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De la télédétection à la gestion d'un cadastre irrigation dans la vallée du fleuve Sénégal


A. Killmayer

Responsable du département international de GEOSYS, Toulouse, France

Résumé

Il est nécessaire que la société chargée de la gestion des eaux du delta du fleuve Sénégal complète son inventaire des parcelles irriguées et obtienne des informations plus détaillées sur la localisation et l'étendue des surfaces réellement en production.

Un projet de coopération visant la spatialisation et la réactualisation en continu du système d'information déjà en place a été mis en oeuvre.

L'absence de cartes et les difficultés de survol ont conduit à l'utilisation de la télédétection. C'est la combinaison SPOT XS et panchromatique adoptée régulièrement chaque année qui a donné les meilleurs résultats dans la constitution du casier irrigation et dans l'inventaire des superficies en riz irrigué.

Abstract

The firm responsible for the management of the waters of the Senegal river delta should complete its inventories of irrigated rice plots and obtain more detailed information on the location and extention of areas presently under production.

A cooperation project was carried out to extend and update the existing information system on a continuous basis.

Lack of maps and flight problems have made it necessary to resort to remote sensing. In establishing the system and inventory of the irrigated rice areas, the combination of SPOT XS and Panchromatic used regularly each year gave the best results.


Contexte

Ces dernières années le delta du fleuve Sénégal a fait l'objet de profondes mutations au plan de l'agriculture. Le marché libre de la terre et les possibilités de crédit bancaire ont, en effet, provoqué une colonisation quelquefois mal maîtrisée.

La SAED, société d'aménagement du delta du Sénégal, a la responsabilité du pilotage du plan directeur de la vallée. Ses fonctions sont au nombre de cinq :

· coordination du développement rural intégré

· gestion de l'eau

· appui-conseil aux organisations paysannes

· maîtrise d'oeuvre des aménagements

· suivi et évaluation.

FIGURE 1

Localisation du site

Une telle mission pluridisciplinaire s'inscrit dans un contexte de croissance où la fonction suivi-évaluation revêt une importance primordiale, puisqu'elle permet la connaissance de la situation existante.

Les besoins et contraintes

La SAED possédait une liste des organisations paysannes relative à des surfaces théoriques de mise en valeur ou unités de mise en valeur (UMV) qui sont le fondement du casier irrigation (planche 3). Cependant ce fichier alphanumérique présentait un certain nombre d'incertitudes dans un contexte en pleine évolution.

Pour permettre à la SAED de remplir pleinement sa mission, tant sur le plan technique qu'économique, il fallait pouvoir répondre aux questions suivantes : la base de données est-elle complète et actualisée ? Où sont localisées les unités de mise en valeur? Yen a-t-il d'autres? Sont-elles bien irriguées et cultivées?

L'obtention de ces informations s'est heurtée à des contraintes telles que l'absence d'une cartographie suffisamment détaillée et actualisée, l'étendue du territoire et les faibles moyens humains et d'équipement de la SAED.

Il était donc nécessaire de trouver une solution adaptée aux besoins et aux contraintes.

Le projet couvre la zone prioritaire du haut delta du fleuve qui constitue la frontière avec la Mauritanie. La zone d'étude s'étend au Sud du fleuve sur toute la délégation de Dagana, à savoir 30 000 ha de cultures irriguées, répartis en 500 unités de mise en valeur dans un périmètre de 100 x 100 km (figure 1).

Les fondements du projet

Le Fonds d'aide et de coopération français (FAC) a confié à un consortium composé du BDPA (Bureau pour le développement de la production agricole) et du CIRAD (Centre de coopération internationale et de recherche agronomique pour le développement) une tâche de support, d'assistance technique et de transfert de savoir-faire dans les domaines de l'appui-conseil et du suivi et évaluation.

L'opération qui a débuté en 1993 devait durer trois ans.

Le BDPA s'est chargé de la coordination et de l'assistance en matière de développement agricole et rural.

Le CIRAD était responsable du développement, de l'installation du système d'information et de la formation connexe.

La filiale du BDPA, GEOSYS-SYSAME , spécialisée dans les SIG et la télédétection, s'est vue confier les tâches spécifiques de spatialisation de l'information sur l'occupation du foncier, d'établissement des inventaires des cultures de riz irrigué, et de constitution de bases de données géographiques numériques.

Ces actions, ponctuelles et réduites au regard de l'opération d'ensemble réalisée par le consortium, font partie de la phase initiale de mise au point d'un observatoire de l'état de l'utilisation des sols, de l'irrigation, et de l'organisation des parcelles irriguées (planche 2).

La solution la plus adaptée aux besoins et aux contraintes devait répondre aux conditions suivantes :

· approche globale et homogène sur l'ensemble du territoire d'influence de la SAED,

· rapidité de mise en oeuvre,

· faible coût,

· méthode simple et adaptée aux contraintes spécifiques du pays, permettant une répétitivité aisée pour un suivi régulier de la saison culturale d'hivernage dans un premier temps et de la contre-saison dans un deuxième temps.

La méthode utilisée

La méthodologie mise en place est du type "à affinage successif " permettant dès la première saison culturale de posséder des outils de travail, susceptibles d'être actualisés et enrichis d'année en année.

Il a donc été décidé d'établir dès le départ un plan de masse cartographique permettant de localiser les unités de mise en valeur, grâce à un lever GPS de précision et une couverture d'images SPOT en pleine saison culturale d'hivernage (planche 1). Trois images XS contiguës ont été utilisées dans un premier temps, très rapidement remplacées par trois images panchro + XS qui se sont avérées nécessaires à une identification fine des réseaux et des limites de parcelles.

Une fois corrigées géométriquement et mises en projection UTM, les images ont été traitées à GEOSYS pour en améliorer le contraste local et la netteté. La fusion P et XS a été réalisée par procédé IST (intensité saturation teinte) afin de bénéficier pleinement de la résolution de 10 m et de conserver toute la richesse radiométrique. Au cours de cette fusion l'histogramme de la teinte a été légèrement réétalé afin d'améliorer la lisibilité des documents finaux. Quatre cartes-images (ou spatiocartes) ont été éditées au 1/50 000 par procédé vizir et tirage photographique.

Ces spatiocartes ont permi aux agents de la SAED de faire la relation sur le terrain entre les déclarants irrigants et les unités de mise en valeur concernées, et d'établir ainsi une minute cartographique. Cette minute une fois scannée et renseignée a constitué le premier " Atlas numérique du périmètre irrigué " du delta, géré par un système d'information géographique. Une étude plus approfondie des comportements de la radiométrie à l'intérieur des parcelles " officielles " a permis de dresser une cartographie fine et d'éditer une statistique sur l'état d'emblavement réel. Un procédé de classification par parcelle a été utilisé pour cette étape. Les cartes ont été éditées sur plotter à la même échelle et selon le même découpage que les spatiocartes afin de les rendre parfaitement superposables. Ces cartes qui montrent clairement pour chaque unité de mise en valeur les parties réellement cultivées permettent de renseigner sur les problèmes éventuels et, partant, sur l'efficience de la gestion de l'eau.

Une fois reliée à la base de données alphanumérique de la SAED, cet état des lieux cartographique numérique a constitué un véritable casier (ou cadastre) d'irrigation du delta du fleuve Sénégal.

FIGURE 2

La méthodologie

Les années suivantes ont permis, grâce à de nouvelles observations SPOT en période hivernale et à la mise en place d'un SIG à la SAED par le CIRAD, d'affiner la base, de la tenir à jour et de l'enrichir sur une base annuelle.

Une formation spécifique a de plus été dispensée, sur le projet lui-même, aux responsables de la gestion du périmètre de la SAED. Elle a été organisée en deux temps:

· une formation en France pour le responsable du système avec un volet GIS sous la responsabilité du CIRAD, un volet télédétection à GEOSYS et un volet direction de projet au BDPA,

· une formation directe à la SAED pour tous les agents et conseillers de terrain, grâce à des missions d'experts du CIRAD et du BDPA.

Résultats

Spatiocartes de navigation

Les spatiocartes ont été éditées au 1/50 000 sur papier photographique. Le découpage tient compte de la nomenclature SAED, avec trois secteurs (haut delta, moyen delta et bas delta).

Atlas numérique des aménagements hydro-agricoles et des unités de mise en valeur paysannes

Les cartes constituant l'atlas ont été éditées sur papier, par procédé électrostatique au 1/50 000 et selon un surdécoupage en sous-secteurs. Quatorze feuillets ont ainsi été nécessaires pour couvrir l'ensemble de la zone. Les thèmes principaux concernent :

· les infrastructures routières et hydrauliques

· les centres d'habitation avec toponymes

· les marais

· les unités de mise en valeur avec leur référencement

· les stations de pompage.

Cartes des surfaces réellement cultivées dans chaque UMV

Les cartes de surfaces rizicultivées ont été éditées sur papier, par procédé electrostatique au 1/50 000 et selon un surdécoupage en sous-secteurs. Elles font apparaître en vert, sur un fond cartographique en noir et blanc, les surfaces cultivées en riz à l'intérieur de chaque UMV.

Base de données numérique géographique

La base de données (atlas) ainsi que les réactualisations et informations annuelles sur les surfaces en culture sont fournies sur CD-ROM au format Map Info. Les images SPOT améliorées, ayant servi à l'édition de spatiocartes, ont aussi été fournies sur CD-ROM pour permettre une visualisation en fond de plan sur le SIG mis en place.

Système en place

Un système de consultation SIG a été installé par le CIRAD à la SEAD. Il s'agit d'une plate-forme PC avec le logiciel Map Info connecté à la base alphanumérique des déclarants de la SAED.

Le personnel responsable a été formé, tant à l'interprétation de l'image qu'à la manipulation des bases géographiques et au traitement des données.

Discussion

Sur la méthode et le transfert

Face à l'urgence d'assurer une bonne gestion de l'eau et des infrastructures d'irrigation, le système mis en place est excessivement élémentaire, car il ne tient compte que des besoins les plus pressants.

En ce qui concerne les opérations, la longévité et l'économie, la majeure partie du travail incombe aux agents de la SAED. Il ne s'agit donc pas d'un transfert de technologie, mais d'un établissement en commun de la solution la plus adaptée et la plus performante.

Une simple interprétation d'images SPOT sur le terrain et une classification supervisée suffisent en effet à apporter une solution économique et efficace. Deux éléments techniques ont cependant fait objet d'une attention spéciale, car ils sont le fondement même des inventaires cartographiques à caractère cadastral ou casier à savoir la géométrie et la constitution de couches d'informations indépendantes mais unies par des liens logiques. Un calendrier des opérations est donné à la figure 3.

Sur les difficultés

Au niveau des images

Les images SPOT ont été programmées pour chaque saison d'étude (octobre 1992, 1993, 1994) afin de se trouver dans la période favorable à l'identification du riz. Une simple programmation bleue a été nécessaire vu la disponibilité relative du satellite SPOT dans cette région et le faible couvert nuageux de la zone. La prestation SPOT a été réalisée chaque année avec plein succès, et la rapidité de réception des images après acquisition, qui n'a guère dépassé une semaine, a permis un traitement immédiat des données.

FIGURE 3

Calendrier

Les images SPOT ont été choisies au départ pour la possibilité de programmation et la rapidité d'obtention, la station de réception des images TM de Mas Palomas étant très peu fiable à ce niveau. Néanmoins, ces avantages ont vite été supplantés par le capteur panchromatique qui s'est révélé être indispensable par la quantité d'informations structurelles qu'il fournit. Une réorientation quant aux données de base a donc été effectuée en cours de projet pour travailler sur des fonds images à 10 mètres de résolution. Si techniquement l'opération a été bénéfique pour l'utilisateur final, elle a néanmoins obligé GEOSYS à détruire la base en cours de réalisation sur les images XS et à recommencer le travail, tant le nombre de modifications était important en termes de quantité et nomenclature. Les spécifications d'un projet se doivent donc d'être parfaitement établies avant le début des travaux, et suivies sans dérive afin d'éviter des dérapages dans les délais et dans les coûts.

Au niveau du manque de cartographie

Le manque de référencement cartographique nous a obligés à faire une campagne de levée de points de calage GPS sur des endroits remarquables avec une densité comparable à un chantier d'aérotriangulation. Les quelque 30 points par image ont ainsi permis de recréer un canevas d'une précision de 10 mètres. Le coût d'une mise en projection d'une base géographique sur un territoire "vierge" est donc à prévoir avant le projet.

Au niveau de l'interface des organismes

Les opérations de terrain et contacts avec les utilisateurs étant effectués par des organismes différents de celui chargé de la réalisation cartographique, les délais dans les échanges et les validations ont été trop longs pour ce type de projet. L'opérateur cartographique doit donc éviter les intermédiaires afin de prendre les bonnes décisions en concertation directe, et d'améliorer ainsi les réalisations

FIGURE 4

Comparaison relative des postes budgétaires

Sur le coût

Au niveau du coût, le volet télédétection ne représente que 10% à peine de l'opération globale, ce qui le rend très attrayant dans ce cas où il constitue une donnée de base essentielle (figure 4).

Conclusion

Dans le cas particulier de ce projet, où il a fallu mettre en _uvre une base de données géographiques sur un territoire peu connu et très peu nuageux, la télédétection spatiale représente une solution très performante, au regard de techniques aériennes ou de terrain coûteuses.

Cependant, la télédétection doit rester un outil qu'il faut traiter ou utiliser pour ce qu'il est capable de donner par des méthodes simples et adaptées au contexte et aux contraintes technologiques et économiques du pays auquel on s'adresse.

Pour être pertinentes les données qui en sont issues devront être intégrées à d'autres outils ou d'autres bases de données.

C'est dans ce contexte et avec une telle approche que l'opération, malgré les difficultés citées plus haut, a connu un plein succès. Ce succès ne se mesure pas à la valeur du rapport final mais va au-delà, dans l'attitude du bénéficiaire laissé à lui-même, une fois les experts partis et les financements d'accompagnement taris. A la SAED les avantages du système en place, de la formation dispensée et des méthodes appliquées semblent porter leur fruits puisque, depuis 1994, elle commande chaque année une programmation SPOT et des traitements de base pour alimenter son SIG irrigation.

PLANCHE 2

Document initial de travail de la SAED, présent dans la phase de démarrage du projet

PLANCHE 3

Edition papier de la cartographie numérique finale du casier irrigation portant les labels des associations paysannes et des unités de mise en valeur

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