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Evaluation de la fertilité des stations

P. J. VIRO
Section de pédologie, Institut de recherches forestières, Helsinki, Finlande
(Boursier André Mayer de la FAO)

DIVERSES méthodes ont été employées pour l'évaluation de la fertilité des stations en forêt. Les plus importantes sont basées sur certaines caractéristiques du peuplement, sur le tapis herbacé, sur les propriétés physiques ou chimiques du sol ou sur la teneur des feuilles en éléments nutritifs. Les méthodes basées sur les caractéristiques du peuplement présentent évidemment le désavantage de ne pouvoir servir pour les terrains nus. En outre, ces caractéristiques peuvent être influencées par le traitement. L'évaluation basée sur le tapis herbacé est presque limitée à la Finlande; ailleurs, on considère qu'elle ne donne pas une image exacte de la fertilité de la station. Puisque ces méthodes ne sont pas pleinement satisfaisantes, de grands espoirs ont été placés dans les méthodes physiques ou chimiques, que l'analyse porte sur le sol ou sur les feuilles.

Il y a une vingtaine d'années, l'analyse du sol était beaucoup plus employée que l'analyse foliaire mais, plus récemment, cette dernière a suscité un intérêt accru (l'analyse foliaire est préconisée, par exemple, par Tamm 1956, Leyton 1958, Wittich 1958, Wehrmann 1959 et Strebel 1960, l'analyse du sol par Aaltonen 1950, 1951, Viro 1951, 1955 et Wilde 1958). Cette étude se propose d'étudier les deux méthodes, l'analyse de sol et l'analyse foliaire, pour savoir qu'elle est celle qui donne la meilleure description de la fertilité des stations dans des conditions édaphiques et climatiques varices.

Cette étude a été entreprise avec l'aide d'une bourse André Mayer de la FAO, et cet article résume brièvement le rapport présenté à la FAO. Le travail sur le terrain a pu être fait dans différents pays grâce à l'obligeance des organisations locales de recherches forestières.

Matériel et méthodes

Zones étudiées et échantillons

L'étude a été limitée au pin sylvestre (Pinus silvestris L.) et à l'épicéa (Picea abies Link.), deux espèces largement répandues en Europe et très importantes économiquement. Le matériel fut réuni au cours des automnes 1958 et 1959. Dix peuplements de pin et 10 d'épicéa furent étudiés dans le Sud de la Finlande, en Suède, en Allemagne, en Pologne et en Autriche, 10 peuplements de pin en France et 30 dans le Nord de la Finlande. Ces placettes d'expérience ne sont pas forcément représentatives de l'ensemble du pays.

Les figures 1 et 2 montrent l'emplacement de ces peuplements, ainsi que l'aire naturelle du pin sylvestre et de l'épicéa en Europe. Autant que possible, les placettes furent choisies dans des peuplements d'âge moyen et en terrain plat. Les peuplements de Finlande, de Suède et d'Autriche sont sur sol de moraine, ceux de Pologne et de France sur sol d'alluvions, et ceux d'Allemagne sur ces deux types de sol.

On a pris autant que possible ces peuplements dans des places d'expérience permanentes des organisations forestières locales. Dans les peuplements où les données de base manquaient, les mesures ont été faites par les méthodes classiques employées par l'Institut de recherches forestières de Finlande. On a mesuré la hauteur des dominants et déterminé la hauteur correspondante à 60 ans d'après les tables de production locales ou par sondages à la tarière simultanés à la récolte des feuilles.

Les échantillons de sol minéral furent prélevés dans 4 fosses, les horizons de surface (0-30 cm) et les horizons profonds (30-60 cm) étant prélevés séparément, et les échantillons des horizons correspondants étant regroupés. Dans ces fosses, on a aussi déterminé le type de formation du sol et mesuré les horizons. On a prélevé des échantillons dans la couche d'humus, à l'aide d'un cylindre, en 20 points différents sur la diagonale de la placette. La proportion de cailloux fut mesurée par la méthode au pénétromètre.

Des échantillons d'aiguilles furent prélevés sur 5 arbres dominants, à la plus grande hauteur accessible par escalade, c'est-à-dire en général à 2-3 mètres du sommet; le prélèvement fut fait sur le côté de l'arbre exposé au sud, et sur des branches de lumière. Les aiguilles de l'année et celles de 2 ans furent récoltées séparément.

Travail au laboratoire

Il fut fait au laboratoire des sols de l'Institut finlandais de recherches forestières, avec les techniques classiques de ce laboratoire. Les analyses pratiquées furent les suivantes:

Sol minéral: poids spécifique brut, analyse mécanique, éléments échangeables (à l'acétate d'ammonium), azote total, teneur en humus, index des minéraux basiques (Tamm), capacité de rétention en eau (Bouyoucos) et acidité dans l'eau et KCl.

Couche d'humus: éléments échangeables et totaux, azote total, acidité et évolution du CO2.

Aiguilles: éléments totaux.

Comme d'habitude, les analyses furent faites sur la terre fine (< 2 mm). Pour permettre une comparaison plus sûre des résultats des différents pays, on a calculé la quantité d'éléments nutritifs par hectare et basé toutes les discussions sur ces chiffres.

FIGURE 1. - Emplacement des peuplements de pin sylvestre.

FIGURE 2. - Emplacement des peuplements d'épicéa.

Index de station

Diverses caractéristiques du peuplement (hauteur, diamètre, surface terrière, volume) ont été utilisées comme indicateurs de la qualité de la station. Dans cette étude, la fertilité de la station est donnée par la hauteur moyenne, à 60 ans, des 100 plus gros arbres à l'hectare. Cette valeur sera appelée ici l'index de station. De toutes les caractéristiques du peuplement énumérées ci-dessus, la hauteur des dominants est la plus indépendante du traitement, pourvu qu'il n'y ait pas eu d'éclaircie par le haut.

Dans la première discussion des résultats, les peuplements de la même espèce dans le même pays sont considérés comme un tout. Les peuplements de chacun de ces ensembles furent répartis en deux groupes d'après leur index de station. Les 5 peuplements avec les index les plus élevés forment le groupe I, les 5 avec les valeurs les plus faibles forment le groupe II. L'index moyen est aussi élevé sur les sols bruns que sur les sols bruns podzoliques et ces deux types furent groupés dans la discussion des résultats. Les moyennes et les extrêmes des index de station figurent sur le tableau suivant:


Moyennes

Extrêmes

Pin, podzol

17,7 m

10-25 m

Pin, sol brun

24,8 m

20-28 m

Epicca, podzol

23,4 m

18-29 m

Epicéa, sol brun

25,0 m

21-30 m

Résultats

Résultats des analyses de sol

Il est impossible de présenter ici l'ensemble des résultats obtenus au cours de cette étude. Cependant, pour donner au lecteur quelque idée du bilan des éléments nutritifs, on a fait figurer dans le tableau 1 les quantités moyennes d'éléments échangeables, l'azote total et le carbone organique dans les horizons de surface. Ce tableau montre clairement que la teneur en éléments nutritifs varie de façon considérable suivant les pays et les types de sol. Dans un pays donné, la teneur en éléments nutritifs est presque sans exception plus élevée dans les sols bruns que dans les podzols. Dans les peuplements de pins, le fait le plus remarquable est la faible teneur en calcium dans les sols français en magnésium dans les podzols polonais qui, par contre, ont une teneur en phosphore élevée. On a obtenu des valeurs étonnamment semblables dans les sols finlandais et suédois. Dans les peuplements d'épicéa, il faut surtout noter les grandes quantités de phosphore soluble au lactate dans les sols polonais. Ces résultats ne permettent pas une comparaison générale des sols de pin et d'épicéa, mais le bilan en éléments nutritifs semble varier beaucoup suivant les circonstances.

La répartition des éléments nutritifs dans le profil étudié varie suivant les éléments et suivant les sols. Dans les sols bruns, les horizons profonds contiennent en général au moins 50 % des éléments minéraux; ce chiffre est un peu plus bas pour les sols bruns podzoliques et tombe à 30 % pour les podzols. On n'accorde souvent pas assez d'attention au fait, qu'en règle générale, l'horizon d'humus brut ne contient qu'une faible fraction de la matière organique et de l'azote. Ici, la masse principale de ces éléments a été trouvée dans l'horizon superficiel, et, même dans les podzols, l'horizon profond contenait beaucoup plus d'azote et souvent de matière organique que la couche d'humus.

Le rapport C/N est plus élevé dans la couche d'humus brut et plus bas dans l'horizon profond. Pour des horizons correspondants, ce rapport est en général plus élevé dans les podzols et plus bas dans les sols bruns. Les chiffres homologues dans les différents pays ne varient pas beaucoup, sauf pour la Pologne, où ils sont exceptionnellement bas, surtout dans les podzols. Le rapport C/N est également très bas pour les sols du Nord de la Finlande. Dans l'horizon humifère, il est plus élevé sous les peuplements d'épicéa, et dans le sol minéral, c'est en général sous les peuplements de pin qu'il atteint les plus fortes valeurs.

TABLEAU 1. - QUANTITÉS MOYENNES D'ÉLÉMENTS SOLUBLES A L'ACÉTATE DANS D'HORIZON MINÉRAL (0-30 CM)

Eléments nutritifs du sol et fertilité de la station

La fertilité d'une station est déterminée par le climat et par le sol. Considérant que le climat varie beaucoup à l'intérieur de la région où les recherches ont eu lieu les placettes appartenant au même pays ont été choisies dans une zone aussi étroite que possible, de sorte que, dans la même unité, les variations climatiques soient négligeables. La corrélation qui existe localement entre l'index de station et les propriétés du sol fut d'abord étudiée par une méthode graphique. Ensuite, les valeurs moyennes des éléments nutritifs ont été calculées pour les groupes d'index de station définis plus haut et les moyennes d'un pays furent comparées à l'aide du test de t pour mettre en évidence les différences significatives. - Dans les zones plus larges, la corrélation fut également étudiée par l'analyse statistique. Les peuplements de pin et d'épicéa furent étudiés séparément.

Etude des peuplements de pin

C'est pour l'azote et le manganèse que les différences dans les taux d'éléments nutritifs entre les groupes sont le plus souvent significatives. En ce qui concerne les autres éléments, on n'a trouvé une différence significative entre deux pays que pour le phosphore. Confirmant les études précédentes, on a observé une corrélation significative entre la fertilité des peuplements de pin dans le Sud de la Finlande et le taux de calcium et de magnésium.

La corrélation entre la fertilité de la station et les caractéristiques physiques du sol est moins constante que pour les caractéristiques chimiques. Pour les peuplements français, polonais et ceux du Nord de la Finlande, il existe une corrélation entre la fertilité et la teneur en éléments fins; pour les peuplements allemands et ceux du Sud de la Finlande, entre la fertilité et la teneur en minéraux basiques. On a trouvé une corrélation entre la fertilité et la capacité de rétention en eau pour les seuls peuplements du Nord de la Finlande.

Etude des peuplements d'épicéa

On n'a rencontré aucune différence significative entre les taux d'un élément quelconque dans deux pays quelconques. Le fait le plus saillant est l'existence en Autriche d'une corrélation négative hautement significative entre la fertilité de la station et la teneur en certains éléments. Cela indique que ces éléments ont un taux supérieur à l'optimum dans ces sols calcaires. Dans le Sud de la Finlande, on a également pu mettre en évidence pour l'épicéa une corrélation significative entre la fertilité et les taux de calcium et de magnésium.

Il n'existe aucune corrélation entre une caractéristique physique quelconque et la fertilité pour les peuplements d'épicéa.

Le pH et le taux global d'éléments nutritifs de la couche d'humus brut sont de mauvais indicateurs de la fertilité du sol aussi bien pour les peuplements de pin que pour ceux d'épicéa.

Les placettes-échantillons furent intentionnellement choisies dans des types de sols de formation différente. Il est possible que cela explique certains des résultats obtenus. Il est regrettable qu'un plus grand nombre de peuplements n'aient pu être étudiés dans chaque pays.

Analyse foliaire et fertilité de la station

Le tableau 2 donne la teneur moyenne des aiguilles en éléments nutritifs. Les valeurs sur les sols bruns et sur les sols bruns podzoliques sont à peu près égales, elles ont donc été groupées. La teneur de la plupart des éléments tend à être plus faible sur les podzols. Elle varie de façon considérable mais assez irrégulièrement suivant les pays. Les variations sont à peu près analogues dans les aiguilles de l'année et dans celles de deux ans. Le taux des éléments nutritifs a été calculé à la fois sur la matière sèche et sur les cendres. L'analyse des cendres n'a pas donné de renseignements supplémentaires pour le but poursuivi.

La teneur en éléments minéraux varie beaucoup moins dans les aiguilles que dans le sol et la variation dans les aiguilles paraît à peu près indépendante de celle du sol. C'est seulement pour l'azote que l'on a pu trouver une corrélation hautement significative (au seuil de 0,1 %) entre le taux d'azote dans les aiguilles de pin et la quantité existant dans les horizons de surface.

TABLEAU 2. - TENEUR MOYENNE DES AIGUILLES EN ÉLÉMENTS MINÉRAUX

Type de sol

Cendres

P2O5

MnO

MgO

CaO

K2O

N


% de matière sèche

PIN

Aiguilles de l'année

 

Podzol

2,495

0,369

0,073

0,150

0,325

0,849

1,30

Sol brun

2,554

0,387

0,140

0,193

0,389

0,793

1,58

Aiguilles de 2 ans

 

Podzol

2,723

0,286

0,126

0,130

0,577

0,661

1,27

Sol brun

3,036

0,344

0,080

0,171

0,650

0,686

1,59

EPICÉA

Aiguilles de l'année

 

Podzol

3,361

0,481

0,100

0,197

0,539

0,889

1,33

Sol brun

3,195

0,378

0,180

0,185

0,759

0,823

1,29

Aiguilles de 2 ans

 

Podzol

3,833

0,403

0,147

0,192

0,828

0,756

1,21

Sol brun

4,172

0,298

0,250 1

0,173

0,913

0,728

1,24

La corrélation entre la fertilité de la station et la teneur des aiguilles en éléments minéraux n'est en général pas significative. On a trouvé pour les pins une corrélation significative dans deux pays mais seulement pour l'azote et le phosphore dans les aiguilles de l'année et pour l'azote et le manganèse dans les aiguilles de deux ans. Pour l'épicéa, il est beaucoup plus rare de trouver une corrélation significative, aucune n'a pu être mise en évidence dans plus d'un pays pour un élément quelconque.

Discussion

Influence des facteurs du climat

Ces études n'ont mis en évidence aucune influence nette du climat sur le bilan général des éléments nutritifs dans le sol. Cependant, les quantités de matière organique et d'azote sont plus élevées dans les sols de l'Europe centrale, plus faibles dans le Sud de la Scandinavie et surtout dans le Nord de la Finlande. L'influence du climat sur la teneur des aiguilles en éléments minéraux s'est montrée extrêmement faible.

En général, on n'a observé une corrélation significative entre la fertilité de la station et la teneur en éléments nutritifs que dans le cas où tous les peuplements d'un même groupe étaient situés sur le même type de sol. On a donc essayé de voir si les peuplements de pays voisins pouvaient être regroupés pour l'exploitation des résultats. Il est apparu que dans les peuplements de pins d'Europe centrale sur podzol, il existe une corrélation hautement significative entre l'index de la station et la quantité d'azote dans les horizons de surface. Dans les sols bruns et dans les sols bruns podzoliques, la corrélation dépend du taux de calcium dans le sol. Si l'on exclut les sols riches en calcium (on a compris les sols contenant au maximum 1700 kg de CaO à l'hectare et exclu ceux contenant au minimum 5 200 kg). On trouve une corrélation hautement significative, pour les peuplements de pins comme pour ceux d'épicéas, entre l'index de la station et la quantité d'azote existant dans les horizons de surface (sur podzol, on a seulement 3 peuplements d'épicéas). Dans cette région plus étendue, il n'existe aucune corrélation significative entre l'index de la station et les autres éléments nutritifs. Dans la même région, la teneur des aiguilles en éléments minéraux présente une certaine corrélation avec la fertilité. Cependant, nous avons vu que le taux d'azote dans les aiguilles varie parallèlement à celui du sol; c'est pourquoi cette corrélation est seulement apparente.

Les peuplements étudiés représentent assez bien l'aire naturelle du pin et de l'épicéa en Europe centrale. Ces corrélations montrent que dans toute cette région, le climat est également favorable à la croissance de ces deux essences. Les climats des zones étudiées en Finlande et en Suède paraissent à cet égard différents l'un de l'autre et s'écartent également du climat de l'Europe centrale, de sorte que la discussion doit porter séparément sur chacune de ces régions.

Evaluation de la fertilité de la station

Le matériel utilisé dans cette étude n'est pas suffisant pour permettre de tirer des conclusions définitives sur le point de savoir laquelle des méthodes, analyse du sol ou analyse foliaire, rend le mieux compte de la fertilité de la station. Cependant, les résultats indiquent clairement que, en dépit des limites évoquées dans cet article, l'analyse du sol donne des résultats plus sûrs. Lors de l'étude des différences entre les groupes d'index, on a remarqué que les variations des éléments du sol étaient beaucoup plus souvent significatives que celles des éléments des aiguilles. En particulier, les teneurs en azote, manganèse et phosphore se sont révélées de bons indicateurs locaux de la fertilité. En outre, la corrélation trouvée pour les peuplements d'Europe centrale entre l'index de la station et la teneur en azote du sol montre de façon beaucoup plus nette la supériorité de l'analyse du sol pour l'évaluation de la fertilité.

Ces résultats montrent que c'est l'azote qui rend le mieux compte de la fertilité du sol. Cette étude ne permet pas de connaître l'ordre d'importance des autres éléments. Cet ordre est probablement différent lorsqu'il s'agit de types de sols de formation différente. Dans une étude scientifique, il faut donc analyser le plus grand nombre possible d'éléments. Lorsque les conditions locales sont bien connues, l'analyse de quelques éléments seulement peut suffire pour l'évaluation de la fertilité.

Cette étude indique qu'il existe souvent une forte corrélation entre la teneur en manganèse et la fertilité. Nous admettons maintenant que les besoins des plantes en manganèse sont très faibles mais il se peut que les arbres aient des besoins insoupçonnés. Il est clair que le rôle du manganèse et peut-être d'autres éléments sur la croissance des arbres doit retenir beaucoup plus l'attention.

Lorsqu'on a réuni les résultats obtenus en Europe centrale, sur le même type de sol, pour les peuplements de pins et d'épicéas, le coefficient de corrélation entre l'index de station et la teneur en azote avait une valeur significative égale (à la probabilité de 0,1 %) à celui concernant une seule espèce. Cela semble indiquer que dans cette région, ces espèces ont pour les mêmes teneurs en azote du sol une croissance analogue.

On pense que 1/6 à 1/2 seulement des éléments du sol qui entrent dans un cycle biologique sont échangeables. D'autre part, l'azote total est déterminé par l'analyse de Kjeldahl. Il semble que les plantes soient en fait capables d'utiliser des éléments non échangeables et même, en se nourrissant par contact, des particules de sol minéral. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles l'analyse de l'azote faite de cette manière représente le mieux, dans la plupart des cas, la fertilité du sol.

Beaucoup de chercheurs considèrent que l'analyse foliaire permet une évaluation plus sûre de la fertilité de la station. Cependant, cette méthode a surtout été employée dans de jeunes peuplements ou plantations alors que la présente étude concerne surtout des peuplements mûrs. Le plus grand intérêt de l'analyse foliaire est peut-être qu'elle révèle les carences en certains éléments. Il semble évident que, dans les peuplements étudiés ici, la teneur des aiguilles en éléments minéraux est en général supérieure au seuil de carence, sauf peut-être en ce qui concerne la teneur en azote des peuplements de pins scandinaves. Les aiguilles n'ont jamais manifesté aucune chlorose.

Le métabolisme de l'acide citrique met en jeu plusieurs acides organiques, et certaines plantes contiennent aussi d'autres acides, par exemple l'acide oxalique. Il est clair que la fonction des cations des cellules est, dans une large mesure, d'équilibrer les acides organiques et les anions minéraux, tels que phosphates, sulfates et chlorures (par exemple, DeKock, 1958). Pour cette raison, on ne peut s'attendre à ce que l'analyse foliaire des cations reflète de façon satisfaisante la fertilité de la station.

Analyse du sol

La corrélation entre l'index de la station et la quantité d'éléments nutritifs a été calculée non seulement pour les horizons de surface mais aussi pour les horizons plus profonds et pour l'ensemble des horizons étudiés. Le coefficient de corrélation est, en général, le meilleur pour les horizons de surface. Ces résultats confirment les observations antérieures d'après lesquelles il est plus important de connaître la teneur en éléments nutritifs des couches supérieures du sol. L'exacte profondeur du sol à analyser varie probablement suivant les pays mais l'observation du sol en place montre que la profondeur atteinte par les racines de l'une ou l'autre espèce varie, en général, dans des limites assez étroites. Ainsi, la profondeur de l'horizon de surface qui doit être analysée pour l'évaluation de la fertilité pourrait probablement être universellement admise sans grands risques.

Pour les sols avec un horizon retenant l'eau ou avec une nappe d'eau susceptibles d'être atteints par les racines, il faut faire exception à la règle habituelle. Dans certains cas, ces sols doivent être étudiés sur plusieurs mètres de profondeur. Le chercheur doit s'attendre à cela dans tous les sols alluviaux. Dans les études de la fertilité du sol, on détermine d'ordinaire les éléments échangeables. Cette valeur dépend de plusieurs facteurs et un des moins étudiés, quoique probablement très important, est le rôle de la végétation et de la matière organique en général. On sait que de nombreux acides organiques forment des chélates, des complexes, ou des précipités avec des cations polyvalents et ainsi empêchent l'échange de ces cations.

L'analyse d'échantillons pris au hasard montre que ces «complexes inhibiteurs» existent en beaucoup plus grande quantité dans la couverture morte d'épicéa que dans celle de pin. Cela explique peut-être en partie pourquoi la corrélation entre la fertilité et les éléments minéraux du sol est plus faible dans les peuplements d'épicéa. Comme exemple de l'importance d'un complexe inhibiteur, on peut noter qu'un échantillon de couverture morte d'épicéa, récemment analysé dans notre laboratoire, contenait environ 50 m.e./100 g d'acide oxalique. L'oxalate de calcium est faiblement soluble et ce calcium ne peut être extrait par l'acétate d'ammonium. Les sols de notre étude varient également beaucoup en ce qui concerne la capacité d'échange des éléments de la couche organique. Il semble donc que de nouvelles recherches fondamentales sur les méthodes chimiques d'analyse du sol soient nécessaires. Ce travail doit porter sur des sols forestiers et non, comme cela a été fait jusqu'ici, sur des sols agricoles.

Le phosphore a été déterminé dans cette étude par deux méthodes, extraction à l'acétate d'ammonium et au lactate de calcium. Les quantités extraites étaient, en général, plus faibles avec le lactate qu'avec l'acétate. Cependant, dans tous les sols polonais, mais surtout dans les sols de pins, les quantités extraites au lactate étaient beaucoup plus importantes. En général, on pouvait, par les deux méthodes, mettre en évidence une différence significative entre les groupes d'index.

On a trouvé une corrélation négative entre la fertilité et l'index des minéraux basiques pour les peuplements de pins du Nord de la Finlande. Certaines des placettes-échantillons étaient situées sur un sol dont la granulite était la roche mère, et les minéraux lourds (poids spécifique > 2,68) de la granulite ne jouent pratiquement aucun rôle comme source d'éléments nutritifs pour les plantes. Ainsi les possibilités d'application de cette méthode pour les études de fertilité doivent être confirmés par des analyses minéralogiques.

Il existe une corrélation hautement significative (au seuil de 0,1 %) entre la capacité de rétention en eau et la teneur en éléments fins (< 0,02 et < 0,002 mm). Ainsi, cette méthode simple peut très bien servir de mesure rapide de la texture du sol.

Conclusions

L'analyse du sol et l'analyse foliaire sont toutes les deux largement employées comme méthodes d'évaluation de la fertilité de la station. Il faut donc essayer de déterminer les conditions dans lesquelles une de ces méthodes a plus d'avantages et moins d'inconvénients que l'autre.

On a noté ci-dessus que l'analyse foliaire peut mettre en évidence l'insuffisance d'un élément. Elle peut également avoir des avantages sur les pentes où les mouvements de l'eau dans le sol apportent continuellement de nouveaux éléments. L'analyse foliaire sera peut-être intéressante également sur les sols stratifiés. Cependant, la période pendant laquelle on peut prélever des échantillons de feuilles est très courte. En outre, les résultats dépendent beaucoup du temps qu'il a fait avant le prélèvement, notamment de la pluie; aussi, l'analyse d'un peuplement doit-elle porter sur plusieurs années (Wehrmann 1959). Les résultats peuvent aussi dépendre de perturbations dans le métabolisme (DeKock 1958). Et finalement, l'analyse foliaire ne permet pas d'évaluer la fertilité d'un terrain sans arbre.

D'autre part, l'analyse du sol donne probablement des résultats plus sûrs dans les peuplements jeunes et adultes et en donnera d'autant plus que les besoins des arbres dans différentes conditions de sols seront mieux compris. Dans les jeunes peuplements et plantations, les deux méthodes peuvent être de valeur égale, cependant, il est clair que les résultats de l'analyse foliaire sont plus difficiles à interpréter que ceux de l'analyse de sol (Wilde 1958).

La conclusion à tirer de ces études est que, de ces deux méthodes, l'analyse de sol doit être la méthode classique pour l'évaluation critique de la fertilité de la station en forêt. Lorsqu'on aura corrigé les défauts de l'analyse de sol, elle tendra à supplanter l'analyse foliaire. Dans certains cas exceptionnels, l'analyse de sol pourra peut-être être complétée par l'analyse foliaire.

Ouvrages cités

AALTONEN, V. T. Comm. Inst. Forest. Fenn. 37.8, 1950, Ibid. 45.2, 1955.

DEKOCK:, P. C. Agricultural Progress 33, 1958.

LEYTON, LEONARD. The physiology of forest trees, 1958.

STREBEL, O. Forstw. Cbl. 79, 1960.

TAMM, CARL-OLOF. Medd. Stat. Skogsf. Inst. 43.1, 1953.

VIRO, P. J. Comm Inst. Forest. Fenn. 39.4, 1951, Ibid. 45.6, 1955.

WILDE, S. A. Agr. Expt. Sta, Michigan State Univ. 1958.

WITTICH, M. Allg. Fortzschr. 1938.

Carte mondiale des sols

La réunion tenue en juin à Rome, d'un groupe consultatif pour approuver le calendrier d'une action commune FAO/UNESCO à mener pendant une période s'étendant sur plus de quatre années, a constitué une étape essentielle vers la réalisation d'une carte mondiale des sols.

Cette première carte mondiale des sols illustrera de façon parlante la répartition des principaux sols et, grâce à la coordination des efforts aux échelons national et international, facilitera les échanges des connaissances d'une région à l'autre.

Elle permettra de formuler des jugements sur les possibilités d'utilisation des différents types de sol. La carte mondiale à petite échelle sera établie à partir de cartes régionales à plus grande échelle, telles que la carte des sols d'Europe. Elle entraînera l'établissement de cartes régionales à plus grande échelle et, éventuellement, de cartes des ressources du sol avec indication de ses propriétés relatives aux possibilités de production agricole. Coordonnée par la Division de l'utilisation des terres et des eaux de la FAO, la première phase du travail consistera dans la préparation de cartes régionales comportant une légende complète: Australie en 1962; Amérique du Nord, Amérique du Sud, Amérique Centrale, Europe et Proche-Orient en 1963; Asie septentrionale et centrale (qui, avec l'Europe, renferme l'ensemble de l'U.R.S.S.), Asie méridionale, Asie du Sud-Est et Afrique en 1964. Le prochain congrès de l'Association internationale de la science du sol, qui doit se tenir en Roumanie en 1964, disposera ainsi d'une série de cartes continentales et d'un premier aperçu sur la carte mondiale des sols. La seconde phase correspondra à la préparation, en 1966, d'une seconde esquisse de la carte mondiale en vue de la publication définitive, en 1968, sous forme d'un atlas à feuillets mobiles comprenant quelque 40 feuilles.


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