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Les plantations en Afrique tropicale

par M. S. Parry du service forestier, Tanganyika

La FAO publie actuellement une série de courtes monographies qui seront réunies en un Manuel des plantations forestières dans le monde. Certains de ces fascicules sont déjà parus et d'autres sont en préparation. L'auteur de cet article a été chargé de réunir la documentation d'un court manuel' dont le but est de donner les grandes lignes des méthodes de plantation habituellement utilisées dans la zone tropicale d'Afrique et, également, de résumer brièvement les caractères des essences les plus communément employées.

Ce manuel est terminé et sera publié prochainement. La documentation utilisée provient de publications, de notes et de circulaires non officielles, ainsi que de communications ayant un caractère privé et fournies par un certain nombre d'ingénieurs forestiers, en service dans les pays d'Afrique occidentale et orientale1. Dans cet article, l'auteur récapitule les caractéristiques du milieu dans les régions dont il traite.

1 L'auteur remercie particulièrement M. A. Aubréville Inspecteur général des eaux et forêts au Ministère de là France d'outre-mer, C. J. Taylor (Côte-de-l'Or), A. L. Griffith, de l'East African Agriculture and Forestry Research Organisation, H. C. Dawkins (Ouganda), H. H. Pudden (Kenya) et le gouvernement du Tanganyika.

On entend généralement par Afrique tropicale toute la zone située entre les tropiques du Cancer et du Capricorne, région qui consiste en un vaste assemblage de pays plutôt hétérogènes, offrant pour les travaux de plantations une immense diversité de conditions, des pâturages alpins jusqu'aux mangroves de la côte, et des rain forests les plus humides jusqu'aux terres semi-désertiques. Jusqu'à ces tout derniers temps, il y eut relativement peu d'échanges d'idées et de documentation entre les nombreux pays compris dans cette vaste zone. Aussi n'est-il pas rare de constater que les techniques utilisées, même pour les essences les plus communes, diffèrent beaucoup d'un lieu à l'autre. Plusieurs techniques de production de plants en pépinière et de plantation ont été adoptées, sous réserve d'adaptations locales, dans la plupart des pays d'Afrique tropicale, mais on est surpris de constater le peu d'uniformité des conditions écologiques et des essences auxquelles elles sont appliquées.

On est parvenu à un certain degré de stabilité dans les techniques de plantation des résineux, mais, à part quelques exceptions, la plupart des feuillus indigènes sont plantés suivant des méthodes qui varient non seulement d'une station à l'autre, mais souvent d'année en année dans une même pépinière - signe certain les forestiers intéressés en sont toujours à chercher leur voie en allant d'échec en échec. Dans la plupart des pays, après la période florissante d'après-guerre, prédomine une phase de développement des recherches forestières et ses résultats fourniront sans aucun doute les bases des techniques normalisées de l'avenir. Il est donc inévitable que tout essai de rédaction d'un manuel consacré aux méthodes de plantation pour l'Afrique tropicale soit exposé a être tenu pour quelque peu prématuré, mais nous croyons qu'il est utile de passer en revue les méthodes employées actuellement. La recherche évolue sans cesse et il est peu probable que les techniques de la sylviculture dans les tropiques puissent être codifiées ne varietur. Le présent article est donc un essai de description, en termes assez généraux, des techniques en usage, avec quelques exemples des applications qui en ont été faites. Les méthodes de plantation doivent toujours être adaptées aux conditions particulières fondées sur l'expérience locale.

Climat

Considérations générales

Tout essai de subdivision d'une vaste région en zones climatiques distinctes risque d'être artificiel, surtout si cette subdivision a pour but de choisir les essences adaptées à chaque zone. Non seulement les variations du climat d'un lieu à un autre sont imperceptibles, mais leurs effets sur la croissance des arbres sont modifiés par d'autres facteurs, notamment par la fertilité du sol et par les réserves d'eau du sous-sol. De plus, l'adaptabilité des arbres varie beaucoup, certains étant confinés dans d'étroites limites et d'autres étant capables de prospérer dans des conditions extrêmement variées. Néanmoins, le climat est le principal facteur permettant de déterminer si une région convient ou non à la culture d'un arbre, et constitue donc le meilleur critère pour décider de l'essence qui convient à une station donnée.

Les régimes climatiques de l'Afrique tropicale sont surtout régis par l'oscillation semestrielle du soleil et par les systèmes de vents alizés qui lui sont liés. On peut dire d'une manière très générale que les saisons humides suivent le soleil (avec un retard d'environ un mois), et il en résulte deux saisons humides par an dans presque tout l'ensemble de la zone équatoriale. A l'équateur même (ou plus exactement à l'«équateur pluviométrique» situé à environ 3 degrés de latitude nord), le point culminant des deux saisons humides se produit environ un mois après chaque équinoxe. A mesure que l'on s'éloigne de l'équateur vers le nord ou vers le sud, les deux saisons humides se rapprochent l'une de l'autre jusqu'à se confondre en une seule. Dans l'hémisphère septentrional, les saisons des pluies fusionnent au cours de l'été boréal (juillet) et dans le sud au cours de l'été austral (février). Par suite du décalage vers le nord de l'équateur pluviométrique, cette saison humide unique n'apparaît qu'à environ 8 degrés de latitude nord, tandis que dans le sud il est difficile de discerner l'existence nette d'une double saison à plus de 3 à 4 degrés de latitude sud, bien qu'une légère interruption des pluies puisse se produire en février. Les pluies les plus fortes ont toujours lieu au cours du mouvement du soleil vers le nord.

Ces influences générales sont naturellement fortement modifiées par la topographie locale et par l'éloignement de la mer ou des lacs. En général, les conditions locales ont une grande influence sur le volume total des précipitations, mais elles n'ont que très peu d'effet sur le cycle des saisons, bien qu'il y ait quelques exceptions à ces règles.

Dans les régions d'Afrique tropicale qui ont une saison fraîche, telles que les reliefs de l'Afrique orientale la période la plus froide de l'année est généralement là saison sèche et le régime climatique appartient au type à «précipitations d'été», distinct du type «méditerranéen» qui est caractérisé par une saison sèche chaude et une saison humide froide. Cette différence influe sur la végétation de certaines essences et c'est une des raisons du succès des espèces antillaises dans les montagnes de l'Afrique orientale et dans les zones à précipitations d'été de l'Afrique du Sud.

Les principaux facteurs déterminant un type climatique sont les précipitations et la température. Comme la température est déterminée en grande partie par l'altitude, il est courant de définir un certain ensemble de conditions par les critères fondamentaux suivants:

a) moyenne annuelle des précipitations
b) altitude

Mais considérer exclusivement ces deux seuls facteurs peut être une dangereuse simplification lorsqu'il s'agit de déterminer si une région convient ou non à la culture d'une essence donnée.

En Afrique tropicale, la distribution des précipitations dépend pour beaucoup de l'existence d'une seule ou de deux saisons humides. Une saison humide courte et unique, suivie par une longue sécheresse de six mois ou plus, implique des conditions beaucoup plus sévères que celles qui accompagnent une lame annuelle répartie sur deux saisons. La saison humide unique est souvent préférable pour l'installation des plantations, car les conditions de plantation sont généralement meilleures et plus sûres, mais à moins que les précipitations totales ne soient assez élevées pour éliminer tout danger de sécheresse, la double saison est plus propice à une croissance soutenue. Les précipitations minimums nécessaires à une essence donnée peuvent être supérieures de 250 millimètres dans une région présentant une saison humide unique au minimum indispensable dans une région à double saison pluvieuse.

L'efficacité des précipitations est également fonction de l'humidité de l'air. En règle générale, les précipitations et l'humidité sont étroitement liées, mais dans certaines stations, un degré hygrométrique élevé peut coexister avec de faibles précipitations, par exemple dans les montagnes où règnent des brouillards et où la faible pluviosité donne la fausse impression d'une région sèche En fait, les résineux peuvent croître d'une manière très satisfaisante avec une précipitation annuelle atteignant à peine 760 millimètres dans une région sujette aux brouillards persistants. Parfois, plus important encore est l'effet de la végétation elle-même sur le micro-climat. Beaucoup de grandes forêts d'Afrique, particulièrement sur leurs lisières plus sèches, ont un caractère de reliques, et n'arrivent à se maintenir que grâce à leur propre influence sur le millieu local. Si les essences commerciales qui s'y trouvent doivent être régénérées par plantation après exploitation, il peut être nécessaire de prévoir une technique de plantation en sous-étage même si, théoriquement, il était possible de couper à blanc et de procéder à des plantations combinées avec des cultures agricoles.

La température est surtout influencée, en Afrique tropicale, par l'altitude, mais il semble que la différence de niveau par rapport à la région environnante soit également importante. Ainsi le climat à 1200 mètres d'une montagne qui s'élève en pente rapide au-dessus d'une plaine basse sera beaucoup plus frais que celui d'un point de même altitude, soumis à la même pluviosité, mais situé au centre de l'un des immenses plateaux qui constituent une des caractéristiques de l'arrière-pays africain. Le meilleur critère de la température n'est donc pas l'altitude, mais la température moyenne elle-même, bien que dans une région déterminée il soit bien plus facile de se référer à l'altitude, car les données concernant la température sont souvent inconnues. Les meilleures données thermiques permettant de définir un type de climat sont la température moyenne maximum de l'été (c'est-à-dire la moyenne des températures maximums journalières pour les mois les plus chauds de l'année) et la moyenne des températures minimums de l'hiver. Les maximums et minimums absolus sont d'un intérêt moindre, sauf toutefois dans les régions exposées à la gelée, et où il est souhaitable de connaître le minimum extrême possible.

C'est d'après ces considérations que les nombreux types climatiques différents de l'Afrique tropicale sont groupés ici en sept grandes catégories. Nous devons insister sur le fait qu'il ne s'agit pas d'unités climatologiques distinctes, qui seraient beaucoup trop nombreuses pour le but que nous poursuivons, mais simplement d'une moyen commode pour subdiviser une région extrêmement variée en un certain nombre de zones d'aménagement. La plupart des essences réussiront dans l'ensemble d'une zone et beaucoup d'entre elles dans plusieurs.

Subdivision en zones forestières

Les zones choisies dans ce but sont les suivantes:

Zone I - Plaines tropicales humides

Zone à pluviosité très élevée, avec 1800 millimètres ou plus annuellment, et à température uniforme élevée, avec de faibles variations saisonnières. L'altitude va du niveau de la mer à environ 450 mètres. La moyenne des températures maximums est d'environ 29°-32° C au cours des mois les plus chauds, et la moyenne des températures minimums est d'environ 21° C au cours des mois les plus froids. Elle comprend les régions de rain forests humides de la plaine côtière de l'Afrique orientale. Près de l'équateur, il n'y a pas de saison sèche caractérisée et la pluviosité présente deux maximums, mais, aux altitudes supérieures, il n'y a qu'une seule saison humide bien définie avec une période sèche accusée; cependant l'humidité reste toujours élevée.

Zone II - Plaines tropicales légèrement humides

Précipitations assez élevées, entre 1000 et 1800 millimètres par an, et température élevée uniforme. Altitude allant du niveau de la mer jusqu'à environ 1200 mètres dans la région des plateaux, ou n'atteignant qu'environ 750 mètres dans les régions à relief accusé. Les variations de la température sont un peu plus marquées que dans la zone I, la moyenne estivale des maximums étant 29°-32° C, et la moyenne hivernale des minimums environ 15°-18° C. On observe dans cette zone trois régimes de précipitations, à savoir: équatorial (deux maximums), tropical nord (maximum en juillet), et tropical sud (maximum en février). Ce type de climat règne sur une aire très étendue et variée et pourrait donner lieu à un nombre presque infini de subdivisions. On admet ici qu'elle comprend les régions plus sèches des futaies de l'Afrique occidentale, la majeure partie du bassin du Congo, et les régions plus humides de la plaine côtière de l'est de l'Afrique. On admet également qu'elle comprend les forêts étendues et assez nettement délimitées d'altitude moyenne, telles que celles de l'Ouganda, car beaucoup des essences importantes qui s'y trouvent croissent également bien jusqu'à une altitude voisine du niveau de la mer, alors que très peu d'entre elles subsistent au-delà de 1200 mètres d'altitude.

Zone III - Type montagnard humide

Précipitations modérées à élevées de 1000 à 1800 millimètres par an, dépassant parfois 2550 millimètres dans des régions très localisées. Si les précipitations sont concentrées en une seule saison, plus de 1250 millimètres seraient nécessaires pour assurer des conditions équivalentes à 1000 millimètres répartis sur deux saisons. Températures fraîches, mais descendant rarement à zéro, la moyenne des maximums d'été allant de 21° à 27° C, et le minimum d'hiver de 10° à 15° C. L'altitude de cette zone se situe généralement entre 1200 et 2100 mètres, mais certaines stations exceptionnelles, s'élevant par des versants abrupts au milieu d'une plaine, présentent un climat semi-montagnard à une altitude de 750 mètres seulement, bien que la pluviosité y reste toujours élevée et bien répartie et la nébulosité forte. Cette zone climatique se trouve surtout dans les chaînes montagneuses de l'est de l'Afrique, sur les versants exposés à l'est et au sud.

Zone IV - Type montagnard sec

Pluviosité faible à modérée à haute altitude. Les précipitations annuelles varient de 600 à 1000 millimètres environ en deux saisons, ou de 750 à 1250 millimètres en une seule saison. L'altitude est en général comprise entre 1500 et 2750 mètres. Aux altitudes plus basses, des précipitations inférieures à 750 millimètres en deux saisons ou à 1000 millimètres en une saison, créent des conditions qui forment transition avec celles de la zone V.

La température est fraîche pendant toute l'année, devenant très froide pendant la saison sèche; les gelées ne sont pas rares au-dessus de 1800 à 2000 mètres, avec des variations diurnes considérables, par exemple de 2° à 24° C. Règne principalement sur les reliefs de l'est de l'Afrique et sur les versants secs des montagnes isolées.

Zone V - Plateaux secs

Précipitations faibles à modérées, comprises généralement entre 600 et 1000 millimètres par an, on atteignant jusqu'à 1075 millimètres en une seule saison.

Altitude variant généralement de 900 à 1500 mètres. Températures assez élevées avant les saisons humides, mais devenant fraîches pendant la saison sèche, la moyenne des maximums de l'été approchant souvent 32° C, tandis que la moyenne des minimums de la saison sèche est généralement très inférieure à 15° C. Des gelées peuvent se produire aux altitudes supérieures hors de la zone équatoriale. Ce type de climat règne sur une surface très étendue du vaste plateau qui couve la plus grande partie de l'arrière pays de l'est de l'Afrique, soit de l'Ouganda aux Rhodésies. Des conditions très semblables, mais avec des températures moyennes plus élevées, se retrouvent dans la zone VI. On observe dans cette région les trois types de régime de précipitations, allant du maximum unique de février au sud, jusqu'au maximum d'août au nord en passant par le double maximum sous l'équateur.

Zone VI - Plaines sèches

Précipitations faibles à modérées, comprises en général entre 600 et 1000 millimètres par an; altitude inférieure à 900 mètres. Températures très élevées au cours des saisons chaudes avec des variations diurnes considérables. La température maximum moyenne des mois les plus chauds est généralement supérieure à 35° C, et la moyenne des minimums des mois les plus froids est d'environ 15°-21° C. Ce type de climat couvre une aire immense formant une zone large de 300 à 450 kilomètres, qui s'étend à travers les régions septentrionales des territoires de la côte de Guinée, du Sénégal au Soudan. Dans cette zone, le régime des précipitations appartient surtout au type tropical nord, avec un seul maximum en juillet-août; mais une double saison, avec une courte interruption en juillet-août, peut se présenter aux latitudes inférieures. Des conditions semblables, mais accompagnées du régime méridional, se retrouvent en Angola et sur la côte est. La côte de Guinée, depuis la Côte-de-l'Or jusqu'au Dahomey, est soumise à ces conditions avec le régime équatorial.

Zone VII - Zone semi-désertique

On admet que cette zone comprend toutes les régions recevant moins de 600 millimètres de précipitations par an, sans tenir compte de l'altitude. Ces conditions sont réalisées dans une zone qui traverse l'Afrique parallèlement à celle de la zone VI, mais plus au nord, sensiblement entre les 12e et 15e degrés de latitude nord. Le semi-désert occupe également le sud-ouest de l'Angola et une grande partie du Kenya septentrional et de la Somalie. Il existe aussi des taches isolés dans le Tanganyika central et en certains autres points au revers des principales montagnes formant des «écrans» contre les pluies.

Sols

Il serait impossible d'essayer de classer les innombrables types de sol de la zone tropicale de l'Afrique, dans le cadre du présent article. Pour cette documentation, il est nécessaire de se référer aux travaux publiés sur la question.

Les notes suivantes indiquent les principales caractéristiques édaphiques qui influent sur la croissance des arbres, et indiquent les points à examiner lorsqu'on étudie un sol au point de vue du boisement.

Topographie

Une topographie accidentée ne devrait normalement pas empêcher le boisement, à moins que les plantations ne doivent être exécutées sur cultures temporaires après défrichement. Même dans ce cas, les pentes ne dépassant pas 30 degrés peuvent généralement être boisées avec succès, car le sol ne reste découvert que pendant trois ou quatre ans, période trop courte pour que la grande perméabilité du sol forestier puisse disparaître. Il est paradoxal qu'un sol aéré et meuble soit moins exposé à l'érosion qu'un sol compact dur. Si les plantations sont faites directement dans une prairie ou dans une brousse, la limite de la pente est pour une grande part déterminée par les frais de construction d'une route, frais qui, à leur tour, dépendent principalement de la profondeur du sol et des rocs délités. Sur des pentes modérées, la construction d'une route peut ne pas coûter plus de £ 30 par mile ($52 par km), mais sur les versants rapides, les frais de construction pourront être dix fois plus élevés si la roche intacte est superficielle. Il peut parfois être nécessaire de boiser des terrains dont la pente est trop forte pour la construction d'une route, afin d'assurer la protection d'un versant ou de parachever la plantation d'une superficie donnée sans laisser de lacunes dans le couvert forestier; mais d'une manière générale, on doit éviter les plantations sans voies d'accès.

Profondeur du sol

La caractéristique importante est la profondeur d'enracinement qui n'est pas toujours la même que la profondeur du sol. Dans un sol rocheux, en apparence peu profond, l'humidité pénètre parfois dans de profondes fissures où les racines peuvent également pénétrer, permettant une excellente croissance des arbres sur un sol impropre à l'agriculture. S'il est possible de le constater, par exemple dans la tranchée d'une route, ou de le déduire de la croissance des arbres déjà existants, la présence du roc près de la surface du sol n'est pas nécessairement une contre-indication pour le boisement. Par contre, l'enracinement peut être tout à fait superficiel dans des sols qui paraissent profonds, en général parce que l'eau est mal répartie dans le profil.

Perméabilité

L'enracinement peut être rendu superficiel par la montée saisonnière de la nappe phréatique, révélée par un sous-sol à gley, tandis que d'autres sols sont simplement imperméables, et, en région sèche, sont rarement imbibés à plus de quelques décimètres de la surface, de telle sorte que les arbres doivent, entre les orages, subsister uniquement grâce à l'humidité superficielle. Le ruissellement en surface sur les sols imperméables est généralement très important et une grande partie des précipitations peut être perdue, à moins que le sol ne soit surélevé suivant les lignes de niveau. Les arbres préfèrent presque toujours des sols perméables légers aux sédiments compacts ou aux argiles lourdes, bien que dans les sables grossiers, si la couche on est très profonde, l'excès d'eau des gros orages pent s'infiltrer rapidement jusqu'à une nappe souterraine hors d'atteinte des racines des arbres. Dans ce type de sol, les arbres qui dès leur germination développent un vigoreux pivot, comme Eucalyptus camaldulensis et Casuarina, ont l'avantage sur ceux qui, comme Cassia siemea, tendent à former un enracinement superficiel, tandis que dans un sol très imperméable, l'avantage peut être inversé. La profondeur maximum atteinte par les racines de certaines essences des régions sèches dépasse souvent 15 et même 30 mètres, mais dans beaucoup des régions les plus sèches d'Afrique, il n'existe en principe aucune nappe phréatique à moins de 60 mètres de la surface. Toutes les essences sont donc, dans une certaine mesure, tributaires des eaux de surface.

Fertilité

L'effet de la fertilité du sol se manifeste surtout dans les premières années de croissance du peuplement. Avec de longues révolutions et une pluviosité assez élevée, la qualité de la station dépend probablement plus de la nature de la roche-mère que de la fertilité du sol à l'époque de la plantation. Tel est certainement le cas des boisements de champs épuisés par les cultures indigènes. La croissance est tout d'abord meilleure sur jachère récente que dans les champs temporairement épuisés, mais on peut escompter que ces différences s'estomperont ultérieurement au cours de la révolution.

Il ne faut pas en conclure que la fertilité soit négligeable; en fait, sur certains sols, le succès de la plantation peut reposer dans une large mesure sur l'utilisation de la fertilité initiale du sol. Les sols de sable profond et perméable, en zone de fortes précipitations, couverts de forêts dégradées ou de broussailles, sont particulièrement exposés à perdre leur fertilité lorsqu'ils sont débroussaillés avant reboisement. Sur des sols de ce genre, si l'on fait appel à des colons temporaires pour défricher le terrain, il peut être d'importance primordiale de planter des arbres dès le début afin de bénéficier de la fertilité temporaire qui suit un écobuage. Sinon, le sol peut devenir pratiquement impossible à boiser (avec des essences exigeantes) jusqu'à ce qu'il ait pu se reconstituer lentement au cours d'une longue jachère de brousse.

Dans certaines régions d'Afrique, la fertilité intrinsèque de la roche-mère est très faible et ce facteur est à lui seul limitant. La plus grande partie du sol des forêts sèches d'essences à feuilles caduques du type connu sous le nom de miombo tend à être spontanément stérile, surtout si le sous-sol est bien drainé et si les précipitations sont suffisamment élevées pour dépasser l'évaporation. En Rhodésie du Nord, par exemple, la végétation arborescente est limitée par la stérilité générale du sol dans beaucoup de stations où le climat devrait théoriquement permettre la croissance d'une futaie dense. Pour déterminer la qualité d'une station à boiser, il est donc nécessaire de distinguer entre un sol temporairement épuisé et un sol intrinsèquement infertile.

Dans la pratique, il est facile de juger de la fertilité initiale d'un sol d'après la qualité des récoltes et de la végétation qu'il produit. Presque partout, un sol appauvri se décèle à la présence d'espèces souvent reconnues par la population comme indicateurs d'un sol pauvre.

Il est toujours utile et intéressant de faire des analyses précises des sols, mais il est difficile de savoir comment interpréter les résultats. Il est vraisemblable que le rapport d'un chimiste pédologue indiquera plutôt la valeur d'un sol pour certaines cultures agricoles que sa valeur pour une récolte forestière à long terme. La qualité d'une plantation forestière peut dépendre en dernier ressort de la possibilité d'assimilation des éléments nutritifs provenant de roches encore en voie de décomposition, combinées avec la profondeur, l'aération et le pouvoir de rétention de l'humidité du sol, plutôt qu'à la richesse initiale du sol en aliments minéraux à l'époque de la plantation. Les analyses sont surtout précieuses lorsqu'elles fournissent des indications sur la carence en un élément nutritif déterminé. Quelques essences précieuses (par exemple Chlorophora) offrent souvent des symptômes qui peuvent être dus à des déséquilibres tropiques, et il y a toujours intérêt à rechercher tous les renseignements permettant de diagnostiquer ce cas.

Une analyse du sol pour en déterminer l'acidité est toujours utile, car beaucoup d'essences sont sensibles à ce facteur, et ne croissent que dans un certain intervalle de valeurs du pH. La plupart des pins, par exemple (excepté Pinus halepensis), exigent des sols acides, dont le pH soit compris entre 4 et 6, pour leur optimum de croissance. La plupart des sols de l'Afrique tropicale tendent à être légèrement acides à moins qu'ils ne dérivent directement de roches calcaires.

Humidité du sous-sol

Il faut toujours rechercher des indications concernant la présence d'humidité dans un sous-sol, car c'est fréquemment un des principaux facteurs affectant la croissance des arbres. Peu d'essences supportent plus de quelques jours un sol détrempé, et des sols exposés à des inondations temporaires, ou à des montées saisonnière de la nappe phréatique, doivent être classés comme stations spéciales. Ils peuvent parfaitement convenir au boisement, mais il fait choisir des essences spécialement adaptées à ces conditions, par exemple Eucalyptus camaldulensis, Lagerstroemia, Populus, etc. Dans une région sèche, l'existence d'une nappe phréatique assez profonde, mais accessible aux racines des arbres, peut complètement changer la qualité d'une station, mais sa présence est difficile à déceler. La présence sporadique d'un grand arbre dans une zone très faiblement arrosée indique probablement la présence d'eau, mais qui peut être réduite à une infiltration locale, et n'indique pas nécessairement la possibilité d'une croissance satisfaisante sur toute la superficie de la zone. Les rives des cours d'eau aux lits sablonneux ont généralement de l'eau près de la surface pendant la majeure partie de l'année, et sont idéales pour le boisement, mais les alluvions qui les bordent constituent presque toujours des sols agricoles riches.

Article traduit de l'anglais.


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