CHAPITRE 4

SYSTEMES DE PRODUCTION DE LA FAUNE SAUVAGE: CONTRIBUTION POTENTIELLE A LA SECURITE ALIMENTAIRE

Les disponibilités de viande de brousse et d'autres produits tirés des animaux sauvages en Afrique proviennent de quatre sources principales: le milieu naturel, les élevages extensifs de gibier, les élevages intensifs de gibier et la domestication des animaux sauvages.

Production à partir du milieu naturel: c'est le cas des animaux protégés dans des réserves et de ceux vivant dans des zones non protégées. Suivant la densité des populations et les conditions écologiques et de gestion régnantes, les animaux des zones protégées peuvent être éliminés à des fins de consommation, alors que ceux peuplant les zones situées en dehors de ces aires font en général partie des ressources communautaires. Dans ce cas, il n'y a guère ou pas de contrôle sur leur exploitation, ou le contrôle est organisé localement soit par l'autorité gouvernementale soit par les institutions traditionnelles.

Elevages extensifs de gibier: il s'agit d'exploitations où les animaux sauvages sont entretenus dans des zones bien définies délimitées par des clôtures. C'est une forme d'élevage similaire à celle du bétail où les animaux se nourrissent de la végétation naturelle encore que l'habitat pourrait être modelé pour améliorer la production. Tant que les animaux séjournent sur l'exploitation ils appartiennent à son propriétaire. Ces animaux peuvent être exploités pour leur viande mais, dans la plupart des cas, l'objectif visé est la valeur ajoutée que leur confèrent la chasse sportive ou les trophées, la vente d'animaux vivants ou l'écotourisme.

Elevages intensifs de gibier: dans ces exploitations on garde les animaux sauvages dans un état de semidomestication et ils sont nourris et entretenus jusqu'à ce qu'ils atteignent le poids voulu, puis exploités à des fins de consommation. Les critères de sélection adoptés pour ces espèces comprennent la facilité de leur capture, leur adaptabilité au milieu domestique et leur capacité de produire en un temps raisonnable de la viande commercialisable et/ou d'autres produits recherchés. D'après Eltrigham (1984), les espèces animales élevées de la sorte ne sont plus réellement sauvages et représentent un stade intermédiaire entre l'état sauvage et l'état domestique. Ces élevages comprennent pour l'essentiel les autruches, les crocodiles et diverses espèces de céphalopes.

Domestication d'animaux sauvages: la domestication est par définition un processus dont l'objectif est l'adaptation génétique des animaux sauvages pour faciliter leur reproduction en captivité et qui prévoit de la part du propriétaire un certain contrôle sur leur reproduction (Eltringham, 1984; Hudson et al., 1989). Le processus résulte en des différences identifiables entre les espèces domestiques et leurs parents sauvages. Suivant cette définition, le fait d'apprivoiser ou d'élever une espèce animale sauvage comme le bétail conventionnel n'en fait pas un animal domestique encore que le processus puisse à la longue aboutir à la domestication proprement dite.

4.1. PRODUCTION DE FAUNE SAUVAGE

4.1.1. Production à partir du milieu naturel

Les parcs nationaux, les réserves de gibier et les réserves forestières, les forêts non protégées et les terres de savane, y compris les forêts secondaires et les exploitations, assurent l'essentiel de la production de viande de brousse sur le continent africain. Les forêts secondaires et les exploitations abandonnées sont particulièrement riches en rongeurs et céphalophes lesquels fournissent la plus grande partie de la viande de brousse consommée en zone rurale.

Rares sont les statistiques sur les populations d'animaux sauvages et sur la biomasse totale présente dans les forêts et les savanes africaines et les données disponibles ne concernent que quelques taxons dans un nombre limité d'endroits. La biomasse des grands, moyens et petits herbivores dans certaines zones protégées a été évaluée par East (1984) qui l'a également associée aux précipitations et au niveau des nutriments du sol (tableau 4.1). Pour les animaux sur pied les chiffres allaient d'un maximum de 19 663 kg/km2 dans la région du lac Manyara à un minimum de 54 kg/km2 dans le Namib pour les grands herbivores. En Afrique australe et orientale, la biomasse d'herbivores était dominée par les espèces de la savane aride. Ce groupe, qui comprend les éléphants, les hippopotames, les buffles, les zèbres et les gnous, représentait plus de 90% de la biomasse totale des savanes arides/eutrophes. Ces espèces propres à la savane aride, notamment les éléphants et les buffles, dominaient aussi les savanes humides/dystrophes où au groupe étaient imputables 80% de la biomasse herbivore totale. Dans la sous-région de l'Afrique de l'Ouest, les espèces de la savane humide et aride représentaient environ la moitié de la biomasse totale.

On n'a estimé la biomasse d'animaux sauvages que pour quelques zones. Prins et Reitsma (1989), par exemple, signalent la présence d'une biomasse de mammifères évaluée à 1 050 kg/km2 dans une forêt de basses terres non protégée du Sud-Ouest du Gabon; alors qu'Oates et al (1990) estime la biomasse vivante des primates non humains à 2 300-3 600 kg/ km2 à Kibale en Ouganda, à 1 230-1 530 kg/ km2 dans l'île de Tiwai, Sierra Leone, et à seulement 409 kg /km2 dans la région de Douala-Edéa au Cameroun. Thomas (1991), quant à lui, évalue la biomasse de primates dans la forêt d'Iture au Zaïre à 715 kg/km2 et celle du parc national de Tai en Côte d'Ivoire à 1 010 kg/km2 (Bourlière, 1985). La biomasse de primates signalée dans les diverses forêts est considérablement plus élevée que pour des espèces comme l'éléphant des forêts et les grands ongulés tels que le buffle, le bongo et l'okapi dont la biomasse effective est estimée à environ 500 kg/km2 (Hladik et al., 1993).

Tableau 4.1 Biomasse des grands herbivores vivant en Afrique dans des aires de conservation désignées aux précipitations annuelles et aux de niveaux de nutriments du sol variables (Source: East, 1984)

Zone

Précipitations annuelles (mm)

Espèces de la savane aride

Espèces de la savane humide

Total

Niveau élevé de nutriments du sol

Queen Elizabeth

1010

10,581

717

11,298

Lac Manyara

915

19,597

66

19,663

Cratère de Ngorongoro

893

12,370

104

12,474

Virunga (plaine de Rwindi)

863

17,063

749

17,812

Serengeti

803

5,001

143

5,144

Naïrobi

700

2696

1103

3799

Samburu-Isiolo

375

1896

88

1984

Amboseli

350

1225

22

1247

Sibiloi

165

403

2

405

Niveau moyen de nutriments du sol

Chutes Murchison

1150

10,585

460

11,045

Umfolozi-Hluhluwe

855

6767

570

7337

Vallée de Luangwa

832

8506

49

8555

Selous (oriental)

760

5528

367

5895

Sengwa

597

3993

322

4315

Ruaha-Rungwa

580

3738

54

3792

Faible niveau de nutriments du sol:
Afrique australe et orientale

Nsumbu

1200

1330

236

1566

Mweru Wantipa

1066

1300

432

1732

Kafue

1000

1680

320

2000

Lavushi Manda

1000

320

80

400

Akagera

785

3079

154

3233

Tsavo oriental (australe

553

4058

120

4178

Wankie

550

1810

51

1861

Kruger

530

2066

57

2123

Okavango

457

1122

111

1233

Mkomazi

425

1203

48

1251

Etosha

375

428

7

435

Kalahari Gemsbok

200

113

13

126

Namib

80

54

0

54

Faible niveau de nutriments du sol:
Afrique de l'Ouest

Boubandjidah

1200

906

1436

2342

Lac Kainji

1200

645

639

1284

Comoë

1150

75

723

247

Arly

1000

463

1293

1756

Deux Bale

970

394

635

1029

Po

900

1205

601

1806

Parc national du W (secteur du Niger)

730

856

488

1344

En fonction de la biomasse des mammifères évaluée à 1 050 kg/ km2 dans les forêts du Sud Est du Gabon, Feer (1993) a calculé un rendement total maximal durable (à savoir le pourcentage pouvant être prélevé par la chasse de subsistance sans compromettre la base des ressources) de 70-200 kg/km2/an, soit quelque 7 à 20 % de la biomasse totale estimée. A pan les vertébrés, pendant certaines saisons les insectes contribuent aussi de façon marquée à la production de protéines animales dans quelques parties de l'Afrique. On a tenté d'estimer la biomasse des insectes qui peuvent être récoltés dans la forêt. Hladik et al., (1993) ont estimé à 38-70kg/ha/an le poids à l'état sec de ceux susceptibles d'être collectés à Barro Colorado au Panama. Leurs calculs se fondaient sur une consommation entièrement à base de feuilles et sur l'hypothèse selon laquelle 10 kg de fourrage sont nécessaires pour obtenir 1 kg de viande. Toutefois, on ignore le pourcentage de cette production qui est adapté à la consommation humaine car un grand nombre d'insectes se nourrissant de feuilles ne sont pas comestibles; les espèces communément récoltées et consommées en Afrique comprennent les termites, les chenilles et les larves de diverses espèces de coléoptères.

Les estimations du couvert forestier et de l'étendue des systèmes d'aires protégées en Afrique fournissent une idée de l'importance de l'habitat dont disposent les animaux sauvages sur ce continent. D'après les statistiques de la FAO, l'Afrique possède le deuxième couvert forestier le plus important des tropiques et son étendue totale est estimée à 528 millions d'ha, soit 30% de la forêt pantropicale. (FAO, 1993). Selon McNeely et al., (1994) en Afrique subsaharienne 240 millions d'ha de terres sont désignés comme aires protégées (tableau 4.2). Ce chiffre qui représente environ 10% des terres émergées du continent comprend non seulement les aires où la faune sauvage est préservée mais aussi les réserves forestières ayant des fonctions de protection de la nature.

Dans la plupart des pays africains il n'est pas permis de chasser dans les aires protégées et, dans certains pays, la chasse de tous les grands mammifères est interdite. Cependant, il est évident qu'une importante proportion de la viande de brousse consommée est produite sur des terres protégées et réservées, et provient soit directement de la chasse de subsistance clandestine, soit indirectement de ces terres qui jouent le rôle de réservoirs servant à reconstituer les effectifs sur des terres adjacentes. Dans toute l'Afrique des projets novateurs démontrent que, étayée par des ressources adéquates, la production de faune sauvage est une forme viable d'utilisation des sols. Ces principes permettent de modifier les opinions et les méthodes qui avaient cours dans le passé en matière de conservation de la faune sauvage lesquelles étaient largement basées sur des stratégies rigoureuses où toutes les formes de consommation étaient répréhensibles, et où les individus pratiquant la chasse de subsistance étaient considérés comme des braconniers et traités sévèrement s'ils étaient pris en flagrant délit.

La plupart des gestionnaires de la faune sauvage admettent que la "conservation en vase clos" n'a aucun avenir et reconnaissent l'importance de remplacer cette approche par une stratégie qui vise à faire participer les populations locales à une gestion de la faune qui tient compte de leurs besoins. Sous l'effet de la chasse illégale et de l'avancée des exploitations agricoles, les méthodes axées sur une gestion qui prévoit l'exclusion de ces populations des aires protégées sont en train de disparaître. On tend désormais à privilégier les programmes qui assurent des avantages concrets - alimentaires et économiques - aux populations locales qui vivent auprès des animaux et doivent en supporter les inconvénients. Dans les zones où la densité des populations animales est élevée et où un certain niveau d'exploitation est tolérable, on cherche maintenant à incorporer dans les plans d'aménagement la chasse de subsistance pratiquée au niveau local .

Il existe en Afrique plusieurs exemples de projets qui visent à intégrer la conservation de la faune sauvage dans le développement rural; ces projets cherchent d'une part à garantir la sécurité alimentaire des collectivités rurales grâce aux vivres et au revenu tirés de la faune sauvage et, de l'autre, à réduire la pression sur les aires protégées et leur empiètement. Le projet de développement rural intégré de Luangwa en Zambie et le projet CAMPFIRE (Communal Areas Management Programme for Indigenous Resources) au Zimbabwe cherchent tous les deux à faire bénéficier les ruraux des avantages tirés de la faune sauvage.

Le programme CAMPFIRE encourage la production de la faune sur des terres marginales non exploitables soumises à des régimes fonciers traditionnels, et confie aux populations locales vivant sur ces terres la tâche de la gérer et de l'utiliser durablement. Les résultats obtenus par le programme CAMPFIRE montrent que la protection/production de la faune sauvage est une forme viable d'utilisation des sols qui peut générer des revenus importants et assurer des vivres aux collectivités locales (encadré 8). Le programme souligne en outre clairement que l'appui local à la conservation de la faune dépend non seulement de l'aptitude des collectivités à s'identifier avec les projets de conservation mais aussi de la capacité de ces projets de leur fournir des avantages matériels, à savoir de la viande et un revenu en espèces.

Tableau 4.2 Système d'aires protégées en Afrique subsaharienne par rapport à la superficie totale et à la densité démographique (Sources: McNeely et al., 1994; *comprend les parcs marins)

Pays

Densité démographique (x 1000; 1994)

Superricie totale (km2)

Total des terres désignées comme protégées

%

Angola

10,674

1,246,700

62,610

5.0

Bénin

 

112,620

27,241

24.2

Botswana

1,443

575,000

106,805

18.6

Burkina Faso

10,046

274,122

36,323

13.3

Burundi

6,209

27,835

942

3.4

Cameroun

12,871

475,500

39,110

8.2

Rép. centrafricaine

3,235

624,975

70,724

11.3

Tchad

6,183

1,284,000

119,245

9.3

Comores

630

1,860

0

0.0

Congo

2,516

342,000

11,774

3.4

Côte d'Ivoire

13,780

322,465

54,299

16.8

Djibouti

566

23,000

100

0.4

Guinée équatoriale

389

28,050

3167

11.3

Ethiopie

53,435

1,023,050

194,049

19.0

Gabon

1,283

267,665

17,400

6.5

Gambie

1,081

10,690

184

1.7

Ghana

16,944

238,305

36,300

15.2

Guinée

6,501

245,855

10,442

4.2

Guinée-Bissau

1,050

36,125

0

0.0

Kenya

27,343

582,645

61,957

10.6

Lesotho

1,996

30,345

69

0.2

Libéria

2,941

111,370

15,578

14.0

Madagascar

14,303

594,180

12,393

2.1

Malawi

10,843

94,080

17,624

18.7

Mali

4,588

1,240,140

57,468

4.6

Mauritanie

2,217

1,030,700

17,460

1.7

Maurice

1,104

1,865

40

2.1

Mozambique

15,527

784,755

17,431

2.2

Namibie

1,500

824,295

111,548

13.5

Niger

8,846

1,186,410

96,967

8.2

Nigéria

108,467

923,850

37,796

4.1

Réunion

644

2,510

59

2.4

Rwanda

7,750

26,330

4,771

18.1

St-Tomé-et-Principe

130

964

0

0.0

Sénégal

8,102

196,720

22,403

11.4

Seychelles

73

404

409*

101.3*

Sierra Leone

4,402

72,325

3,553

4.9

Somalie

9,077

630,000

5,244

0.8

Afrique du Sud

40,555

1,184,825

74,895

6.3

Soudan

27,361

2,505,815

112,490

4.9

Swaziland

832

17,365

601

3.5

Tanzanie

28,846

939,760

365,115

38.9

Togo

4,010

56,785

9,158

16.1

Ouganda

20,621

236,580

64,098

27.1

Zaïre

42,552

2,345,410

136,248

5.8

Zambie

9,196

752,615

295,802

39.3

Zimbabwe

11,002

390,310

59,566

15.3

Total

 

23,923,170

2,391,418

 

Encadré 8 LE PROGRAMME CAMPFIRE DU ZIMBABWE

"Pour ceux qui ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre, le programme CAMPFIRE du Zimbabwe offre maintes leçons" (Martin 1994). Ce programme avait été mis en oeuvre initialement dans les districts de Nyaminyami et de Guruve en 1989. Conformément à la loi du Zimbabwe, la faune sauvage est res nullius, c'est-à-dire qu'elle n'appartient à personne (Martin 1994). On trouve un nombre considérable d'animaux sauvages non seulement dans les parcs nationaux, et les forêts et réserves domaniales mais aussi sur les terres privées et communautaires. En 1975, en vertu de l'acte sur les parcs et la faune sauvage du Zimbabwe, le contrôle de la faune sur le terres privées et le droit d'en bénéficier revenaient aux propriétaires. Cela ne voulait pas dire que la faune appartenait à un particulier mais que celui-ci avait le droit de l'aménager et d'en tirer des avantages aussi longtemps qu'elle demeurait sur son territoire. Les populations locales vivant sur les terres communautaires, elles, ne jouissaient pas de tels privilèges; c'est le gouvernement qui aménageait leur faune sauvage. Après l'indépendance la situation a changé, l'acte ayant été modifié pour confier la gestion aux conseils de district et les autoriser à profiter des avantages.

Il n'est pas étonnant que, pendant longtemps, les zimbabwéens locaux aient manifesté de l'antagonisme à l'égard des animaux sauvages. Le braconnage était un problème permanent dans les parcs nationaux, les forêts domaniales et les réserves car les paysans vivant aux alentours des zones protégées tuaient les animaux pour accroître leurs revenus ou pour nourrir leurs familles. CAMPFIRE est un programme qui permet aux populations locales vivant sur des terres marginales non exploitables soumises à un régime foncier traditionnel de contrôler leurs ressources en faune sauvage et d'en tirer des avantages: Le principe qui soutend le programme est que si les collectivités rurales sont forcées de supporter les inconvénients de la proximité de la faune sauvage elles doivent avoir le droit d'en bénéficier. Il rend responsables de la garde des animaux et de leurs gestion et utilisation durables les collectivités locales elles-mêmes. Les pouvoirs publics n'interviennent que pour établir les quotas des animaux qui peuvent être prélevés sans compromettre la pérennité de l'espèce. Grâce au programme CAMPFIRE, l'attitude des locaux à l'endroit de la faune a changé: ils veulent maintenant davantage d'animaux sur leurs terres et la pression exercée par le braconnage sur les aires protégées a diminué considérablement.

En 1993, douze districts avec une population de 400 000 habitants ont encaissé l'équivalent de 1 516 693 de dollars EU en redevances sur les trophées et tiré en outre un montant de 97 732 dollars du tourisme, des opérations d'élimination et de l'abattage d'animaux nuisibles. D'après les estimations fournies par le Fonds mondial pour la nature, le revenu familial dans les zones communautaires a augmenté passant de 15 à 25% grâce au programme CAMPFIRE. C'est ainsi qu'en 1993, les 31 000 habitants du district d'Hurungwe ont tiré 119 342 dollars des activités du programme, chiffre qui a atteint 145 519 dollars en 1995 (Butler, 1995).

Les recettes dégagées de la chasse sportive, du tourisme, de la vente d'animaux, etc. vont directement aux collectivités dont les membres décident de façon autonome comment les dépenser. Certains villages les partagent équitablement entre les chefs de famille; d'autres les investissent dans des projets communautaires tels qu'écoles, cliniques, moulins, etc., alors que d'autres encore utilisent une partie pour entreprendre des projets et le reste comme revenu familial. En outre les ménages obtiennent de la viande grâce aux opérations d'élimination. Le succès du programme CAMPFIRE démontre clairement que soutenu par des ressources adéquates la production d'animaux sauvages est une forme viable d'utilisation des sols même sur des terres marginales.

4.1.2 Elevage extensif de la faune sauvage .

De nombreuses études ont souligné la faisabilité et la rentabilité de l'élevage extensif de gibier. La promotion de cette activité en Afrique est justifiée par les conditions qui règnent dans de nombreuses parties du continent où le manque de précipitations et la présence de certains organismes pathogènes interdisent la production d'animaux exotiques et domestiques. Il est estimé les espèces animales indigènes sauvages s'étant adaptées à l'écosystème africain et tolérant mieux ses caractéristiques devraient bénéficier d'une productivité plus élevée.

L'élevage extensif de gibier connaît aujourd'hui un très grand essor en Afrique australe (Afrique du Sud, Namibie et Zimbabwe, principalement), encore qu'une exploitation privée, le Galana Ranch, ait été établie au Kenya dans les années 1970 (King et Heath, 1975; Thresher, 1980). Cette exploitation a privilégié initialement trois espèces: l'oryx Oryx beisa callotis, le buffle et l'éland. Parmi les avantages de l'éland par rapport au bétail Boran, on peut citer des besoins beaucoup plus faibles en eau, la rapidité majeure de reproduction et de croissance, une maturité précoce, la capacité de gagner du poids sur des pâturages où les Borans tendent à en perdre, et un rendement à l'abattage supérieur de 14%. En plus de ces avantages biologiques et physiologiques il convient de mentionner les avantages économiques; en effet, une analyse coût/avantages de l'entretien sur l'exploitation d'un troupeau reproducteur de 11 000 oryx et de 5 000 Borans a mis clairement en évidence la supériorité des rendements financiers obtenus avec les oryx (Thresher, 1980).

Luxmoore (1985) a estimé qu'il y avait en Afrique du Sud de 7 000 à 10 000 agriculteurs qui dégageaient un revenu de l'élevage extensif du gibier. Ce revenu consistait en recettes obtenues de la vente d'animaux vivants, de la chasse sportive ou aux trophées et des utilisations touristiques. La majorité des terres en Afrique du Sud sont privées, clôturées et ont été utilisées longtemps pour le pâturage du bétail domestique où l'agriculture. En 1992, l'Afrique du Sud possédait 3 500 élevages extensifs de gibier (Grossman et al., 1992); le réseau de réserves et d'exploitations de gibier privées s'était accru passant de moins de 2 millions d'acres en 1979 à plus de 16 millions (Chadwick, 1996).

Dans d'autres pays d'Afrique australe comme le Zimbabwe, un nombre croissant d'agriculteurs privés convertissent leurs terres en élevages de faune sauvage, ou incorporent cette dernière au bétail pour créer des élevages mixtes, et l'on aménage de plus en plus souvent des terres communautaires pour y élever le gibier. Campbell et Brigham (1993) classifient la production d'animaux sauvages en deux catégories: le petit secteur et le grand secteur. Les producteurs du grand secteur sont des particuliers, des grandes compagnies, la commission des forêts du Zimbabwe et le département dé l'aménagement des parcs et de la faune sauvage. Le petit secteur comprend la production sur les terres communautaires. Il est estimé que 22% du pays se consacrent à la production de gibier. Près de 2,7 millions d'hectares de ce pourcentage (environ 20%) consistent en exploitations intensives aménagées pour la production commerciale de gibier (parfois dans des élevages mixtes avec le bétail).

La réserve de production de gibier des Shai Hills au Ghana a été l'un de premiers essais d'élevage extensif réalisés dans la sous-région d'Afrique de l'Ouest. Le projet a été lancé au début des années 1970 avec l'objectif de reconstituer les effectifs fortement décimés de cette réserve de 22 km2 par des ongulés choisis pour la production de viande. Les animaux destinés à cette reconstitution provenaient soit d'autres aires de conservation de la faune sauvage, notamment du parc national de Mole, soit de l'Afrique de l'Est (Kenya). Bien que les études de faisabilité entreprises pour le projet aient garanti sa viablilité, il n'a jamais démarré.

L'exploitation de gibier de Nazinga au Burkina Faso (encadré 9) montre que même en Afrique de l'Ouest, où les populations d'animaux sauvages sont relativement exiguës, l'élevage extensif de gibier est réalisable et rentable. L'exploitation qui couvre une étendue de 940 km2 est essentiellement une aire protégée où la faune est produite et prélevée suivant un système de quotas. On forme les chasseurs locaux à la capture et les collectivités locales bénéficient de la viande ainsi que du revenu que rapportent d'autre formes d'utilisation comme le tourisme et la chasse sportive permise sur l'exploitation.

Un grand nombre d'études ont été entreprises pour documenter les avantages comparatifs de la production d'animaux sauvages en Afrique sous l'angle de leurs attributs biologiques, écologiques et physiologiques, de l'utilisation efficace de la végétation disponible, de la productivité et de la rentabilité économique (voir King et Heath, 1975; Surujbally, 1975; Thresher, 1980; Eltringham, 1984; Luxmoore, 1985; Muir, 1989; Bojo, 1995). Il est estimé qu'ayant évolué en Afrique sur une très longue période de temps, les animaux sauvages doivent être mieux adaptés, physiologiquement et écologiquement, à l'environnement naturel que le bétail domestique venu d'ailleurs. Il est également connu que les animaux sauvages ont une meilleure capacité de transformer la matière végétale en protéines sans pour autant nuire à l'environnement. En outre, en présence d'infestations de la mouche tsétsé, par exemple, ils continuent à valoriser la terre. Ci-dessous figure un bref résumé des avantages des animaux sauvages par rapport au bétail (voir aussi encadré 9) mais, pour un examen plus complet, il conviendra de lire Reul, 1979.

Fig. 5 Superficie estimée (km2) destinée à la conservation et à la production de la faune sauvage au Zimbabwe en 1990 (Source: Campbell et Brigham, 1993)

Reproduction:Par rapport au bétail, la plupart des ongulés sauvages jusqu'à la taille de l'éland et du buffle se caractérisent par une capacité de reproduction relativement élevée, une croissance rapide et une maturité précoce. En Afrique l'espacement des mises-bas chez le bétail domestique varie entre 591 et 759 jours et on signale une capacité reproductive entre 35 et 60% dans les zones tropicales de l'Amérique. En revanche, les femelles de la plupart des ongulés jusqu'à la taille de l'oryx produisent normalement un jeune par an. Le buffle a une efficacité reproductive de 75% malgré que sa période de gestation (11,5 mois) dépasse de loin celle du bétail. La première mise-bas a lieu à un an à peine pour les petites antilopes et les gazelles et entre un et deux ans pour les grandes antilopes. Chez l'éland et le buffle, la première mise-bas se situe entre trois et quatre ans, âge qui correspond à peu près à celui des animaux domestiques.

Encadré 9 L'EXPLOITATION DE GIBIER DE NAZINGA

L'exploitation de gibier de Nazinga au Burkina Faso est un exemple unique en Afrique de l'Ouest d'une aire protégée qui tente de concilier la conservation de la faune sauvage avec les besoins de la population locale (Jachmanne Croes, 1991; Damiba et Ables, 1993; BSP, 1993). Située dans le centre-sud du Burkina Faso et proche de la frontière avec le Ghana, l'exploitation de Nazinga est à l'heure actuelle la seule entreprise de production de gibier en fonctionnement de la sous-région. Etablie en 1979 par le gouvernement du Burkina Faso en collaboration avec l'African Wildlife Husbandry Development Association, une organisation canadienne à but non lucratif, l'exploitation s'étend sur une superficie de 940 km2 dans une zone de savane à hautes herbes, arbres et arbustes. Les principaux objectifs de sa création étaient les suivants:

  • assurer la protection de la faune sauvage menacée par le braconnage et l'empiètement de l'agriculture;
  • créer des emplois en faisant participer la population locale à la gestion de l'exploitation;
  • fournir des protéines d'origine animale aux collectivités locales grâce au prélèvement des espèces sauvages.

L'exploitation est entourée de 13 villages. La principale occupation des habitants est l'agriculture de subsistance, à savoir la culture du mil Pennisetum typhoides, du sorgho Sorghum bicolor, du maïs Zea mays, de l'igname Dioscorea spp, de l'arachide Arachis hypogea et d'une grande variété de légumineuses. Comme dans la plupart des villages ruraux africains, l'infrastructure est rudimentaire: l'approvisionnement en eau se limite à un ou deux puits; l'hôpital le plus proche est à 55 km et les villageois ont recours au personnel médical et aux installations fournies par l'exploitation.

Après les graves conflits qui ont éclaté initialement entre les collectivités locales et les autorités responsables de la faune, et grâce à un important investissement, l'exploitation de gibier de Nazinga est désormais une aire protégée où l'on prélève lesanimaux sauvages et qui est à même de s'autofinancer grâce au revenu tiré de la vente de viande et d'autres produits, de la chasse sportive et du tourisme. La viande provient des principales espèces présentes: le phacochère Phacochoerus aethiopicus et d'autres ongulés comme l'antilope roanne Hippotragus equinus, l'orébie Ourebia ourebi, le bubale Alcelaphus buselaphus, le guib Tragelaphus scriptus, le céphalophe de Grimm Silvicapria grimmia, le buffle Syncerus caffer et le cobe defassa Kobus defassa. Les chasseurs locaux ont appris à éliminer le grand gibier suivant un système de quotas rigoureux et tuent environ 5% de la population de chaque espèce. Les villageois participent en qualité de guides et d'aides à la chasse sportive. Une partie du revenu tiré de cette dernière et du tourisme est versée aux villages. Grâce aux activités de l'exploitation de Nazinga, les collectivités locales ont pu bénéficier d'infrastructures, de débouchés commerciaux et d'emplois temporaires. Le succès de l'entreprise montre clairement qu'avec un investissement adéquat et une protection efficace les animaux sauvages vivant dans les aires protégées de l'Afrique de l'Ouest peuvent se multiplier au point de tolérer le prélèvement. Les villageois bénéficient d'un précieux apport en protéines animales et, grâce aux activités connexes, de revenus qui assurent leur autosuffisance.

Taux de croissance: l'expérience prouve que les animaux sauvages atteignent une taille commercialisable ou qui permet leur utilisation économique à un âge inférieur à celui du bétail (tableau 4.3). D'après des études entreprises en Afrique de l'Est, les gains de poids varient entre 0,06 kg par jour pour la gazelle de Thomson et 0,33 kg par jour pour l'éland (de Vos, 1969) contre 0,14 kg par jour pour un bétail mal entretenu vivant dans des conditions similaires sur les terrains de parcours de la région (Talbot et al. 1962).

Tableau 4.3 Taux de croissance des bovins et ovins domestiques par rapport aux ongulés sauvages en Afrique centrale et orientale. (Source: Reul, 1979)

Espèces

Gain journalier moyen (g)

Temps (mois)

Poids vif moyen par adulte (kg)

Mâles
Femelles

Bovins domestiques

136

38

453

359

Ovins domestiques

54

10

60

45

Eland

331

72

725

450

Gnou

236

12

200

165

Bubale

227

12

150

120

Topi

199

12

130

115

Gazelle de Grant

118

10

60

45

Impala

118

10

60

45

Gazelle de Thomson

59

10

24

18

Adaptation physiologique: d'après un certain nombre d'études, la faune sauvage peut, mieux que le bétail, conserver l'eau et résister au stress thermique en zone aride et semi-aride; en outre elle est plus résistante aux maladies endémiques et sa productivité est plus élevée que celle du bétail dans ces mêmes zones. L'expérience montre également que la faune sauvage utilise mieux la végétation et se nourrit de tout le matériel végétal disponible, de l'herbe trouvée sur le terrain aux feuilles broutées sur les arbres, et qu'elle n'endommage pas l'habitat aussi rapidement et de façon aussi prononcée que les animaux domestiques. Les ongulés sauvages comme l'oryx, l'impala, le gnou et l'éland sont dotés de systèmes particuliers de conservation des liquides et, dans les mêmes conditions, ont besoin de beaucoup moins d'eau que le bétail. D'après Taylor et Lyman (1967) ce phénomène est dû à une bonne capacité d'extraire l'oxygène, d'où une perte inférieure en eau dans l'air expiré, et à un système adaptatif de régulation thermique. Certaines espèces dont la résorption rénale et fécale de l'eau est excellente sont capables de survivre en absorbant la sève des plantes et des arbustes sans boire pendant des périodes prolongées. L'étude montre également que l'éland et l'oryx tolèrent aisément un stress thermique de 45° C. Ce degré de tolérance est attribué à leur aptitude à laisser monter la température corporelle, évitant ainsi la perte d'eau qu'entraîne la régulation thermique. On a signalé des variations de température de plus de 10° C. Ces adaptations physiologiques sont intensifiées par certaines caractéristiques du comportement comme le repos à l'ombre et l'alimentation nocturne à base de feuilles de succulents.

Grâce à ces capacités de conservation de l'humidité, les animaux sauvages sont moins tributaires de l'eau courante et peuvent exploiter les parcours semi-arides et arides mieux que les troupeaux domestiques dont les besoins en eau sont beaucoup plus élevés. Ces caractéristiques permettent aussi aux ongulés sauvages de pâturer sur de vastes étendues, évitant ainsi le piétinement, le surpâturage et la dégradation des terres caractéristiques des points d'eau où s'abreuvent les animaux domestiques. En périodes de sécheresse, à cause de cette concentration, des centaines de milliers d'animaux domestiques meurent non seulement de soif mais aussi de faim.

Résistance aux maladies: Le problème des maladies des animaux sauvages et de leur capacité de servir de réservoir aux agents pathogènes nuisibles aux êtres humains et aux animaux domestiques reste une question controversée qui milite contre leur utilisation pour la production commerciale de viande. Cependant, aux dires des promoteurs de cette utilisation, la faune sauvage serait immunisée contre un grand nombre de maladies du bétail. Elle est, par exemple, plus tolérante à la trypanosomiase à laquelle succombent facilement les animaux domestiques. La production d'animaux sauvages serait donc plus appropriée dans les zones infestées par la mouche tsé-tsé. Les détracteurs de cette production (les gros éleveurs de bétail, naturellement) soutiennent pour leur part que les animaux sauvages sont porteurs de maladies et préconisent leur exclusion de toutes les zones où vivent les troupeaux. Malheureusement, les informations sur le rapport entre maladies et faune sauvage sont rares, peu fiables et souvent conflictuelles alors que les maladies du bétail ont été étudiées en détail sur de longues périodes de temps.

Importance écologique: Grâce à leurs caractéristiques physiologiques, les animaux sauvages s'adaptent mieux que le bétail aux conditions climatiques et à l'habitat des parcours africains. En outre, chaque espèce a ses propres habitudes alimentaires, préférant telle ou telle plante vivrière ou partie de la plante. Elles peuvent donc mieux profiter de la végétation disponible que les animaux domestiques dont les habitudes alimentaires ont une fourchette plus étroite et qui tendent soit à mal exploiter la végétation disponible soit à en surpâturer certains éléments, d'où une dégradation de l'habitat.

Productivité
D'après un grand nombre d'études, dans les élevages extensifs bien aménagés on atteint des taux de prélèvement très élevés. C'est ainsi que des enquêtes menées sur les populations de gazelles de Thomson dans les exploitations de Kekopey et de Suguroi au Kenya ont mis en évidence des taux de croissance de 60% par an, et un prélèvement durable de 40% a été conseillé sauf en période de sécheresse exceptionnelle (Blankenship et al., 1990). Les taux annuels de croissance du gibier sont dans l'ensemble bien supérieurs à ceux du bétail, si bien que sur la base de la conversion du poids corporel les animaux sauvages seraient des producteurs de viande beaucoup plus performants. Compte tenu du fait que les petites antilopes consomment davantage d'aliments par rapport à leur taille, il est estimé que, dans un élevage commercial, l'efficacité de conversion de l'impala est de 10 à 20% supérieur à celle du bétail. La production de poids vif par unité de surface de la gazelle de Thomson au Kenya dépassait de 17% celle du bétail (Hopcraft et Arman, 1971). Feer (1993) a analysé la reproduction; la croissance et la productivité de plusieurs espèces sauvages déjà utilisées ou utilisables potentiellement ou à titre expérimental dans des élevages intensifs ou semi-intensifs, et a comparé ce résultat avec les chiffres relatifs à certaines espèces domestiques élevées en zone tropicale humide (tableau 4.4). Il en a conclu qu'en ce qui concerne la production de viande, les rongeurs comme l'aulacode et les petites antilopes étaient comparables au porc domestique et bien supérieurs au bétail.

Rendement en viande: Il est connu que les ruminants sauvages ont une capacité d'assimilation des aliments supérieure à celle des ruminants domestiques. Le poids de la carcasse préparée du gibier africain équivaudrait à 50-63% du poids vif contre 44 à 50% chez le bétail domestique (Talbor et al., 1962). Selon des études menées au Galana Ranch au Kenya, le rendement à l'abattage était de 57% chez l'oryx, de 55% chez l'éland et de 52% chez le bétail. Sous l'angle de la production réelle de protéines, la valeur du gibier était encore plus élevée que celle indiquée par le rendement à l'abattage car les carcasses préparées du bétail domestique contiennent parfois jusqu'à 40% de matières grasses contre 2,5% chez les ongulés sauvages. Dès lors, les animaux sauvages produisent dans l'ensemble davantage de viande maigre que les animaux domestiques (tableau 4.5).

Tableau 4.4 Taux de natalité, efficacité reproductive, productivité en matière de viande par femelle/individu d'espèces tropicales domestiques et sauvages élevées en captivité (extrait de Feer, 1993)

 
Aulacode
Céphalophe bleu
Céphalophe à bande dorsale noire
Porc

Zébu d'Afrique de I'Ouest

a

Poids de la femelle (kg)

4.0

5.4

22.0

80

250

b

Poids du nouveau-né (kg)

0.12

0.4

2.5

0.6

18

c

Nombre de portées par an

2.0

1.6

1.4

2

0.6

d

Nombre de jeunes par portée

4.6

1.0

1.0

5.7

1

e

Age à l'abattage (ans)

1.3

1.0

1.0

1

4.2

f

Poids à l'abattage (kg)

4.2

4.6

17.0

60

204

g

Rendement à I'abattage (%)

65

60

60

70

51

 

Gain de poids moyen journalier (kg)

8.5

11.3

44

163

136

Efficacité reproductive 1

0.28

0.12

0.16

0.09

0.04

Productivité en matière de viande 2

38.6

7.4

23.8

684

122

Productivité relative en matière de viande 3

9.6

1.4

1.1

8.5

0.5

GMJ/ Poids à l'abattage

2.4

2.0

2.6

2.7

0.7

Productivité en matière de viande par ind. (kg) 4

2.1

2.8

10.2

42

24.8

Rendement en viande (kg) 5

50

60

60

70

12

1 = bcd/a

2 = fcd

3 = fcd/a

4 = fg/e

5 = g/e

Tableau 4.5 Poids vif, poids de la carcasse (kg) et teneur en matières grasses chez certains mammifères adultes de l'Afrique de l'Est. (Source: Reul, 1979).

Espèce
Poids vif moyen
Poids de la carcasse
Poids de la carcasse en % du poids vif
Matières grasses en % du poids de la carcasse

Buffle

753
380
50.5
56

Eland

508
301
59.1
4.2

Zébu mâla

484
280
58.0
13.7

Oryx

176
101
57.0
2.9

Phacochère

88
48
54.7
1.8

Gazelle de Grant

60
36
60.5
2.8

Impala

57
33
58.1
1.9

Gérénuk

31
20
65.0
2.0

Gazelle de Thomson

25
15
58.6
2.0

Encadré 10 AVANTAGES ET INCONVENIENTS COMPARATIFS DE LA PRODUCTION D'ANIMAUX SAUVAGES ET DOMESTIQUES (Source: Muir, 1989)

ANIMAUX DOMESTIQUES
ANIMAUX SAUVAGES

Faible capacité de l'organisme de conserver l'eau

Sont dotés de mécanismes physiologiques et de comportement qui favorisent la conservation de l'eau

S'alimentant de fourrages grossiers, les animaux préfèrent les bons herbages et pâturages

Grâce à leurs différentes stratégies alimentaires, nombre d'espèces sont adaptées à des milieux à la végétation moins abondante mais plus variée et de bonne qualité.

Les zones aux précipitations élevées (> 700 mm) leur conviennent davantage

S'adaptent bien à différents milieux y compris les zones aides

Sont dotés d'une base étendue de matériel génétique servant à la reproduction

Sont d'importants gardiens de la diversité génétique

Sont élevés spécifiquement pour la production de viande ou de lait

Ne sont soumis à aucune forme d'amélioration génétique

Ont une étroite fourchette de sélection alimentaire qui résulte en une exploitation insuffisante des parcours

Leurs habitudes alimentaires diversifiées permettent une meilleure exploitation de la végétation existante

Réagissent bien à l'amélioration de leur alimentation

Leur réaction à l'amélioration de l'alimentation est inconnue
mais apparaît faible sauf en cas d'extrême sécheresse.

La gestion est indispensable pour répartir la pression sur le pâturage

Répartissent bien la pression sur le pâturage grâce à la mobilité habituelle de leurs populations

Sont vulnérables à un grand nombre de maladies; peuvent être vaccinés contre ces maladieset soignés

Les espèces indigènes sont robustes et résistent à certaines maladies endémiques

Sont dotés de systèmes d'alimentation stables quelles que soient les conditions de pâturage

Modifient leur stratégie d'alimentation en fonction des saisons

Se reprennent lentement après la sécheresse

Se reprennent rapidement après la sécheresse

Leurs taux élevés de charge épuisent les pâturages, d'où une réduction du capital écologique et une baisse de rendement

Supportent une réduction de la biomasse pour permettre la régénération du veld tout en maintenant/augmentant les revenus

Une recherche bien établie et subventionnée est menée sur le développement, la gestion et la lutte contre les maladies

Pratiquement aucun investissement valable n'est fait dans la recherche sur leurs utilisation, production et commercialisation

Sont exploités essentiellement à des fins de consommation

Sont exploités à des fins de consommation et autres

Certaines collectivités leur attribuent des valeurs rituelles ou de prestige

Leur valeur esthétique est reconnue internationalement; ils représentent d'importants réservoirs de gènes; ils revêtent une importance socio-culturelle en Afrique

Leur rendement économique se fonde entièrement sur la biomasse

Leur rendement économique est moins tributaire de la biomasse

Sont une forme acceptée d'utilisation des sols

Leur élevage est rarement reconnu comme un système productif d'utilisation des sols

Peuvent appartenir à des propriétaires individuels qui en détiennent le contrôle

Leurs habitudes migratoires rendent difficiles les régimes de propriété, le contrôle, et la répartition des coûts/avantages

Représentent une source importante de force de traction, d'engrais et d'épargne pour les collectivités rurales

Fournissent des sous-produits pour les industries artisanales rurales; sont souvent des ravageurs des cultures et une source possible de danger

Leur prélèvement est simple, économique et peut être planifié par le producteur

Leur prélèvement est difficile, coûteux et résulte en disponibilités imprévisibles

Leur teneur en matières grasses est élevée ce qui diminue le ressuyage

Ont un rendement élevé à l'abattage

Sont un aliment largement accepté et privilégié

Des préjugés culturels interdisent la consommation de certaines espèces

Leur production/consommation fait souvent l'objet de subventions

Aucune subvention directe ou indirecte n'est accordée à leur production

Les techniques de production sont déjà bien développées

Les techniques de production et de commercialisation doivent encore être perfectionnées

Les exportations vers la Communauté économique européenne sont fortement subventionnées au titre de la Convention de Lomé

Les exportations sont pénalisées par les contrôles vétérinaires et les groupes écologistes

Considérations économiques: Pour évaluer la rentabilité relative du bétail et de la faune sauvage dans les zones arides du Zimbabwe, Jansen et al. (1992) ont estimé en 1989/90 les rendements de l'investissement et l'avantage comparatif de 89 exploitations pratiquant l'élevage de bétail, l'élevage extensif de faune sauvage ou l'élevage mixte bétail/faune. D'après leur analyse, les élevages de faune sauvage produisaient un rendement économique supérieur à ceux de bétail. Cependant, comme système d'utilisation des sols, la technique adoptée - élevage d'animaux sauvages, de bétail ou élevage mixte donnait des résultats variables en fonction de la zone. Les exploitations élevant uniquement du bétail obtenaient de leur investissement un rendement financier moyen (privé) de 1,8% alors que les élevages mixtes réalisaient un rendement de 2,6%. Le rendement moyen pondéré des entreprises d'élevage de bétail s'élevait à 2,78$Z par hectare. Quatre seulement des 77 entreprises de production de bovins réalisaient plus de 10% et seules trois entreprises d'élevage de bétail obtenaient plus de 25,00$Z/ha. On avait exclu des analyses le rendement hypothétique du terrain détenu. Trente-neuf pour cent des entreprises d'élevage de bétail accusaient un revenu net ajusté négatif et, pour poursuivre leurs opérations, elles réduisaient pour la plupart le cheptel ou recouraient à des emprunts. Les entreprises se çonsacrant exclusivement à la faune sauvage étaient les plus viables au plan financier avec des rendements moyens de 10,5%. Plus de la moitié de ces entreprises percevaient un revenu de plus de 10% et seules quatre accusaient un revenu net ajusté négatif. Le rendement pondéré moyen des entreprises de faune sauvage était de 5,8$Z à l'hectare. Des études récentes menées sur l'industrie de la faune sauvage au Zimbabwe (Martin, 1994) confirment la rentabilité des entreprises d'élevage d'animaux sauvages et assurent que les revenus financiers nets dépassent de loin ceux réalisables avec le bétail (1,11$EU par hectare pour la faune sauvage contre 0,60$EU pour le bétail). Il semble en outre que le revenu tiré de la faune sauvage (jusqu'à 5$EU par hectare pour la chasse sportive et 25$EU par hectare pour l'écotourisme) a des possibilités d'accroissement bien supérieures à celles du bétail.

Sur la base de modèles informatisés, Thresher (1981) a comparé la valeur d'un lion à crinière sur les parcours d'Amboseli à l'élevage extensif d'animaux domestiques et est parvenu à la conclusion qu'en un an la contribution d'un seul lion à l'économie nationale équivalait à celle d'un troupeau de 30 000 zébus ou de 6 400 boeufs. Les revenus potentiels beaucoup plus élevés que l'on tire des animaux sauvages par rapport au bétail domestique s'expliquent par le fait que la valeur commerciale des premiers transcende le simple prix de la viande, de la peau et des autres produits. Elle peut être grandement accrue grâce aux industries axées sur la faune, comme le tourisme et la chasse sportive, tout en maintenant des taux de charge et d'utilisation bien inférieurs.

4.1.3. Elevage intensif et domestication de la faune sauvage

L'idée de domestiquer les espèces animales sauvages pour la production de viande et l'amélioration des disponbilités protéiques n'est pas nouvelle en Afrique. Dès 1848 on avait entrepris l'élevage de l'éland et du buffle en Afrique du Sud (Surujbally, 1975). Cependant, malgré ces intentions précoces, les seules espèces sauvages africaines qui aient été domestiquées avec succès sont l'autruche et le chameau. Un certain nombre d'autres espèces, notamment le crocodile, font l'objet d'un élevage à grand échelle en conditions de semi-domestication. La domestication des espèces sauvages a connu un grand succès en Afrique de l'Ouest où la viande de brousse est une composante vitale de l'alimentation. Les écologistes et les partisans de cette technique ont soutenu le bien-fondé de l'élevage d'espèces recherchées pour accroître la production et les disponibilités de viande de chasse dans la sous-région et pour réduire la pression sur les populations sauvages. Les espèces préconisées comprennent l'aulacode et le rat géant Cricetomys gambianus, un certain nombre de céphalophes, la pintade Numida meleagris et l'escargot géant Achatina sp. et Archachatina sp. Les premiers travaux sur la domestication de l'aulacode ont été entrepris par le département de la faune sauvage du Ghana dans les années 1970, alors que l'université d'Ibadan au Nigéria se concentrait sur les rats géants. Des recherches sur les escargots ont été menées pendant longtemps au Ghana et au Nigéria. C'est ainsi qu'une étude sur les divers aspects biologiques et écologiques des escargots et leur élevage en captivité est en cours au département de zoologie de l'université du Ghana depuis plus de 20 ans.

S'il est incontestable que la domestication et l'élevage d'espèces animales sauvages consommées créent des sources complémentaires ou nouvelles de protéines animales, leur réalisation à grande échelle exige des connaissances techniques et des méthodes bon marché de production. Il est évident que l'élevage industriel d'espèces sauvages ne pourra se faire que si les coûts et les efforts de production sont inférieurs à ceux de la viande de chasse, et si les rendements sont comparables à ceux dégagés de l'élevage traditionnel du bétail (poulets, chèvres, moutons et bovins, par exemple).

Elevage de crocodiles
La chasse non réglementée du crocodile, non seulement pour la peau mais aussi pour la viande, a provoqué la décimation des populations des trois espèces vivant sur le continent africain. C'est la cause principale des contrôles sur leur commerce imposés au titre de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES). Des exploitations d'élevage de crocodiles ont été créées pour satisfaire la demande de produits dérivés de ce reptile. Au cours des deux dernières décennies, la FAO a fourni une assistance directe à la gestion d'élevages de crocodiles dans de nombreux pays en développement. En Afrique, les élevages de crocodiles ont été établis en premier lieu au Zimbabwe mais se sont désormais étendus à de nombreuses parties du continent, notamment en Afrique australe et orientale.

Les oeufs de crocodile récoltés dans la nature sont apportés à l'exploitation pour leur incubation et éclosion, et les petits crocodiles sont élevés en captivité. Au Zimbabwe, on impose aux éleveurs de remettre en liberté un pourcentage de la couvée. Cette procédure a entraîné des accroissements notables des populations sauvages. Les recettes tirées de cette industrie ont aussi augmenté considérablement passant de 300 000 $EU en 1980 à 2,6 m en 1989 (Muir, 1994). En 1991, plus de 58 000 oeufs ont été récoltés dans la nature, notamment à proximité du lac Kariba, et la vente de peaux a rapporté 2 millions de dollars (Makombe, 1993). Dès lors l'élevage de crocodiles assure non seulement un revenu aux familles, accroissant de telle sorte leur pouvoir d'achat et leur sécurité alimentaire, mais aussi des avantages directs sous l'angle de la conservation.

Elevage d'autruches
Les autruches sont élevées dans de nombreuses zones d'Afrique australe, en premier lieu pour leur peau qui entre dans la fabrication d'articles de luxe en cuir, et en deuxième lieu pour la qualité élevée de leur viande rouge à faible teneur en matière grasses et cholestérol. Au Zimbabwe, les oiseaux font l'objet d'un élevage intensif et rapportent d'importantes recettes en devises (tableau 3.2). Les oiseaux sont tués à 14 mois lorsque leur peau a atteint la taille voulue de 120 dm2 et après la première récolte de plumes (Conroy et Gaigher, 1982). Dans quelques régions (au Zimbabwe, par exemple), on remet en liberté dans les zones dont ils sont originaires les oiseaux dont le sang est à 100% sauvage.

Aulacodiculture
L'aulacode est un rongeur endémique en Afrique qui appartient au sous-ordre des hystricomorphes. On le trouve dans les herbages de la savane, les clairières forestières, les terres cultivées et les forêts secondaires où il est très répandu. Comme ressource alimentaire il fait dans de nombreuses zones l'objet d'une chasse très active. L'aulacodes est herbivore et son aliment préféré est l'herbe de la savane (Asibey, 1974b). En captivité il se nourrit aussi de canne à sucre, de tiges de maïs et d'épluchures de manioc. C'est un rongeur gaspilleur dont les incisives tranchantes cisaillent l'herbe de façon à consommer les entre-noeuds plus nourrissants et appétissants, disséminant des brins sur les terres où il s'alimente. Ce comportement caractéristique est exploité par les chasseurs qui vont en quête des lieux où sont visibles les résidus de l'alimentation nocturne des aulacodes pour y trouver plus facilement leurs proies. L'animal ne creuse pas de tanière bien qu'il se réfugie souvent dans celles creusées par d'autres. On peut donc clôturer par des murs en pisé les terrains où se pratique l'élevage en captivité. La période de gestation de l'aulacode est longue et dure environ cinq mois; sa portée est de taille relativement réduite et consiste en quatre jeunes quand l'animal est en liberté mais peut atteindre 12 en captivité. Les jeunes naissent avec les yeux ouverts et un pelage parfaitement constitué et sont en mesure de suivre leur mère dès la naissance. Les femelles peuvent être fécondées une deuxième fois après la mise-bas si bien que deux portées sont possibles en un an. Le poids moyen de l'aulacode sauvage est de 4 ou 5 kg et les mâles peuvent atteindre 10 kg. On peut enfermer les aulacodes dans des cages ou des boîtes mais il vaut mieux leur assigner un terrain ouvert entouré de murs de pisé ou autre matériel de clôture et réunir les mâles et les femelles. Une grande cage peut contenir un mâle et cinq femelles. Les femelles enceintes devront être isolées à la fin de la grossesse car les mâles très souvent ont tendance à dévorer les nouveaux-nés.

En Afrique de l'Ouest, la viande d'aulacode est très appréciée et représente la majorité de la viande de brousse vendue sur les marchés. Dans la plupart des pays de la sous-région, elle atteint des prix encore plus élevés que ceux du boeuf. A cause de sa popularité, cet animal a fait l'objet au début des années 1970 de plusieurs études visant à évaluer les possibilités de le domestiquer et de créer des élevages commerciaux pour la production de viande destinée à la consommation humaine.

Les études menées au Ghana par Ewer dans les années 1970 ont montré que l'aulacode pouvait être élevé en captivité (Asibey, comm.pers.). Ses recherches ont été suivies d'études sur divers aspects de l'animal au Ghana (Asibey, 1974b; Ntiamoa-Baidu, 1980) et au Nigéria (Ajayi, 1971). Outre les études de terrain sur l'alimentation et l'écologie reproductive, Asibey a aussi travaillé auprès des éleveurs. A ceux qui voulaient s'adonner à l'élevage on a remis pour commencer un aulacode mâle et une femelle (prélevés normalement dans la nature) ainsi qu'une cage. La performance de ces animaux était surveillée par des vulgarisateurs formés. On partait de l'idée que les résultats de la recherche pouvaient être appliqués directement par les éleveurs et que des ménages ruraux et urbains pouvaient élever des aulacodes dans leur arrière-cour. Les études ont confirmé qu'il était possible de le faire et ont démontré que la portée de l'aulacode en captivité pouvait s'accroître avec une bonne alimentation. Cependant, l'intérêt porté initialement au projet et les efforts déployés n'ont pas abouti à un élevage commercial et seules quelques personnes ont continué à élever des alaucodes dans leur arrière-cour. La perte d'enthousiasme était attribuable principalement à l'importance du capital d'investissement initial nécesaire, à la difficulté de trouver des animaux reproducteurs, aux problèmes de l'alimentation en saison sèche et aux nombreuses questions irrésolues et mal comprises asociées aux maladies des aulacodes en captivité.

Un grand programme de recherche a été lancé récemment au Bénin dans le cadre du projet bénino-allemand d'aulacodiculture (PBAA). Le projet vise à créer des effectifs d'aulacodes améliorés génétiquement et adaptés à la vie en captivité, et à promouvoir l'élevage de cet animal dans des milieux ruraux et suburbains (Baptist et Mensah, 1986; Mensah, 1991). La recherche a mis l'accent sur l'éthologie, l'alimentation, la pathologie et la reproduction de cet animal ainsi que sur les possibilités techniques de réaliser de petits élevages.

Les rapports de faisabilité sur les entreprises d'aulacodiculture montrent que la rentabilité à long terme est comparable à celle de la volaille et plus élevée que pour l'élevage extensif de bovins (Tutu et al., 1996). Toutefois, le haut coût des investissements initiaux (cages, animaux reproducteurs), la lente constitution des revenus et le manque de compétence technique ont découragé aussi bien l'élevage d'arrière-cour par les ménages ruraux que la création de grandes entreprises commerciales. Le marché de la viande fraîche et fumée d'aulacode est illimité. C'est pourquoi il faudrait investir dans la mise au point de systèmes de production moins onéreux et dans l'instauration de services de vulgarisation qui assurent le transfert des technologies appropriées aux petits éleveurs.

Domestication du rat géant
Le rat géant est un rongeur nocturne qui creuse des tanières et représente une ressource alimentaire dans de nombreuses zones rurales en Afrique. Un programme de domestication a été lancé par le département de la gestion des ressources forestières de l'Université d'Ibadan au début des années 1970 (Ajayi, 1971; 1975; Ajayi et al., 1978) dans le but de maximiser la production de viande de cette espèce. Des études ont montré que le rat géant s'adapte très vite à la captivité; les animaux sauvages s'acclimataient deux mois après leur capture et commençaient à se reproduire; au bout de la quatrième génération toute trace du comportement belliqueux propre aux rats sauvages avait disparu. Les animaux captifs se sont rapidement habitués à leur cage et ont adopté sans difficulté les nouveaux régimes alimentaires. Malgré la facilité mise en évidence par les études d'élever en captivité des rats géants, aucun élevage industriel de cet animal n'a vu le jour. On attribue cette réticence à des superstitions généralisées et à l'aversion culturelle vis-à-vis du rat qui font que sa viande est inacceptable pour de nombreux groupes tribaux de l'Afrique de l'Ouest.

Héliciculture
Les essais de domestication d'animaux sauvages ne sont pas limités aux espèces vertébrées; les invertébrés, y compris les escargots et les chenilles, en ont aussi fait l'objet. A l'époque romaine on a pratiqué l'héliciculture pendant des décennies (Elmslie, 1982). En Afrique de l'Ouest, dès le début des années 1970, de nombreux chercheurs ont démontré qu'il était possible d'élever l'escargot géant (Ajayi, 1971; Plummer, 1975; Ajayi et al., 1978; Hodasi, 1979). Dans de nombreuses zones de la sous-région, l'héliciculture se réalisait dans de petits enclos et, à l'heure actuelle, une importante campagne a été lancée au Ghana pour la promouvoir aussi bien au niveau de l'arrière-cour pour accroître le revenu familial et les disponibilités en protéines que comme activité commerciale à grande échelle.

En Afrique, les escargots géants comestibles appartiennent à deux genres: Achatina Lamarch et Archachatina Albers. Des espèces de ces deux genres se rencontrent communément au Sud du Sahara; Achatina achatina est l'espèce la plus répandue en Afrique de l'Ouest alors que l'on rencontre Archachatina marginata plus souvent au Sud du Nigéria et dans le bassin du Congo (Hodasi, 1984). L'espèce d'Afrique de l'Ouest préfère les habitats de la forêt ombrophile primaire mais on la trouve aussi dans les formations secondaires humides et la végétation de sous-étage des plantations de cacaoyers et d'hévéas. Les populations d'escargots sont le plus nombreuses pendant la saison des pluies, époque où les ruraux les ramassent en grandes quantités. On les vend frais ou fumés-séchés et ils coûtent très peu pendant la saison où ils sont abondants. Les attitudes des gens vis-à-vis de la consommation d'escargots varient au sein de la sous-région manifestant trois grandes tendances. Dans les régions forestières du Sud, un grand nombre de personnes en sont friandes et sont disposées à les payer très cher. Dans le Nord, ils sont tabous et beaucoup de tribus refusent de les toucher et encore moins de les manger. Entre ces deux tendances extrêmes se situent ceux qui préféreraient d'autres types de protéines animales mais se résignent à les manger, notamment pendant la saison des pluies où ils peuvent être ramassés librement dans la nature ou être achetés à faible prix au marché. C'est la première catégorie de personnes que pourrait intéresser l'élevage de l'escargot géant.

Dans leur milieu naturel les escargots se développent et se reproduisent activement pendant la saison des pluies et estivent pendant la saison sèche. En captivité ils peuvent se développer et se reproduire pendant toute l'année si on les approvisionne régulièrement en eau, aliments et chaux (Ajayi et al., 1978). Dans la nature, ils sont essentiellement végétariens, broutent les feuilles tendres et se nourrissent de légumes et des fruits tombés au sol. On a alimenté des escargots captifs avec de la laitue sauvage Lactuca taraxacifolia et une grande variété. d'autres feuilles et de fruits mûrs y compris les papayes. Ajayi et al. (1978) ont dénombré 28 espèces de dicotylédons et six espèces de monocotylédons consommés par A. marginata et ils signalent que la période d'incubation (mesurée à partir de la ponte jusqu'à l'éclosion des oeufs) dure en moyenne 38 jours (c'est-à-dire de 30 à 45 jours). Au moment de l'éclosion le poids moyen se situait à environ 2,14 g avec une croissance hebdomadaire de 0,85 g alors que les escargots adultes pouvaient peser 230 g. Les jeunes escargots atteignent la maturité sexuelle à environ 7 ou 8 mois.

L'héliciculture connaît un essor rapide en Afrique de l'Ouest et, avec un appui financier et technique adéquat, cette industrie offrirait une importante source de protéines animales aux ménages ruraux et urbains. Peu coûteux, les escargots ont aussi l'avantage d'être faciles à transporter et à emmagasiner vivants pour des périodes prolongées. En outre, la petite taille de l'animal permet aux producteurs familiaux de ne ramasser que la quantité nécessaire pour un repas.

4.2. PRELEVEMENT D'ANIMAUX SAUVAGES

4.2.1 Prélèvement et élimination du gibier

Eltringam (1994) définit le prélèvement de gibier comme la collecte du rendement durable d'une population entièrement sauvage. Cette définition laisse entendre qu'il s'agit d'un prélèvement régulier. Il aurait pour objectif soit de contrôler une population d'animaux sauvages soit de les capturer pour en tirer de la viande ou d'autres produits pour l'autoconsommation et/ou la création de revenus. L'élimination, en revanche, est une activité qui peut être entreprise une fois pour toutes et dont l'objectif principal est la réduction des effectifs de certaines espèces. La viande obtenue devient dans ce cas un objectif secondaire.

L'élimination d'animaux dans les aires de conservation reste une question controversée. Bien que les écologistes scientifiques et les responsables d'aires protégées soutiennent qu'il s'agit d'un outil de gestion servant à contrôler les populations d'herbivores, les écologistes extrémistes la considèrent comme moralement répréhensible. On a pratiqué l'élimination comme outil de gestion dans certaines aires protégées d'Afrique australe et orientale (voir Hanks et al., 1981, Walker et al., 1987) et ce, pour deux raisons:

  1. pour prévenir ou réduire la dégradation de l'habitat provoquée par des densités élevées d'animaux herbivores;

  2. comme stratégie de protection des espèces; dans les cas de concurrence entre une espèce abondante localement et une espèce rare, il est consenti d'éliminer un pourcentage dé la population surabondante pour réduire la compétition.

Deux raisons importantes militent en faveur de l'élimination des espèces localement surabondantes en Afrique, à savoir la possibilité de satisfaire ainsi les besoins en protéines animales et la nécessité de remédier à l'injustice sociale qui consiste à permettre à un grand nombre d'espèces communes de vagabonder hors des aires protégées au détriment de l'habitat et des cultures des collectivités qui vivent aux alentours.

Les opérations de prélèvement et d'élimination de gibier ne se limitent pas aux initiatives gouvernementales relatives aux aires protégées mais peuvent représenter une pratique régulière sur les élevages extensifs et les terres privées. On l'observe notamment dans des pays comme l'Afrique du Sud où le gibier a séjourné sur des terres privées pendant de nombreuses années à des fins tant de conservation que de chasse sportive. Blankenship et al. (1990) passent en revue les systèmes de prélèvement pratiqués jadis dans les sous-régions d'Afrique orientale, centrale et australe. Bien qu'en Afrique orientale les initiatives de prélèvement de gibier aient été lancées et parrainées par les pouvoirs publics, en Afrique australe elles ont été le fait principalement de compagnies privées.

Pendant les années 1960, la plus importante opération d'élimination du grand gibier en Afrique tropicale a été organisée au niveau national en Ouganda. L'objectif était de réduire rapidement les effectifs animaux dans les parcs nationaux de Queen Elizabeth et des Chutes Murchison (Bindernagel, 1968). Environ 12 000 hippopotames et 2 000 éléphants ont été abattus. Les hippopotames étaient dépecés et leur viande vendue sur place à l'état frais directement aux commerçants qui la vendaient ensuite au détail hors des parcs, alors que la viande d'éléphant était fumée et vendue aux villes et villages voisins. Plusieurs facteurs expliquent le succès de l'opération ougandaise: le grand nombre de personnes (51,4 par ha2) vivant aux alentours des parcs et pouvant se permettre d'acheter la viande, ce qui évitait les transports sur de longues distances; l'absence de bétail domestique et, partant, la pénurie de viande dans la zone; l'existence d'un bon réseau routier rural, et le fait qu'aucune norme d'hygiène n'était imposée sur le commerce de la viande.

Dans les années 1960, le département du gibier de la Zambie a également entrepris le prélèvement expérimental d'éléphants et de buffles dans la vallée de Luangwa. La viande était fumée suivant les méthodes traditionnelles et vendue bon marché aux populations locales estimées carentes en protéines. En réalité, l'hypothèse était sans fondement car les ruraux étaient eux-mêmes d'excellents chasseurs et l'offre de viande n'a suscité qu'un faible intérêt (Marks 1976). En 1972, lorsque le prélèvement a pris fin, 1 464 éléphants, 1 353 hippopotames et 237 buffles environ avaient été tués. D'après Blankenship et al. (1990) le projet s'est soldé par une perte économique.

Au Kenya, le prélèvement de gibier réglementé par l'Etat a démarré en 1960 dans le cadre du plan de gestion de la faune de Galana. Son objectif était de mettre au point un programme intensif et commercialement viable de prélèvement de gibier et, en même temps, d'offrir des emplois aux populations vivant à proximité des aires protégées. Les activités du programme se centraient sur la vente de viande d'éléphant et d'ivoire. Comme dans le cas de la Zambie, il s'est agi d'un échec économique et le gouvernement a fini par confier le programme à une entreprise privée. Pendant les années 1970, d'autres essais de prélèvement de gibier ont été entrepris au Kenya pour mettre au point des techniques performantes et pour étudier le potentiel commercial de la viande de chasse dans l'exploitation de Kekopey et le domaine de Suguroi. Les procédures devaient respecter les normes sévères établies par le département de médecine vétérinaire. Au total 1 320 gazelles de Thomson et 1 083 impalas ont été prélevées à Kekopey et à Suguroi. Les peaux et les 35 tonnes de carcasses préparées provenant des 2 358 antilopes abattues ont rapporté 65 292,00 shK (9 144,54 dollars EU) et le projet a été considéré comme un succès (tableau 4.6). En 1989, une seule compagnie opérait au Kenya sur trois exploitations, produisant environ 45 tonnes de viande par an. Le service de la faune sauvage a estimé que la demande de viande de gibier aurait atteint 500 tonnes par an à la fin de 1995 (Byrne et al., 1994).

Tableau 4.6 Coûts et revenus relatifs à l'essai de prélèvement à Kekopey et Suguroi. (Source:Blankenship et. al., 1990)

COUTS

ShK

1

 

Personnel

 

Direction

27,500.00

Employés

44,096.65

Chasseurs supplémentaires

3,898.0

Total partiel

75,494.65

2

Location de véhicules

30,264.60

3

Location de matériel de prélèvement et de tentes

10,360.00

4

Location d'avions

5,900.00

5

Matériaux fongibles (sel, paille, etc.)

5,608.00

6

Combustibles

4,899.90

7

Administration

3,113.40

8

Location d'entrepôts frigorifiques (opération de Kekopey seulement)

2,773.10

9

Commercialisation et publicité

2,766.65

10

Rémunération du personnel du département du gibier

2,375.00

11

Munitions

1,745.00

TOTAL

145,300.35

REVENU BRUT

1

Carcasses

120,672.53

2

Peaux

87,165.00

3

Cornes

2,755.00

TOTAL

210,592.53

REVENU NET

65,292.18

Le programme de Kamwenje est un exemple plus récent d'élimination dont l'objectif principal est de fournir de la viande de brousse bon marché aux collectivités locales. Il a été lancé en 1989 près de la zone d'aménagement de la faune du Haut Lupande à Nsefu en Zambie. Les grands mammifères tués au titre de ce programme comprenaient des buffles, des potamochères, des hippopotames, des impalas, des phacochères, des gnous et des zèbres. D'après une enquête menée auprès des populations locales et relative à la faune sauvage de la zone, 81,5% des personnes interrogées étaient au courant du programme mais seuls 18,5% ont eu effectivement l'occasion d'acheter la viande vendue dans le cadre de ses activités (Balakrishman et Ndholovu, 1992). Environ la moitié de ce groupe échantillon n'avait pu l'acheter faute d'argent et 88% des quelques personnes qui en avaient acheté trouvaient qu'elle coûtait trop cher.

4.2.2 Chasse et prélèvement de subsistance

Dans les sociétés africaines la chasse et le prélèvement d'animaux sauvages ont été autrefois et seront à l'avenir un aspect important de la vie rurale. Jadis, la chasse représentait la principale source de protéines animales et les chasseurs professionnels jouissaient d'un grand prestige dans la société. Même de nos jours, certains groupes comme les Boshimans en Afrique australe dépendent presque exclusivement de la chasse et du prélèvement d'animaux sauvages pour satisfaire leurs besoins en protéines animales et se procurer de l'argent. De nombreux autres groupes accroissent aussi de manière notable leurs moyens de subsistance grâce à la chasse (Richter et Butynski, 1973; Asibey, 1974; Ajayi, 1979; Infield, 1988; Tutu et al., 1994). Dans beaucoup de pays africains, le chasse est non seulement un moyen de se procurer des vivres mais aussi un événement social où les jeunes gens mettent à l'épreuve leur virilité.

La chasse au fusil et à l'arc est une activité essentiellement masculine, mais les femmes et les enfants ont aussi un rôle important à jouer dans le prélèvement de ressources en faune sauvage pour alimenter la famille. Au Sud-Est du Gabon, les femmes et les enfants posent des pièges pour capturer de petits mammifères et des oiseaux dans les plantations (Lahm, 1993). Les femmes des tribus Luvale et Shaba au Zaïre prélèvent aussi des rongeurs à l'aide de pièges et en Afrique de l'Ouest, la récolte d'escargots est essentiellement le fait des femmes et des enfants.

Dans le passé la chasse et l'exploitation d'animaux sauvages étaient réglementées par des lois coutumières et tout bon chasseur était tenu de respecter le code de conduite traditionnel en vigueur dans la communauté où il opérait. Avec la colonisation et l'application des mesures modernes de conservation, de nombreux gouvernements africains ont imposé des restrictions sur la chasse. Elles incluent l'interdiction de chasser dans les parcs nationaux et d'autres aires de conservation de la faune sauvage, l'établissement de périodes de fermeture de la chasse, l'introduction de permis, et l'imposition de restrictions sur certaines espèces et catégories d'âge. Dans nombre de pays, la loi oblige les chasseurs à se munir d'un permis de chasse où est normalement indiqué le nombre d'individus de chaque espèce qu'il a le droit d'abattre dans un laps de temps déterminé. Dans certains pays, les commerçants de viande de brousse sont aussi tenus d'avoir un permis pour exercer leur activité. Dans les pays d'Afrique australe et orientale, ces restrictions sont très sévères et visent à protéger les animaux sauvages à l'intérieur et à l'extérieur des parcs afin de promouvoir le tourisme, la chasse sportive et les autres activités lucratives connexes. En Afrique de l'Ouest, l'application des règlements de chasse est moins rigoureuse et vise à sauvegarder les animaux en vue de reconstituer les effectifs car les populations de la plupart des espèces ont déjà été décimées par la chasse. Dans presque tous les pays, les règlements concernent le grand gibier, ce qui explique la prédominance des rongeurs et d'autres petits mammifères parmi les espèces exploitées comme viande de brousse.

Les contrôles gouvernementaux ne s'appliquent pas normalement à la récolte d'invertébrés tels que les insectes et les escargots mais dans de nombreuses collectivités africaines elle est soumise à des lois et des normes coutunières. C'est ainsi que dans les zones forestières du Sud du Ghana, notamment dans l'Ashanti, il existe une loi verbale établissant la période de fermeture de la chasse, qui était scrupuleusement observée dans le passé et réglementait avec efficacité l'exploitation de l'escargot géant Achatina achatina. La période de fermeture pour la récolte d'escargots des forêts était strictement respectée dans la plupart des villages Ashanti; au début de cette période, lorsque les escargots pondaient leurs oeufs, le crieur public informait les villageois de l'interdiction de les récolter. Cette mesure visait à permettre l'éclosion des oeufs et la croissance des petits escargots. La règle était rigoureusement observée jusqu'au moment de l'ouverture qui était aussi annoncée par le crieur public.

Malgré les contrôles, à la chasse de subsistance sont imputables plus de 90% de la viande de brousse disponible sur le continent africain. En 1990 en Côte d'Ivoire, sa consommation était estimée à 83 000 tonnes soit 117 m de dollars EU dont seuls 23 m provenaient de la chasse commerciale (Freer 1993). Plusieurs descriptions de chasseurs et de méthodes de chasse nous sont parvenues; elles portent sur le nombre des personnes intervenant, le moment de la journée choisi et le matériel utilisé. On distingue la chasse individuelle et celle de groupe, la. chasse au fusil et à l'arc, le piégeage, la chasse nocturne et la chasse diurne. Les chasseurs peuvent être des professionnels travaillant à temps plein ou des chasseurs occasionnels dont l'occupation principale est l'agriculture, l'artisanat ou la fonction publique.

Autrefois on se servait de fusils à pierre que fabriquaient les forgerons locaux. Aujourd'hui, on utilise normalement des fusils de calibre 12 et des carabines fabriquées sur place ou importées. Les professionnels possèdent pour la plupart leur propre fusil et les jeunes chasseurs ou ceux qui opèrent à temps partiel en ont parfois un aussi. Beaucoup de ces derniers louent ou empruntent le fusil d'un chasseur plus âgé en échange d'une partie du gibier prélevé. Parmi les 130 personnes formant la population d'un village dans le Nord-Est du Gabon, le rapport entre population et fusils possédés était de 1:6,5 individus (Lahm, 1993). Au Nigéria on emploie traditionnellement des fusils chargés par le canon fabriqués sur place, des pièges et des collets, et on recourt aux chiens et au feu pour lever le gibier (Afolayan, 1980; Martin, 1983). Les armes utilisées par les Boschimans d'Afrique australe consistent en flèches à pointe de métal léger ou d'os et au carquois fabriqué avec de racines d'Aloe dichotoma, en une petite lance et en une massue. Les chasseurs se servent d'un arc court mais robuste pour lancer les flèches à distance rapprochée. Les Boschimans enduisent leurs flèches de poisons tirés des racines, de l'écorce et des baies de certains arbres ainsi que du venin de serpents, d'araignées et de scorpions (Maliehe, 1993). Les chasseurs des districts de Kiteto et de Mbulu dans la région d'Arusha en Tanzanie enduisent eux aussi leurs flèches de poison. Ce dernier est extrait de diverses espèces végétales qui servent aussi à empoisonner les poissons (Chihongo, 1992).

Les chasseurs peuvent opérer seuls, souvent avec l'assistance d'un aide, ou en groupe. La chasse individuelle peut avoir lieu le jour ou la nuit, dans la forêt ou dans des formations secondaires autour des exploitations. Un chasseur professionnel quitte normalement sa maison le matin pour une expédition d'un jour et revient le soir. De nombreux agriculteurs-chasseurs partagent leur journée entre le travail des champs et la chasse ou le piégeage. On utilise souvent des chiens pour lever les animaux sauvages.

Bien qu'elle soit interdite dans de nombreux pays, la chasse nocturne est très répandue et privilégiée par les chasseurs professionnels car le taux de réussite est beaucoup plus élevé. A la tombée de la nuit le chasseur quitte sa maison pour la forêt où il chasse normalement jusqu'au lever du jour. La chasse nocturne est pour l'essentiel une activité solitaire bien que certains chasseurs se fassent accompagner par un aide ou un porteur qui transporte le gibier. La plupart des chasseurs nocturnes limitent leurs activités à des zones connues. Il arrive qu'un chasseur solitaire ou un groupe de deux ou trois personnes campent dans la forêt et y restent pour des périodes allant de quelques jours à deux semaines. Ils construisent un campement qui leur sert de base et la chasse s'effectue tant de jour que de nuit. Le gibier est fumé et entassé jusqu'à la fin de l'expédition. Parfois les marchandes de viande de brousse se rendent aux campements pour y faire leurs achats mais normalement c'est le chasseur et ses aides qui transportent la viande jusqu'au village les jours de marché.

Les outils du chasseur consistent en un fusil, une cartouchière (souvent en cuir) contenant une réserve de poudre et des cartouches, un coutelas ou un gros couteau et, dans le cas de la chasse nocturne, une lampe puissante portée sur le front. Elle est faite de cuivre, est munie d'un réflecteur et fonctionne au carbure. En s'égouttant sur le carbure l'eau produit de l'acétylène qui brûle en donnant une forte lumière. C'est grâce au reflet de cette lumière dans les yeux des animaux que le chasseur peut les identifier. En outre elle éblouit les bêtes ce qui permet au chasseur de s'approcher de sa proie et de la tuer à brève distance.

Les principales formes de chasse pratiquées en Afrique sont au nombre de trois:

  1. la chasse de groupe saisonnière au fusil;
  2. la chasse en battue pour lever les animaux qui sont ensuite tués à la massue ou au coutelas;
  3. l'emploi de feu pour enfumer les animaux.

Traditionnellement, la chasse de groupe saisonnière se pratiquait à certains moments de l'année ou coïncidait avec des célébrations organisées pour fêter un événement culturel particulier, et la plupart des hommes sains de la collectivité y prenaient part. Chez les Ashantis des zones forestières du Ghana, la chasse de groupe saisonnière est un événement très bien organisé. Au cours d'une réunion tenue plusieurs jours avant l'expédition on choisit le terrain de chasse, on groupe les participants en catégories et on assigne les tâches. De 60 à 100 personnes peuvent prendre part à l'expédition qui comprend des chasseurs professionnels, des aides et un grand nombre de chiens.

La chasse en battue ne compte pas plus de quatre ou cinq personnes. Les chasseurs encerclent une parcelle de végétation où les animaux ont l'habitude de s'abriter et convergent vers le centre en battant et coupant les buissons. La présence d'excréments ou de résidus d'aliments permet de reconnaître la parcelle adaptée. La méthode est utilisée notamment pour chasser les rongeurs, en particulier l'aulacode en Afrique de l'Ouest. Les animaux sortant de la végétation sont chassés et attrapés par les chiens ou tués par les chasseurs à l'aide de massues et de coutelas.

L'emploi du feu dans la chasse en groupe est plus répandue dans les herbages de la savane. Chaque chasseur choisit une position stratégique autour d'une parcelle d'herbage que l'on sait être peuplée d'animaux sauvages. On met le feu à la zone et les animaux qui tentent d'échapper aux flammes sont tués à l'aide de massues et de coutelas. Dans les zones forestières, on utilise le feu pour enfumer des rongeurs comme le rat géant Cricetomys gambianus dans leurs terriers. Les chasseurs identifient ces derniers, entassent des branches de palmier et des feuilles sèches à l'entrée et y mettent le feu. La fumée pénétrant dans le terrier force le rat à en sortir. Les chasseurs sont prêts à l'attaque à peine il se montre. Souvent l'animal meurt dans le terrier suffoqué par la fumée auquel cas on creuse pour en retirer le corps.

La plupart des chasseurs utilisent aussi bien des fusils que dès pièges. Les agriculteurs qui ne possèdent pas de fusils, ainsi que les femmes et les enfants, se limitent à poser des pièges. Deux systèmes sont pratiqués en Afrique:

  1. les pièges posés en forêt dans des zones que l'on sait être peuplées d'animaux sauvages, le long des pistes qu'ils empruntent et dans les lieux où ils s'alimentent. Le seul objectif de ces pièges est de capturer les mammifères. Les pièges à oiseaux sont normalement placés sur les branches supérieures des arbres où les oiseaux ont l'habitude de se poser ou de se nourrir. Autrefois les chasseurs installaient aussi dans la forêt des pièges isolés consistant en fosses, tranchées et trébuchets. Ces pièges qui présentaient un grave danger pour la population sont désormais interdits;

  2. les pièges posés dans les exploitations ou à leur proximité: on construit souvent une haie autour de l'exploitation et on pose des pièges à des distances déterminées le long de cette haie. Ce système vise en premier lieu à protéger les cultures en réduisant les dommages causés aux plantes par les animaux sauvages, notamment les rongeurs. Mais il permet aussi aux agriculteurs de se procurer de la viande.

Les collets servent à saisir l'animal au cou, à mi-corps et à la patte suivant la partie du corps visée par le noeud coulant. On utilise pour cela une combinaison de matériaux naturels et artificiels. Pour fabriquer un piège ou un noeud coulant on se sert normalement de fil de fer alors que les fibres naturelles et les tiges sont employées pour fabriquer des dispositifs à détente ou à ressort ou pour ancrer le piège. Pour appâter les animaux on place normalement des substances alimentaires comme le manioc, le plantain mûr, la banane et les noix de palmier à l'entrée du piège. Les pièges posés autour des exploitations sont inspectés quotidiennement ou chaque fois que l'agriculteur ou sa famille se rendent à l'exploitation. Ceux posés dans la forêt sont normalement inspectés tous les deux jours. Dans la plupart des communautés africaines, toucher ou déplacer les animaux dans les pièges d'autrui est considéré comme un délit.

Le succès de ces différentes méthodes est variable de même que la composition des espèces et du sexe des animaux prélevés. Lahm (1993) signale que dans un village du Nord-Est du Gabon c'était le piégeage et la chasse nocturne qui remportaient les taux les plus élevés de succès et que les petites proies nocturnes comme les porc-épics se prenaient plus facilement à l'aide de collets. Un certain nombre d'espèces de céphalophe sont hypnotisées par les lampes des chasseurs ce qui favorise leur capture pendant la chasse de nuit. Il est très difficile de prendre au piège les espèces arboricoles comme les singes et, selon l'étude sur le village du Gabon, toutes ces espèces avaient été tuées au fusil (tableau 4.7).

Tableau 4.7 Résultats de deux méthodes de capture pratiquées dans des villages au Nord-Est du Gabon (en pourcentage) (Source: Lahm, 1993)

Espèce

Nbre d'animau capturés

Animaux tués (%)

Animaux pris au piège (%)

Porc-épic

28

21

71

Singes

45

100

0

Céphalope bleu

95

77

21

Céphalophe roux

31

29

68

Chevrotin

12

92

8

Le temps consacré à la chasse varie suivant les lieux et dépend, de toute évidence, de la place qu'elle. occupe dans l'activité du chasseur et des taux de réussite. Le nombre d'expéditions de chasse signalées dans l'étude sur le Gabon était de 2,5 jours par semaine. Infield (1988) donne une moyenne de 16 journées de chasse/mois/chasseur moyen dans les villages aux alentours du parc national de Korup. On chassait dans ces villages toute l'année avec une baisse d'intensité entre décembre et mars pendant la campagne agricole. En revanche, la pose des pièges était plus fréquente pendant la saison des pluies et chaque chasseur installait 130 pièges en moyenne. L'étude de Kumasi (Tutu et al., 1993) montrait que la chasse avait lieu 2,08 fois par semaine environ et chaque expédition durait 4,42 heures (de 1 à 11 heures). Le nombre moyen d'animaux tués à chaque expédition variait entre un et quatre. A Akim Ayirebi, dans une autre zone du Ghana, les chasseurs professionnels consacraient de 22 à 30 heures par semaine en moyenne à la chasse nocturne (tableau 4.8).

Les chasseurs professionnels profitent de leur aptitude à traquer les animaux, de leur expérience, de leur capacité de comprendre le comportement de leur proie et de leur profonde connaissance de la forêt au sein de laquelle ils opèrent. Ils peuvent aussi adopter certaines stratégies axées sur la magie qui, selon les croyances, devraient soit accroître le succès de la chasse soit assurer au chasseur une protection. Quatre de ces stratégies sont bien connues et appliquées mais on n'en a pas évalué l'efficacité.

Tableau 4.8 Enquête hebdomadaire saisonnière sur le nombre d'heures consacrées à la chasse nocturne par cinq chasseurs professionnels à Ayirebi, Ghana, en 1982/83. (Source: Dei, 1989)

Chasseur

Age (ans)

Nbre d'heures par semaine pour chaque période

Moyenne annuelle - heures/semaine

Moyenne annuelle - heures/semaine

Après récolte

Période de soudure

Récolte

(jan. - mars)

(avr. - août/sept.)

(oct. - déc.)

A

41

26

30

18

24.7

3.5

B

49

25

40

25

30.0

4.3

C

62

21

29

17

22.3

3.2

D

43

18

31

25

24.6

3.5

E

67

27

25

18

23.3

3.3

  Moyenne
25
3.6

Emploi d'amulettes: un chasseur porte parfois une bague à son doigt ou à son orteil, un bracelet, un collier ou un talisman autour de son cou ou une ceinture autour de sa taille. Ces objets magiques sont censés améliorer le succès de la chasse en attirant vers lui les animaux.

Pouvoir de se transformer: il s'agit d'une autre forme de magie qui devrait conférer au chasseur le pouvoir de se changer en animal (en céphalophe ou en guib, par exemple). Cette transformation accroîtrait les chances pour le chasseur d'attirer des bêtes de la même espèce, améliorant par là grandement le succès de la chasse.

Pouvoir de se rendre invisible: ces pouvoirs "magiques" rendent le chasseur invisible à l'animal, lui permettant de s'en approcher sans être observé et de tirer à brève distance. Le pouvoir magique est déclenché par un mouvement de la queue de l'animal ou par une préparation magique que le chasseur emporte avec lui et qu'il pose sur sa tête au moment opportun.

Pouvoir de disparaître: cette forme de magie vise à protéger le chasseur. Elle comporte normalement un ensemble de rites comprenant des périodes d'isolement, des bains et une série d'infusions d'herbes associées à un régime alimentaire prescrit. Après l'initiation, le chasseur reçoit quelquefois une ceinture magique qu'il porte sur lui. Ce rite est répandu notamment parmi les vieux chasseurs de grand gibier et devrait conférer le pouvoir de disparaître face au danger. Ainsi s'il est attaqué par un éléphant, le chasseur peut faire appel à ce pouvoir et s'éclipser. La magie entre en jeu au moment où le chasseur cède à la panique ou lorsqu'il émet un son.

Durablité de la chasse de subsistance
Les techniques de chasse et l'exploitation par les chasseurs de la viande de brousse à des fins de subsistance ont fait l'objet de nombreuses études mais rares sont celles qui ont évalué leur intensité et leur durabilité. On continue à chasser de façon croissante et les activités vont de la chasse de subsistance à la grande chasse pratiquée par des professionnels, seuls ou en groupe, qui consituent des réseaux et concluent des accords pour le transport du gibier jusqu'aux centres urbains et pour sa commercialisation. Malgré la diminution de la plupart des populations animales due à la surexploitation et à la destruction des habitats naturels, la quantité de viande de brousse écoulée sur les marchés citadins reste inchangée. D'après Feer (1993), la disponibilité croissante de viande de brousse sur ces marchés ne résulte pas d'un équilibre atteint entre la chasse et les taux de production naturelle mais de l'expansion constante des terrains de chasse qui envahissent souvent les aires protégées. Quand les animaux disparaissent localement, les chasseurs n'hésitent pas à s'aventurer plus loin et consacrent plus de temps aux expéditions de chasse pour obtenir le gibier désiré.

La surexploitation n'est rentable qu'à brève échéance. Quand elle dépasse la capacité de production des populations sauvages elle aboutit à la longue à leur raréfaction et à un amenuisement de leur nombre qui rendra la chasse improductive. Au plan écologique et économique, il serait plus approprié de réglementer les activités et de fixer des niveaux durables tout en aménageant la faune et son habitat pour assurer le maximum de productivité. Pour ce faire il faudrait mettre au point une méthode simple d'évaluation de la durabilité de la chasse de subsistance en Afrique. Cela est d'autant plus nécessaire que la notion de conservation fait aujourd'hui l'objet d'une évolution et abandonne la protection intégrale pour se tourner vers la prise en compte des besoins des collectivités locales et la reconnaissance accrue du rôle de la chasse de subsistance dans cette protection.

Des indices et des modèles ont été mis au point pour une première évaluation de la durabilité de la chasse dans les forêts tropicales, mais ils se fondent pour l'essentiel sur des exemples pris en Amérique latine (Robinson et Redford, 1991; 1994; Bodmer et al., 1993). Robinson et Redford (1994) ont analysé cinq de ces indices basés sur des comparaisons de la densité de population, de la baisse de densité, du rendement de la chasse, de l'évolution des rendements et de la structure de l'âge. Les indices permettent de déterminer à tout moment si la production est supérieure ou inférieure à la demande de prélèvement. C'est ainsi que dans une étude sur la chasse dans les forêts des basses terres de l'Amazonie, Bomer et al. (1993) ont observé que les primates et le tapir terrestre Tapirus terrestris étaient surexploités par les ruraux vivant dans la région de Tahuayo de la Reserva Communal Tamshiyacu-Tahuayo au Nord-Est du Pérou, mais qu'en revanche les artiodactyles et les grands rongeurs ne l'étaient pas. Les auteurs ont donc conseillé d'interrompre la chasse des espèces surexploitées et de fixer des niveaux pour les artiodactyles et les rongeurs afin d'en assurer l'utilisation durable et de protéger les espèces surexploitées.

La fixation et l'application d'un niveau durable de chasse en Afrique favorisera considérablement à longue échéance non seulement la conservation de la faune sauvage mais aussi la chasse de subsistance au profit de tous ceux pour qui elle est le principal moyen d'existence. Les facteurs servant à déterminer les niveaux d'exploitation durables sont:

  • l'intensité et la variation des modèles de chasse;
  • l'état des populations des espèces de gibier;
  • le renouvellement de la population d'une espèce donnée;
  • la réaction des populations d'animaux sauvages à la chasse.

Malheureusement on ne dispose pas de telles informations pour de nombreuses forêts de l'Afrique ce qui rend très difficile l'évaluation de la viabilité de la chasse de subsistance.

4.2.3. Traitement et commercialisation de la viande de brousse

Les normes de traitement et de commercialisation de la viande de brousse varient d'une zone à une autre. Dans certains cas elles sont tellement rigoureuses qu'il est pratiquement impossible de les observer sans investir d'énormes capitaux en abattoirs et entrepôts frigorifiques. Dans d'autres cas, il n'existe ni règles ni normes et la qualité de la viande de brousse vendue sur le marché varie largement. C'est cette dernière situation qui domine en Afrique de l'Ouest où pratiquement aucune norme n'est en vigueur pour le traitement et la commercialisation de la viande de chasse.

Dans la plupart des pays d'Afrique de l'Ouest quand bien même il existerait des normes d'hygiène pour la viande des animaux domestiques elles s'appliquent rarement au traitement et à la commercialisation de la viande de brousse et, dans certains cas, sont totalement ignorées. Après avoir tué les animaux et pour les apporter au marché, les chasseurs leur font parcourir dans des sacs de longues distances sans se soucier des conditions d'emmagasinage. Souvent les carcasses voyagent sous un soleil brûlant sur les portebagages des autocars publics et sont ensuite vendues comme viande "fraîche". Il est fréquent que des animaux tués au cours d'expéditions nocturnes attendent le lever du jour avant d'être transportées au marché où elles arrivent plusieurs heures plus tard. Les animaux pris au collet y restent souvent jusqu'à trois jours si les chasseurs n'inspectent pas leurs pièges régulièrement. Parfois les carcasses sont proches de la décomposition lorsqu'elles seront ramassées et vendues corne viande "fraîche" ou fumée. Il ne semble pas non plus y avoir de normes pour la viande de brousse fumée et on vend couramment de la viande mal fumée sur les marchés. Il n'est pas certain si cette situation découle de la rareté du gibier dans la sous-région et de l'intensité de la demande ou si la viande de brousse est tellement recherchée qu'on l'achète dans n'importe quel état. On n'a pas non plus étudié les effets d'un entreposage prolongé dans des conditions insalubres sur la qualité de la viande ni les dangers pour la santé que pose sa consommation.

En Afrique orientale et australe, les normes établies et appliquées pour le traitement et la commercialisation de la viande de brousse sont tellement sévères que, dans certaines zones, la production de viande de gibier est gravement compromise par la pénurie ou l'absence d'entrepôts frigorifiques. Au Kenya, dès 1971/72, les départements vétérinaire et du gibier ont établi pour l'exploitation de Kekopey les dispositions suivantes qui devaient être scrupuleusement respectées pour le traitement de la viande de chasse (Blankenship et al., 1990).

  • Toutes les carcasses devaient être saignées avant l'arrêt du coeur par le sectionnement des carotides.
  • Dans le cas d'un animal tué au fusil n'étaient admises que les blessures à la tête et dans la partie supérieure du cou. Les blessures corporelles entraînaient l'exclusion immédiate de l'animal par défaut de saignement et, partant, risque de contamination.
  • L'éviscération devait se faire dans les 60 minutes suivant la mort de l'animal. (Une durée inférieure n'était admise que pour les animaux de taille supérieure à la gazelle ou l'impala).
  • La température de la carcasse devait être inférieure à 13°C (55°F) quatre heures après l'abattage et à 3°C (8°F) 16 heures plus tard. La chute de température devait être constante sans hausses temporaires.
  • Les carcasses devaient être traitées dans des milieux exempts de poussière et de mouches.
  • Le personnel manipulant les carcasses écorchées devait être lavé, vêtu de vêtements propres et exempt de maladies ou de plaies ouvertes.
  • Un stérilisateur à instruments et des lavabos devaient être mis en permanence à la disposition du personnel s'occupant des carcasses.
  • Un minimum de 33 litres d'eau javellisée devait être disponible pour chaque carcasse traitée.
  • Les carcasses et les viscères devaient être examinées par un inspecteur attitré du département vétérinaire immédiatement après l'éviscération.
  • Les animaux immatures non sevrés n'étaient pas admis et ne devaient donc pas faire l'objet d'une inspection.
  • Les carcassess inspectées devaient être transportées dans des véhicules protégés contre la poussière.

Environ 7% des carcasses prélevées dans l'exploitation de Kekopey et le domaine de Suguroi ont été écartées car elles étaient atteintes de maladies ou présentaient des blessures corporelles. (tableau 4.9)

Tableau 4.9 Causes de l'exclusion de carcasses de gibier prélevées à Kekopey et à Suguroi (Adapté de Blankenship et. al, 1990).

Cause

Impala
Gazelle

Nbre.

% du total

Nbre.

% du total

Saignement insuffisant

-

-

2

0.2

Cysticercose

15

1.7

-

-

Présence de sarcocystes

2

0.2

-

-

Blessures et septicémie

4

0.5

3

0.3

Contamination pendant la manipulation

1

0.1

1

0.1

Blessures/contusions corporelles

7

0.8

38

3.2

Animaux immatures non sevrés

1

1.0

-

-

TOTAL*

30

3.4

44

3.8

* Nombre total d'animaux éliminés: 889 impalas, 1 172 gazelles.

Lorsqu'on encourage la production industrielle de viande de brousse, en dehors des règlements imposés par chaque pays il faut aussi tenir compte des restrictions vétérinaires internationales sur les exportations de viande vers les marchés d'Europe et des Etats-Unis. La production de viande de qualité exige le respect d'un grand nombre de normes (Blakenship et al., 1990). On peut citer les suivantes:

  • Garder au repos les animaux pour éviter d'accroître l'acidité de la viande et de provoquer la dystrophie musculaire (Young 1975), deux facteurs qui abaissent la qualité de la viande.
  • Soumettre à inspection les animaux pour déceler dans leur comportement ou leur posture les signes de maladies éventuelles difficiles à détecter après la mort.
  • Réaliser l'abattage dans un milieu hygiénique propre à minimiser les risques d'infection bactérienne, conformément à des principes humanitaires et en endommageant le moins possible la carcasse.
  • Commencer le traitement par le sectionnement des principaux vaisseaux sanguins, normalement les carotides, avant l'arrêt du coeur, ce qui permet l'évacuation de la majorité du sang de la carcasse et réduit le volume des écoulements qui accélèrent la diffusion des bactéries. Ces opérations permettent de maintenir la qualité de la carcasse.
  • Retirer si possible de la carcasse le tractus alimentaire, qui est une importante source interne d'infection, quelques minutes après l'abattage.
  • Assurer une réfrigération rapide pour inhiber la décomposition bactérienne et enzymatique des tissus.
  • Soumettre à inspection la carcasse et les viscères pour déterminer la présence éventuelle de germes pathogènes nuisibles à l'homme.
  • Commencer le traitement de la viande immédiatement après l'abattage. La congélation, la réfrigération, la cuisson, la mise en boîte, le salage et toute autre forme de traitement doivent se faire dans un milieu hygiénique afin de fournir un produit durable et salubre. Les peaux doivent également être traitées immédiatement pour garantir le haut niveau de qualité du produit.

S'il est difficile en Afrique d'observer toutes ces normes dans le cas des animaux domestiques il serait pratiquement impossible de le faire pour les animaux sauvages sans des investissements coûteux. Certains partisans de l'utilisation de la faune sauvage pour la production de viande estiment excessive la rigueur de ces normes modernes de production . Ils font observer que les agriculteurs, les chasseurs et les sportifs dans le monde entier tuent des millions d'animaux sauvages et domestiques lesquels sont consommés ou vendus à des fins alimentaires, sans qu'on tienne compte des normes d'hygiène officielles ou des maladies. Quoi qu'il en soit, c'est en fonction de ces exigences que sera jugée la production de la viande de brousse, et d'importants investissements en matériel et en efforts de recherche s'imposeront pour les satisfaire et/ou prouver le bien-fondé des techniques de traitement en usage.