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Fondements du modèle


Fonction de production
Mise en oeuvre sur les bassins observés


Les informations sur le milieu physique étant souvent inexistantes ou insuffisantes, l'hypothèse de base est que la fonction de production ne doit s'appuyer que sur des relations hydropluviométriques. Le modèle étant, de plus, destiné à être mis en oeuvre sur des bassins de faible superficie, on admet que les hauteurs de précipitations moyennes sur le bassin correspondent aux hauteurs ponctuelles fournies par des stations de référence.

Fonction de production

On appelle Pm la pluie moyenne sur le bassin et Pu la pluie utile, c'est-à-dire la fraction de Pm tombée durant un intervalle de temps Du, avec une intensité supérieure à un seuil s. Ce seuil est fixé, a priori, en considérant l'aptitude au ruissellement des terrains du bassin versant.

Un travail analytique, effectué sur dix années d'observations pluviographiques collectées sur le bassin de Korhogo (Côte d'lvoire), a montré que, pour des seuils d'intensité s fixés, la durée Du et la hauteur Pu de la pluie utile augmentent avec la hauteur totale Pm. En opérant sur une base journalière, Girard en a déduit la relation moyenne suivante:

(7.1)

où a est une constante.

FIGURE 56. Relation lame ruisselée - pluie moyenne d'une averse (Djajibine, Mauritanie)

Il est évident que cette liaison trouvée à l'échelle journalière existe fondamentalement au niveau de l'averse et qu'elle se retrouve ici parce que soit la probabilité d'avoir une averse par jour est grande, soit la forme moyenne de l'averse se conserve dans le cas où il y a plus d'une pluie dans la journée.

En admettant, de plus, l'idée confortée par les observations faites sur de nombreux bassins représentatifs ou expérimentaux, d'un coefficient de ruissellement maximal constant, le modèle propose la relation:

(7.2)

où:

Pu, est la pluie utile correspondant à la pluie moyenne Pm;

Lr est la lame ruisselée correspondant à Pu;

Su est l'état de saturation préalable des terrains;

K est une constante.

Cette relation signifie que tous les couples (Lr, Pu) s'inscrivent entre deux droites d'équation (7.2) dont la pente K est assimilable à un coefficient de ruissellement. La droite inférieure correspond à une saturation préalable des terrains à son niveau minimal (réservoir vide, Su = Sumax) et la droite supérieure au niveau maximal de la même saturation (réservoir plein, Su = 0 mm).

En associant les équations (7.1) et (7.2), on obtient à l'échelle de la pluie journalière une relation linéaire Lr-Pm:

(7.3)

avec: et

Ho varie entre une valeur minimale Homin et une valeur maximale Homax qui comme Ko caractérisent le bassin.

Ce modèle simple a été appliqué à 32 petits bassins dont la superficie est comprise entre 0,3 et 149 km2, et la hauteur pluviométrique annuelle moyenne entre 100 et 850 mm. Les valeurs de Homin Homax et Ko ont été déterminées, au niveau des événements averse-crue, en portant dans un système d'axes rectangulaires les pluies moyennes en abscisses et les lames ruisselées en ordonnées. Le paramètre Ko correspond à la pente des droites-enveloppes du nuage de points Pb-Lr. Homin et Homax représentent les abscisses à l'origine de ces deux mêmes droites (cf. figure 56).

La valeur minimale de Ho a été trouvée égale à 0 mm dans la majorité des cas, et n'excédait pas 4 mm dans les rares autres cas. C'est pourquoi l'auteur a opté pour l'application d'une valeur minimale nulle pour l'ensemble des bassins. Le paramètre Ho, valeur de référence de l'état de saturation des terrains, varie donc entre 0 et Homax .

Girard justifie cette fonction de production linéaire en restant en accord avec les principes de la théorie de l'infiltration: lorsque la hauteur de l'averse croit, sa durée totale croît également et la durée de la pluie utile, définie pour un seuil donné d'intensité, augmente proportionnellement en moyenne avec la hauteur de l'averse. Si le seuil d'intensité est assimilé à une valeur de perméabilité moyenne, cela explique que la pluie excédentaire, donc la lame ruisselée, varie linéairement avec la hauteur de l'averse. L'expérience montre que cette linéarité est respectée, même pour des pluies exceptionnellement fortes, bien que la perméabilité des sols d'un bassin varie sensiblement dans l'espace selon leur nature, la couverture végétale, leur utilisation et leur état initial d'humidité.

Mise en oeuvre sur les bassins observés

La seule donnée d'entrée du modèle est la pluie journalière fournie par un ou différents postes de référence bénéficiant de séries d'observations de longue durée et de bonne qualité, dont l'homogénéité aura été contrôlée au préalable. Elle est sensée correspondre à la pluie moyenne sur le bassin (Pm).

La relation Lr/Pm (7.3), établie à l'échelle de l'événement averse-crue, est admissible également à l'échelle journalière en zone sahélienne où la probabilité de n'avoir qu'une pluie par jour est très élevée. Quant à la forme et à l'intensité de l'averse, leur rôle est confondu, à l'intérieur du terme Ho, avec l'influence de la saturation des terrains.

Ho est évalué à partir d'un indice des précipitations antérieures de la forme:

(7.4)

dans lequel,

PMj-1 est la pluie moyenne totale du jour j-1

IPAj-1 l'indice des précipitations antérieures à j-1

IPAj l'indice des précipitations antérieures à j

C un coefficient compris entre 0 et 1.

Si,

alors

Les paramètres de calage du modèle sont donc Ko, Homax et C.

La reconstitution des débits journaliers n'est valable qu'en moyenne et ne devient admissible que pour une période suffisamment longue pour approcher cette moyenne avec une précision acceptable. Ceci est compatible avec l'objectif du modèle qui est seulement de reconstituer des séries de lames écoulées annuelles.

Application à des bassins non observes

L'outil mis au point par Girard avait pour but de permettre l'extension de séries hydrologiques de bassins ne disposant que de quelques années d'observations. L'application du modèle à des bassins non instrumentés est beaucoup plus délicate et n'est possible que si l'on dispose de suffisamment d'éléments pour étayer l'hypothèse que le ruissellement constitue une part importante de l'écoulement. Elle présuppose, ensuite, la détermination, avec une précision acceptable, des différents paramètres de calage: C, Homax et Ko, qui peuvent être décrits comme suit:

• c: constante qui traduit la décroissance de l'humidité du sol en fonction du temps (-);

• Ho: hauteur limite de précipitation à partir de laquelle on observe du ruissellement (mm);

• Homax correspond à Ho pour un sol sec (mm);

• Ko: coefficient maximal de ruissellement pour le bassin versant (-).

Principales étapes à suivre pour l'utilisation du modèle

1. Déterminer les caractéristiques physiques du bassin versant: superficie, indice global de pente Ig (périmètre, indice de compacité, longueur du rectangle équivalent), dénivelée spécifique Ds (cf. chapitre 1).

2. Déterminer le type de substratum et, si possible, les caractéristiques géomorphologiques (pourcentage de superficie occupée par des plateaux, des buttes ou des dunes, suivant que le bassin est formé de grès, de roches plutoniques ou de schistes).

3. Sélectionner un ou plusieurs postes pluviométriques de référence disposant d'informations journalières (s'assurer de la qualité des données).

4. A l'aide des informations du point 3. ou, plus simplement, à partir d'une carte d'isohyètes annuelles, estimer la hauteur de précipitation moyenne annuelle tombant sur le bassin (cf. figure 3).

5. Estimer les paramètres du modèle, Ko et Ho mal, à partir des relations empiriques proposées ou, éventuellement, à partir d'informations puisées dans la bibliographie (cf. figure 57 et tableau 20).

6. Calculer les lames écoulées journalières et annuelles.

7. Procéder à l'ajustement statistique des lames écoulées annuelles.

Choix d'une série pluviométrique journalière

Les observations pluviométriques journalières de longue durée peuvent provenir d'un ou de plusieurs postes de référence soumis au même régime climatique que le bassin versant analysé. Si l'utilisation de la méthode des stations-années, qui consiste à grouper dans un même échantillon les observations de plusieurs stations, se révèle nécessaire pour disposer d'une chronique suffisamment longue, l'indépendance des données devra, dans ce cas, être vérifiée au préalable. Il est important de s'assurer également de l'homogénéité des séries, Girard ayant pu constater, à différentes occasions, que le modèle amplifiait les anomalies contenues dans les séries pluviométriques journalières. Si le nombre de stations est très limité, on pourra utiliser simplement les méthodes graphiques de simple ou double cumuls des hauteurs pluviométriques annuelles (plus rarement mensuelles). Si plus de 4 ou 5 stations sont disponibles, il est recommandé d'avoir recours à une analyse fondée sur la définition d'un vecteur régional (Hiez, 1977) ou d'un vecteur des indices annuels de précipitations (Brunet-Moret, 1979).

 

Détermination quantitative des paramètres du modèle C, Homax, Ko


Paramètre C
Paramètre Homax
Paramètre Ko


La méthode utilisée pour la détermination des paramètres du modèle est présentée en détails aux pages 170 à 174. On n'a présenté ci-dessous que les relations analytiques avec leurs limites de validité.

On pourra se reporter aux cartes de la figure 57 qui permettent de situer les 38 bassins représentatifs retenus et testés par Girard et Ribstein, ainsi qu'au tableau 20 qui regroupe les valeurs de Homax et Ko déterminés par ces mêmes chercheurs.

Paramètre C

Les nombreux calages effectués par Girard ont montré que ce paramètre était fréquemment voisin de 0,7, ce qui explique pourquoi il n'a pas été porté dans le tableau 20.

Paramètre Homax

Homax dépend de la capacité de rétention des sols (liée à leur nature et à leur couverture végétale), de l'amplitude de variation annuelle de leurs stocks d'eau, ainsi que des caractéristiques des précipitations (fréquence et intensité).

FIGURE 57. Situation géographique des bassins étudiés pour le développement du modèle Girard

TABLEAU 20. Caractéristiques des bassins étudiés

Bassin

Pays

Type

S km2

Homax (mm)

Ko (%)

Pan (mm)

Mouda*

Cameroun

Plutoniques

18,1

25

54

850

Boulsa

Burkina Faso

Plutoniques

22

50

36

775

Gagara-Ouest

 

Plutoniques

28,4

28

49

450

Ouagadougou Moro-Naba

 

Plutoniques

19,1

54

68

850

Lumbila

 

Plutoniques

137

40

21

825

Polaka * (Mare d'Oursi)

 

Plutoniques

9,14

33

37

460

Tchalol* (Mare d'Oursi)

 

Plutoniques

9,28

20

64

460

Outardes * ( Mare d'Oursi)

 

Plutoniques

16,5

35

54

460

Gountouré* (Mare d'Oursi)

 

Plutoniques

24,6

40

85

460

Tikaré I

 

Schistes

0,3

40

16

725

Tikaré II

 

Schistes

2,4

34

20

725

Ansouri

 

Schistes

0,7

30

30

725

Bodéo

 

Schistes

3,5

30

56

600

Bodéo

 

Schistes et quartzites

11,2

46

18

600

Tin Adjar

Mali

Schistes et argiles

35,5

30

39

220

Koumbaka

 

Grès

30,4

42

46

650

Pô-Ghorfa

Mauritanie

Schistes

2,7

18

72

475

Ghorfa-Kadiel

 

Schistes

39

27

50

475

Ghorfa-Djajibine

 

Schistes

148

23

55

475

Ghorfa-Echkata

 

Grès et Schistes

149

40

26

475

Dionaba (grand)

 

Schistes

111

18

26

300

Dionaba (petit)

 

Schistes

34

18

36

300

Séloumbo (O. Moktar)

 

Grès, Sables et argiles

12,2

25

42

230

Koulou

Niger

Grès

17,3

31

4

825

Maggia Alokoto

 

Grès

48 3

32

34

520

Galmi *

 

Grès Continental terminal

46 5

35

68

490

Kounkouzout

 

Grès Continental terminal

16,6

26

43

405

Kaouara

 

Grès Continental terminal

3,3

24

50

520

In, Tiziouen

 

Plutoniques

1,9

13

80

165

Sébikotane

Sénégal

Sables et Marnes (Calcaire)

2,6

34

50

640

Barlo

Tchad

Plutoniques

36,6

20

21

750

Torou

 

Plutoniques

50

22

14

475

Abou-Goulem (petit)

 

Plutoniques

12,3

24

22

550

Abou-Goulem (grand)

 

Plutoniques

50,2

27

10

550

Tara;man

 

Plutoniques

11,2

20

58

270

Tounkoul * (Bam-Bam)

 

Plutoniques

61,3

38

30

835

Bidjir * (Bam-Bam)

 

Plutoniques

74,2

50

44

835

Bachikélé

 

Grès

19,8

11

52

100

* Bassins traités par P. Ribstein.

Relation générale

pour variant entre 100 et 850 mm, l'erreur peut atteindre 100% mais reste inférieure à 40% dans un cas sur deux.

Relations en fonction du substratum

Ces relations ne s'appliqueront avec succès que si le bassin étudié présente des conditions physicoclimatiques proches des conditions moyennes de l'échantillon ayant servi au calage.

Bassins versants sur grès

où S est la superficie du bassin, en km2.

Limites d'application:

Bassins versants sur roches plutoniques (granit et granito-gneiss)

où Ds est la dénivelée spécifique en m.

Limites d'application:

Bassins versants sur schistes

Limites d'application:

Paramètre Ko

Globalement, Ko est lié à la perméabilité des terrains, à l'extension des zones à rétention définitive et à la dimension du bassin versant. Il est peu lié à Homax.

Relation en fonction du substratum

Bassins versants sur grès

Limites d'application:

Bassins versants sur roches plutoniques (granit et granito-gneiss)

Limites d'application:

Bassins versants sur schistes

Limites d'application:

Relation en fonction de la géomorphologie

On définit:

PL: pourcentage de superficie occupée par des plateaux (%)

BD: pourcentage de buttes et de dunes (%)

Bassins versants sur grès

Bassins versants sur roches plutoniques

Bassins versants sur schistes

On peut utiliser la même relation que pour les roches plutoniques mais en incluant dans BD le pourcentage de schistes et de cuirasses tectonisées altérées ou démantelées, sauf si ces affleurements sont très proches de l'exutoire, ainsi que le pourcentage de zones à pentes et de glacis recouverts de matériaux gravillonnaires sur lesquels le ruissellement est faible.

Dans tous les cas, il est préférable que PL et BD restent inclus dans l'intervalle (5-95%).

Simulation des lames écoulées

La simulation de longues chroniques de lames écoulées journalières peut être réalisée simplement à l'aide d'un tableur ou d'un programme informatique sur la base des équations 7.3 et 7.4 et des relations qui leur sont associées. Cela ne doit pas faire oublier que cette reconstitution n'est valable qu'en moyenne et n'atteint une certaine fiabilité qu'au pas de temps mensuel, voire annuel.

L'échantillon de lames annuelles écoulées ainsi constitué fera ensuite l'objet d'un ajustement statistique. Le tracé de la courbe de distribution pourra être fait d'une manière empirique ou, éventuellement, en ayant recours aux lois statistiques classiquement utilisées en hydrologie.


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