyenne interannuelle () de ce même bassin.

Coefficient d 'écoulement annuel (Ke), exprimé en %:

Rapport, pour une année déterminée, de la lame écoulée à l'exutoire d'un bassin (Le), à la lame précipitée sur ce même bassin (Pa).

Coefficient d'écoulement annuel moyen (Kem), exprimé en %:

Rapport de la lame écoulée annuelle moyenne (Lm), à la hauteur pluviométrique annuelle moyenne interannuelle ().

Courbe de distribution statistique:

Donne la répartition fréquentielle d'observations (précipitations ou écoulements). Elle peut être tracée empiriquement ou découler de l'ajustement à une loi de probabilité.

Coefficient d 'écoulement annuel de fréquence F:

Rapport entre la lame écoulée et la hauteur pluviométrique annuelles de fréquence F. Par exemple, le coefficient d'écoulement de fréquence médiane (F = 0,5) est défini par Kmed = Lmed/Pmed.


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