SYSTEME MONDIAL D'INFORMATION ET D'ALERTE RAPIDE SUR L'ALIMENTATION ET L'AGRICULTURE  DE LA FAO 
PROGRAMME ALIMENTAIRE MONDIAL 

RAPPORT SPÉCIAL

MISSION FAO/PAM D’ÉVALUATION DES RÉCOLTES ET DES DISPONIBILITÉS ALIMENTAIRES AU BANGLADESH

13 novembre 1998


FAITS SAILLANTS DE LA MISSION

  • Des inondations sans précédent survenues de juillet à septembre ont causé des pertes de production de riz pour environ 2,2 millions de tonnes.

  • En 1998, la production du riz de mousson (Aus et Aman) sera respectivement inférieure de 14 pour cent et de 20 pour cent par rapport à celles de 1997 et 1996 (année normale).

  • Un accroissement de la récolte de riz Boro, semé cet hiver, devrait compenser en partie les pertes dues aux inondations.

  • La production de paddy de 1998/99 devrait s’établir à 26,3 millions de tonnes (17,6 millions de tonnes de riz usiné), soit respectivement quelque 7 pour cent et 5 pour cent de moins qu’en 1997/98 et 1996/97.

  • Les emblavures et les rendements du blé devraient augmenter pendant l’hiver, et on prévoit un accroissement de la production de 10 pour cent.

  • Les besoins d’importations céréalières pour 1998/99 sont estimés aux alentours de 4 millions de tonnes, dont 1,6 million de tonnes de riz et 2,4 millions de tonnes de blé.

  • Les importations commerciales sont estimées à 2,5 millions de tonnes, dont 1 million de tonnes d’achats du gouvernement et 1,5 million de tonnes d’achats du secteur privé.

  • Une aide internationale est nécessaire pour importer le solde de 1,5 million de tonnes et pour remettre en état le secteur agricole en vue de la campagne Boro.


1. VUE GÉNÉRALE


Durant les dix premiers jours de juillet 1998, les premières alertes d’inondations ont été lancées au Bangladesh. A la suite de pluies exceptionnellement abondantes tombées dans les aires de drainage du Brahmapoutre, du Gange et du Meghna, les niveaux d’eau sont montés rapidement en aval, dans la plaine alluviale du Bangladesh. Au cours des deux mois suivants, trois grandes inondations ont eu lieu et environ 50 pour cent du pays s’est retrouvé sous l’eau pendant des périodes allant parfois jusqu’à 67 jours, à des profondeurs pouvant atteindre trois mètres. La récolte du riz Aus a été interrompue, les semis du riz Aman ont été retardés, et dans certaines zones, jamais achevés. Les superficies cultivées ont été dévastées, mais aussi les populations rurales, leurs habitations et le bétail. Lorsque l’eau s’est retirée fin septembre et que les premières communications ont pu être rétablies, il s’est avéré essentiel d’évaluer l’impact des crues sur la production vivrière et les revenus dans ce pays à faible revenu et à déficit vivrier. Une mission FAO/PAM a été promptement envoyée sur le terrain pour évaluer la situation des disponibilités alimentaires, établir des prévisions de production et estimer les besoins d’importations et d’aide alimentaire pour 1998/99.

La mission a reçu l’appui de 11 consultants locaux et de deux agents locaux de la FAO qui ont participé aux travaux de terrain. Elle a été financée par le PNUD et a bénéficié d’une aide considérable du personnel des bureaux de la FAO, du PAM et du PNUD dans le pays. Elle s'est entretenue longuement avec le Ministère de l’alimentation, le Ministère de l’agriculture, le Bureau des Statistiques et plusieurs représentants de donateurs et d’ONG.

Les travaux de terrain ont duré une semaine et des visites ont été effectuées dans 40 des 64 districts du Bangladesh. En ce qui concerne les 24 autres districts, les récoltes ont été évaluées sur la base des statistiques disponibles et des connaissances des consultants locaux. Afin d’identifier les sites et les populations touchées par les pénuries alimentaires, quatre collaborateurs locaux du PAM se sont rendus dans 20 districts touchés par les inondations et ont tenu des entretiens avec les groupes vulnérables et les responsables des gouvernements locaux administrant le nouveau programme d’alimentation des groupes vulnérables.

La mission estime la production totale de riz en 1998/99 à 17,55 millions de tonnes (riz usiné), quelque 1,3 million de tonnes (7 pour cent) de moins que celle de la campagne précédente et de 1996/97. La production de blé de 1999 devrait augmenter de 10 pour cent par rapport à 1998, s’établissant à 1,98 million de tonnes et en hausse de 36 pour cent par raport à celle de 1997. Ainsi, la production céréalière totale (y compris le riz usiné) est estimée à 19,5 millions de tonnes, en recul de 1,1 million de tonnes (5 pour cent) par rapport à l’an passé et de 0,8 million de tonnes (4 pour cent) par rapport à celle enregistrée il y a deux ans. Le rendement moyen de riz est légèrement supérieur, compte tenu des prévisions favorables de la prochaine récolte Boro.

La production des riz Aus et Aman est en baisse de 1,5 million de tonnes (14 pour cent) par rapport à l’an dernier et de 20 pour cent par rapport à 1996 (année normale). Ceci s’explique par la perte d’un million d’hectares de cultures moissonnables causée par les inondations. La mission n’a pas effectué une évaluation indépendante des pertes de récolte liées aux inondations (elle s’est plutôt concentrée sur les prévisions de production), mais il ressort des différences de production entre cette année et il y a deux ans que les pertes dues aux inondations seraient de 2,2 millions de tonnes de riz Aus et Aman. Fin octobre, l’estimation officielle du Ministère de l’agriculture était de 2 millions de tonnes.

La situation des approvisionnements alimentaires à la suite des pertes des récoltes Aus et Aman est extrêmement grave dans les zones touchées par les inondations. Pour les six derniers mois de 1998, le déficit national entre la production nette et les besoins de consommation est de 2,3 millions de tonnes, soit 22 pour cent. Cependant, la situation est bien plus grave dans les zones victimes des inondations.

Pour la deuxième moitié de la campagne de commercialisation (janvier-juin 1999), le déficit devrait être plus limité. Les perspectives du riz Boro et du blé sont généralement favorables. Des mesures efficaces visant à inciter les agriculteurs à ensemencer de plus grandes surfaces et à gérer les cultures de façon plus rationnelle ont été instituées. En outre, l’envasement dans certaines zones améliorera la fertilité, et les coûts du pompage pour l’irrigation diminueront en raison du niveau élevé de la nappe phréatique et de la reconstitution des aquifères, dus aux inondations et aux fortes précipitations d’octobre. La mission estime provisoirement la production de riz Boro à 8,4 millions de tonnes sur une superficie de 3 millions d’hectares (soit respectivement 3 et 5 pour cent de plus que l’an dernier, et 12 et 9 pour cent de plus qu’en 1996). Pour le blé, les prévisions de 2,0 millions de tonnes sont supérieures de 10 pour cent par rapport à l’an passé et s’expliquent essentiellement par un accroissement de 8 pour cent des superficies ensemencées.

Ces prévisions pour les cultures d’hiver dépendront de conditions météorologiques normales et d’une offre adéquate d’intrants. Un examen de la production des cultures d’hiver sera nécessaire pour confirmer les estimations. Sur la base de ces prévisions, le déficit (entre la production nette et les besoins de consommation) pour la seconde moitié de la campagne de commercialisation s’établira à 1,3 million de tonnes. Le déficit correspondant pour la campagne de commercialisation s’achevant en juin 1999 sera, par conséquent, de 3,6 millions de tonnes. Compte tenu de ce déficit céréalier, le Gouvernement envisage d’importer 1,0 million de tonnes par la filière commerciale, les promesses d’aide alimentaire s’élèvent à 1,12 million de tonnes, tandis que la mission estime les importations du secteur privé à 1,5 million de tonnes pour l’année. Les droits d’importation ont été supprimés et les négociants importent désormais de grandes quantités de riz de l’Inde. Ceci, de même que les ventes du Gouvernement sur le marché libre, compensent les niveaux actuellement très bas des stocks intérieurs. En outre, les prix, quoique élevés, n’ont subi qu’une hausse plutôt modérée (15-20 pour cent) depuis les inondations. La mission estime que les prix demeureront relativement stables avec le début de la récolte Aman en décembre.

L’aide alimentaire d’urgence doit être ciblée sur toutes les zones victimes des inondations et aucune distinction ne doit être faite entre les populations touchées directement ou indirectement. Il faut accélérer le rythme des distributions d’aide alimentaire. Il est également important que la majeure partie de cette aide - essentiellement sous forme de blé - soit distribuée rapidement afin d’éviter l’appauvrissement des biens et atténuer les éventuels effets négatifs sur les marchés.

Après la satisfaction des besoins immédiats pour la consommation directe, le rôle principal de l’aide alimentaire d’urgence sera de permettre aux ménages vulnérables de reconstituer leurs biens et d’investir dans des activités rémunératrices.


2. CONTEXTE SOCIO-ÉCONOMIQUE



2.1 L’économie

Le Bangladesh est un des pays à forte densité du monde, avec ses 127 millions d’habitants fin 1998, vivant sur un territoire de 148 000 km2. La majeure partie du pays se trouve dans le vaste delta alluvial formé par la confluence des fleuves Meghna, Gange et Brahmapoutre. Il s’agit d’un terrain plat, de faible altitude, sujet à des crues annuelles. Le Bangladesh est l’aire de drainage d’une zone douze fois plus large que son étendue. Il jouit d’un climat de mousson tropicale, avec 80 pour cent des précipitations abondantes entre fin mai et mi-octobre. Son agriculture est relativement productive, les cultures de riz, la production dominante, étant divisées en trois campagnes (deux pluviales et une irriguée).

L’accroissement démographique annuel est actuellement estimé à 1,8 pour cent et le pays souffre d’un déficit vivrier structurel d’environ 1,5 million de tonnes de céréales. En 1996/97, le PIB était de 259 dollars E.-U. par habitant, quelque 25 per cent de moins que celui de l’Inde et un des plus faibles d’Asie du Sud. La croissance annuelle du PIB a oscillé entre 4 et 6 pour cent au cours des sept dernières années, dépassant la croissance démographique, mais la pauvreté n’en reste pas moins un des problèmes les plus pressants du pays. Selon le Rapport d’évaluation de la pauvreté de la Banque mondiale (1998), l’incidence de la pauvreté a diminué de 43 pour cent en 1991/92 à 36 pour cent en 1995/96, tout en demeurant à des niveaux inacceptables. Dans les zones rurales où vit 80 pour cent de la population, les taux de pauvreté sont encore plus élevés. La croissance économique pour l’exercice budgétaire 1998 a été estimée à 5,5 pour cent en mai 1998, mais pourrait être révisée à la baisse à la suite des dégâts causés par les inondations.

L’économie repose sur l’agriculture, qui représente 32 pour cent du PIB et 63 pour cent de la main-d'œuvre. Cependant, le secteur industriel est en plein essor, en particulier la production de coton, de cuirs, la transformation des aliments et la fabrication de papier. Les secteurs du vêtement et du tricot ont enregistré une forte expansion au cours des deux dernières années.

Le Gouvernement du Bangladesh a adopté une politique de libéralisation progressive (un Programme d’ajustement structurel a été institué à la fin des années 80), mais la privatisation est lente et les pertes des entreprises publiques épuisent le budget déjà déficitaire du Gouvernement (déficit estimé à 1,7 milliard de dollars E.-U. pour l’exercice budgétaire 1998). Les objectifs d’inflation ont été en grande partie atteints ces dernières années, avec une hausse annuelle des prix à la consommation de 3,3 pour cent durant la période 1992-96. La nourriture représentant près des deux tiers de l’indice, le taux annuel d’inflation durant cette dernière année a dépassé l’objectif du Gouvernement, s’établissant aux alentours de 10 pour cent à cause des hausses des prix des denrées alimentaires.

Les exportations du Bangladesh ont récemment enregistré une forte croissance, même si elle est due, pour une large part, à l’essor des industries du vêtement et du tricot. D’autres secteurs produisant des recettes d’exportation, comme le jute, le cuir et les surgelés, n’ont pas bougé. Les importations n’ont augmenté que légèrement, en partie sous l’effet d’une autosuffisance en gaz, du bas prix du pétrole et de la dévaluation généralisée des monnaies en Asie de l’Est. Un excédent courant (de quelque 80 millions de dollars E.-U.) a été enregistré durant la première moitié de 1998. Le déficit de la balance commerciale annuelle pour 1996/97 a été provisoirement estimé à 2,7 milliards de dollars E.-U. (contre 3 milliards l’an passé). Ceci se traduit par un déficit courant de 0,9 milliard de dollars E.-U., après indexation, y compris les envois de fonds importants des travailleurs à l’étranger. Les réserves sont généralement considérées insuffisantes, compte tenu de la vulnérabilité de l’économie aux chocs externes. Le taka a été soumis à des dévaluations modestes mais fréquentes, dans l’ensemble, bien plus contenues par rapport à celles de nombreux partenaires commerciaux du Bangladesh au cours de l’année passée. En effet, l’économie du pays n’a, jusqu’à présent, guère souffert du ralentissement de l’économie mondiale. De nouveaux investissements étrangers réalisés dans le secteur du gaz naturel dans le courant de l’année ont créé une certaine confiance dans les perspectives à moyen terme de l’économie.

Toutefois, cet optimisme modéré est antérieur aux dévastations causées par les inondations dans de vastes zones du pays entre début juillet et fin septembre 1998. Le secteur agricole, d’une importance vitale, a été directement touché et victime de dégâts aux cultures rizicoles Aus et Aman, à l’horticulture de mousson et à certaines infrastructures rurales des régions victimes des inondations. L’emploi a été temporairement réduit, et les coûts importants de remise en état, outre les importations alimentaires accrues, seront à la charge du gouvernement et des populations touchées. L’impact sur l’économie est difficile à prévoir, mais la contraction de la production agricole se répercutera directement sur la production nationale, aura un effet multiplicateur sur d’autres secteurs, et l’accroissement des dépenses publiques exercera une pression supplémentaire sur le budget du Gouvernement. Une aide budgétaire externe est en train d’être mobilisée pour alléger la charge des répercussions économiques des inondations.

Le Bangladesh est classé comme pays à faible revenu et à endettement modéré. Son ratio dette/PIB l’an dernier était légèrement supérieur à 50 pour cent, mais 90 pour cent de la dette est officielle (bilatérale et multilatérale) et bénéficie de conditions très avantageuses. Les paiements du service de la dette (environ 600 millions de dollars E.-U. en 1997) ont représenté 11 pour cent des recettes d’exportation l’an dernier.

2.2 L’agriculture dans l’économie nationale

L’agriculture étant de loin le secteur le plus important, ses résultats ont une incidence directe sur l’économie nationale. Les campagnes agricoles favorables ont un effet bénéfique sur l’économie, tandis que lorsque l’agriculture est en déclin ou subit le contrecoup de catastrophes naturelles (inondations, cyclones), elle entraîne la contraction de l’ensemble de l’économie, l’augmentation des importations de denrées alimentaires (avec les conséquences qui s’ensuivent pour la balance des paiements) et l’accroissement du déficit budgétaire national.

A moyen terme, l’agriculture a progressé de façon soutenue. L’intensité des cultures est passée à 175 pour cent et la production de riz a quasiment doublé depuis l’indépendance en 1971. Ceci s’explique essentiellement par: l’adoption accélérée de puits tubulaires de faible profondeur, l’utilisation de variétés de semences à haut rendement (de 11 à 55 pour cent de la superficie durant les 25 dernières années), et la consommation accrue d’engrais (qui a doublé en 20 ans). Le blé, les pommes de terre et les légumes ont également augmenté, mais pas autant que le riz. Les exportations agricoles de produits de base représentent environ 10 pour cent de toutes les exportations, mais si l’on tient compte des exportations de produits industriels et intermédiaires fondés sur l’agriculture (cuir, jute), la contribution passe à plus de 20 pour cent. Toutefois, c’est à l’alimentation nationale que l’agriculture offre sa plus grande contribution. Le développement rapide de la production de riz s’est accompagné d’une réduction des importations alimentaires, en particulier d’aide alimentaire.

En dépit de ces améliorations, l’insécurité alimentaire constitue un grave problème. Plus de la moitié de la population vit en-deçà du seuil de pauvreté (moins de 2 122 kcal/personne /jour); les taux de malnutrition infantile et maternelle sont élevés.

La superficie cultivée en 1996 était de 13,5 millions d’hectares. On pratique les cultures intercalaires sur 57 pour cent des terres et les cultures triples sur 21 pour cent des terres. L’intensité moyenne est de 175 pour cent, tandis que 44 pour cent des surfaces cultivées bénéficient de systèmes d’irrigation. Le riz occupe 73 pour cent du total des superficies cultivées, suivi des légumineuses (5 pour cent), du blé et d’autres céréales (5 pour cent), du jute et d’autres fibres (4 pour cent), des oléagineux (4 pour cent), des légumes et des fruits (3 pour cent), de la canne à sucre et d’autres cultures de rapport (2 pour cent).

En fonction des différentes conditions climatiques et pédologiques, quatre types de riz ont été identifiés au fil des ans, dont trois de culture pluviale (Aus et Aman) et une irriguée (Boro). Le blé est une culture irriguée d’hiver, mais les températures clémentes limitent les rendements. D’autres céréales telles que le maïs sont cultivées sur de très petites surfaces.

Le tableau 1 présente la production moyenne de riz et de blé sur trois ans, et illustre l’importance du riz T. Aman (repiquage) et du riz irrigué Boro dans l’ensemble de la production rizicole. On notera le rendement élevé du riz Boro.

Tableau 1: Production de riz et de blé, moyenne de 1995/96 à 1997/98

Groupe de céréales
Superficie
(millions d’ha et
% de riz)
Production
(millions de tonnes
et % de riz)
Rendement
(tonnes/ha)
Riz Aus (mars/avr-juin/juil) 1,57(16) 1,80 (10) 1,14
Riz B.Aman (avr/mai-nov) 0,83 (8) 0,81 (4) 0,97
Riz T.Aman (juil/août-nov/déc) 4,92 (48) 8,25 (45) 1,68
Riz Boro (déc-avril) 2,80 (28) 7,61 (41) 2,72
Riz (total) 10,12 (100) 18,47 (100) 1,82
Blé (novembre-mars) 0,74 1,54 2,08
Total 10,86 20,01

La production de céréales est normalement légèrement inférieure à la demande: ce n’est que durant les années favorables non victimes d’inondations ou de sécheresses que l’autosuffisance a presque été atteinte. Le pays n’ayant pas de terres disponibles pour le développement des céréales, et la population augmentant à un taux proche de 2 pour cent par an, toute production supplémentaire devrait venir d’une amélioration des rendements.


3. PRODUCTION CÉRÉALIÈRE EN 1998/99



3.1 Les inondations de 1998

Les inondations ont commencé la première semaine de juillet, avec trois paroxysmes le 28 juillet, le 16 août et le 6 septembre 1998. Plus de 50 pour cent du pays a été submergé; 314 Thanas dans 52 districts ont été touchés à différents degrés d’intensité.

Les inondations de cette année ont été comparées à celles de 1988 en termes de magnitude et de dommages causés, mais les pertes de production agricole ont été jugées supérieures: 2 millions de tonnes (10 pour cent de la production moyenne de céréales) contre des pertes estimées à 1,4 million de tonnes en 1988. La hauteur atteinte par les eaux fluviales et les niveaux maximum de dépassement des cotes d’alerte étaient similaires à ceux des inondations de 1988. La principale différence était que cette fois-ci, les niveaux se sont maintenus au-delà des cotes d’alerte pendant une durée globale de 67 jours, ce qui s’est traduit par des dégâts aux infrastructures et aux habitations plus importants qu’en 1988. Les précipitations ont été supérieures de 57 pour cent à la moyenne en juillet (566 mm), mais seulement de 5 pour cent en août (369 mm). Lors de la visite de la mission, on ne disposait d’aucune donnée pluviométrique pour le mois d’octobre. Cependant, le comportement des pluies d’octobre de cette année est jugé positif et bénéfique aux cultures sur pied.

3.2 Prévisions de production agricole

Le tableau 2 résume les prévisions de la mission au niveau national par rapport aux deux dernières années, tandis que le tableau 3 présente les détails au niveau régional.

La récolte de riz Aus est la première de la campagne de commercialisation, fin juillet. Cette culture en était donc au stade de la récolte lors des inondations. Elle avait déjà subi quelques dommages dus aux fortes pluies tombées début juillet. Le Département de vulgarisation agricole a estimé une perte de production d’environ 218 000 tonnes sur une superficie endommagée de quelque 198 500 hectares. Les principales zones touchées comprenaient Comilla, Chandpur, Sylhet et Habigonj à l’est, et la plaine inondable au sud-ouest du fleuve Padma à Madaripur, Shariatpur, Gopalganj et Faridpur.

Selon les estimations de la mission, la superficie récoltée en riz Aus pour la campagne 1998/99 est de 1,34 million d’hectares et la production de 1,52 million de tonnes. Le rendement devrait être inférieur d’environ 6 pour cent à celui de l’an dernier. Les agriculteurs ont été contraints à récolter une culture qui n’était pas arrivée à maturation pour éviter des pertes plus importantes.

Il y a deux campagnes d’ensemencement du riz Aman, à savoir le riz B. Aman (à la volée) et le riz T. Aman (repiquage). Le riz B. Aman est la culture qui a le plus souffert en termes de pertes de superficies et de production, tout d’abord, parce qu’il est cultivé dans les plaines d’inondation et, deuxièmement, parce qu’il en était au début de la période de végétation lors des inondations. Le Département de vulgarisation estime les pertes à 324 000 hectares. Les districts de Manikgonj, Brahmanbaria et Gopalgonj ont enregistré les pertes les plus graves (plus de 30 000 hectares chacun), suivis de Chandpur, Faridpur, Madaripur, Shariatpur et Habigonj. Pour la campagne 1998/99, la mission a estimé la zone de production à 590 000 hectares et la production à 380 000 tonnes.

Le riz T. Aman est la culture rizicole la plus importante et représente 49 pour cent des superficies et 45 pour cent de la production des trois dernières campagnes. Lorsque les inondations ont commencé, le riz était cultivé dans des lits de semis pour la production de jeunes plants. Le Département de vulgarisation agricole a estimé que plus de 55 000 hectares de pépinières ont été endommagés, ce qui a contraint les riziculteurs à refaire les semis. Les inondations ayant duré pendant toute la période de repiquage du riz T. Aman, elles ont causé deux sortes de dommages: dégâts directs à la culture sur pied et perte de superficies due à la présence des eaux de crue. Le Département a estimé les dommages directs à plus de 587 000 hectares (1,06 million de tonnes de pertes de production) et une superficie d’environ 340 000 hectares non ensemencés (0,4 million de tonnes de production perdue). Les zones les plus touchées sont Barisal (nord du district), Bogra, Nilphamari, Gaibandha, Rangpur, Nawabganj et Naogaon. D’après les prévisions de la mission pour la campagne, les superficies ensemencées seront de 4,4 millions d’hectares et la production de 7,28 millions de tonnes, avec un rendement moyen de 1,65 t/ha, soit 2 pour cent de plus que le rendement réduit par la sécheresse.

Le riz Boro est une culture d’hiver irriguée. Sur la base d’entretiens avec les responsables du Département de vulgarisation agricole au niveau local et en présumant que les agriculteurs s’efforceront de récupérer leurs pertes de production Aus et Aman, la mission estime qu’une superficie d’environ 3,04 millions d’hectares sera cultivée avec un rendement de quelque 8,37 millions de tonnes. Le rendement moyen devrait être inférieur de 2 pour cent par rapport à celui de la campagne précédente (qui avait été particulièrement élevé) en raison de l’impact des inondations sur les capacités d’investissement des agriculteurs. Le problème principal semble être une disponibilité réduite de semences pour les agriculteurs. Les besoins totaux de semences sont de 90 000 tonnes, tandis que les semences normalement détenues à niveau de l’exploitation sont d’environ 85 000 tonnes. Toutefois, les stocks de semences ont été fortement entamés durant cette campagne à cause de pertes. La "Bangladesh Agricultural Development Corporation" (BADC) a un plan de distribution pour 5 000 tonnes seulement, ce qui signifie qu’il faut entreprendre une action immédiate pour importer des variétés de semences adaptées à l’environnement du pays.

Tableau 2: Bangladesh - Production céréalière, 1996/97 - 1998/99

Culture 1996/97
(chiffres réels)
1997/98
(chiffres réels)
1998/99
(prévisions)
1998/99 en % de 1997/98 1998/99 en % de 1996/97
Riz Aus
Superficie (ha) 1 592 1 565 1 341 86 84
Production (en mill./tonnes) 1 871 1 875 1 519 81 81
Rendement 1,18 1,20 1,13 94 96
Riz B. Aman

Superficie 840 814 594 73 71
Production 866 780 384 49 44
Rendement 1,03 0,96 0,65 68 63
Riz T. Aman

Superficie 4 963 4 995 4 416 88 89
Production 8 686 8 070 7 278 90 84
Rendement 1,75 1,62 1,65 102 94
Aus & Aman

Superficie 7 395 7 374 6 351 86 86
Production 11 423 10 725 9 181 86 80
Rendement 1,54 1,45 1,45 100 94
Riz Boro

Superficie 2 783 2 889 3 040 105 109
Production 7 460 8 137 8 373 103 112
Rendement 2,68 2,82 2,75 98 103
Total Riz

Superficie 10 178 10 263 9 391 92 92
Production 18 883 18 862 17 554 93 93
Rendement 1,86 1,84 1,87 102 101
Blé

Superficie 708 805 868 108 123
Production 1 454 1 803 1 980 110 136
Rendement 2,05 2,24 2,28 102 111
Céréales
Superficie 10 886 11 068 10 259 92 94
Production 20 337 20 665 19 534 95 96

Sources: 1996-97 et 1997-98: BBS - 1998-99:prévisions de la mission

Le blé est l’autre culture d’hiver importante. Pour des raisons similaires au riz Boro, on prévoit que les emblavures augmenteront durant la campagne 1998/99 et passeront à 0,87 million d’hectares (+8 pour cent par rapport à 1997/98 et +23 pour cent par rapport à 1996/97), se traduisant par une production de 1,98 million de tonnes (10 pour cent de plus qu’en 97/98 et 36 pour cent de plus qu’en 96/97) et par un rendement moyen de 2,28 t/ha. On peut s’attendre à une amélioration de 2 pour cent du rendement par rapport à la campagne précédente car les agriculteurs ont déclaré leurs intentions d’accroître la production de blé, qui nécessite, en outre, moins d’intrants que le riz Boro. Les besoins de semences de 110 000 tonnes seront essentiellement assurés par les agriculteurs (75 pour cent), tandis que le reste sera couvert par le Ministère de l’agriculture.

Le tableau 4 montre les prévisions de production pour 1998/99 par rapport aux trois campagnes précédentes et la figure 1 présente les tendances à plus long terme.

Tableau 3: Prévisions de production céréalière pour 1998/99, par région

Région
Riz Aus Riz B. Aman Riz T. Aman Riz Boro Total Riz Blé Céréales
Superficie
(mil.
d’ha)
Prod.
(mil. ton.)
Rendement
tonne/ha
Superficie
(mil. d’ha)
Prod.
(mil. ton.)
Rendement
tonne/ha
Superficie
(mill. d’ha)
Prod
(milliers tonnes)
Rend.
tonne/ha
Superficie
(mill. d’ha
Prod.
(mil.
ton.)
Rendement
tonne/ha
Superficie
(mill. d’ha)
Prod.
(mil ton.)
Rendement
ton/ha
Superficie
(mil. d’ha)
Prod.
(mil. ton.)

Rendement
ton./ha

Superficie
(mil. ha)
Prod.
(mil. tonnes)
Bandarban 8 11 1,41 0 0 0 10 23 2,37 4 7 1,98 21 41 1,95 0 0 1,40 21 41
Chittagong 37 62 1,68 0 0 0,00 248 559 2,26 101 267 2,63 386 888 2,30 0 0 2,06 386 888
Comilla 51 77 1,51 83 76 0,92 115 234 2,04 233 664 2,85 482 1 051 2,18 55 127 2,31 537 1178
Khagrachari 5 7 1,54 0 0 0,00 18 41 2,25 5 11 2,19 28 59 2,12 0 0 1,15 28 59
Noakhali 83 82 0,99 5 4 0,88 267 359 1,34 84 209 2,50 438 654 1,49 2 4 2,10 440 658
Rangamati 6 10 1,67 0 0 0,00 10 21 1,98 7 15 2,25 23 45 1,98 0 0 1,69 23 45
Sylhet 135 179 1,33 75 44 0,58 313 475 1,52 307 645 2,10 830 1 344 1,62 5 11 2,04 835 1 355
Dhaka 64 49 0,77 83 23 0,27 51 42 0,82 203 570 2,81 400 683 1,71 36 82 2,31 435 765
Faridpur 150 96 0,64 177 81 0,46 36 42 1,18 118 366 3.11 479 586 1,22 72 163 2,27 551 749
Jamalpur 30 34 1,14 1 1 1,00 128 268 2,09 119 317 2,66 278 620 2,23 39 91 2,33 317 712
Kishoregonj 71 93 1,31 8 11 1,34 160 282 1,77 250 703 2,81 489 1 089 2,23 22 44 2,04 511 1 133
Mymensingh 99 140 1,41 0 0 1,30 209 322 1,54 125 355 2,84 434 817 1,88 19 42 2,27 452 860
Tangail 19 13 0,67 24 27 1,10 60 118 1,95 134 399 2,98 238 556 2,34 27 60 2,27 264 617
Barisal 111 91 0,82 8 6 0,72 356 235 0,66 46 107 2,34 521 439 0,84 11 24 2,17 532 463
Jessore 84 101 1,20 36 34 0,93 253 595 2,35 176 543 3,08 549 1 273 2,32 48 117 2,43 598 1 391
Khulna 10 16 1,50 7 7 2,70 335 581 1,73 57 149 2,62 410 752 1,83 4 9 2,33 414 760
Kushtia 72 93 1,28 8 8 1,00 86 185 2,14 49 136 2,76 216 421 1,95 69 161 2,33 285 583
Potuakhali 70 98 1,39 0 0 0,00 320 506 1,58 12 21 1,75 402 624 1,55 0 0 1,55 402 624
Bogra 12 28 2,39 0 0 0,00 226 434 1,92 229 633 2,76 468 1 096 2,34 14 35 2,43 482 1 131
Dinajpur 26 35 1,34 0 0 0,00 370 613 1,66 145 389 2,68 541 1 037 1,92 146 323 2,22 687 1 360
Pabna 53 29 0,55 47 32 0,68 47 66 1,40 136 384 2,82 283 511 1,80 77 169 2,20 360 680
Rajshahi 95 119 1,26 30 30 0,99 284 422 1,49 237 701 2,96 645 1 273 1,97 106 243 2,30 751 1 516
Rangpur 52 58 1,12 1 1 0,97 514 856 1,67 264 780 2,95 831 1 695 2,04 117 272 2,32 948 1 967
Tout le Bangladesh 1 341 1 519 1,13 594 384 0,65 4 416 7 278 1,65 3 040 8 373 2,75 9 391 17 554 1,87 868 1 980 2,28 10 259 19 534

Source: Prévisions de la mission

Tableau 4: Estimations de la production céréalière en 1995/96 et 1996/97 et prévisions pour 1998/99 (en milliers de tonnes)

Divisions 1995/96 1996/97 1997/98 Prévisions 1998/99

Riz Blé Céréales Riz Blé Céréales Riz Blé Céréales Riz Blé Céréales
Dhaka 4 249 309 4 558 4 679 323 5 002 4 643 393 5 035 4 351 483 4 835
Sylhet 2 390 7 2 397 2 368 3 2 371 2 350 4 2 353 2 104 11 2 116
Chittagong 2 150 105 2 254 2 329 107 2 436 2 338 121 2 459 1 978 131 2 109
Rajshahi 5 389 678 6 067 5 934 751 6 686 6 123 976 7 099 5 612 1 042 6 654
Khulna 2 286 260 2 546 2 376 259 2 635 2 416 297 2 713 2 446 288 2 734
Barisal 1 225 10 1 235 1 196 11 1 207 993 12 1 005 1 062 24 1 087
Total Bangladesh 17 687 1 369 19 056 18 883 1 454 20 337 18 862 1 803 20 665 17 554 1 980 19 534

Sources:1996/97 - 1997/98: BBS - 1998/99: prévisions de la mission

Les légumières de la campagne de la mousson ont beaucoup souffert des inondations de cette année. Environ 70 000 hectares de légumes sont cultivés durant la mousson (107 000 hectares durant la campagne Boro), donnant 0,36 million de tonnes de légumes (0,8 million de tonnes de Boro). D’après l’estimation du Département de vulgarisation, les superficies endommagées sont de 71 pour cent, ce qui correspond aux estimations communiquées à la mission par les agriculteurs. On estime qu’il y aura un accroissement considérable des cultures de légumes durant la prochaine campagne Boro (+15 pour cent), mais au nord et au nord-ouest, les pluies tombées fin octobre ont inondé certains semis précoces de cultures légumières et ont retardé les semis d’autres cultures.

Dans le pays, 180 000 hectares environ de terres sont consacrées à la culture des fruits. Les agriculteurs ont signalé de graves pertes de superficies fruitières, en particulier pour les jaquiers, qui représentent quelque 15 pour cent de la superficie totale du pays cultivée en fruits. De nombreux agriculteurs dans les divisions de Dhaka, Khulna, Rajshahi et Chittagong ont signalé des pertes allant jusqu’à 75 pour cent. Les importantes plantations de papaye et de banane ont également été endommagées.

Par ailleurs, le bétail a également souffert dans les zones touchées par les inondations. Les effets directs sont les pertes de volailles, de caprins et de bovins, dues à la montée des eaux et aux crues soudaines dans le nord-est. Mais le plus grave pour le secteur de l’élevage est la perte d'alimentation animale (en particulier, paille de riz des cultures Aus et Aman endommagées), l’affaiblissement du bétail et l’augmentation des maladies, en particulier chez les bovins. Les prix du bétail ont chuté à cause de la grave pénurie de fourrage et de la vente des animaux par les agriculteurs ayant besoin d’espèces pour acheter des vivres ou rembourser leurs dettes.

La pisciculture a également été fortement perturbée dans les zones de plaine car les étangs ont été submergés, avec de graves pertes de peuplements précieux. A l’inverse, sur une superficie bien plus vaste, il y a une abondance temporaire de poissons sauvages entraînés par les eaux de crue. Les eaux se sont retirées en septembre et ces poissons se sont retrouvés prisonniers dans des dépressions naturelles, des lacs, des étangs, des rivières et des champs, ce qui s’est traduit par une forte recrudescence de la pêche pour récolter ces stocks inattendus. Les prix du poisson ont baissé de 30 pour cent dans les zones touchées par les inondations et une consommation accrue de poisson a partiellement compensé la perte d’autres aliments. Toutefois, l’arrivée de la saison sèche (plus tardive que d’ordinaire à cause des fortes pluies d’octobre) se traduira par l’épuisement des stocks de poisson et le retour à des disponibilités plus normales.

La mission invite urgemment à déployer tous les efforts pour élargir les superficies irriguées pour la prochaine campagne Boro. La fourniture de pompes à faible hauteur pour les eaux de surface, qui ne requièrent aucune installation, est jugée la solution la plus rapide et la plus accessible. La mission s’inquiète également d’un grave déficit courant pour le financement des intrants de base de la prochaine campagne, en particulier dans les zones victimes des inondations où les récoltes ont été perdues et la main-d'œuvre drastiquement réduite. Une nouvelle initiative du Gouvernement a été annoncée pour développer les facilités de crédit et améliorer l’accès au crédit des agriculteurs et des métayers, mais rares sont les fermiers qui ont pu profiter des nouveaux mécanismes plus souples. Un système de crédit amélioré contribuerait à compenser le déficit de trésorerie des zones touchées par les inondations et à garantir des superficies suffisantes de cultures Boro et une utilisation d’intrants quasi optimale.

Le Ministère de l’agriculture, par le biais du Département de vulgarisation, a lancé sans délai un programme de relèvement d’un coût de 346 millions de Taka (7,4 millions de dollars E.-U.), dont devrait bénéficier 1 million de familles rurales sans terres, marginales et de petits exploitants, gravement touchés. Le but est d’accroître la production des cultures Boro, en particulier du blé et du riz, en augmentant aussi bien les superficies que les rendements, en fournissant des intrants (semences, engrais et matériel). La zone ciblée est de 125 000 hectares pour une production escomptée de 265 000 tonnes.


4. SITUATION DES APPROVISIONNEMENTS ALIMENTAIRES



4.1 Prix du riz et accès à la nourriture

La période à laquelle la mission s’est rendue dans le pays (octobre) est normalement une période de soudure qui précède la récolte Aman, avec de faibles niveaux de stocks et des prix élevés. Cette année, avec le recul de la production Aus de 19 pour cent, les stocks détenus par les agriculteurs et les négociants sont très bas. Le Gouvernement est en train de reconstituer les stocks de riz et de blé avec son programme d’importations commerciales, à des prix relativement peu élevés. Compte tenu d’un bon niveau de production céréalière en Inde, de taux de change favorables et de la suppression des droits d’importation, les négociants importent actuellement des quantités relativement importantes de céréales (riz et blé). La plupart des marchés situés en zone de frontière ne stockent désormais que du riz importé. Les importations commerciales totales pour la campagne de commercialisation 1998/99 sont estimées à 2,5 millions de tonnes - beaucoup plus que toute autre campagne depuis 1994/95.

Actuellement, les prix du riz, compris entre 14,5 et 16,0 taka/kg, sont supérieurs de 2-3 taka aux prix de juillet (avant les inondations) et d’environ 4 taka à ceux enregistrés il y a un an. Les prix sont normalement les plus élevés à cette époque et leur hausse n’est due qu’en partie aux effets des inondations. Les prix auraient augmenté davantage si on n’avait pas encouragé les importations et si le Gouvernement n’avait pas institué une politique de vente en marché libre. On estime que les prix se maintiendront aux niveaux actuels avec, peut-être, une petite baisse après la récolte Aman.

Le principal problème que doivent affronter les zones victimes des inondations est la perte de revenus et de salaires qui a réduit le pouvoir d’achat et l’accès à la nourriture, compte tenu des prix relativement élevés des trois derniers mois. Tout porte à croire que les travailleurs à faible revenu et les métayers de ces régions ont fortement réduit leurs niveaux de consommation de céréales. Le Programme d’alimentation des groupes vulnérables du Gouvernement a été élargi à 4 millions de familles, avec une ration qui ne fournit, toutefois, que 25 pour cent des apports céréaliers normaux. Les perspectives d’emploi s’amélioreront en décembre lorsque la récolte commencera et que les préparatifs des terres pour les cultures d’hiver (y compris Boro) auront démarré.


4.2 Bilan alimentaire national

Pour ce qui est des disponibilités alimentaires nationales, il convient de considérer les deux moitiés de la campagne de commercialisation 1998/99 séparément. La première (juillet-décembre 1998) couvre les récoltes Aus et Aman, et la seconde la récolte Boro et la moisson de blé. Pour la période se terminant fin 1998, la production nette ne suffira pas à couvrir les besoins de consommation et il manquera 2,34 millions de tonnes (22 pour cent), tandis que pour la période janvier-juin 1999, le déficit sera de 1,29 million de tonnes (12 per cent), sur la base des estimations de la mission pour les récoltes d’hiver. Toutefois, les situations locales varient énormément; dans les districts victimes des inondations, le déficit juillet-décembre 1998 dépasse de 70 pour cent celui de districts comme Narshingdi et Brahmanbaria. La carte 1 montre les districts ayant les plus graves déficits vivriers pour la période juillet-décembre 1998, en kg par habitant. Les zones fortement déficitaires sont celles qui ont subi des inondations et celles comptant de vastes populations urbaines. Le tableau indique les déficits au niveau des divisions pour les deux périodes et pour la campagne entière. Les Divisions de Dhaka et Chittagong sont les plus déficitaires, non seulement en raison de leur forte population urbaine mais aussi parce que certaines parties de ces divisions ont été directement touchées par les inondations. La figure 2 présente la production nette et la consommation pour la campagne de commercialisation en cours, par division.

Tableau 5: Bilans alimentaires céréaliers par division pour 1998/99 (prévisions)

Districts Population 1998/99 (milliers) Excédent/ déficit juil/déc
(milliers de tonnes)
Excédent/ déficit
juil/déc
(kg/hab)
Excédent/ déficit janv/juin (milliers de tonnes) Excédent/ déficit janv/juin
(kg/hab)
Excédent/ déficit juil/déc
(milliers de tonnes)
Excédent/
déficit
juil./déc.
(kg/hab)
Bangladesh 127 006 -2 341 -18 -1 286 -10 -3 628 -29
Division Barishal 8 749 112 13 -595 -68 -483 -55
Division Chittagong 24 759 -660 -27 -893 -36 -1 553 -63
Division Sylhet 8 102 -48 -6 -85 -11 -134 -16
Division Dhaka 39 134 -1 792 -46 -391 -10 -2 183 -56
Division Khulna 15 047 201 13 -253 -17 -52 -3
Division Rajshahi 31 216 -154 -5 931 30 777 25

 

Bilans céréaliers 1998/99: Prévisiobs par Division

En résumé, le déficit vivrier devrait être le plus critique durant la première moitié de la campagne de commercialisation, plus particulièrement de septembre à novembre. Après la récolte Aman, la situation des approvisionnements s’améliorera et les récoltes de riz Boro et de blé s’annoncent bonnes.

Le tableau 6 présente la situation alimentaire du pays sous forme d’un bilan céréalier national fondé sur:

Tableau 6: Bangladesh: Bilan de l’offre et de la demande de céréales, juillet 1998 - juin 1999 (en milliers de tonnes)


Riz Blé Total
DISPONIBILITÉS INTÉRIEURES 22 726 2 708 25 434
Stocks d’ouverture 5 172 728 5 900
Production 17 554 1 980 19 534
UTILISATION TOTALE 24 351 5 108 29 459
Consommation alimentaire 17 653 3 556 21 209
Alimentation animale - 50 50
Semences et pertes 1 755 198 1 953
Stocks de clôture 4 943 1 304 6 247
Exportations - - -
BESOINS D’IMPORTATIONS 1 625 2 400 4 025
Imp. commerciales prévues* 1 600 900 2 500
Promesses d’aide alimentaire 25 1 100 1 125
Importations non couvertes - 400 400

* y compris les importations du gouvernement d’un million de tonnes.

Les besoins d’importations totales de 4 millions de tonnes seront sans précédent au Bangladesh (ceux de 1987/88 s’élevaient à près de 3 millions de tonnes). Les termes favorables de l’échange pour les importations de blé et un certain soutien budgétaire international laissent entendre que le Gouvernement a toutes les chances d’atteindre son objectif d’un million de tonnes. Les négociants privés ont déjà importé 0,9 million de tonnes durant la campagne de commercialisation en cours et un total de 1,5 million de tonnes est plausible. Il reste encore à combler une part importante des besoins d’aide alimentaire de 1,5 million de tonnes, dont des promesses de contributions pour 1,125 million de tonnes, chiffre qui semble destiné à augmenter.

A ces niveaux d’importations, les stocks de riz baisseraient de 230 000 tonnes durant la campagne, tandis que les stocks de blé augmenteraient de 580 000 tonnes - soit un accroissement global de 350 000 tonnes. L’accroissement des stocks de blé servirait de fonds régulateur des pénuries futures, constitué durant une année de bas niveaux de prix internationaux du blé et d’une plus grande offre d’aide alimentaire.

4.3 Besoins d’aide alimentaire

Les inondations catastrophiques de 1998 n’ont pas seulement causé un déficit céréalier national d’environ 1,5 million de tonnes que le Gouvernement et le secteur privé ne seront pas en mesure de couvrir, mais ont également eu un impact dévastateur sur un grand nombre de populations victimes d’une grave insécurité alimentaire. La majorité d’entre elles ont perdu, outre leur récolte, leur bétail et leurs biens matériels, leurs possibilités d’épargne et d’emploi. Afin de subvenir à leurs besoins plus immédiats de survie, nombre d’entre elles ont dû contracter des emprunts chers ou emprunter à la famille ou aux amis. Cette combinaison de pertes de biens et d’endettement empêche un relèvement rapide et peut avoir un effet très négatif sur les apports alimentaires quotidiens, avec les conséquences particulièrement graves que cela peut entraîner pour les groupes vulnérables, comme les enfants en bas âge et les femmes enceintes/allaitantes.

L’aide alimentaire d’urgence destinée au Bangladesh devrait, par conséquent, être d’un volume adéquat, mais aussi être bien ciblée sur les groupes vulnérables qui ne disposent guère de moyens de surmonter les épreuves liées aux récentes inondations. Les problèmes rencontrés dans la sélection des bénéficiaires et la fourniture d’une assistance dans les meilleurs délais constitueront, par conséquent, des facteurs primordiaux pour définir les besoins réels d’une aide alimentaire d’urgence.

Une grande partie de la population rurale les producteurs et les nombreux paysans sans terres, sans distinction, souffrira de déficits vivriers à court terme. Toutefois, si les graves pénuries ne dureront que jusqu’à la prochaine récolte début 1999 pour la plupart des producteurs, un grand nombre de personnes démunies, ayant un accès économique réduit à la nourriture, subiront le contrecoup de la catastrophe pendant une période beaucoup plus longue. Une aide d’urgence remplira, par conséquent, les fonctions suivantes:

• soutien nutritionnel jusqu’à l’amélioration des disponibilités alimentaires locales;

• préservation des revenus qui, sinon, seraient consacrés aux achats de nourriture;

• création d’emplois et remise en état des infrastructures endommagées grâce aux programmes vivres-contre-travail.

Sur la base des prévisions du déficit national de l’offre, la FAO et le PAM estiment les besoins globaux d’aide alimentaire pour la campagne agricole 1998/99 à 1,5 million de tonnes. Il sera toutefois fondamental que l’essentiel de cette aide (principalement de blé) soit distribué rapidement afin d’éviter un appauvrissement ultérieur et réduire les éventuels effets négatifs sur les marchés.

 

Bénéficiaires et prestations

Les inondations ont compromis les moyens d’existence de 25 à 30 millions de personnes, soit directement (pertes de récolte et de bétail, destruction d’habitations, perte de biens matériels, etc.), soit indirectement (possibilités réduites d’emploi pour les journaliers, hausse des prix alimentaires, baisse de revenus due aux remboursements de prêts à des taux d’intérêt élevés). Les propriétaires terriens et les métayers (en particulier ceux qui avaient versé des avances de caisse pour les baux) ont subi les retombées directes les plus graves. Les effets indirects se sont même fait sentir dans les zones environnantes moins touchées. En conséquence, les critères de sélection des bénéficiaires d’une aide d’urgence devront inclure les ménages souffrant d’insécurité alimentaire qui pâtissent particulièrement des effets indirects, sans avoir pour autant subi de pertes directes importantes.

Même dans les zones qui ont essuyé de graves pertes, il n’est pas exact de penser qu’un ménage pauvre moyen se retrouve désormais sans revenus pour plusieurs mois. Certains seront en mesure de refaire les semis ou de cultiver des cultures de remplacement du riz Aman. D’autres trouveront un emploi dans les activités de remise en état, comme l’extraction du limon, la réfection des routes endommagées, etc. La mission estime donc que sur la base d’un revenu de 1200 Tk/mois (c’est-à-dire le revenu d’un ménage rural très pauvre en temps normal), le ménage a perdu entre 400 Tk et 800 Tk/mois (l’équivalent de 8,50 à 17 dollars E.-U.) de revenus par la perte de l’emploi, sans grande différence entre les zones directement touchées et les zones environnantes. En outre, une famille pauvre doit affronter des dépenses supplémentaires d’environ 180 Tk (3,75 dollars E.-U.) par mois, dues à la hausse des prix du riz et du blé sur le marché.

Ces effets indirects s’élèvent à 600-1 000 Tk/mois, ce qui, aux prix réels du marché, correspond à 50 à 80 kg de blé ou 10 à 15 jours de salaire d’un travailleur. Il s’agit là d’une perte considérable, que de nombreux ménages ne pourront surmonter qu’en contractant des emprunts, ce qui influera sur leur sécurité alimentaire pour une longue période après les inondations. Les pertes de récoltes ont vraisemblablement été beaucoup plus importantes pour les fermiers et les propriétaires terriens qui pourraient être victimes d’une forte insécurité alimentaire, même s’ils n’étaient pas si pauvres au départ.

Une fois que les besoins alimentaires d’urgence pour la consommation directe auront été couverts, le rôle de l’aide alimentaire sera d’alléger la charge économique des ménages vulnérables afin de leur permettre de reconstituer leurs biens et d’investir dans des activités rémunératrices.

Comme il sera très difficile d’appliquer des critères de sélection trop rigides, dans un contexte de besoins massifs et de moyens de gestion limités, on recommande un ciblage géographique couvrant un pourcentage élevé de besoins dans chaque zone. Le Bangladesh a des structures très fonctionnelles et démocratiques aux plus bas échelons administratifs pour cibler l’aide alimentaire.

L’aide alimentaire devrait être ciblée sur toutes les zones victimes des inondations, et aucune distinction ne devrait être faite entre les populations touchées directement et indirectement. En fonction de la gravité de la crise, un pourcentage beaucoup plus élevé de la population devrait bénéficier d’une assistance, (jusqu’à 60 pour cent dans les villages les plus en difficulté). La distribution actuelle des secours ne permet de couvrir que 5 à 20 pour cent de la population dans les zones touchées; la plupart des responsables publics chargés de la distribution conviennent qu’il faudrait au moins doubler les cartes de rationnement.

Mise en œuvre de l’aide alimentaire

Les programmes suivants peuvent servir à la distribution des secours alimentaires:

Le programme VGF est le programme spécifique pour les secours en cas d’inondation. Il est censé rester en vigueur jusqu’en décembre 1998/janvier 1999 et couvrir 25 à 30 millions de personnes.

On envisage de distribuer 400 000 tonnes de céréales, dont une grande partie est fournie par le PAM, avec d’autres fonds en provenance du gouvernement et des donateurs bilatéraux.

Les activités des programmes d’aide alimentaire existants pour le relèvement et le développement rural, dont la plupart sont exécutées par le PAM en coopération avec le gouvernement, peuvent être renforcées pour absorber 400 000 tonnes destinées à couvrir les besoins d’environ 4 millions de personnes. Un élargissement de ces programmes permettra d’assimiler 150 000 autres tonnes. Ces programmes viendront en aide aux ménages particulièrement démunis victimes des effets à plus long terme des inondations.

Les programmes de vivres-contre-travail, d’alimentation scolaire et de secours gratuits exécutés par le gouvernement devraient avoir une capacité de 380 000 à 420 000 tonnes. Ils seront en mesure de couvrir l’essentiel du déficit de l‘offre estimé à 1,5 million de tonnes, ce qui laisse environ 150 000 tonnes, qui ne seront pas assurées par les programmes ciblés. Au cas où aucun autre débouché n’était trouvé pour une distribution ciblée par les filières du gouvernement ou des ONG, le reste de l’aide alimentaire pourrait servir à constituer la réserve céréalière stratégique du gouvernement.

Comme il a été dit plus haut, la réussite des secours alimentaires dépend de la rapidité de leur mise en œuvre. Le temps est un facteur important pour deux raisons principales: éviter un nouvel appauvrissement de la population affectée et réduire les éventuels effets négatifs sur les marchés. D’après des expériences récentes, durant une année normale, on peut distribuer quelque 700 - 800 000 tonnes d’aide alimentaire de blé sans que les marchés locaux s’en ressentent. Avec une consommation accrue de blé - principalement sous forme de secours - la capacité d’absorption du blé devrait être plus élevée cette année. En tous cas, les besoins de secours immédiats doivent être prioritaires même si cela entraîne des perturbations sur le marché. Toutefois, les secours doivent être éliminés progressivement dès que la situation des approvisionnements alimentaires des bénéficiaires s’améliore, et l’aide alimentaire "excédentaire" devrait servir à constituer une réserve stratégique pour des activités futures de vivres-contre-travail. Il ne faut en aucun cas que l’aide se transforme en une distribution prolongée, surtout gratuite.

Moyens logistiques

Les capacités des ports (Chittagong et Mongla), l’organisation logistique et le mécanisme de coordination mis en place suffisent à recevoir et à livrer l’aide alimentaire prévue et les expéditions commerciales, estimées aux alentours de 4 millions de tonnes pour l’exercice budgétaire courant. Le PAM a renforcé ses moyens, qui consistent en un personnel spécialisé dans les ports de Chittagong et de Mongla, et a installé dix dispositifs de contrôle alimentaire à l’intérieur du pays. Le PAM coopère également avec le gouvernement pour la préparation/mise à jour des plans de distribution des vivres et du plan de coordination dans les ports pour éviter de créer des goulets d’étranglement.

 

 

Le présent rapport a été établi sous la responsabilité des secrétariats de la FAO et du PAM à partir d'informations provenant de sources officielles et officieuses. La situation pouvant évoluer rapidement, prière de s'adresser aux soussignés pour un complément d'information le cas échéant.

Abdur Rashid
Chef, SMIAR, FAO
Télex 610181 FAO 1
Télécopie: 0039-06-5705-4495
Courrier électronique:[email protected]
Mme J. Cheng-Hopkins
Directeur régional, OAP, PAM
Télex: 626675 WFP 1
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