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Gestion des incendies basée sur la participation des communautés: expérience de la Province Occidentale de Zambie et leçons à tirer

Peter G.H. Frost48
48 Institut des études sur l'environnement (Institute of Environmental Studies), Université du Zimbabwe, Zimbabwe.
INTRODUCTION

La combustion de la biomasse est un phénomène courant et très répandu dans tout le monde tropical. Les incendies de végétation, qu'ils soient allumés pour diverses raisons par les populations, ou par la foudre, sont fréquents et couvrent de grandes étendues. Les feux alimentés par le bois, le charbon de bois ou les résidus agricoles sont la principale source d'énergie domestique pour la cuisine et le chauffage. Le feu est aussi utilisé pour éliminer la biomasse lors du défrichement des terres destinées à l'agriculture, ou, après la culture, pour se débarrasser des résidus agricoles indésirables. On estime qu'environ 1,7 million de km2 (17 pour cent) de l'Afrique subéquatoriale brûlent chaque année (Scholes et al. 1996). L'ensemble de ces feux constitue une source importante de gaz traces et de particules en suspension libérés dans l'atmosphère. On évalue actuellement la quantité de biomasse brûlée chaque année à 6230-8700 Tg49 dm an-1, dont environ 87 pour cent sous les tropiques. Sur ces derniers, près de la moitié (49 pour cent) est attribuée aux feux de savanes, comprenant à la fois les incendies et les feux liés à l'utilisation des terres. Le reste correspond à la combustion du bois de feu, des résidus agricoles et des abattis de déforestation, en proportions à peu près égales. Pour les tropiques, on estime que 42 pour cent des émissions sont dues à l'Afrique, 29 pour cent à l'Asie, 23 pour cent à l'Amérique du Sud et 6 pour cent à l'Océanie (Andreae 1991).

49 1 téragramme (Tg) = 1012 g = 106 t, 1 gigagramme (Gg) = 109 g = 103 t.
Le contrôle du brûlage par le gouvernement central, réglementé par des lois visant à éviter l'utilisation non contrôlée du feu en rendant illégal le brûlage de la végétation effectué sans autorisation, a visiblement manqué ses objectifs. De façon perverse, il pourrait même avoir augmenté la fréquence du brûlage incontrôlé en décourageant les personnes qui allument un feu, pour quelque motif que ce soit, ou qui rencontrent un feu brûlant de façon non contrôlée, de tenter de le maîtriser, de peur d'être identifiées comme, ou soupçonnées d'être, responsables de la mise à feu. Etant donné qu'il est très facile d'allumer un feu, et que la superficie couverte par une végétation capable de s'enflammer facilement à travers toute l'Afrique est immense, il est manifestement impossible aux gouvernements centraux d'exercer leur contrôle. Ce contrôle, dans la mesure où il est possible, ne peut être efficace qu'avec le consentement et la coopération des utilisateurs quotidiens du feu. Pour une grande partie de l'Afrique, où les terres sont traditionnellement sous tenure communale, c'est donc à l'ensemble de la communauté que doit revenir la responsabilité du contrôle de l'utilisation du feu.

Cet article décrit le concept et l'historique d'un programme de gestion des feux faisant ainsi intervenir la participation des communautés, basé dans la Province Occidentale de Zambie (autrefois Royaume de Barotseland). Il décrit les premières étapes accomplies dans l'exécution du programme et, lorsque c'est possible, dégage les leçons à tirer de cette expérience, et, plus généralement, d'autres initiatives encourageant la gestion des ressources naturelles par les communautés en Afrique australe.

L'ENVIRONNEMENT ET LE CONTEXTE SOCIO-éCONOMIQUE

La Province Occidentale de Zambie occupe plus de 121 000 km2 à l'extrémité occidentale de la Zambie, à la frontière avec l'Angola. Elle est couverte de forêts claires, de forêts sur nappe phréatique, de prairies, de plaines et de marécages. La région est divisée en deux par le fleuve Zambèze qui inonde chaque année la plaine de Bulozi, d'une superficie de 4270 km2. Le substrat d'une bonne partie de la région est constitué par du sable du Kalahari très pauvre en éléments nutritifs, tandis qu'à l'est, on trouve des sols à peine plus fertiles dérivés de granites du socle métamorphique. Les sols sont en général extrêmement bien drainés, mais, en raison de la topographie très plane, une bonne partie de l'eau s'écoulant sous la rhizosphère finit par se déverser latéralement dans le Zambèze par l'intermédiaire de grands affluents oligotrophiques (Luena, Lueti, Lui, Luanginga et Lungwebungu). La zone est parsemée de nombreux bassins circulaires et divisée par des lignes de drainage souterraines larges, plates et linéaires (dambos en langue vernaculaire), qui sont humides en permanence ou de façon saisonnière, en raison de la combinaison des précipitations et du niveau généralement élevé de la nappe aquifère sous les sables du Kalahari. Environ 37 pour cent de la région sont compris dans ces paysages de "basses terres", le reste constituant les "hautes terres"' (terme relatif compte tenu de l'absence générale de relief).

Le climat a une saisonnalité marquée, avec plus de 93 pour cent des précipitations annuelles réparties entre novembre et mars (van Gils 1988). Il existe un gradient de précipitations marqué du sud au nord, compris entre 730 mm de précipitations annuelles moyennes à Sesheke (coefficient de variation: 32 pour cent) et 1021 mm par an à Lukulu (CV 17 pour cent). Les températures annuelles moyennes sont comprises entre 20,8°C (Kaoma) et 22,2°C (Mongu).

La végétation a été décrite entre autres par Fanshawe (1971), van Gils (1988), et Jeanes et Baars (1991). Les formations boisées couvrent environ 63 pour cent de la région, le reste étant occupé par des prairies et de la brousse. La forêt claire sur sable du Kalahari est la formation végétale dominante, couvrant près de 56 180 km2 (46 pour cent de la province), essentiellement dans la zone de contact entre le sable du Kalahari et les types de sols adjacents. Les forêts claires sont confinées sur des sols de profondeur intermédiaire, et sont remplacées progressivement par la forêt claire à teck du Zambèze (Baikiaea plurijuga) avec l'augmentation de la profondeur du sol et du drainage. Les forêts claires sont dominées par Erythrophleum africanum, Burkea africana, Terminalia sericea, Guibourtia coleosperma (mzauli) et Pterocarpus angolensis (mukwa). Beaucoup de ces arbres produisent des bois précieux. L'industrie du bois était autrefois florissante dans la région, basée surtout sur l'extraction du teck du Zambèze, du mukwa et du mzauli. Une extraction importante et apparemment non réglementée se poursuit encore aujourd'hui. D'autres types de forêts claires comprennent le miombo (Brachystegia speciformis, Julbernardia globiflora), le mopane (Colophospermum mopane), le munga (Acacia sp.), et la forêt sèche sempervirente dominée par Cryptosepalum exfoliatum.

La petite agriculture paysanne, essentiellement de subsistance, est le mode d'utilisation des terres le plus courant dans la province. Le manioc, le sorgho, le millet, le maïs et le riz sont les cultures principales, cultivées sur de petites parcelles sur les sols humides des basses terres (petites céréales, maïs et riz) ou dans des champs dégagés par défrichage des terres boisées (manioc). La plupart des familles possèdent du bétail, les bovins étant majoritaires. La province est l'un des centres les plus importants de Zambie pour la production bovine. Près de la moitié de ces bovins effectue une transhumance saisonnière, passant des hautes terres aux basses terres pour profiter des meilleurs pâturages dans les basses terres pendant la saison sèche, et retournant ensuite dans les hautes terres lorsque les basses terres deviennent trop humides au moment de la saison des pluies. Un bon nombre des incendies qui se produisent dans la province sont associés aux brûlages effectués pour obtenir du fourrage riche en protéines pour le bétail, en provoquant la repousse des herbacées.

Les autres modes d'utilisation des terres comprennent l'extraction du bois d'œuvre à petite échelle (bien qu'il soit de plus en plus commercialisé, les marchands de bois des pays voisins et d'autres régions de la Zambie venant s'installer pour exploiter les ressources en bois restantes), la cueillette d'un large éventail de produits forestiers non ligneux (chaumes de couverture des toits, bois de feu, miel, animaux sauvages, fruits, plantes médicinales), et la pêche. Les taux de pauvreté et de chômage sont élevés.

LE BRÛLAGE INCONTRÔLÉ, SOURCE D'INQUIÉTUDE

Les feux sont très répandus pendant la saison sèche sur les parcours de la Province Occidentale de Zambie (Jeanes et Baars, 1991). La plupart d'entre eux sont incontrôlés et brûlent de grandes étendues de prairies dans les basses terres ainsi que des forêts claires dans les hautes terres. Certains de ces feux sont allumés délibérément, par exemple par les propriétaires de bétail cherchant à induire le reverdissement des herbages pour leurs bêtes, par des chasseurs de rongeurs éliminant la végétation pour faciliter la localisation et la capture du gibier, par des personnes aménageant des pare-feu autour de leurs propriétés ou cherchant à améliorer la visibilité, ou même par des individus jouant tout simplement avec le feu. Dans d'autres cas, les feux sont allumés par des personnes pratiquant diverses activités: défrichage des terres pour y établir des cultures, enfumage des ruches, fabrication de charbon de bois, cuisine, feux pour se réchauffer en attendant un moyen de transport sur le bord de la route, d'où les feux se propagent accidentellement vers la brousse environnante. La plupart des feux continuent à brûler sans pouvoir être contrôlés, si bien qu'ils finissent souvent par s'éteindre à une certaine distance du point de mise à feu, habituellement dans un type de végétation différent de celui pour lequel ils avaient été allumés (Frost, 1992b).

Si les basses terres semblent capables de supporter des feux réguliers, beaucoup de forêts claires commencent à présenter des signes de dégradation due à un brûlage trop fréquent et de trop forte intensité. Ceci est aggravé par l'extraction du bois d'œuvre qui ouvre la canopée forestière, permettant à une plus grande quantité de lumière d'atteindre la strate herbacée, et favorisant ainsi la croissance de plantes herbacées et de buissons résistants au feu qui alimentent les incendies. Ceux-ci, à leur tour, détruisent les arbres les plus sensibles au feu et suppriment le recrû des espèces les plus résistantes, empêchant ainsi la reconstitution de la canopée, qui supprimerait la production d'herbacées, les accumulations de combustibles, et la fréquence et l'intensité des incendies.

Outre son caractère techniquement illégal, cette utilisation répandue et incontrôlée du feu pose un certain nombre de problèmes potentiels aux gestionnaires des ressources: pénurie de fourrage pour le bétail en fin de saison sèche, qui peut largement contrebalancer les avantages obtenus par l'accès à de plus faibles quantités de fourrage de meilleure qualité; diminution progressive de la couverture et de la productivité des terres boisées; et la destruction de bois d'œuvre, de bois de feu, de chaumes de couverture et d'autres ressources dont dépendent de nombreuses populations de la Province Occidentale (Jeanes et Baars, 1991; Frost, 1992a).

Tout en reconnaissant les avantages du brûlage pour induire la repousse d'herbe verte pour le bétail, les chercheurs et les vulgarisateurs agricoles cherchant à augmenter la production et la qualité du bétail ont estimé que des feux trop fréquents et trop étendus diminuaient la quantité de fourrage pour le bétail en fin de saison sèche. C'est ainsi que l'équipe de gestion des parcours du Programme de développement du bétail (Rangeland Management Team of the Livestock Development Programme), initiative commune des Pays-Bas et de la Zambie, a fait faire un bilan des informations et des connaissances existantes sur les feux de savane, afin d'élaborer un cadre pour le développement et la mise en œuvre d'une politique révisée en matière de brûlage, si elle s'avérait nécessaire. L'étude a examiné les régimes des feux de la Province Occidentale; les aspects écologiques du feu dans les écosystèmes de savane de l'Afrique australe, incluant ses effets bénéfiques aussi bien que néfastes; le comportement du feu et les facteurs qui l'influencent; l'utilisation du feu dans la gestion des parcours et des terres boisées; les dispositions légales alors en vigueur en matière de brûlage; et une synthèse présentant les grandes lignes du cadre requis pour une amélioration de la politique en matière de gestion des feux dans la Province Occidentale (Frost 1992a). Cette étude a été suivie par un avant-projet de politique de gestion des feux (Frost 1992b), adopté par la suite à l'échelon provincial et mis en application.

POLITIQUE DE GESTION DES FEUX

Une politique de brûlage programmé et contrôlé de certains parcours choisis dans la Province Occidentale a été proposée (Frost, 1992b). Elle avait pour objectif de trouver un équilibre entre deux exigences: la fourniture d'une quantité suffisante de fourrage au bétail pendant toute la saison sèche, et l'assurance que les autres utilisateurs des terres boisées et des parcours de la province puissent continuer à en retirer des bénéfices. En bref, le but de la politique était de faire en sorte que l'utilisation du feu procure un maximum d'avantages et un minimum d'inconvénients.

Dans ce contexte, le brûlage contrôlé exige que l'on prenne des décisions concernant les points suivants: lieu et moment du brûlage, et façon de procéder; préparatifs nécessaires au contrôle du feu; coordination des actions pour maîtriser la propagation du feu lors du brûlage; et gestion coopérative de la repousse après brûlage. Le brûlage visant à la production de fourrage de très bonne qualité doit être restreint aux types de végétation qui offrent des perspectives raisonnables de repousse prolongée des herbacées durant la saison sèche même si elles sont soumises au pâturage, c.-à-d. essentiellement les prairies humides des basses terres. En revanche, les forêts claires des hautes terres doivent être protégées des feux destructeurs de fin de saison sèche par un programme de brûlage contrôlé précoce, lorsque cela n'interfère pas avec les intérêts des autres utilisateurs des forêts (Frost, 1992b).

Trois options politiques se présentaient: (1) ne rien faire, en considérant qu'il n'y a pas de problème ou que le problème de l'utilisation du feu est trop complexe; (2) décourager l'utilisation du feu, en considérant que ses inconvénients sont bien supérieurs à ses avantages; ou (3) mettre au point un programme de brûlage planifié et contrôlé visant à obtenir un maximum d'avantages et un minimum d'inconvénients. La première option a été jugée sans intérêt car elle ne prenait pas en compte les préoccupations identifiées plus haut. De plus, on dispose d'une somme suffisante de connaissances techniques sur le feu, susceptibles de servir à améliorer les pratiques courantes. Cette option a donc été rejetée.

La deuxième option a elle aussi été rejetée car elle était difficile à mettre en pratique et ne s'attaquait pas au problème de manière satisfaisante. Si les populations font actuellement un grand usage du feu, c'est qu'elles en perçoivent les avantages. Le problème est dû au fait que les feux ne sont pas contrôlés, et non au fait qu'ils ne sont pas utiles. Toute tentative de limiter l'utilisation généralisée du feu est donc vouée à l'échec car les populations l'utiliseront tout simplement en cachette, en espérant ne pas être prises (et il y des chances qu'elles ne le soient pas).

La troisième option, une politique de brûlage planifié et contrôlé sur des parcours choisis de la Province Occidentale, a été considérée comme la seule option viable. Elle reconnaît que l'utilisation du feu possède à la fois des avantages et des inconvénients, et vise à inciter les populations à utiliser le feu de façon plus contrôlée, plus bénéfique. Les principaux parcours sur lesquels il convient d'appliquer le brûlage contrôlé sont les prairies humides des basses terres. Ce sont les zones qui ont les plus grandes possibilités de repousse prolongée après le feu. C'est aussi dans ces zones que la majorité du bétail est concentrée pendant la saison sèche. Cette politique contribuera à atteindre le premier objectif cité plus haut.

Le brûlage n'a pas été recommandé pour toutes les régions de la province. On sait que des feux fréquents pendant la saison sèche sont néfastes aux composants ligneux des savanes. Même si la plupart des arbres des savanes sont adaptés dans une certaine mesure au brûlage répété, des feux répétés peuvent altérer la structure, la composition et la productivité des forêts, surtout s'ils se produisent en fin de saison sèche. Une réduction du couvert arboré représente une perte de ressources pour des personnes très diverses; elle entraîne, entre autres, une diminution de la production de bois d'œuvre, de bois de feu, de charbon de bois, de médicaments traditionnels, de fruits, de miel et de chenilles. Dans le même temps, la qualité nutritive de la couverture herbacée diminue; la production accrue d'herbe qui accompagne la réduction du couvert forestier fournit en général du fourrage de mauvaise qualité pour les animaux, et seulement pendant une période très courte au début de la saison des pluies. La repousse après le feu est négligeable en raison des faibles taux d'humidité du sol.

On a donc jugé appropriée une politique de protection des terres boisées contre les feux fréquents. Il existe cependant certains problèmes d'ordre pratique. La protection totale contre le feu de vastes surfaces boisées pendant un laps de temps assez long pour obtenir la suppression naturelle des incendies, grâce au développement de la canopée et à une diminution correspondante de la croissance des herbacées, est pratiquement impossible dans les conditions climatiques actuelles. Des feux accidentels ou provoqués par la foudre sont inévitables. Compte tenu de l'accumulation des combustibles qui se produit naturellement pendant les premières années de la protection, l'incendie qui en résulterait pourrait avoir des effets catastrophiques sur les arbres. Ceci a entraîné la prescription d'une deuxième mesure politique, celle du brûlage précoce des terres boisées. Les feux de début de saison sèche sont moins destructeurs que ceux de fin de saison sèche. Ils brûlent aussi de manière plus irrégulière, créant ainsi une mosaïque de parcelles brûlées et non brûlées. Un brûlage précoce permettrait donc de limiter à la fois l'éclosion et la propagation des feux tardifs. Cette politique est conforme à celle adoptée par le Département des forêts, et devrait contribuer à atteindre le deuxième objectif cité plus haut.

La politique proposée est assez pragmatique. Des tentatives de proscrire totalement l'utilisation du feu seraient presque certainement vouées à l'échec en raison de la difficulté de faire appliquer ces mesures, surtout s'il s'agit d'une interdiction imposée par des autorités extérieures. Une bon nombre des incendies semblent être provoqués accidentellement par des feux allumés délibérément par les populations pour atteindre des objectifs précis (par exemple, utilisation du feu pour débarrasser les champs de leur végétation et augmenter la fertilité du sol). Les populations continueront à utiliser le feu aussi longtemps qu'elles estimeront que les avantages l'emportent sur les coûts et les risques personnels associés à son utilisation. Accepter cette réalité, tout en reconnaissant qu'un brûlage mieux contrôlé est souhaitable, suppose une perception positive du feu et de sa valeur potentielle pour la gestion des parcours.

STRATÉGIE DE MISE EN œUVRE

Une stratégie de mise en œuvre, basée sur un certain nombre de principes directeurs, a été proposée. Son principe essentiel est que tout programme de brûlage contrôlé doit être planifié en concertation avec la communauté concernée et bénéficier de son soutien. Ensuite, compte tenu du fait que différentes personnes brûlent la végétation pour des raisons différentes, le problème des feux ne peut être isolé du contexte de son utilisation. C'est pourquoi le brûlage contrôlé doit être intégré dans un programme global d'utilisation des terres et de gestion des ressources.

La stratégie de mise en œuvre de la politique décrite plus haut se devait donc d'aborder les questions suivantes:

a) Quel est le niveau de contrôle nécessaire pour obtenir les bénéfices attendus et pour réduire les éventuels effets néfastes des feux?

b) A qui doit revenir la responsabilité d'exercer ce contrôle?

c) Comment cette responsabilité peut-elle être instaurée?

d) Quels sont les conseils techniques nécessaires, en termes quantitatifs et qualitatifs, pour soutenir la pratique du brûlage contrôlé?

e) Quel est le cadre le plus approprié pour la promotion de cette stratégie du brûlage contrôlé?

Le brûlage contrôlé comprend trois éléments: les préparatifs avant le brûlage, pour choisir et délimiter les zones à brûler, et prendre des mesures (par exemple la mise en place de pare-feu) visant à circonscrire le feu à la zone concernée; le contrôle du feu pendant le brûlage, pour s'assurer que le feu brûle la zone voulue mais ne se propage pas aux zones environnantes; et la gestion de la repousse après brûlage en relation avec le pâturage et d'autres modes d'utilisation des terres, pour éviter le surpâturage. Pour être pleinement efficaces, ces trois éléments doivent être coordonnés par les individus. Les membres d'une communauté doivent être impliqués dans les décisions concernant la nécessité du brûlage et son contrôle. Ils doivent être responsables de la détermination des zones pouvant être brûlées, du moment et de l'endroit où procéder au brûlage, et des individus qui l'effectueront; ils doivent aussi être capables de déléguer ces responsabilités. Ceci souligne la nécessité d'une approche intégrée du problème du brûlage chez les utilisateurs des terres, et de la coopération à tous les stades. Le rôle de l'assistance technique à cet égard est de faciliter la prise de décision par la communauté, et non pas d'imposer des décisions.

Les populations utilisent généralement le feu en tant qu'instrument de gestion des ressources naturelles, non comme une fin en soi. L'usage du feu n'est pas non plus limité à un groupe précis au sein de la communauté; différentes personnes allument des feux pour différentes raisons. De plus, le feu ne bénéficie pas à tout le monde (par exemple le brûlage risque de diminuer les quantités disponibles de chaumes de couverture et de bois d'œuvre). Toute tentative d'instaurer un programme de brûlage contrôlé au sein d'une communauté doit donc être conçue sur une base large et tenir compte des raisons pour lesquelles les populations utilisent le feu, des avantages qu'elles veulent en retirer, et des conséquences qu'entraînerait une modification des pratiques d'utilisation du feu. En bref, la stratégie de brûlage contrôlé devra être élaborée dans le cadre d'un programme plus large d'utilisation des terres et de gestion des ressources.

Les programmes de gestion des ressources naturelles basés sur la participation des communautés exigent la délégation de la responsabilité du gouvernement aux organisations locales. Dans le cas de la gestion des feux, un mécanisme existait déjà. La Loi sur la conservation des ressources naturelles (Natural Resource Conservation Act) (Chap. 315, n° 53 de 1970) prévoit la nomination d'une autorité chargée de la lutte contre les incendies pour une région donnée. L'une de ses fonctions consiste à préparer et à faire adopter un plan de protection contre les incendies pour la région, plan qui doit bénéficier de l'accord du Ministre et du soutien des occupants de plus de la moitié du terrain concerné. Le plan doit spécifier les détails concernant la mise en place et l'entretien des pare-feu, et les endroits et les moments où le brûlage contrôlé doit être effectué. Le Comité de district pour la conservation des ressources naturelles joue habituellement le rôle d'autorité chargée de la lutte contre les incendies, mais la loi prévoit que le Ministre puisse nommer d'autres organismes à sa place.

Il faut encourager les communautés à formuler des plans de gestion des feux pour leurs régions et à rechercher une autorité responsable de leur exécution. Les institutions locales capables d'entreprendre cette tâche doivent d'abord être identifiée et renforcées, ou développées. On a jugé qu'une assistance extérieure était cruciale pour faciliter ce processus, à la fois pour aider au développement de la capacité de gestion requise et pour fournir les informations techniques nécessaires permettant d'étayer les décisions à prendre.

La stratégie de mise en œuvre de la politique proposée peut donc être résumée par les principes suivants:

1. Les contrôles en matière d'utilisation du feu imposés par l'extérieur sont voués à l'échec; un programme de brûlage contrôlé doit être élaboré avec la participation et le soutien de la communauté concernée.

2. Pour obtenir les meilleurs résultats possibles, le brûlage contrôlé exige des décisions concernant le lieu et le moment du brûlage, et la façon de l'effectuer; des préparatifs nécessaires au contrôle des feux; des actions coordonnées pour maîtriser la propagation des feux lors du brûlage; et une gestion coopérative de la repousse après brûlage.

3. Des groupes de populations différents ont des raisons différentes de mettre le feu à la végétation; le problème du brûlage ne peut donc pas être isolé du contexte de son utilisation.

4. Le brûlage contrôlé doit être intégré dans un programme global de plan d'utilisation des terres et de gestion des ressources.

5. Pour que le contrôle soit efficace, c'est la communauté qui doit en être responsable.

6. Le gouvernement devra déléguer les pouvoirs de contrôle appropriés aux institutions locales.

7. Lorsqu'il n'existe pas d'institutions locales opérationnelles, elles doivent être réactivées ou créées; ceci nécessitera le développement des capacités de gestion locales.

8. Le rôle primordial de la vulgarisation technique consiste à soutenir la prise de décision par la communauté.

9. Le rythme du développement sera défini en grande mesure par la communauté; l'application de la stratégie prendra probablement un certain temps.

10. Les meilleurs résultats de cette mise en œuvre seront obtenus avec des groupes communautaires de petite taille, cohésifs, relativement homogènes, dirigés par des responsables forts et appréciés.

Un programme de ce type ne sera pas réalisé du jour au lendemain; ce sera un processus lent et incertain.

Pour que la politique soit mise en œuvre, l'équipe de gestion des parcours du Projet de développement du bétail a organisé de décembre 1993 à juin 1994 une série d'ateliers à l'échelon du district pour élaborer des plans d'action adaptés. Les objectifs des ateliers étaient de formuler une ligne politique (des directives) pour le brûlage contrôlé dans le district, et de produire des recommandations pour un plan d'action pour la mise en œuvre de cette politique. Les ateliers se sont déroulés dans cinq des six districts de la province (Sesheke, Senanga, Kaoma, Lukulu et Kalabo) mais le Conseil de district de Mongu a semblé témoigné peu d'intérêt pour accueillir un atelier dans son district. Bien que les ateliers aient été organisés par l'équipe de gestion des parcours du Projet de développement du bétail, les réunions se sont tenues sous les auspices du Conseil de district local et ont été présidées par le Président du Conseil, ce qui leur a conféré un caractère d'activités officielles des Conseils des districts. Les participants aux ateliers comprenaient des membres des conseils de district, des membres et représentants des autorités royales Barotse, des paysans, des fonctionnaires locaux des organismes gouvernementaux, et d'autres parties intéressées. Ces ateliers ont servi à présenter les problèmes à ces parties prenantes. Pendant les ateliers, on leur a demandé leurs réactions et leurs opinions, afin de jeter les bases des actions à venir.

Chaque atelier a duré deux jours. Les séances débutaient par une série d'exposés fournissant le support des discussions ultérieures tenues au cours de l'atelier. Ils comprenaient une introduction couvrant les point suivants: contexte et objectifs de l'atelier (Planificateur du district ou représentant de l'équipe de gestion des parcours); réglementations et arrêtés régissant actuellement l'utilisation du feu sur les parcours (fonctionnaire des ressources naturelles du district ou secrétaire du district); aperçu historique des pratiques traditionnelles de brûlage et des modes de contrôle (autorités royales); politique et stratégie du Département des forêts (agent forestier du district); et recommandations techniques destinées aux propriétaires de bétail en matière de brûlage des parcours dans le district concerné (représentant de l'équipe de gestion des parcours). D'autres présentations, lors de certains ateliers spécifiques, comprenaient des explications sur les activités locales en matière de gestion des feux (Projet agricole de Masese, district de Sesheke) et sur les politiques et les stratégies du district en matière de ressources naturelles (Planificateur du district, district de Senanga).

Après ces exposés, les participants ont été répartis en groupes de travail pour discuter deux groupes de questions organisées selon deux thèmes, le premier concernant les pratiques locales de brûlage et les possibilités de les améliorer, et le deuxième examinant les rôles des autorités spécifiques. Il était également demandé aux participants d'établir une carte de leur région, en indiquant les plaines, les hautes terres, les villages et tout autre élément important. Les groupes étaient priés d'examiner les questions spécifiques suivantes:

Pratiques locales de brûlage

1. Les pratiques actuelles sont-elles bénéfiques?

2. Si elles ne le sont pas, comment peuvent-elles être améliorées?

3. Où, quand, comment et par qui le brûlage doit-il être contrôlé?

4. Qui doit diriger les opérations et s'occuper des coupables?

Rôles des autorités spécifiques
1. Qui doit être responsable de l'application globale de la politique à l'échelon du district?

2. Quels sont les moyens de soutenir ceux qui ont été investis de l'autorité d'effectuer le brûlage contrôlé, dans les domaines légal et technique, aux échelons local et du district?

3. Quelles sont les mesures à mettre en place pour assurer une application efficace?

Résumé des délibérations des groupes de travail

Les participants des ateliers ont convenu unanimement que les pratiques actuelles de brûlage ne sont pas bénéfiques car elles détruisent la végétation, entraînant la perte de ressources naturelles comme le bois d'œuvre et des matériaux de construction; la quantité de fourrage pour le bétail est réduite, et le sol se dénude et devient sensible à l'érosion. Ces effets négatifs ont été attribués à la nature incontrôlée et non coordonnée du brûlage, et au manque de savoir-faire technique des individus qui mettent le feu à la végétation.

Des suggestions concernant les meilleures possibilités d'amélioration des pratiques actuelles de brûlage ont été formulées, notamment: la participation des chefs traditionnels à la prise de décision; l'éducation à l'utilisation responsable du feu; l'introduction d'incitations financières; et une gestion améliorée des feux. La responsabilité du contrôle des feux appartenait autrefois aux chefs traditionnels - indunas et chefs de tribus - qui détenaient leur autorité du pouvoir royal. Les personnes enfreignant les lois locales étaient jugées devant les tribunaux traditionnels. La législation actuelle ne prévoit pas de clause directe pour ce contrôle par la communauté. Tous les ateliers ont vivement recommandé un plus grand engagement des communautés dans les décisions concernant l'utilisation et le contrôle du feu, par l'intermédiaire de leurs chefs traditionnels, et conjointement avec les fonctionnaires du gouvernement tels que les agents responsables des ressources naturelles et les agents forestiers.

La nécessité d'entreprendre une campagne d'éducation dans les zones rurales a été soulignée. Ici encore, l'engagement des autorités locales - conseillers, chefs, indunas, et chefs de villages - a été spécifiquement mentionnée. La volonté de participer peut être motivée dans une certaine mesure par l'espoir de recevoir un paiement pour ces services. La question du paiement a souvent été abordée au cours des ateliers. Si le désir de gagner de l'argent grâce à un engagement dans la gestion des feux est assez compréhensible, il a peu de chances d'être réalisé dans le contexte économique actuel. On a suggéré que les sommes provenant des amendes imposées aux contrevenants soient partagées entre le gouvernement et les chefs traditionnels. Il est probable que cela ne rapporterait pas grand-chose, voire rien du tout. De plus, si le contrôle du brûlage à l'échelon local était efficace, le nombre des amendes serait minime. La question s'est aussi posée de savoir si le fait d'infliger des amendes aux contrevenants était la meilleure façon d'encourager l'application des lois, bien que cette méthode ait été celle utilisée traditionnellement par le passé.

Les suggestions pour des pratiques améliorées de brûlage se sont bornées dans une large mesure à mettre l'accent sur l'utilisation du brûlage précoce des terres boisées pour éviter leur destruction progressive par des feux de fin de saison sèche. Certains groupes de travail ont mentionné l'utilisation du brûlage en milieu ou en fin de saison sèche dans les basses terres pour améliorer la qualité des pâturages, mais on ne sait pas vraiment si cette suggestion reflète la connaissance locale des différents effets obtenus sur différents types de végétation et de milieux selon le moment du brûlage, ou si elle a pour origine les exposés précédents.

Où, quand, comment et par qui le brûlage doit-il être contrôlé? Une fois encore, une large majorité s'est prononcée en faveur de l'attribution des responsabilités aux communautés locales, conjointement avec les fonctionnaires du gouvernement et d'autres personnes possédant les connaissances techniques et l'expérience. Plus précisément, on a suggéré la formation ou la réactivation de Comités de quartier pour les ressources naturelles (Ward Natural Resource Committees), chargés d'élaborer des plans de gestion pour leurs régions, ces plans devant inclure des décisions concernant le meilleur moment pour le brûlage de certains types de végétation ou de zones spécifiques. Bien que les individus aient de toute évidence le droit de déterminer quand ils peuvent brûler leurs champs, on a reconnu la nécessité de coordonner les actions à l'échelle du village ou d'une autre unité communautaire pour le brûlage des pare-feu et pour éviter que les feux n'échappent au contrôle. La responsabilité de cette coordination doit revenir au chef de village, assisté par un comité de gestion villageois.

Tous les ateliers ont adopté une attitude ferme sur la façon de traiter les personnes qui allument des feux sans autorisation. La plupart ont suggéré soit des amendes élevées (montant non précisé) soit des condamnations à l'emprisonnement (l'un des ateliers a recommandé une durée pouvant aller jusqu'à trois ans!). Les contrevenant devraient être jugés par les tribunaux villageois, par les tribunaux locaux dirigées par les silalo indunas (chefs de quartier), ou même par les autorités royales, selon la gravité du cas. On s'est aussi inquiété de la destination des amendes; une grande préférence allant à leur conservation par les autorités locales. Les procès doivent être réglés rapidement.

La question concernant la meilleure façon de faire appliquer la loi est peut-être plus difficile que ne le reflètent les discussions tenues lors des ateliers. La législation existante prévoit déjà des peines fermes, bien qu'imposées par le gouvernement central, et pourtant au dire de tous la législation n'est pas appliquée. Ceci reflète en partie la difficulté d'appréhender et de poursuivre les contrevenants, et en partie l'inquiétude qu'une sanction lourde n'aille à l'encontre du but recherché, par exemple en donnant lieu à des tentatives d'incendies criminels par vengeance. Une approche plus utile serait peut-être de mettre l'accent sur l'éducation et le sens des responsabilités, incluant des services dus à la communauté, les amendes et la prison étant réservés aux récidivistes.

Quels que soient les individus ou les institutions investis de l'autorité appropriée pour le contrôle du brûlage, ils auront besoin d'une assistance juridique et technique. Le Conseil de district est évidemment important en tant qu'institution capable de formuler les arrêtés nécessaires, mais ceux-ci ne sont qu'un instrument permettant l'application de la politique globale; ils font partie de la stratégie de mise en œuvre. Il importe que le Conseil de district soit clair sur la politique qu'il souhaite adopter en matière de feux et sur la stratégie globale qu'il compte suivre, avant que les arrêtés ne soient formulés.

Compte tenu du vaste éventail de problèmes que le Conseil de district doit traiter à tout moment, il est peut-être irréaliste de demander aux membres du conseil de formuler à eux seuls une politique, une stratégie et un plan d'action. Les districts possèdent des Comités de district pour les ressources naturelles (District Natural Resources Committees), au moins en théorie, bien que la plupart d'entre eux soient actuellement en veilleuse et doivent être réactivés. Les contraintes qui les ont amenés à cesser leur activité, telles que l'absence de fonds permettant de couvrir les indemnités de participation aux séances et de transport des membres, doivent être surmontées. Les Départements des forêts, des ressources naturelles et de l'agriculture devraient apporter un soutien technique à ces comités.

Les membres des Comités de district pour les ressources naturelles sont largement représentatifs; ils comprennent des paysans de la région, le Conseil de district (en général le président et le secrétaire), les chefs traditionnels, des organismes gouvernementaux (départements chargés des ressources naturelles, services vétérinaires et de contrôle de la mouche tsé-tsé, départements de la foresterie et de l'agriculture), et les ONG concernées par la gestion des ressources naturelles. Outre leur responsabilité légale de présenter des recommandations au Comité provincial pour les ressources naturelles (Provincial Natural Resources Committee), les comités de district doivent conseiller et assister les Conseils de district et les comités de quartier pour les aspects liés à la gestion des ressources naturelles, notamment l'utilisation du feu.

Les groupes de travail ont convenu que la mise en œuvre efficace de la politique requiert une action à trois niveaux. Les Conseils de district ont la responsabilité de formuler une politique et une stratégie globales de mise en œuvre dans leurs districts, et de préparer les textes des arrêtés nécessaires à l'application de la politique. Il faut également une organisation au niveau inférieur à celui du district (quartier ou silalo) pour assurer la coordination locale entre les communautés concernées. Un comité comprenant le Conseiller de quartier local, le silalo induna, des agents gouvernementaux de terrain et d'autres pourrait être responsable de l'identification des divers types de végétation ou unités de gestion dans leur région, établissant la liste des ressources naturelles présentes dans ces unités de gestion et des personnes qui les utilisent, et décidant des objectifs appropriés de la gestion des feux dans chaque unité et du meilleur moyen de remplir ces objectifs. La responsabilité de conduire effectivement le brûlage dans une zone donnée doit revenir au chef de village, assisté d'un comité villageois comprenant les utilisateurs réguliers du feu.

Recommandations de l'atelier

Six recommandations fondamentales se sont dégagées des ateliers.

1. Les responsabilités de gestion des ressources naturelles doivent être décentralisées. A l'heure actuelle, les communautés locales ne participent pas de manière active à la gestion de ces ressources, car cette responsabilité a été reprise par le gouvernement après l'indépendance. Dans certains cas, ceci a eu des répercussions négatives sur l'état des ressources. Les populations ne pensent pas retirer le moindre bénéfice des revenus générés par les forêts domaniales et régionales (même s'il leur arrive d'en obtenir des ressources par des moyens techniquement illégaux). Elles manquent donc de motivation pour préserver ces ressources.

2. Chaque fois que possible, les fonctionnaires du gouvernement doivent faire participer les chefs locaux lorsqu'ils traitent les problèmes de gestion des ressources naturelles. Les fonctionnaires doivent en particulier travailler en collaboration étroite avec les autorités royales pour assurer une meilleure compréhension des problèmes.

3. L'engagement des communautés est indispensable pour parvenir à une meilleure utilisation du feu et à une meilleure organisation. Les Conseillers de district, les autorités royales et les indunas doivent tous être impliqués activement dans la planification de l'utilisation du feu aux échelons du district et du quartier (silalo) avec l'assistance technique des agents du gouvernement. La responsabilité de l'organisation de brûlages spécifiques doit revenir aux chefs de villages.

4. En général, il existe déjà des réglementations et des arrêtés régissant l'utilisation du feu, bien qu'ils ne soient pas toujours sous une forme facilement accessible ou compréhensible par les populations locales. Chaque fois que possible, l'utilisation du feu doit donc être en accord avec les réglementations existantes. Dans certains cas, les réglementations ne sont pas efficaces et doivent être révisées (aucun exemple précis n'a été donné).

5. Les comités de district pour les ressources naturelles doivent être réactivés. D'après les termes de la Loi pour la conservation des ressources naturelles (Chap. 315, n° 53 de 1970) ces comités sont normalement les autorités chargées de la lutte contre les incendies pour un district et, en tant que telles, sont déjà investies d'un certain nombre de pouvoirs légaux en vertu de la Loi. Ces comités doivent être encouragés à proposer un (ou des) plan(s) de protection contre les incendies pour leurs régions.

6. La sensibilisation des communautés doit être renforcée. Il convient de développer des programmes d'éducation et de vulgarisation pour les différents niveaux présents au sein d'un district. A cet égard, les chefs traditionnels peuvent aider à transmettre les informations aux populations. Il faut envisager l'élaboration de programmes de formation destinée aux membres des comités et aux villageois.

La nécessité de faire participer les dirigeants locaux à toutes les étapes de la prise de décision a été une question omniprésente à tous les ateliers. En particulier, le rôle des autorités royales Barotse, qui influencent de nombreux aspects de la vie des populations, est un élément central pour la compréhension des pratiques traditionnelles de brûlage dans la Province Occidentale. Le sentiment que les populations comprennent et respectent les chefs locaux plus que les fonctionnaires du gouvernement extérieurs à la province a été largement exprimé. Bien que les autorités royales n'aient à l'heure actuelle aucun pouvoir légal, on a estimé qu'elles doivent être consultées à tous les niveaux, au moins pour les questions liées à la gestion des ressources naturelles.

CONCLUSION

Le contrôle efficace du brûlage implique que l'autorité soit détenue par la communauté; les contrôles de l'utilisation du feu imposés de l'extérieur ont échoué dans le passé et continueront à échouer. En cherchant à institutionnaliser la responsabilité du brûlage au sein d'une communauté, on espérait qu'il serait utilisé de façon plus mesurée et plus responsable. Cependant, la faiblesse des institutions locales fait qu'il est généralement difficile pour les communautés de mettre en œuvre et de poursuivre les politiques et pratiques appropriées liées à une gestion et à une utilisation durables des ressources naturelles, et en particulier les approches intégrées nécessaires à une gestion efficace des biens communs. Ceci est dû en partie au fait que les gouvernements se sont approprié au cours des années la responsabilité de ces ressources sans avoir réellement la capacité de les gérer (Murphree 1991). Les dispositions concernant cette gestion ont eu tendance à se baser sur des restrictions et des contraintes, plutôt que sur des mesures incitatives et des encouragements.

Les gouvernements doivent donc déléguer l'autorité appropriée pour le contrôle du brûlage aux institutions locales, là où elles existent. Si elles sont absentes, ou ne fonctionnent pas, elles doivent être mises en place ou réactivées et la capacité des communautés à prendre leurs propres décisions doit être renforcée. A cet égard, la vulgarisation doit viser à soutenir la prise de décision au sein d'une communauté plutôt qu'à l'imposer. Etant donné que le rythme sera défini en grande mesure par les communautés elles-mêmes, la mise en œuvre prendra un certain temps, bien que les progrès soient probablement plus rapides avec de petits groupes cohésifs, menés par des dirigeants forts et appréciés de la population.

La gestion des ressources entraîne des coûts considérables en termes de temps, d'énergie, de financement et d'équipements, coûts qui peuvent peser lourdement sur des populations rurales vivant dans la pauvreté. En général, elles n'investiront dans la gestion des ressources naturelles que si elles prévoient une amélioration notable de leur niveau de vie, ou le renversement d'une situation qui menace leur subsistance. Les expériences dans d'autres régions d'Afrique australe semblent indiquer que, pour être à la fois fonctionnelles et solides, les institutions de gestion des ressources naturelles à base communautaire doivent remplir la plupart des critères suivants (Murphree, 1991):

· Les responsables de la gestion des ressources doivent être directement intéressés au résultat. Cela signifie que les gestionnaires des ressources doivent être les propriétaires des terres et les principaux bénéficiaires.

· Il doit y avoir un lien étroit et proportionnel entre les investissements faits pour la gestion et les bénéfices retirés.

· Les bénéfices doivent être tangibles et immédiats.

· Il doit y avoir une autonomie locale dans la prise de décision, en matière de gestion aussi bien que de distribution des bénéfices.

· Le groupe des utilisateurs des ressources doit être assez petit pour être cohésif et réduire les coûts de transaction, mais pas si petit qu'il en devienne exclusif et entièrement centré sur ses propres intérêts.

· Les instances dirigeantes doivent être responsables, transparentes, et largement représentatives de la communauté qu'elles servent.

· Les différents niveaux de responsabilité doivent être emboîtés pour pouvoir appliquer le principe de subsidiarité.

· Les limites des unités de gestion doivent être distinctes et exclusives.

· Les limites politiques et administratives de ces unités de gestion doivent coïncider grosso modo avec les limites biophysiques.

Le dernier de ces critères est souvent problématique car les limites politiques et administratives d'une part, et les limites biophysiques d'autre part, coïncident rarement. Etant donné qu'il n'est pas possible de modifier les limites biophysiques, cela signifie que dans certains cas le paysage administratif et institutionnel devra être renégocié et restructuré. Les difficultés pour y parvenir selon des méthodes démocratiques et équitables ne doivent pas être sous-estimées.

L'identification des unités distinctes de l'organisation sociale qui peuvent exercer ces droits et ces responsabilités présente des difficultés particulières. Si les communautés locales peuvent être considérées comme les institutions de toute évidence appropriées pour la gestion des ressources naturelles (Murphree 1991), l'entité constituant une "communauté" est souvent mal définie. Les théories de l'utilisation commune des ressources, telle que la théorie des biens communs, sont souvent basées sur l'hypothèse que les communauté sont des entités liées et homogènes. En réalité une communauté est constituée de groupes divers ayant des intérêts et des préoccupations différents, des appartenances et des juridictions qui se chevauchent mais ne coïncident pas complètement, et des degrés variables d'association au sein de chacun d'entre eux, et entre eux. Leurs composants sont également hétérogènes, en terme de composition ethnique, de niveau socio-économique, de stratégies de subsistance, de relations de pouvoir, de préférences, d'intérêts, et de "politique de l'affection". En outre, cette diversité est présente à différentes échelles, et les groupes peuvent agir de façon à la fois indépendante et interactive à l'intérieur des unités sociales et politiques plus larges dans lesquelles elles sont emboîtées (Frost et Mandondo, en préparation).

On suppose aussi couramment, mais de façon erronée, que les groupes de populations capables de gérer collectivement les ressources naturelles correspondent aux institutions administratives au niveau inférieur à celui du district. La réalité est différente. Au sein d'une "communauté" il existe de nombreuses institutions exerçant des contrôles de différents types et à des degrés divers - politique, social, spirituel, lié au développement, et autres. De plus, ces institutions ne sont pas statiques mais elles évoluent continuellement pour s'adapter aux possibilités et aux contraintes dès qu'elles apparaissent. Globalement, cette diversité et la dynamique associée posent un défi important et continu à ceux qui cherchent à faciliter la mise en place d'institutions solides pour une gestion des ressources naturelles au niveau de la communauté.

Le manque d'informations précises sur l'état et la dynamique des ressources naturelles ou, si elles sont disponibles, l'utilisation inadéquate de ces informations lors de la prise de décisions, aggravent le problème. A cet égard, on a considéré qu'il serait nécessaire de produire une base de données sur la répartition saisonnière, la localisation, les causes, l'ampleur et les effets observés des feux dans les divers types de végétation de la Province occidentale, mais elle n'existe toujours pas.

Il est peut-être prématuré de dire si l'initiative actuelle sera poursuivie. Le Programme de développement du bétail sous l'égide duquel l'initiative a été lancée est terminé depuis longtemps, et il n'y a donc plus aucun soutien technique ou engagement extérieurs. Bien entendu, pour être durables à long terme, ces initiatives doivent devenir indépendantes d'un soutien extérieur, ou tout du moins ne pas en dépendre complètement. En d'autres termes, l'initiative doit être intériorisée et institutionnalisée au sein de la communauté. Il reste à découvrir quelles seront les actions nécessaires pour atteindre cet objectif.

BIBLIOGRAPHIE

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Murphree, M.W. 1991. Communities as Institutions for Resource Management. CASS Occasional Paper NRM. Centre for Applied Social Studies, University of Zimbabwe.

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