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Commentaires sur la situation dans le bassin méditerranéen

Ricardo Vélez9
9 Coordinateur pour l'Espagne du Réseau FAO/Silva Mediterranea sur les incendies de forêt.
LES CAUSES DES INCENDIES: PRATIQUES TRADITIONNELLES DE BRÛLAGE ET ABANDON DES TERRES

Les statistiques sur les causes des incendies de forêt dans la région méditerranéenne sont loin d'être complètes, mais il est évident que la majorité des feux sont allumés par les populations. Cependant les facteurs naturels, tels que la foudre, déclenchent eux aussi des incendies de forêt, qui peuvent occasionner des dommages énormes s'ils se produisent dans des zones isolées. Par exemple la foudre est à l'origine de l'incendie qui a brûlé plus de 30 000 ha à Aroya-Enguera (Espagne) en 1979. Cependant le nombre d'incendies d'origine naturelle est en moyenne assez faible au regard de ceux d'origine humaine.

Les bergers qui mettent le feu aux forêts et aux herbages pour favoriser le regain des pâturages sont une cause importante d'incendies. Si cette pratique est effectuée sans prendre les précautions nécessaires et si elle coïncide avec des conditions climatiques à haut risque, les incendies de forêt sont pratiquement inévitables.

Les agriculteurs utilisent également le feu pour éliminer les chaumes des récoltes et font reculer la forêt pour laisser la place à l'extension des terres agricoles. Malgré les risques évidents, on voit souvent les agriculteurs mettre le feu aux résidus agricoles alors que de grands feux non maîtrisés sont en train de brûler dans la même zone.

Les statistiques officielles sur les causes des incendies révèlent un pourcentage élevé d'incendies d'origine inconnue ou criminelle. Un certain nombre d'études sociologiques ont été conduites par l'administration espagnole dans les zones à haut risque après 1975. Différentes méthodologies ont été utilisées. En général, ce sont les réunions de groupes et les discussions directes sur les lieux qui ont été les moyens les plus fructueux pour recueillir l'opinion des populations rurales. Afin de vérifier les informations obtenues auprès de la population rurale, une autre enquête a été menée auprès des forestiers et des autorités locales.

L'analyse des données historiques sur les feux, basée sur les documents judiciaires, les plans d'aménagement forestier, les vieux journaux et brochures, effectuée par trois universités dans différentes régions, a fourni une grande quantité d'informations sur les causes des incendies et les régimes des feux.

A la lumière des conclusions de ces études, une série de mesures visant à modifier le comportement des populations ont été définies. Certaines de ces mesures sont orientées vers des méthodes persuasives. D'autres sont destinées à changer les lois en matière d'utilisation des forêts et des terres. Un troisième groupe concerne les actions répressives.

Des études supplémentaires dans le domaine de l'économie rurale sont nécessaires pour expliquer la violence actuelle du problème des incendies de forêt. La diminution de la population rurale peut expliquer l'accumulation croissante des combustibles en forêt. Parallèlement, le vieillissement progressif de la population restante favorise le maintien des pratiques anciennes comme le brûlage incontrôlé. Les populations rurales pratiquent le brûlage en zone forestière depuis des siècles mais les incendies n'avaient jamais atteint les records actuels en terme de nombre d'incendies et de dégâts.

Un programme d'accords entre l'administration et les agriculteurs pour promouvoir le brûlage dirigé pourrait être un moyen d'empêcher les incendies de forêt dans la plupart des régions. D'autre part, l'augmentation des patrouilles mobiles dans les zones à risque représente un moyen efficace de réduire le nombre actuel des incendies d'origine criminelle.

Outre ces mesures, un programme permanent d'éducation pour éviter une mauvaise utilisation du feu dans les espaces naturels est en cours. Cette activité se décompose en campagnes ciblées pour chacun des groupes à risque: agriculteurs, bergers, promeneurs, chasseurs et enfants.

D'autres mesures politiques doivent être réexaminées pour éviter les effets connexes indésirables, tels que ceux dus aux subventions de l'Union européenne en faveur du bétail sous pâturage extensif et de l'abandon des terres. Le risque incendie doit être pris en considération dans la définition de ces mesures.

L'EXTINCTION DES INCENDIES: LES LOURDES CONSÉQUENCES DU TRANSFERT DE RESPONSABILITÉ DES SERVICES FORESTIERS À DES SERVICES STRUCTURELS DE LUTTE CONTRE LES INCENDIES

Au cours de la dernière décennie, les pays méditerranéens de l'Union européenne ont effectué des investissements très élevés dans la mécanisation (avions, camions citernes). Dans la plupart des cas, ceci n'a pas été intégré dans une politique forestière générale assurant aussi les investissements nécessaires dans les domaines de la sylviculture et de la sensibilisation du public. Ainsi, l'absence de mesures de prévention a souvent rendu inefficaces les efforts d'extinction des incendies lorsque les conditions environnementales étaient extrêmement rudes.

Il s'ensuit un cercle vicieux - prévention inefficace des incendies, coûts d'extinction élevés, augmentation du nombre des incendies - aux conséquences catastrophiques.

La situation peut même empirer lorsque certaines administrations tentent de résoudre le problème en transférant toutes les responsabilités de l'extinction aux services structurels de lutte anti-incendie.

Ces services travaillent habituellement avec un équipement mécanique et n'ont généralement aucune expérience de l'utilisation des techniques spécifiques de lutte contre les incendies de forêt (personnel, outils, systèmes d'attaque etc.).

La mise en application de cette politique a débouché sur plusieurs grands incendies (Marseille, France 1997; Catalogne, Espagne 1998; Athènes, Grèce 1998, etc.).

En revanche, il existe plusieurs exemples d'expériences positives en d'autres lieux (par exemple dans d'autres régions d'Espagne) où une coopération étroite entre tous les services se traduit par l'utilisation adéquate des ressources et une bonne performance du système dans son ensemble.

La mise en œuvre d'une politique intégrée de protection est une nécessité absolue; tous les moyens doivent être répartis de manière équilibrée entre la prévention et l'extinction des incendies, sous l'égide d'une politique forestière englobant l'ensemble des problèmes.


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