10. Investissement dans le secteur agricole: évolution et perspectives

Documents d'information technique
Résumé analytique
© FAO, 1996


Table des matières

Remerciements
Résumé analytique

1. INTRODUCTION

2. CATÉGORIES D'INVESTISSEMENTS AGRICOLES

Intensification
Opérations postproduction
Infrastructures rurales
Création et transfert de technologies
Interventions transfrontières
Priorités régionales
Investissement public ou investissement privé

3. NIVEAUX ET SOURCES ACTUELS ET FUTURS D'INVESTISSEMENT AGRICOLE

Niveaux actuels
Besoins futurs de l’investissement agricole

4. VERS UNE STRATÉGIE INTERNATIONALE D'INVESTISSEMENT

Actions prioritaires

BIBLIOGRAPHIE


Remerciements

La préparation des documents techniques du Sommet mondial de l’alimentation a mobilisé, outre le personnel de la FAO, un nombre considérable d’experts de la communauté scientifique internationale sollicités dans le cadre du partenariat avec les institutions internationales et les milieux gouvernementaux ou non gouvernementaux. A la FAO, le processus a été supervisé par un Comité intérieur de lecture, composé de fonctionnaires choisis à titre personnel, et chargé de s’assurer que l’ensemble de la documentation réponde aux critères appropriés de qualité et d’homogénéité.

Le présent document a été préparé par M. Roland Schürmann, fonctionnaire du Centre d’investissement de la FAO avec le concours de MM. Simon Hocombe et Gerold Bödeker de la même division, ainsi qu’avec celui du Département économique et social de la FAO, notamment de la Division de la statistique et de l’équipe de Agriculture mondiale: Horizon 2010 (WAT2010). Après un premier examen effectué tant au sein de la FAO par tous les départements techniques, divers collègues et le Comité de lecture, que par des lecteurs externes, une version préliminaire a été publiée et distribuée pour observations aux gouvernements, aux organisations intergouvernementales (OIG) et aux organisations non gouvernementales (ONG), ainsi qu’à d’autres spécialistes. Des observations très appréciées ont été adressées par M.S. Rao et K. Anderson, Université d’Adelaïde, Australie; E. Alves, Empresa Brasileira de Pesquisa Agropecuária (EMBRAPA); S.N. Saigal, Fonds international de développement agricole (FIDA), Rome; et G.M. Karissa, Banque africaine de développement (BAD), Abidjan; S. Fisher, Fonds monétaire international (FMI), Washinton;
J. Howell, Overseas Development Institute; Y. Mundlak, Université de Jérusalem; A. McCalla et H. Binswanger, Banque mondiale, Washington; et M. Kassas, Université du Caire.

Tout en remerciant les nombreuses personnes qui ont participé à la rédaction du présent document, le Secrétariat de la FAO en assume la pleine responsabilité.


Résumé analytique

Bien que nombreux soient ceux qui n’ont pas un accès suffisant à la nourriture, le monde, dans son ensemble, a généralement réussi au cours des dernières décennies à satisfaire la demande alimentaire globale. D’après les estimations effectuées par la FAO dans son étude intitulée Agriculture mondiale: Horizon 2010 (WAT2010), l’équilibre global entre l’offre et la demande effective d’aliments devrait pouvoir être maintenu, encore que l’élimination de la sous-alimentation chronique demeure un autre défi formidable. Les investissements nécessaires pour atteindre cet objectif et assurer une distribution plus équitable des aliments n’ont pas été calculés jusqu’ici. Rares sont les statistiques systématiques sur les investissements passés et il n’y a pas de bons modèles étudiant les relations de cause à effet entre investissements dans le secteur agricole et disponibilités alimentaires.

Le présent document examine les facteurs qui favorisent les investissements agricoles et donne une estimation générale des types et des volumes d’investissement nécessaires pour assurer l’augmentation de la production vivrière requise dans les pays en développement pendant les 15 prochaines années. Les contributions attendues des secteurs privé et public, ainsi que le rôle de l’aide extérieure dans ces totaux y sont analysés. Cependant, les coûts directs d’une aide ciblée ou d’urgence aux victimes de la sous-alimentation, pour urgente qu’elle soit, ne rentrent pas dans le cadre du document. Par ailleurs, la question complexe des rapports entre les investissements dans le secteur agricole d’une part et la sécurité alimentaire et la durabilité du point de vue de l’environnement de l’autre mériterait d’être traitée de façon plus approfondie qu’on n’a pu le faire dans le présent document.

Il convient de souligner que les estimations/projections fournies dans ce document ne s’appliquent qu’aux pays en développement et qu’elles représentent les flux et montants des investissements nécessaires pour atteindre les objectifs alimentaires et agricoles indiqués dans WAT2010.

La dépendance vis-à-vis de cadres agroécologiques divers pour améliorer les disponibilités et la sécurité alimentaires exige des approches systémiques, la participation plus active des agriculteurs eux-mêmes à la création et au transfert de technologies, ainsi qu’un changement de mentalité chez les chercheurs et les vulgarisateurs afin qu’ils se préoccupent des besoins des agriculteurs. Toute une série d’investissements au niveau de l’exploitation seront nécessaires dans les domaines suivants: irrigation, amélioration des terres, nouveaux outils et machines agricoles, races animales et variétés végétales. Une grande partie des investissements consistera dans le travail des agriculteurs eux-mêmes. Les investissements en amont et en aval fourniront de nouveaux types d’intrants, de plantes cultivées et de races animales ou de machines, ainsi que des moyens de transformation, de commercialisation et de stockage, afin que les nouvelles formes d’intensification durable soient à la fois rentables et réalisables. En facilitant les investissements dans les infrastructures rurales, on pourra lier les producteurs aux mégapoles, où vivra une partie croissante des consommateurs; et les services sociaux permettront aux populations rurales de tirer parti, physiquement et mentalement, des nouvelles possibilités qui s’offrent à elles. Il faudra aussi veiller aux questions transfrontières et mondiales: il est plus rentable de regrouper les investissements que d’agir individuellement, au niveau de chaque pays, pour résoudre les problèmes communs que posent les technologies et la gestion des ressources. Des alliances mondiales doivent être conclues pour suivre les tendances des disponibilités alimentaires mondiales qui se font jour et les menaces qui risquent de peser sur celles-ci.

Les modèles d’investissement varieront d’une région à l’autre. En Asie, le risque de plafonnement des résultats des technologies céréalières de la révolution verte est un gros problème. La remise en état des périmètres d’irrigation, le drainage et la création de marchés efficaces de l’eau pour faire face à la pénurie croissante d’eau sont des objectifs prioritaires. Vu la croissance massive de la population urbaine, des capitaux doivent être investis dans les infrastructures commerciales et dans les communications. En Afrique, l’insuffisance ou la détérioration des infrastructures est un goulet d’étranglement important. Des investissements doivent aider à améliorer la gestion des terres non irriguées de façon à préserver la fertilité et la structure des sols et à mieux capter in situ l’eau des pluies incertaines. Les installations d’irrigation peuvent être développées ou remises en état lorsque les conditions matérielles et socioéconomiques le permettent, pour peu que le rapport coûts-avantages soit acceptable, sans toutefois négliger d’autres moyens de parvenir à la sécurité alimentaire. En matière de recherche et de développement, il importera d’avoir recours à des approches participatives pour moderniser progressivement les systèmes traditionnels d’exploitation en Afrique, tout en tenant compte des coûts et des risques que les paysans pauvres et les exploitants orientés vers une agriculture de subsistance sont disposés à accepter. En Amérique latine, des réformes agraires reposant sur les mécanismes du marché pourraient grandement faciliter l’accès des petits agriculteurs et des paysans sans terre aux réserves restantes de terres productives. On devra s’attacher à mettre au point des systèmes durables de culture mécanisée, ainsi qu’à mettre en place les infrastructures de transformation et de commercialisation nécessaires à une population qui sera urbaine à 80 pour cent d’ici l’an 2010. Dans toutes les régions, les zones rurales manquent d’infrastructures sociales, indispensables pour valoriser la plus importante des ressources productives, à savoir le capital humain.

Quelques chiffres très généraux sur les investissements courants peuvent être tirés des données de la FAO et d’autres sources. Ils indiquent que les investissements nets effectués dans les améliorations à l’exploitation dans le monde en développement pourraient s’être élevés ces dernières années à 26 milliards de dollars EU par an (montant brut: 77 milliards de dollars) et dans le secteur postproduction, à 15 milliards de dollars (montant brut: 34 milliards de dollars).

Outre ces investissements en grande partie privés, les dépenses publiques pour la recherche et la vulgarisation dans les pays en développement peuvent être estimées à quelque 10 milliards de dollars par an et celles pour les infrastructures rurales à 20 milliards de dollars (chiffre très approximatif).

Une partie significative des investissements publics dans les secteurs ruraux des pays en développement a été assurée grâce au Financement public du développement (ODF). L’aide internationale à l’agriculture dans les pays en développement est passée de quelque 12 milliards de dollars par an au début des années 80 à près de 16 milliards de dollars en 1988. Depuis, elle a baissé, tombant à moins de 10 milliards de dollars par an en 1994.

L’efficacité des investissements est tout aussi importante que leur volume. Dans de nombreux pays, les ajustements macroéconomiques provoquent une réduction des subventions et transmettent des messages plus rationnels aux investisseurs privés dont dépend la croissance future de la production vivrière. Les pays et les donateurs s’efforcent en outre de mieux tenir compte des besoins des bénéficiaires dans le financement public grâce à la décentralisation et aux approches participatives, dans la planification et la mise en oeuvre des programmes de développement et dans la privatisation partielle ou totale des services agricoles autrefois publics, lorsque les profits peuvent aller au secteur privé.

Quant aux investissements futurs, il ressort d’estimations provisoires que pour accroître la production vivrière dans les pays en développement conformément à la demande effective jusqu’en 2010, des investissements bruts de quelque 86 milliards de dollars seront nécessaires chaque année dans la production agricole primaire (y compris l’irrigation), de 43 milliards de dollars pour les installations connexes postproduction et de 37 milliards de dollars pour les infrastructures et les services de soutien publics. Compte tenu de tous les facteurs en jeu et de leurs effets différents sur le niveau des investissements, notamment l’évolution des prix réels des biens d’équipement, les progrès technologiques et le désinvestissement passé, le chiffre de 31 milliards de dollars par an pour les investissements supplémentaires bruts qui en résulte pour la production primaire, le secteur postproduction, ainsi que les infrastructures et les services de soutien publics apparaît comme une estimation prudente mais réaliste. Sur cette base, le total des investissements bruts nécessaires pour soutenir les taux de croissance indiqués dans l’étude WAT2010 serait de quelque 166 milliards de dollars par an, soit quelque 23 pour cent de plus que la moyenne des investissements bruts totaux pour l’agriculture au cours de la dernière décennie.

On estime que les investissements nets nécessaires pour accroître les biens d’équipement, et partant les disponibilités alimentaires, sont à peu près du même ordre que ces dernières années, soit de quelque 42 milliards de dollars par an. Il y a cependant de grandes variations régionales. En Afrique subsaharienne, les investissements nets dans la production primaire devront sensiblement augmenter par rapport aux niveaux historiques pour satisfaire la demande future d’aliments. En Afrique du Nord, au Proche-Orient et dans une grande partie de l’Asie toutefois, on mettra l’accent sur l’utilisation améliorée des biens d’équipement existants, si bien que le volume des investissements supplémentaires nets nécessaire pour développer l’offre d’aliments diminuera progressivement. En Amérique latine, les investissements nets devront dépasser considérablement les niveaux de ces dernières années et il faudra faire face à un arriéré significatif d’investissements en ce qui concerne le remplacement et le renouvellement des biens d’équipement existants.

Près des trois quarts des investissements futurs requis dans les pays en développement consisteront, comme par le passé, en engagements privés des agriculteurs pour l’amélioration des terres, de nouveaux équipements, l’augmentation du cheptel et l’expansion des plantations, souvent sous forme de travail des membres de la famille, et en investissements privés dans la chaîne postproduction. Le quart restant, représentant 41 milliards de dollars environ par an, consistera en investissements publics complémentaires pour créer et conserver un climat favorable aux investissements privés rentables dans le secteur agricole. Si l’aide financière extérieure de sources multilatérales et bilatérales pour ces investissements publics doit fournir la même part que par le passé, à savoir un tiers environ du total, les engagements extérieurs devront augmenter de 5 milliards de dollars environ par an, passant des 10 milliards actuels à 15 milliards par an, soit le montant déjà atteint à la fin des années 80.

Le tableau 1 présente une hypothèse de travail concernant les investissements annuels moyens supplémentaires dans les pays en développement qui seront nécessaires pour soutenir la croissance agricole, conformément aux projections du scénario WAT2010. Ces estimations ne portent pas sur les besoins des pays appartenant à d’autres catégories ou sur les investissements requis pour réduire encore davantage les problèmes de la malnutrition (voir le document du SMA no 14, Evaluation des progrès réalisables en matière de sécurité alimentaire). Les investissements supplémentaires, indiqués selon le scénario de WAT2010, satisferont la demande du marché de la population existante et celle des 1,3 milliard d’habitants dans les pays en développement qui viendront s’ajouter d’ici l’an 2010, bien que de 600 à 700 millions de personnes, dépourvues du pouvoir d’achat nécessaire, souffriront encore de sous-alimentation chronique, à moins que des politiques et des mesures spéciales ne soient adoptées en leur faveur.

Les responsables des politiques dans les gouvernements et la communauté internationale des donateurs devraient continuer à accorder une attention particulière aux besoins ci-après:

Tableau 1
INVESTISSEMENTS BRUTS SUPPLÉMENTAIRES NÉCESSAIRES DANS LE SECTEUR AGRICOLE
(Scénario WAT2010, moyenne annuelle)

RégionSecteur privé

Secteur public

Total
  IntérieurFinancement extérieur
du développement
 
 

(milliards de dollars EU)

Afrique subsaharienne3.41.63.98.9
Proche-Orient/Afrique du Nord-1.8-1.0-0.5-3.3
Asie9.03.31.213.5
Amérique latine/Caribbean8.03.10.411.5
Monde en développement18.67.05.030.6