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Annexe 1 - Construction et fonctionnement du four brésilien en ruche d'abeilles*

* Extrait de FO DAP/ARG/70/536 Documento de Trabajo No. 15, "Leña, Charbon y Carbonización", par Laércio Osse. Salta, Argentine, 1974.

1. Construction

Les fours sont rarement construits isolément. Ils sont le plus souvent groupés en batteries comprenant plusieurs unités.

L'emplacement des fours est choisi après une étude soignée portant sur de nombreux aspects, dont les principaux sont: la disponibilité de bois de carbonisation à distance convenable; les facilités d'accès, notamment pour amener le bois et sortir le charbon; l'approvisionnement en eau, pour les fours et pour le personnel; la proximité de villages ou d'habitation, ou la possibilité d'en construire; le relief - de préférence plat - et la nature de la terre - de préférence imperméable et compacte.

Une fois l'emplacement choisi, la marche à suivre pour la construction est la suivante (voir Fig. 15 et 16):

1) Nettoyer et niveler avec soin la place de chaque four.

2) Marquer le centre de chaque four, et y planter un piquet rond P.

3) Marquer le diamètre L, sur l'alignement duquel se trouveront les portes de chargement BC et de déchargement BD.

4) Marquer le diamètre D perpendiculaire à L.

5) En prenant pour centre le piquet P. tracer les cercles I (intérieur) et E (extérieur). La longueur de la ligne D sera égale au diamètre intérieur du four. Le cercle I sera tracé exactement à ce diamètre, le cercle E à ce diamètre + 40 cm.

6) Tracer les lignes L2 et L3 suivant les bissectrices des diamètres L et D.

7) A l'intersection du diamètre L et des cercles I et E. marquer les ouvertures de chargement BC et de déchargement BD, de 1 m de large, et marquer en même temps les contreforts 0, A l'intersection des diamètres L2 et L3 avec les cercles' marquer les cheminées C.

8) Epaisseur du mur: une longueur de brique. Les piliers des portes sont renforcés d'une longueur de brique. Cloisons des cheminées: une largeur de brique (1/2 longueur). Section transversale intérieure des cheminées: une largeur de brique.

9) Le plan du four est maintenant entièrement visible sur le sol.

10) Creuser les tranchées de fondation en suivant le plan. Une profondeur de 20-30 cm est normalement suffisante.

11) Faire les soubassements, sans oublier les ouvertures des portes (BC et BD). Ils doivent être d'une longueur de brique plus larges que le corps du four. Leur surface doit être parfaitement plane.

12) Attacher une perche de bois au piquet central P par une boucle de cordes et planter un clou à hauteur convenable pour empêcher la boucle de tomber. Cette perche tournant autour du piquet central servira de compas pour guider la construction du mur du four.

13) Commencer la construction du mur, en laissant les ouvertures pour les portes, et en faisant les piliers de portes et les cheminées. On peut utiliser plus d'une perche guide de sorte que deux ou plusieurs maçons puissent travailler en même temps. Utiliser un mortier fait d'une partie d'argile molle (une terre sableuse ne convient pas) et d'une partie de charbon de bois pulvérisé, avec suffisamment d'eau pour avoir la consistance voulue. Vérifier fréquemment la montée du mur à l'aide d'un fil à plomb et d'un niveau.

14) En arrivant au niveau du sol, laisser trois ouvertures régulièrement espacées dans l'intervalle entre chaque paire de cheminées. Ces ouvertures appelées "tatous" ont une section transversale équivalente à celle d'une brique.

15) Lorsque le mur est au quart de sa hauteur (environ 45 cm au-dessus du soubassement), laisser deux ouvertures S entre chaque paire de cheminées à la verticale des deux "tatous" extrêmes, et lorsqu'il atteint les trois-quarts de sa hauteur (environ 135 cm au-dessus du soubassement), laisser deux autres ouvertures à la verticale des précédentes entre chaque paire de cheminées. Ces ouvertures sont les orifices de sûreté, et ont une section de 7 x 7 cm.

16) Lorsque le mur atteint une hauteur de 1,60-1,70 m, poser en travers des piliers de portes, dans l'alignement du mur, une plaque d'acier ou des morceaux de bambou, et continuer à monter les briques par-dessus. Les ouvertures de portes, de 1 m de large sur 1,60-1,70 m de hauteur, sont alors terminées.

17) Lorsque le mur atteint 1,80 m de hauteur, il est terminé; il doit être parfaitement d'aplomb, et son sommet parfaitement de niveau.

18) Sur le sommet du mur, poser un rang de briques sur chant (E. Fig. 16). Utiliser très peu de mortier entre ces briques. Autour de ce cercle de briques, placer un cercle de fer plat, ou plusieurs tours de fil de fer, barbelé ou non, et l'ajuster sans trop serrer (le serrage définitif se fera après achèvement de la coupole CI).

19) Tailler en coin les briques qui formeront la base de la coupole, et les poser à l'intérieur du rang circulaire de briques, contre celles-ci.

20) Enlever le poteau central utilisé pour la construction du mur, et le remplacer par un petit piquet, au sommet duquel on attache une corde qui servira de guide pour la construction du toit en dôme.

21) Cette coupole est construite à l'épaisseur d'une largeur de brique, et il est extrêmement important d'utiliser un minimum de mortier entre les briques. Celles-ci sont maintenues en place par la pression latérale plus que par le mortier.

22) Au quart de la distance entre la base de la coupole et son sommet, laisser 10 petites ouvertures équidistantes (B. Fig. 15), à la moitié de cette distance 10 autres ouvertures, et aux trois-quarts encore 6 autres. Ces ouvertures, appelées "bainas", ont une section de 7 x 7 cm. Au sommet de la coupole laisser un trou d'allumage de 20 x 20 cm (A, Fig. 15).

23) Les conduits de cheminées partent de l'intérieur du four à un angle de 45, puis montent verticalement (Fig. 16). Une cheminée partant à angle droit avec la portion verticale ne fonctionnerait pas bien, et serait plus difficile à nettoyer.

Fig. 15

Fig. 16

Lorsque la maçonnerie de briques du four est terminée, les murs peuvent être enduits au ciment et la coupole avec de la boue argileuse, ou, ce qui est le plus courant, les deux sont enduits de boue.

Cet enduit est une boue fluide préparée comme suit: on mélange de la terre argileuse avec beaucoup d'eau' jusqu'à obtenir une consistance de soupe épaisse qu'on laisse ensuite reposer jusqu'à ce que la partie sableuse de la terre coule dans le fond du récipient. L'argile débarrassée du sable est versée sur la surface du four, et elle bouche parfaitement toutes les fissures de la maçonnerie, notamment sur la coupole où la quantité de mortier utilisée est réduite au minimum.

L'enduit de boue passé sur le four après achèvement de la construction et avant la première fournée de charbon est refait régulièrement au cours de chaque cycle de refroidissement, ce qui empêche les entrées d'air et l'inflammation du charbon, et en même temps aide considérablement au refroidissement du four.

2. Fonctionnement

La marche à suivre dans le chargement du four est en général la suivante:

1) Fermer la porte de déchargement en n'utilisant pour lier les briques que du mortier de terre, et non de ciment qui rendrait difficile l'ouverture et entraînerait une perte presque totale des briques.

2) Ranger les bois longs dans le four en les posant sur un bout, en plaçant tout d'abord ceux de plus faible diamètre le long de la paroi, le diamètre augmentant en allant vers le centre. Les bois doivent de préférence avoir leurs extrémités coupées obliquement de manière à faciliter la circulation des gaz; c'est particulièrement important pour l'extrémité supérieure des plus gros bois.

3) Remplir avec soin l'espace entre les rondins pour éliminer tous les vides, trous et défauts d'empilage. Cette opération est appelé remplissage ou aplanissage.

4) Ne pas mélanger des petits bois avec de gros bois. Suivre attentivement les recommandations du par 2: petits bois à l'extérieur le long de la paroi, et bois de plus en plus gros en allant vers le centre, les gros troncs occupant le coeur de la pile.

5) Par-dessus les bois rangés debout, empiler du bois horizontalement sous la coupole du four, en partant également avec des petits bois le long de la paroi, et en mettant les gros bois vers le centre. Remplir avec soin tous les espaces vides.

6) Près du trou d'allumage situé au sommet de la coupole, empiler du bois qui soit facile à enflammer, pour faciliter le départ de la carbonisation.

7) Fermer la porte de chargement du four en liant les briques seulement avec du mortier de terre, comme pour la porte de déchargement. Une fois le four chargé, c'est-à-dire rempli de bois, avec tous les orifices ouverts ("bainas", orifices de sûreté, évents ou "tatous", trou d'allumage), on commence la carbonisation. Cette opération est appelée "cuisson" du bois; elle comprend en bref les phases suivantes:

i) Allumer le four en déversant une bonne pelletée de charbon incandescent par le trou d'allumage pour enflammer le bois, qui doit prendre feu immédiatement. Le charbon peut être remplacé par de l'essence, du pétrole, du gazole, etc.

ii) N'utiliser pour l'allumage du four aucun orifice autre que le trou d'allumage situé au sommet.

iii) Lorsque la combustion a démarré, de la fumée sort par le trou d'allumage, tout d'abord de couleur blanche, devenant plus foncée après quelques minutes. Lorsque la fumée a pris une couleur sombre - signe que le feu a "pris" -, fermer le trou d'allumage avec des briques et de la boue.

iv) Lorsque le trou d'allumage est bouché, la fumée commence à sortir par les "bainas" (orifices de la coupole), blanche au début, devenant bleue après quelque temps. Lorsqu'il sort une fumée bleue, c'est le signe que la zone de carbonisation s'étend, et on doit commencer à boucher les "bainas".

v) Une fois les "bainas" bouchées, les cheminées commencent à fonctionner (ce qui peut aussi se produire avant qu'elles ne soient toutes bouchées). Lorsque les quatre cheminées fonctionnent normalement' fermer tous les orifices de sûreté, en ne laissant ouverts que les "tatous".

vi) Le four continuera à fonctionner de cette manière jusqu'à la fin du processus de carbonisation.

vii) Le charbonnier note la couleur de la fumée. Lorsqu'elle est blanche, blanc grisâtre ou plus ou moins sale, cela signifie que la carbonisation se poursuit; lorsque la fumée qui sort d'une cheminée commence à virer au bleu ou au bleuté, on doit boucher les "tatous" situés de part et d'autre

viii) Le fumée ne devient pas bleuâtre sur toutes les cheminées à la fois. Il faut donc boucher les "tatous" à tour de rôle au fur et à mesure que cela se produit.

ix) Les cheminées peuvent continuer à fumer pendant de nombreuses heures après la fermeture des "tatous". Dans ce cas il ne faut pas les boucher, ce qui aurait pour résultat la production d'une grande quantité de fumerons au voisinage des cheminées.

x) Les cheminées ne doivent être bouchées que lorsqu'elles cessent d'émettre de la fumée.

xi) Lorsque toutes les ouvertures et les cheminées sont bouchées et que l'émission de fumée a complètement cessé, la carbonisation est terminée. On peut alors enduire le four de boue liquide, et le laisser refroidir. Partout où l'enduit de boue se détache, il faut en remettre immédiatement avec soin, car toute entrée d'air provoquerait une inflammation du charbon.

xii) Le refroidissement du four peut être accéléré en pulvérisant de l'eau par le trou d'allumage.

xiii) Le vent peut perturber le fonctionnement des fours. Pour l'éviter, il faut fermer partiellement ou, dans certains cas, complètement les orifices orientés dans la direction du vent. Les cheminées nécessitent également une protection pour défléchir le vent à leur sommet, du fait qu'il influe sur le dégagement de fumée et par conséquent sur la carbonisation.

Le déchargement du four ne doit commencer que lorsqu'il est suffisamment refroidi.

Théoriquement, la température idéale pour ouvrir le four et commencer à le décharger est de 60°C; en pratique le charbonnier apprécie cette température en tâtant les briques qui bouchent les ouvertures de chargement et de déchargement.

Il ne faut jamais ouvrir un four qui ne soit pas suffisamment refroidi; l'inobservation de cette règle provoquera à coup sûr une mise à feu du charbon. Même si on l'éteint immédiatement avec de l'eau, on aura du charbon réduit en poussière, d'où perte.

Avant d'ouvrir le four une précaution essentielle est d'avoir une bonne provision d'eau près de la porte de déchargement pour parer à toute éventualité, sous la forme d'une manche d'incendié branchée sur une canalisation, d'une tonne à eau, etc. L'endroit où le charbon de bois sera stocké doit être nettoyé immédiatement.

La porte de déchargement doit être ouverte rapidement. Le charbonnier vérifie, d'après l'odeur des gaz qui se dégagent, s'il y a du feu dans le charbon et, si cela est le cas, il dégage rapidement la porte pour que le feu puisse être éteint avec de l'eau.

Une fois la porte de déchargement complètement débouchée et les briques soigneusement entassées sur un côté, on défourne le charbon et on le met en tas, en séparant le bon charbon de toutes les impuretés telles que pierres, briques utilisées comme cales lors du chargement, fumerons, cendres, etc. Il reste le charbon marchand. Le charbon de bois sorti du four absorbe de l'air, ce qui provoque son échauffement et peut entraîner une inflammation spontanée. C'est pourquoi il est indispensable de laisser le charbon à l'air libre pendant au moins 24 heures, de sorte qu'il absorbe tout l'air possible avant de le transférer dans un silo ou un magasin.

Le four en ruche d'abeilles, comme n'importe quelle autre installation, demande à être entretenu pour maintenir son efficacité.

1. Lorsque l'enduit de boue s'épaissit après un grand nombre d'applications, il faut l'enlever et en refaire une couche fraîche. Une couche trop épaisse augmente le temps de refroidissement, et diminue le rendement du four.

2. Bien qu'assez solide et stable, le four peut être endommagé par des chocs, et doit donc en être protégé.

3. Les briques se détachent souvent, et doivent être remplacées immédiatement.

4. Les orifices de sûreté et les "bainas" doivent être obturés avec des briques taillées en coin et colmatées avec de la boue; il ne faut jamais utiliser pour cela du mortier ou de l'argile épaisse, en effet ces bouchons doivent pouvoir sauter facilement lorsque le four "souffle". Il pourrait exploser ou s'effondrer s'il ne pouvait souffler librement.

5. Lorsque le four est chargé avec des bois de petites dimensions et très secs, au moment où les cheminées commencent à fonctionner il se produit couramment un accroissement de pression des gaz dans le four. Ils s'échappent par les orifices de sûreté, qui sont progressivement bouchés au fur et à mesure que la carbonisation se poursuit. Lorsque l'expulsion de ces gaz se produit le four "souffle" par bouffées ou "respire", et s'ils ne sont pas libres de sortir ils peuvent provoquer une explosion, et la destruction du four.


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