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La question forestière africaine

PAR LA DIVISION DES FORÊTS ET DES PRODUITS FORESTIERS

En dehors de l'Afrique du Nord, qui est presque entièrement comprise dans la région phytogéographique méditerranéenne, et de la partie sud de l'Union Sud-Africaine, on peut dire que les forêts africaines sont toutes intertropicales 1 Ce sont soit des formations de climat équatorial, chaud, humide et à courte saison sèche, soit des formations de climats tropicaux chauds et à longue saison sèche. Les types de formations forestières - il est difficile pour l'ensemble d'employer le terme de forêt - sont extrêmement variés, non seulement au point de vue botanique, mais également au point de vue économique et social. On peut dire que le seul point qu'elles aient de commun entre elles, est qu'elles sont habitées par des populations encore assez primitives et dont le mode de vie est, en général, néfaste à la forêt.

1 Voir dans Unasylva Vol. I, n° 1, et Vol. II, n° 2, les articles intitulés «La mort des forêts de l'Afrique tropicale» par André Marie A. Aubréville, et «Estimation de la régression dos forêts de l'Afrique tropicale» par H. L. Shantz.

Les résultats du récent inventaire mondial des forêts établi et publié par la FAO ² montrent qu'en Afrique, pour une surface totale de terres de 2.245.198.000 hectares: 290.221.000 ha sont occupés par des forêts productives; 526.672.000 ha par les autres forêts alors que 309.283.000 ha seulement sont occupés par des cultures.

² Unasylva, Vol. II, n° 4. p. 161.

La superficie de forêts productives est inégalement répartie. La superficie par tête d'habitant varie de 11,27 hectares au Congo Belge à 0,13 au Kenya et 0,02 en Somali. Sur les 290.221.000 ha, on considère que 137.567.000 sont des massifs accessibles répartis en: 767.000 ha de résineux; 136.173.000 ha de feuillus; 627.000 ha de boisements mixtes.

Très schématiquement, on peut diviser ces formations forestières en deux grandes catégories:

1. Les formations fermées qui comprennent les forêts ombrophiles denses du type équatorial et certaines forêts d'altitude.

2. Les formations ouvertes, qui se subdivisent en deux grandes classes de peuplements forestiers: les formations sylvo-steppiques du type sahélien et les formations, qualifiées de soudaniennes, dans le centre du continent, qui comprennent les forêts tropophiles (guinéennes) et les savanes boisées (de type soudanais).

Débardage au tracteur-treuil d'une grume équarrie (Photo communiqué par l'Agence Économique des Colonies)

Une relation nette et constante existe entre la présence de chacun de ces types de végétation et les facteurs climatiques. En Afrique, deux facteurs ont, à ce point; de vue, une importance particulière, ce sont d'une part la hauteur annuelle des chutes d'eau et d'autre part, la longueur de la saison sèche. Chacune de ces zones a sa flore forestière particulière et en dehors de quelques exceptions particulièrement aux limites des aires, il n'y a que peu d'interpénétrations entre zones.

Les formations denses: «Rain forests» et forêts d'altitude

Il s'agit là de ce qui est couramment et improprement appelé «la forêt vierge» mais son aire est, en Afrique, beaucoup plus limitée qu'on ne le croit ordinairement car on ne la rencontre que sur la côte occidentale et dans la partie centrale de ce continent. En Guinée française, la «Rain forest» ne constitue que quelques ilôts, assez spéciaux d'ailleurs, sur les montagnes du Fouta-Djalon. Elle devient dense sur le territoire Libérien et sur la Côte d'Ivoire dont elle recouvre toute la partie sud, à l'exception de quelques savanes cotières. En Gold Coast, elle forme une masse imposante qui s'arrête, à l'est, devant les plaines de la Volta. La grande forêt continue ne reprend que beaucoup plus loin en Nigéria et se rattache alors à l'immense massif équatorial qui couvre une grande partie du Cameroun, du Gabon et du bassin du Congo sur les territoires frangeais et belges.

Les conditions climatiques d'existence de ces peuplements sont une chute d'eau annuelle minimum de 1350 millimètres et une courte saison sèche, d'au maximum trois mois. La composition de ces forêts toujours très hétérogènes est extrêmement complexe et il n'est pas possible, de donner ici des renseignements très détaillés sur cette composition dans les différentes régions.

La famille des Méliacées est souvent considérée comme la plus importante au point de vue économique. Ce sont, en effet, les arbres de cette famille qui ont, tout au moins au début, fait la réputation de la forêt africaine. Les Acajous, en particulier, sont fournis par différentes espèces de Khaya et d'Entandrophragma, relativement abondants dans ces peuplements: citons le Khaya ivorensis (African Mahogany ou Acajou d'Afrique), le Khaya anthotheca (Krala, Acajou blanc ou Mangona), l'Entandrophragma cylindricum (Sapele, Sapelli ou Aboudikro), les Entandrophragma angolense and E. utile, etc... Signalons également parmi les essences de cette famille le Guarea cedrata (Bossé, Diambi ou Seenten Guarea), le Turreanthus africana (Avodiré ou Lusamba) et le Lovoa Klaineana (Dibétou, Bombolu ou African Walnut). La famille des Légumineuses moins importante économiquement est, par le nombre des essences et leur proportion dans les peuplements, la mieux représentée et nous pouvons citer le Distemonanthus Bentamianus (Movingui), les Brachystegia sp. (Bubinga), l'Erythrophleum ivorense (Tali) et enfin le Piptadenia africana (Dabema, Dahoma ou Bokungu). Parmi les Rubiacées, les deux essences importantes au point de vue commercial sont le Mytragina stipulosa (Abura, Bahia, Vuku) et le Sarcocephalus diderrichii (Opepe ou Badi-Bilinga). L'Okoumé du Gabon (Aucoumea klaineana), de la famille des Burséracées est certainement l'essence africaine la plus importante au point de vue économique étant donnée son abondance relative en peuplements purs sa réputation comme bois de déroulage. Citons enfin parmi les Sapotacées, les Mimusops heckelii ou Makoré; parmi les Sterculiacées, le Triplochiton scleroxylon (Obeche ou Ayous-Samba) et le Torrieta utilis ou Niagon; parmi les Moracées, le Clorophora excelsa (Iroko ou Kambala); parmi les Combrétacées, le Terminalia superba (Limba ou Fraké) abondant au Congo Belge et très estimé sur les marchés et le Terminalia altissima ou Framiré. Enfin, il ne faut pas oublier les ébènes du genre Diospyros, de la famille des Ebénacées.

On considère qu'il existe dans ces peuplements deux grands types climatiques principaux et la classification généralement retenue est celle des botanistes anglais qui distinguent la «rain Forest», caractérisée par le Triplochiton scleroxylon (Obeche ou Ayous-Samba) et la a «deciduous Forest» caractérisée par des essences comme l'Azobé, (Lophira procera, Ochnacée) le Niangon et l'Avodiré. A côté de ces types climatiques, il existe un type biotique extrêmement répandu qui est La forêt secondaire dans laquelle dominent; les espèces envahissantes, à croissance rapide et avides de lumière mais sans grand intérêt au point de vue économique.

Il existe également de très nombreux types édaphiques tels que le Mangrove, avec ses palétuviers (du genre Rhizophora), les forêts littorales, les peuplements de zones marécageuses, etc...

Les forêts d'altitude n'ont évidemment pas une aire aussi homogène et leur composition botanique est encore beaucoup plus variable. On en rencontre, comme nous l'avons vu, sur les pentes du Fouta-Djalon en Guinée, dans la région ouest du Cameroun puis en ilôts beaucoup plus importants en Uganda, au Kenya, au Tanganyika, au Katanga, ainsi que sur les massifs éthiopiens et dans l'est; de l'Union Sud-Africaine. Quelques ilôts assez délabrés doivent être signalés à Madagascar.

Pour donner quelques exemples, au Kenya, après les forêts denses de moyenne altitude, sans grand intérêt économique, les forêts de montagne, proprement dites, à base de Podocarpus sont en altitude plus ou moins mélangés aux Genévriers (Juniperus procera). Plus haut encore, ce sont les forêts de bambous (Arundinaria alpina). Dans le Ruanda-Urundi, le bambusetum ne constitue plus le dernier étage de végétation et il est suivi par une nouvelle forêt de Podocarpus.

Formations tropicales ouvertes

Ces formations comprennent, comme nous l'avons vu, les forêts tropophiles (du type guinéen), les savanes boisées (du type soudanais) et les formations sylvo-steppiques (du type sahélien).

A la limite de la forêt dense, la zone dite guinéenne couvre en Afrique des superficies considérables. Elle est souvent appelée la forêt-parc (park-land), ce qui donne une bonne idée de son aspect. On la qualifie également de «zone des grandes espèces sociales» car elle forme, sur de très grandes surfaces, des peuplements purs d'essences très caractéristiques.

Ces types de peuplement, à plusieurs espèces d'arbres dominants, se retrouvent partout en Afrique., sous des conditions de climat comparables. Ils constituent une ceinture de végétation subxérophile ou xérophile allant de l'ouest à l'est, de la Guinée au nord du Cameroun, à l'Oubangui-Chari, puis s'infléchit vers le sud pour entourer la cuvette congolaise. Les essences dominantes sont au nord, des Légumineuses des genres Berlina, Uapaca et Lophira. Elles sont remplacées vers l'est par des essences voisines, du genre Isoberlinia qui font place dans l'hémisphère sud, aux Brachystegia. Ainsi, le Katanga, le Tanganyika et le Nyassaland renferment de très belles forêts de Brachystegia, mélangées de Berlinia et de Uapaca.

ESQUISSE PHYTOGEOGRAPHIQUE DE L'AFRIQUE

CARTE DE LA FAO N° 234

Des formations semblables se retrouvent d'ailleurs, mais plus localisées, jusqu'à Madagascar; ce sont des forêts de Tapia, à base de Uapaca.

A l'extérieur de ces formations de type guinéen, mais toujours dans la zone dite soudanienne, les savanes boisées du type soudanais peuvent être botaniquement caractérisées par quelques essences telles que le Karité (Butyrospermum Parkii), le Baobab (Adansonia digitata), le Kapokier (Bombax buonopense) et le Calcedrat (Khaya senegalensis). Ces formations sont climatiquement conditionnées par des précipitations annuelles de l'ordre de 500 à 1000 millimètres d'eau et par une saison sèche assez longue, d'environ sept à huit mois et demi. Une des caractéristiques les plus importantes de cette zone est qu'il s'agit de formations déjà très ouvertes, dans lesquelles le sol est recouvert d'un tapis herbacé continu. Ces immenses savanes brûlent chaque année à La saison sèche. Les «feux de brousse» constituent d'ailleurs beaucoup plus des incendies d'herbes, courant à la surface du sol que des incendies de forêt à proprement parler. Mais bien que les arbres de ces savanes soient adaptés à ces feux périodiques, les dommages causés à la longue aux peuplements sont considérables et il est évident comme l'a souligné le Professeur Auguste Chevalier, que les incendies de savane, répétés depuis des siècles, agissent sur la végétation forestière comme un véritable facteur climatique.

Formations sylvo-steppiques sahéliennes à Acacias, Zizyphus spina-christi, dans le Soudan Anglo-Egyptien (Photo communiquée par H. L. Shantz)

Les formations sylvo-steppiques du type sahélien qui couvrent de grandes surfaces au Sénégal, au Soudan, au Niger, au Tchad, au Soudan Anglo-Egyptien, dans l'est de l'Afrique, en Rhodésie et dans le sud de l'Angola, sont des formations extrêmement ouvertes et diffuses. Les espèces épineuses sont les plus nombreuses et" en particulier, les Acacias dominent: Acacia senegal, Acacia arabica, Acacia tortilis, etc..

La présence de cette végétation étant conditionnée par des précipitations annuelles de l'ordre de 200 à 500 millimètres d'eau et par une saison sèche très longue qui persiste de neuf à dix mois et demi, les arbres sont parfaitement adaptés pour résister a cette siccité. Le tapis herbacé est ici sporadique, discontinu et parfois même absent.

Evolution et rôle des forêts

Après cette courte description du milieu forestier africain, il est intéressant d'étudier l'évolution et le rôle de ces différentes catégories de boisement, de façon à pouvoir faire une synthèse des problèmes qui se posent dans chacune des zones, afin d'en déduire, d'une part les mesures qui doivent être prises sur ce continent pour sauvegarder, améliorer et parfois même constituer les massifs forestiers, et, dans un autre ordre d'idées, pour savoir dans quelles conditions il serait possible de mettre ces énormes richesses en exploitation, non seulement pour améliorer les conditions de vie des autochtones mais également pour combler le déficit en bois des autres continents.

Bien que tous les auteurs soient d'accord sur le fait que la grande forêt ombrophile occupait autre fois un espace beaucoup plus étendu que son aire actuelle, nous pouvons dire que l'existence même des forêts de ce type n'apparaît pas comme réellement menacé par les abus actuels. Nous assistons en réalité beaucoup plus à un appauvrissement des peuplements qu'à une destruction définitive car si cette forêt vient à disparaître pour une cause quelque, l'état boise se reconstitue sous la forme d'une végétation secondaire. Cet appauvrissement est du à l'intensité des déboisements pour cultures, imputables aux indigènes et aux méthodes actuelles d'exploitation qui amènent une disparition progressive des porte-graines des essences précieuses.

L'intérêt des formations équatoriales est triple. Tout d'abord il est certain qu'au point de vue général, les massifs forestiers denses augmentent la quantité d'eau de pluie qui tombe annuellement et cette action se manifeste surtout pendant la saison sèche; ces forêts retiennent; aussi l'eau plus longtemps à la surface du sol. Au point de vue social, on peut dire qu'autrefois les indigènes retiraient de la forêt tout ce qui leur était; nécessaire pour se nourrir, se loger s'habiller et se guérir. S'ils disposent aujourd'hui d'autres sources, il n'en reste pas moins qu'ils continuent à puiser dans ces boisements une grande partie de ce qui leur est nécessaire. Le fait capital est que la forêt fournit aux indigènes tous les terrains de culture; étant donné les pratiques agricoles, elle constitue, dans ce pays, la seule ressource d'humus renouvelable.

Enfin, si la grande forêt équatoriale représente un énorme potentiel de production de matière ligneuse, elle possède déjà actuellement une valeur économique indéniable. Nous avons cité plus haut les principales essences de bois précieux et ordinaires, durs, mi-durs ou tendres déjà connus et appréciés, et les techniciens estiment en moyenne, que l'on pourrait tirer de ces forêts, en espèces déjà commercialisées, de 10 à 25 m³ de bois par hectare. Ces chiffres sont faibles si on les compare aux chiffres des forêts homogènes aménagées, et dans de telles conditions, l'exploitation est toujours conteuse. Si l'on veut utiliser plus à fond le potentiel de production de ces forêts et diminuer le prix de revient des bois, il est indispensable, et les deux faits marchent de pair, d'élargir la gamme des essences commercialisées et de diminuer le coût de l'exploitation. Tels sont les premiers problèmes qui se posent dans les territoires forestiers africains. Mais, l'appauvrissement des peuplements, conséquence des déboisements indigènes et de l'exploitation libre, doit être également combattu par des mesures de caractère réglementaire, par une transformation progressive des pratiques culturales, et surtout par une action purement forestière. Cette action doit se traduire soit par un aménagement des forêts mise en exploitation, soit par des travaux d'enrichissement à entreprendre sur des réserves forestières. Les travaux de protection pure seront alors assez réduits et se limiteront aux massifs des régions montagneuses et de la zone limitrophe forêt-savane.

Formations sylvo-steppiques sahéliennes à Acacias: Graminées, Themeda triandra et Acacia, au Kenya (Photo communiquée par U. L. Shantz)

Sans pouvoir être nié, l'intérêt des formations ouvertes est évidemment plus discutable. Certes, la présence de massifs boisés provoque une augmentation des chutes d'eau, de l'humidité atmosphérique et de la fraction d'infiltration des eaux de pluie; l'évaporation du sol se trouve également diminuée. Si le rôle social des forêts du type soudanien est important pour les autochtones qui tirent de ces boisements un certain nombre de produits indispensables à leur existence, leur rôle économique est beaucoup plus faible. Certaines essences, telles que les Khayas et les Dalbergia peuvent fournir de beaux bois mais les arbres sont très souvent difformes et, de toute façon, ils ne sont pas économiquement exploitables en vue d'une exportation, ces régions étant trop éloignées de la mer. Il ne faut pas pourtant négliger quelques essences présentant un intérêt économique réel, principalement le Karité, qui fournit une graine oléagineuse connue sur tous les marchés, et le Kapokier, qui donne un kapok susceptible d'être comparé aux meilleurs produits de plantations.

Si la forêt équatoriale n'est pas, à proprement parler, menacée dans son existence même, les formations du type soudanien, au contraire, risquent de disparaître si l'on n'y apporte pas rapidement remède. Les deux principales causes de destruction sont les défrichements pour culture et surtout la pratique de feux annuels qui ravagent l'ensemble de ces territoires.

Les formations sylvo-steppiques du type sahélien jouent un grand rôle au point de vue social car leur présence rend possible, sur de très vastes territoires, l'existence de populations nomades ou semi-sédentaires qui se livrent à l'élevage. En saison sèche, lorsque l'herbe a totalement disparu, les essences épineuses compensent pratiquement la pénurie de pâturage car les pasteurs, grâce à la pratique de l'ébranchage, peuvent nourrir leurs troupeaux avec les gousses et les rameaux. Les autochtones, eux-mêmes utilisent largement les produits de ces forêts, en particulier les matières grasses et les produits tannants. L'intérêt climatique de ces formations est assez faible mais, leur rôle, en ce qui concerne le maintien des sables et la protection des cultures est particulièrement heureux. Leur valeur économique est également faible; ils fournissent les quelques bois d'œuvre nécessaires aux nomades, le bois de chauffage indispensable aux populations sédentaires des villes et surtout aux services publics (Compagnies de navigation fluviale en particulier). La gomme arabique constitue, pour certains territoires sahéliens, tels que le Soudan Anglo-Egyptien et le Sénégal français, une source de richesse appréciable.

Ces boisements, qui se poursuivent jusqu'à la limite des déserts, constituent, en quelque sorte un rempart à la progression de ces derniers, et c'est là la raison principale pour laquelle ils doivent être protégés, régénérés, parfois même entièrement reconstitués. Etant donné les conditions climatiques particulièrement défavorables à toute opération forestière, c'est certainement dans ces pays que les services forestiers ont les travaux les plus ingrats et les plus délicats à effectuer.

Les problèmes sylvicoles

Arrêter ou compenser l'appauvrissement de la forêt dense en améliorant sa composition et sa valeur économique, assurer la protection et la reconstitution des boisements de régions sèches, telles sont dans leurs grandes lignes, les problèmes sylvicoles qui se posent en Afrique.

De tels problèmes seraient déjà complexes à résoudre dans des pays évolués, mais sur ce continent, ils se compliquent encore du fait de l'étendue, de l'éloignement et des difficultés de pénétration. La sylviculture tropicale est une science relativement récente; ses techniques ne sont pas toujours au point et d'ailleurs doivent varier selon la composition des boisements, les conditions climatiques, voir même les considérations démographiques et éthiques.

Les puissances tutélaires qui au début ne disposaient d'aucun service forestier ni d'aucune législation, se virent dans l'obligation de tout créer. Elles comprirent rapidement qu'il fallait en premier lieu posséder un inventaire complet des richesses forestières mais aussi connaître à fond le pays, ses habitudes et ses besoins.

La première tâche fut donc un travail de prospections botaniques et forestières, qui permit la création de stations expérimentales pour la mise au point des méthodes sylvicoles. De judicieuses mesures réglementaires purent alors être édictées et des programmes de travaux élaborés et mis en œuvre. Citons, au hasard, quelques noms parmi les pionniers de la foresterie africaine: le Professeur Stebbing, MM. Troup, Johnson, McGregor parmi les Anglais, un Allemand Jentsh, des Belges, de Wildeman, Delevoy et Tondeur et enfin parmi les Français, Auguste Chevalier, Aubréville et Humbert.

Aujourd'hui, ces travaux préliminaires sont déjà très avancés dans la plupart des territoires. Dans plusieurs pays même, le stade de l'inventaire est dépassé et les services sont entrés dans une ère de réalisations pratiques.

L'action du forestier dans la zone de forêt dense

Sous avons vu que la grande forêt ombrophile n'était, en dehors de quelques cas particuliers, pas menacée dans son existence même et que les seuls problèmes qui se posaient étaient d'arrêter ou de compenser son appauvrissement et d'augmenter sa valeur économique. Les solutions à de tels problèmes sont d'ordres sylvicole, agricole et législatif.

Les forestiers ont tenté au début, de baser leur action sylvicole sur de simples mesures législatives car ils manquaient de moyens en personnel, en matériel et en argent, pour mener à bien, par d'autres voies, une action sérieuse. En territoire français, les fameuses «règles de Bertin» sont un exemple en la matière, mais elles s'avérèrent rapidement inefficaces, leur application étant très difficile à contrôler.

En sylviculture africaine, deux grandes écoles ont encore actuellement leurs adeptes. La plus ancienne ne tient compte que des possibilités d'exploitation de certaines essences, aujourd'hui bien connues et déjà commercialisées. Elle prône une sylviculture intensive entièrement à la charge de l'Administration, qui en confie l'exécution à un personnel technique compétent et qui concentre ses efforts sur de très petites surfaces appelées réserves forestières d'enrichissement. Sans se désintéresser du reste des massifs boisés qui présente au point de vue, général un grand intérêt, elle limite dans ce domaine son action, à une réglementation stricte des droits d'usages indigènes.

Une nouvelle tendance se fait jour depuis peu. En fait, elle reprend des travaux déjà anciens de forestiers d'Extrême Orient et même d'Afrique qui préconisaient une sylviculture extensive, basée sur l'utilisation d'un très grand nombre d'essences. Dans ce cas, ce sont les travaux d'exploitation qui doivent constituer les bases mêmes des opérations culturales, mais, pour que ces travaux puissent avoir, sur les peuplements l'effet désiré, il est indispensable que ces opérations soient suffisamment puissantes et qu'elles jouent, en conséquence, sur un grand nombre d'essences et d'arbres. Il faut donc, qu'une gamme très importante d'essences soit commercialisée sous un grand volume, ou tout du moins utilisable localement. Pour les régions à très faible densité de population, et il en existe beaucoup en Afrique, une telle utilisation intensive des peuplements, ne peut être obtenue que s'il existe ou s'il se crée d'importances industries locales de transformation, parfaitement équilibrées et susceptibles d'absorber pratiquement toutes les catégories de bois. Pour atteindre ce but, il faut par ailleurs, que les entreprises soient assujetties à des règles d'exploitation extrêmement sévères, établies sur la base d'un aménagement par surfaces et en particulier qu'elles soient astreintes à sortir périodiquement des quantités déterminées de bois de chacune des essences, ou de chacune des grandes classes d'essences.

Les mesures législatives et réglementaires doivent donc être établies en étroite connection avec la méthode sylvicole adoptée. Les textes en vigueur prévoient tout d'abord une appropriation du domaine boisé par l'état, la colonie, la province, parfois par les collectivités indigènes ou les particuliers. Une réglementation des droits d'usage des autochtones dont les abus étaient toujours préjudiciables à l'état boisé, a été édicté. Les règles d'exploitation sont encore très variables d'un pays à l'autre et diffèrent selon la forme de l'entreprise et le produit recherché.

Enfin, la plupart des pays étudient actuellement les mesures à prendre en vue de modifier et d'améliorer les pratiquées ancestrales des cultures temporaires et d'élevage nomade. Les travaux de la «Semaine Agricole de Yangambi» montrent que, dans ce domaine, un certain nombre de pays ont déjà tenté un effort et sont arrivés à des résultats intéressants.

L'action du forestier dans la zone des savanes

Il est difficile de parler réellement de sylviculture dans les savanes africaines. La plupart du temps les forestiers ont en effet affaire à des boisements très vastes mais très clairs, dont le régime de propriété est indéterminé et surtout sans valeur économique, de sorte que les autorités administratives ont tendance à n'y prêter qu'un médiocre intérêt. Les difficultés pratiques de réalisation et le coût des opérations sylvicoles, encore aggraves par des conditions climatiques très défavorables, ont obligé les techniciens à procéder ici de façon plus extensive encore qu'en grande forêt et leur tâche primordiale a consisté à reconnaître et à mettre en défense les plus riches et les mieux situés de ces peuplements.

En zone soudanaise, la protection doit être assurée avant tout contre les feux annuels qui dévastent ces régions. Les défrichements pour cultures sont en effet précédés d'écobuage mais le feu n'étant pas dirigé, les dégâts sont disproportionnés aux résultats cherchés; les abus d'exploitation sont par contre relativement peu importants. Les réserves qui ont été crées sont donc, le plus souvent, de simples réserves protégées par des pare-feux qui les entourent et les cloisonnent, empêchent les incendies annuels de les dévaster ce qui permet à la végétation primitive de se reconstituer.

Cependant, il a été parfois indispensable de faire de véritables plantations, pour des raisons climatiques ou pour assurer l'approvisionnement en bois de centres urbains, d'industries et de services publics ou privés.

Les techniques de reboisement en savane, inexistantes au début du siècle, ont accompli depuis 1930 de grands progrès, grâce aux travaux des stations expérimentales, qui ont permis de fixer les méthodes et surtout de déterminer les essences robustes et à croissance rapide bien adaptées au climat de ces régions. Les deux grands ennemis des plantations sont, d'une part, l'herbe, qui provoque les incendies de saison sèche et qui risque en saison des pluies d'étouffer les jeunes plants au cours des premières années, et surtout le climat. Les essences doivent être à croissance très rapide dans le jeune âge de façon à être suffisamment développées pour supporter la première saison sèche Les essais sylvicoles ont montré qu'il n'y avait pas de règle absolue en la matière et que, selon les essences et les climats locaux, il y avait intérêt à planter parfois des plants rabattus, parfois des demi hautes tiges, parfois même à procéder par semis directs. Dans la plupart des cas, la nécessité de cultures mixtes agricoles et forestières a été démontrée et cette pratique s'est avérée la plus sûre et surtout la plus économique. Parmi les essences ayant donné satisfaction, citons, le cassia, le teck, les albizzia, etc.

Dans les formations sylvo-steppiques sahéliennes, les remèdes à la déforestation sont plus difficiles à appliquer car les boisements sont dans un état d'équilibre encore plus instable qu'en zone soudanaise. Une action est pourtant, dans ces régions, indispensable et urgente, puisque le premier effet d'une déforestation est une transformation progressive en désert, qui rend de vastes espaces totalement inhabitables. Ici le principal danger est l'abus de pâturage. En effet, les feux de brousse sont peu fréquents puisque le tapis herbacé est discontinu et les défrichements pour cultures sur de grandes surfaces sont assez rares, sauf à la limite de La zone. Dans ce cas ils sont dus, la plupart du temps, à la création de cultures industrielles, préconisées par les autorités administratives, dont le devoir est évidemment d'apporter immédiatement le reméde aux maux qu'ils causent.

Route de vidange dans la forêt équatoriale de la Gold Coast

(Photo du British Information Service)

Les populations vivant dans ces régions sont en général nomades et se livrent à l'élevage et à la récolte de produits tels que la gomme. Les troupeaux parcourent ces savanes et détruisent la régénération naturelle, de sorte que ces boisements sont trop clairs et surtout trop âgés. L'ébranchage, pour la nourriture du bétail, est également pratiqué d'une façon excessive. En ce qui concerne les peuplements de gommiers, si dans certaines régions comme le Soudan Anglo-Egyptien, la saignée est pratiquée correctement, dans beaucoup d'autres comme la Mauritanie et le Sénégal, elle est trop forte et trop fréquente, elle est donc indispensable de limiter avant tout ces dégâts dus aux abus d'usages. Toutefois, dans ces régions semi-désertiques, avec ces populations nomades en général assez farouches, le problème est souvent beaucoup plus politique que technique et des mesures de police trop strictes peuvent provoquer des exodes vers les territoires étrangers plus tolérants, parfois même de véritables dissidences. Il a donc été procédé, dans chacun des territoires possédant des services forestiers, à la mise en réserve méthodique des plus beaux peuplements. Ces réserves ont été purgées de tous droits d'usage et en dehors d'elles, l'usage des droits a été réglementé.

Dans certains cas, et en particulier pour les peuplements de pommiers, ces pratiques se sont avérées insuffisantes. Il a été reconnu indispensable, de reconstituer et d'enrichir les forêts. Dans certaines régions également pour produire du bois à des fins domestiques ou industrielles, il a été nécessaire de procéder à de véritables travaux de reboisements. Dans l'ensemble les résultats ont été franchement médiocres compte tenu de la rentabilité des travaux. Presque toujours, il a été nécessaire d'arroser les semis et les jeunes plants au cours de la première saison sèche et ainsi les frais ont été hors de proportion avec les résultats obtenus. Citons toutefois en territoire français (Sénégal, Soudan ou Niger) quelques réalisations intéressantes et, dans les territoires britanniques, la mise en œuvre d'un plan rationnel de reboisement en Nigeria du Nord. En 1937 une mission franco-anglaise pour la lutte contre La progression du désert et l'envahissement des sables sahariens, a procédé à une vaste étude sur place et a, préconisé un certain nombre de mesures dont plusieurs ont été heureusement mises en application.

L'action du forestier en régions de montagnes

Nous ne dirons que deux mots sur les problèmes forestiers en régions montagneuses. La situation est parfois grave, car les - stades de dégradation sont souvent avancés et les conséquences en sont désastreuses pour l'économie de la montagne et de la plaine. Evidemment, la sylviculture extensive est possible mais les résultats ne sont malheureusement pas rapides. Ici, c'est plutôt une sylviculture intensive qui doit être pratiquée étant donné les conditions climatiques favorables qui permettent, en particulier, l'utilisation des résineux indigènes ou exotiques. Citons l'exemple du Kenya ou des plantations de Juniperus procera, pures ou mélangées avec l'Olea chrysophylla et le Grevillea robusta ont donné d'excellents résultats et, parmi les exotiques, les plantations de Cupressus Macrocarpa, Lusitanica et Grevillea et surtout entre 2,000 et 2.500 mètres d'Eucalyptus globulus, E. saligna et E. maculata. Des essais de plantations pures de pins indochinois ont été entrepris en Guinée française et dans les montagnes du Cameroun. Ailleurs le Grevillea et le Podocarpus sont employés à côté des feuillus indigènes.

La production forestière africaine

Les deux données, qui permettent généralement d'évaluer le potentiel de production forestière d'un pays, et qui sont d'une part la superficie des massifs boisés, et d'autre part la possibilité de ces boisements par unité de surface, sont en Afrique, difficiles à obtenir puisque seule, une infime proportion des boisements est connue, délimitée et recensée. Le problème se complique encore du fait que des chiffres absolus n'ont ici pratiquement aucune valeur et ne représentent qu'un potentiel theorique. En effet, compte tenu des conditions du moment, une partie seulement des massifs boisés peut être considérée comme économiquement accessible et, parmi les très nombreuses essences qui constituent ces peuplements, très peu sont technologiquement et commercialement considérées comme utilisables.

Nous verrons, d'ailleurs, que ces conditions restrictives sont susceptibles d'évoluer rapidement et que les pays envisagent, par différents moyens, d'exploiter d'une façon quasi totale des superficies considérables de forêts.

Possibilités d'exploitation des boisements de savane

En ce qui concerne les possibilités d'exploitation des forêts sches, souvent qualifiées de a non productives», M. Aubréville a souligné que le matériel ligneux réalisable aujourd'hui par hectare est, dans ces forêts, extrêmement variable. Les plus belles savanes boisées, à Isoberlinia et à Uapaca, peuvent fournir 140 stères en maximum par hectare, soit environ 70 tonnes de bois. Il admet, comme moyenne un chiffre de 20 tonnes. En outre, il estime que ces boisements peuvent être très aisement traitées en taillis, à une révolution de 20 ans, et fournir alors 20 tonnes par hectare. Une possibilité annuelle de 1 tonne de bois par hectare pourrait donc être offerte par la zône des savanes du type soudanais, considérées jusqu'à présent comme improductives. Si les boisements de cette zône étaient protégés contre les feux de brousse et convenablement traités, ils constitueraient une importante source de produits ligneux. Or actuellement, on estime dans ces régions que la consommation de bois contrôlée ne correspond qu'a 1/200 ème de cette possibilité de production, pourtant calculée avec beaucoup de prudence. Il est évidemment nécessaire de tenir compte de l'autoconsommation pour chauffage et construction d'habitations, difficilement contrôlable et chiffrable, mais qui peut néanmoins être évaluée, dans ces régions peu peuplées, à 1 tonne par habitant et par an au maximum.

Certains techniciens qui voient le rôle important de ces boisements de savane au point de vue général: climat, protection du sol et régime, des eaux, ont tendance à s'opposer à ce désir de les mettre rationnellement en exploitation, de peur de les voir dis paraître. Or, il y a lieu de noter que, contrairement; aux apparences, les causes de destruction des forêts par exploitation sont secondaires, comparativement aux autres causes de dégradation: feux de brousse et défrichements pour cultures en particulier. La lutte contre ces fléaux est, aujourd'hui encore, difficile a organiser du fait que ces boisements n'ont aucune valeur économique, et que leur rôle stabilisateur dans l'équilibre bio-climatique et bio-édaphique de ces régions n'est pas encore suffisamment; reconnu. Si, par la création d'industries, ces boisements, jusqu'ici sans valeur apparente, prennent un intérêt économique non seulement un aménagement judicieux amenera une amélioration dans leur structure mais aussi, du fait de la valeur qu'ils auront; acquise, la lutte contre les grandes causes de dégradation pourra s'organiser sans effort. Comme le faisait remarquer M. Aubréville en conclusion d'un de ses rapports, il est parfois nécessaire, pour sauvegarder la forêt, d'utiliser ses bois.

Signalons qu'en dehors de la question de main d'œuvre et du problème de l'évacuation des produits, difficile à résoudre dans ces régions, la plupart du temps éloignées de la mer, la mise en exploitation de ces savanes ne présente pas de graves difficultés techniques. Il est bien évident, par ailleurs, que ces bois devraient être transformés sur place et que, si ce n'est pour la satisfaction des besoins locaux, ils ne devraient pas en général être utilisés dans des industries mécaniques. La grande forêt équatoriale, convient en effet beaucoup mieux pour de telles industries, alors que les essences de savane, étant donné leurs dimensions et les qualités de leur bois, devront surtout, si elles doivent être exploitées rationnellement, approvisionner les industries chimiques et mi-chimiques.

Possibilités d'exploitation de la foret dense

Il est bien certain que la zone de forêt dense d'Afrique représente une des grandes réserves de bois du monde. Les estimations de cubage en volume sur pied, effectuées sur la grande forêt équatoriale, varient suivant les auteurs de 300 à 800 mètres cubes à l'hectare.

La marge énorme qui existe entre les limites de telles estimations est due au fait que, d'une part, la richesse des peuplements est très variable et que, d'autre part, certains auteurs ont calculé ce cubage sur l'ensemble des essences de la forêt, alors que d'autres se bornaient à évaluer le volume des arbres leur paraissant utilisables comme bois d'œuvre.

Des auteurs sérieux admettent qu'avec une moyenne de 400 mètres cubes de grumes et de 200 stères de bois de feu, valeur faible, on disposerait d'une marge de sécurité suffisante. Pour un calcul destiné simplement à fixer les idées, le chiffre 400 tonnes de bois par hectare constituerait donc une estimation correcte du matériel ligneux sur pied.

Des comptages et mensurations ont été effectués depuis, de façon à fixer avec plus de précision, le volume des arbres sur pied et la possibilité de la forêt équatoriale africaine. L'interprétation de chacun des résultats obtenus peut néanmoins toujours donner lieu à des critiques. Des comptages, faits au Cameroun et basés sur une liste de 40 essences utilisables pour le sciage, dont une quinzaine sont déjà commercialement appréciées, ont donné comme volume des «vieux bois», c'est-à-dire d'arbres ayant atteint leur diamètre d'exploitabilité, les chiffres suivants: 35 m³ de bois à l'hectare (28 tonnes, densité moyenne 8,8) pour la forêt de type primaire, et 20 m³ (14 tonnes, densité moyenne 0,7) pour la forêt de type secondaire. On a, par ailleurs, estimé, à la suite de travaux effectués en Côte d'Ivoire que, pour les arbres dont le diamètre est compris entre 30 et 60 centimètres, le taux d'accroissement moyen en volume est de 4 %, et qu'ainsi, la reconstitution du capital forestier à partir de a bois moyens» (diamètre compris entre 30 centimètres et le diamètre d'exploitabilité) est possible en 50 ans, même si l'on veut, en tant que marge de sécurité, admettre qu'au cours de cette période la moitié de ces arbres sera endommagée ou détruite.

Il serait donc possible, d'après ces calculs, de prévoir, pour l'ensemble des parties accessibles de la forêt équatoriale, une exploitation de l'ordre de 15 m³ par hectare et par an si toutes les essences étaient utilisées, exploitation qui pourrait être répétée après une première révolution de 50 ans, et pourrait donc se poursuivre pendant au moins 100 ans. Un simple aménagement par surface permettrait donc d'assurer à ces forêts, sur cette base, une production intéressante sans qu'un appauvrissement des peuplements soit à craindre.

Le début de l'exploitation de ces richesses forestières ne remonte guère qu'au début du XXe siècle, et ce n'est que vers 1910 que cette activité a pris un développement appréciable.

Il y a avait primitivement, 3 groupes, d'essences feuillues exploitées commercialement: les acajous, l'okoumé et le limbo. L'exploitation des autres essences, souvent groupées sons l'appellation de a bois divers», a pris une importance croissante dans certains territoires, et les plans de développement aujourd'hui élaborés sont surtout basés sur un accroissement de la production de ces bois.

TABLEAU 1. - PRODUCTION FORESTIÈRE DE L'AFRIQUE 1

Pays

Total des bois en grume

Bois résineux

Bois feuillus

Production totale de grumes de sciage, de tranchage et de déroulage

(en millions de mètres cubes)

Estimation du total

50,0

1,0

49,0

4,00

Angola

0,5

...

0,5

0,07

Betchouanaland

0,8

...

0,8

0,01

Congo Belge

2,5

...

2,5

0,45

Erythrée

0,1

*

0,1

0,01

Cameroun Français

3,7

...

3,7

0,15

Afrique équatoriale française

10,2

...

10,2

0,20

Afrique occidentale française

0,8

...

0,8

0,13

Côte de l'Or

3,7

...

3,7

0,25

Kenya

1,0

0,1

0,9

0,17

Madagascar

0,2

...

0,2

0,02

Mauritanie

0,1*

*

0,1

0,02

Nigéria

0,6

...

0,6

0,28

Rhodésie du Nord

0,3

...

0,3

0,11

Nyasaland

2,8

*

2,8

*

Seychelles

0,1

0,1

...

...

Sierra Leone

2,7

...

2,7

0,01

Rhodésie du Sud

2,1*

*

2,1

0,07

Tanganyika

0,4

*

0,4

0,11

Ouganda

0,3

*

0,3

0,12

Union Sud-Africaine

2,7

0,7

2,1

0,72

Zanzibar

0,2

...

0,2

...

1 Afrique du Nord non comprise.
* Insignifiante.

Les différences apparentes se produisant entre pays de conditions assez similaires, en ce qui concerne notamment la production totale et la proportion de grumes de sciage par rapport au volume total de la production, sont dues aux divergences existant dans les méthodes employées par les populations indigènes pour l'estimation de la production destinée à la consommation locale.

L'exploitation en vue de l'exportation ne fut jamais très considérable, pour les raisons indiquées plus loin, mais a constitué une part stable et importante de la vie économique africaine, comme le montrent certains chiffres relatifs à l'exportation.

Il y a plusieurs raisons aux demi-échecs de toutes les campagnes successivement entreprises en vue de développer la production forestière africaine. Tout d'abord, l'hétérogénéité et la qualité relativement faible de cette forêt, ont obligé à adopter tique des coupes jardinatoires, entrainant des prix de revient sur les chantiers assez élevés. Comme il était nécessaire de tenir compte en outre d'un prix de transport important, les prix de vente devenaient souvent prohibitifs, et l'exploitation devait se borner à celle des bois de luxe ou spéciaux, n'entrant pas en concurrence avec les bois indigènes.

Les catégories de bois utilisables ou, plus exactement, vendables étant ainsi limitées au départ par les prix de revient, les débouchés de la production étaient obligatoirement restreints, et les marchés, rapidement saturés. Dès que l'exploitation atteignait un certain niveau et qu'un tonnage important de ces bois était offert, la vente devenait difficile et se faisait souvent à des prix dérisoires, eu égard à la valeur de la matière et aux efforts des exploitants. Il n'y avait guère que pour l'okoumé qu'il existait une forte demande permanente, mais la production de cette essence se trouvait limitée par des raisons sylvicoles à un chiffre de 300.000 tonnes par an.

Dans les conditions anciennes de l'exploitation, l'équilibre entre la production et la consommation était donc difficile à assurer, et c'était là une des préoccupations dominantes aussi bien des autorités administratives des grands territoires forestiers, que des exploitants eux-mêmes, de sorte que le manque d'essor de la production forestière africaine n'était pas dû à une déficience des exploitants, mais beaucoup plus a une insuffisance de la demande en bois tropicaux.

TABLEAUX 2 - COMMERCE DES GRUMES AFRICAINES DE BOIS FEUILLUS POUR LE SCIAGE, LE TRANCHAGE ET LE DEROULAGE EN 1947 - EXPORTATIONS DES PAYS DE DESTINATION

Destination

Pays exportateur

Côte de l'Or

Afrique équatoriale française

Congo belge

Nigéria 1

Afrique occidentale française

Cameroun français

(milliers de mètres cubes)

TOTAL

148

+213

+75

64

²60

37

Europe:

89

187

68

61


32


Belgique

...

5

51

...


3


France

...

83

...

...


14


Pays-Bas

...

12

5

...


5


Suisse

...

19

...

...


...


Royaume-Uni

89

55

8

61


5


Autres pays

...

13

4

*


5

Proche-Orient et Afrique du Nord

...

2

...

...


...

Amérique du Nord

59

11

1

1


2


Etats-Unis d'Amérique

59

8

1

1


2


Autres pays

...

3

...

...


...

Afrique

...

12

5

2


3


Union Sud-Africaine

...

12

5

2


3

+Le chiffre total ne correspond pas exactement à la somme des chiffres additionnés qui ont été arrondis.
* Moins de 500 m³ ®.
1 Renseignements de 1946.
² On ne dispose d'aucun renseignement sur la répartition par pays de destination.

Signalons enfin que la pauvreté relative de la forêt tropicale, qui était à la base des prix de revient élevés dont nous venons de parler, peut s'atténuer si la gamme des essences exploitables s'élargit, mais les techniciens ont toujours eu beaucoup de mal à faire adopter, par le commerce ou l'industrie, ces nouvelles essences. Ce fait est du à plusieurs causes mais, en particulier, aux difficultés techniques d'utilisation provoquées par la nature de certains bois communs, difficultés qui, aux deux extrémités de la gamme, sont la dureté extrême et la non-résistance aux altérations. Le manque d'industries et spécialement de scieries, l'absence de connaissances suffisantes en ce qui concerne les techniques d'usinage, de séchage, d'étuvage et de préservation, ont obligé les exploitants à éliminer beaucoup d'essences communes tendres, de sorte que seule l'utilisation des bois mi durs, durs et des bois tendres suffisamment durables, restait possible.

Notons enfin que, s'il faut reconnaitre que certains bois présentent des caractéristiques mécaniques ou technologiques médiocres, la réserve des acheteurs était principalement due à la routine.

Possibilités de développement de la production forestière africaine

Les causes d'échec sont maintenant parfaitement connues, et les techniciens n'ignorent plus aujourd'hui: le moyen de remédier à la plupart d'entre elles. De très gros progrès techniques ont été réalisés, surtout à la suite de recherches sur les bois tropicaux, effectuées dans les laboratoires de Princes Risborough, de Nogent-sur-Marne, de Gembloux, de Yale, dans les stations de recherches coloniales et, également, chez les exploitants et les industriels. Pour ne donner qu'un exemple, le limbo du Congo Belge, longtemps considéré comme dangereux à utiliser, étant donné son manque de résistance aux insectes et aux champignons, subit maintenant divers traitements de préservation efficaces et économiques, et il a pu ainsi acquérir, sur les marchés européens, des débouchés de premier ordre.

De plus, étant donné les besoins accrus en bois du monde entier, il est apparu opportun de tenter à nouveau mais, cette fois, avec toutes les chances de succès, une nouvelle campagne en faveur du développement de la production forestière africaine. Nous avons vu qu'un des principaux obstacles a l'introduction de nouvelles essences sur les marchés était la routine des commerçants et des industriels; or, pour le vaincre, nous devons utiliser les périodes de crise particulièrement favorables.

L'exploitation des grandes forêts africaines, et souhaitable pour des raisons à la fois économiques sociales, devrait être relativement aisée actuellement. Les principes fondamentaux sur lesquels sont basés ces projets sont, tout d'abord la nécessité d'accroitre considérablement la gamme des essences utilisables, principalement en l'élargissant dans le domaine des bois tendres susceptibles de remplacer les résineux pour certains usages. Ainsi, l'exploitation sélective sera remplacée par une exploitation rationelle, donc beaucoup plus économique, car les frais seront répartis sur d'importants tonnages. D'autre part, toujours pour abaisser les prix, mais aussi pour des raisons plus directes - satisfaction des besoins locaux, préservation et conservation des forêts - la création sur place d'industries de transformation, en particulier scieries, usines de contre-plaqués, usines de pâte, est prévue. Enfin pour atteindre de tels buts et éviter le gaspillage d'une main-d'œuvre rare et conteuse, tous les projets envisagent une mécanisation très poussée de l'exploitation et de l'usinage.

Un des principaux écueils à la réalisation de ces projets est actuellement le manque de matériel ou, ce qui revient au même, le manque de devises pour l'acquérir. Malgré ces difficultés passagères, tous ces territoires qu'il s'agisse du Nigéria, du Cameroun, du Gabon et du Congo Belge, sont progressivement équipés.

De très vastes pays, dans le Nord et le Sud de ce continent, gros consommateurs de bois et manquant de ressources, pourront constituer les débouchés normaux et stables pour cette vaste production. L'Afrique centrale elle-même, au fur et à mesure de son évolution, accroîtra sa consommation et absorbera aussi une partie importante de ses produits finis; enfin, des marchés extérieurs intéressants sont d'ores et déjà ouverts, et ainsi l'Afrique pourra contribuer, comme il se doit, à assurer la prospérité et l'équilibre du marché mondial du bois.

Remorquage de bois flottés en Côte d'Ivoire

(Photo communiquée par le Service Intercolonial d'Information et de Documentation)


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