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8. COMPATIBILITE DES EXIGENCES DES UTILISATIONS DES TERRES AVEC LES QUALITES DES TERRES


8.1 Etapes de confrontation des utilisations des terres avec les qualités des terres
8.2 Compatibilité: introduction
8.3 Décomposition des éléments des types d'utilisation des terres
8.4 Compatibilité: besoins des cultures
8.5 Compatibilité des qualités concernant l'aménagement
8.6 Qualités des terres concernant les besoins de conservation
8.7 Aptitude des terres à des types d'utilisation: combinaison des estimations concernant les cultures, l'aménagement et la conservation
8.8 Examen intermédiaire et processus d'itération
8.9 Conclusion

8.1 Etapes de confrontation des utilisations des terres avec les qualités des terres

Dans les chapitres 8 et 9, on verra comment il faut procéder pour comparer les exigences de chaque type d'utilisation avec les qualités de chaque unité cartographique de terre et les analyser de différentes manières, afin d'attribuer une classe d'aptitude générale de la terre à chaque type d'utilisation envisagé pour chaque unité de terre.

Les différentes étapes de ce processus de comparaison sont les suivantes:

- premier essai de compatibilité des exigences des utilisations des terres avec les qualités des terres;

- examen provisoire et itération;

- amélioration des terres;

- impacts sur l'environnement;

- analyse économique et sociale;

- examen et vérification sur le terrain;

- classification de l'aptitude des terres.

La première étape consiste à confronter les exigences des utilisations avec les qualités des unités de terre afin d'établir des classes d'aptitude approximatives. Dans certaines études, il faut, à ce stade, considérer les effets d'améliorations envisagées ou la façon dont les qualités des terres peuvent changer en mieux grâce à des travaux importants. On analyse ensuite l'incidence sur l'environnement des modes d'utilisation envisagés.

Si l'on suit la méthode à deux phases (section 3.5.6.1), l'étape suivante est l'analyse économique et sociale. Dans certaines évaluations, il peut s'agir d'une activité essentielle, d'importance comparable à l'étude de la compatibilité sur le plan physique. Elle est suivie d'un réexamen et d'une vérification sur le terrain, au cours desquels on revoit les résultats provisoires à la lumière des appréciations faites et de l'expérience acquise. Au terme de cette démarche, on réunit les éléments disponibles pour faire une classification des aptitudes des terres.

A chaque étape on a recours au processus d'itération, qui consiste à revenir en arrière pour modifier l'analyse à la lumière des résultats obtenus à un stade ultérieur.

8.2 Compatibilité: introduction

Le terme "compatibilité" a un sens large et un sens restreint. Dans son sens large, il désigne le processus par lequel on adapte progressivement et réciproquement les types d'utilisation et les unités de terres à mesure que l'évaluation avance, afin de trouver les meilleures aptitudes. On adapte les types d'utilisations en modifiant leurs descriptions; on peut parfois aussi adapter les qualités des unités de terres en procédant à des améliorations (section 9.2). Grâce à ce processus, les classes d'aptitude tendent à s'élever à mesure que l'évaluation progresse, car on fait correspondre de plus en plus étroitement les exigences des utilisations des terres avec les qualités des unités de terres.

Au sens restreint, le terme "compatibilité" se rapporte au stade initial des études de compatibilité, c'est-à-dire à la confrontation proprement dite des exigences des types d'utilisations avec les qualités d'unités de terres déterminées. C'est ce sens restreint que nous donnerons au terme compatibilité dans le présent chapitre.

Figure 8.1 - Compatibilité des exigences des types d'utilisation des terres et des qualités des unités des terres

La figure 8.1 est une représentation schématique de ce premier essai de compatibilité. La compatibilité répond à la question "Dans quelle mesure les qualités des terres satisfont-elles aux exigences de l'utilisation des terres?". La réponse à cette question conduit à une première approximation des classes d'aptitude des terres basée sur des critères physiques.

Cette confrontation est une composante importante de tout type d'évaluation des terres. Dans des évaluations fondées sur une classification qualitative des aptitudes (section 3.5.5.11), elle constituera l'étape essentielle et mènera à une approximation assez juste des aptitudes finales des terres. Par contre, dans des évaluations employant une classification économique des aptitudes, les résultats provisoires de la confrontation physique devront sans doute être substantiellement modifiés au vu des conclusions de l'analyse économique.

Les types d'utilisation des terres comportent des exigences qui découlent de la (ou des) culture(s) pratiquée(s), du système d'aménagement et des besoins de conservation (tableau 6.1). Quand un type d'utilisation comprend un plan de cultures intégré, il faut tenir compte des interactions qui se produisent entre les cultures dont il se compose et des pratiques d'aménagement correspondantes en définissant l'aptitude d'une unité particulière.

Le coefficient d'aptitude des terres est l'aptitude partielle d'une unité de terre donnée à un type d'utilisation déterminé, compte tenu d'une qualité ou d'un ensemble de qualités de la terre. Ainsi, une unité de terre peut avoir, pour un type d'utilisation particulier, un coefficient d'aptitude si s1 l'on tient compte du régime thermique, mais s3 si l'on tient compte de la disponibilité en eau.

L'évaluation des aptitudes peut se faire selon deux voles différentes. Si on choisit la première voie, on effectue d'abord des estimations pour la, (ou les) culture(s) concernée(s), estimations qui se limitent nécessairement aux aspects écologiques et techniques des cultures; on combine ensuite ces estimations avec des considérations liées au système agronomique lui-même, c'est-à-dire intensité de culture, mécanisation. Si on emprunte la seconde vole, on effectue directement une estimation basée sur les cultures envisagées dans le contexte des systèmes agronomiques.

En général, la première approche convient aux évaluations couvrant une vaste gamme de types d'utilisations des terres; on peut suivre la seconde quand l'évaluation porte sur un petit nombre de types bien définis.

Qu'elles se succèdent ou soient successives ou menées simultanément, les étapes de l'estimation sont les suivantes:

i. estimation des aptitudes des terres aux différentes cultures et assolements considérés;

ii. estimation des aptitudes en fonction de l'aménagement,

iii. estimation des aptitudes en fonction des risques d'érosion et de dégradation des sols;

iv. combinaison des étapes i-iii dans des classes générales d'aptitude correspondant à des types d'utilisation des terres.

Prenons comme exemple le type d'utilisation: "Production mécanisée de maïs et d'arachide sur de grandes exploitations gérées par l'Etat, avec un niveau élevé de technicité". L'estimation des aptitudes se fondera sur:
- l'aptitude particulière des terres à porter des cultures de maïs et d'arachide, avec un niveau élevé de technicité;

- les qualités liées à l'aménagement, notamment les possibilités de mécanisation, la dimension des unités potentielles de production;

- une estimation de l'aptitude en fonction du risque d'érosion et de dégradation des sols dans le cas d'une agriculture mécanisée de maïs-arachide hautement technicisée.

8.3 Décomposition des éléments des types d'utilisation des terres

L'étude des compatibilités demande que les exigences de chaque type d'utilisation soient mises en parallèle avec les qualités de chaque unité de terre. Supposons que chaque type d'utilisation ait, en moyenne, quinze exigences importantes. Une étude comportant l'évaluation de 8 types d'utilisations sur 10 unités de terre exigerait: 8 x 10 x 15 = 1 200 comparaisons.

On peut considérablement réduire ce chiffre si quelques-uns des types d'utilisation ont des éléments en commun en ce qui concerne les besoins des cultures, d'aménagement ou de conservation. Le tableau 8.1 en donne un exemple. Si l'on prend comme hypothèse que chaque type d'utilisation des terres (LUT) peut convenir aux dix unités de terre (LU), le nombre de comparaisons qu'il faudra faire entre les exigences des utilisations (LUR) et les qualités des terres (LQ) des unités de terre, sera le suivant:

Comparer 8 besoins des cultures pour trois cultures avec les LQ de 10 LU

= 8 x 3 x 10 = 240

Comparer 5 besoins d'aménagement pour 3 types d'aménagement avec les LQ de 10 LU

= 5 x 3 x 10 = 150

Comparer 2 besoins de conservation liés à 8 LUT culture/aménagement de 10 LU

= 2 x 8 x 10 = 160

TOTAL

550


Le nombre total de comparaisons LUR/LQ à faire est de 550. C'est un progrès par rapport aux 1 200 combinaisons possibles si les LUT n'étalent pas décomposés en éléments correspondant aux besoins des cultures, d'aménagement et de conservation.

Il convient d'être prudent quand on emploie cette méthode, car les besoins des cultures ne sont pas tout à fait indépendants de l'aménagement. Si les types d'aménagement P, Q et R se réfèrent tous à la petite agriculture, avec utilisation de cultivars similaires et peu de différences en ce qui concerne les niveaux d'intrants, l'exemple est valable. Si les types d'utilisation des terres (LUT) présentent de grandes différences quant au degré d'aménagement (par exemple petite agriculture traditionnelle et grande production mécanisée), il faudra éventuellement estimer les besoins des cultures séparément pour chaque système d'aménagement.

Tableau 8.1 - EXEMPLE DE DISSOCIATION DES ELEMENTS DES TYPES D'UTILISATION DES TERRES

Type d'utilisation des terres

Culture

Aménagement: niveau d'intrants

Conservation: Mesures de lutte contre l'érosion

A

Maïs

Faible

non

B

Maïs

Moyen

non

C

Maïs

Elevé

non

D

Sorgho

Faible

non

E

Sorgho

Moyen

non

F

Sorgho

Elevé

oui

G

Haricot

Faible

non

H

Haricot

Moyen

non

8.4 Compatibilité: besoins des cultures


8.4.1 Combinaison des coefficients d'aptitude des terres
8.4.2 Emploi des données sur les rendements agricoles
8.4.3 Combinaison des aptitudes agricoles
8.4.4 Résumé des méthodes de compatibilité en vue d'une classification des aptitudes des terres

8.4.1 Combinaison des coefficients d'aptitude des terres

En suivant les indications données aux chapitres 5 et 6, l'équipe de l'évaluation des terres a rassemblé les informations suivantes:

- qualités et caractéristiques des terres pour chacune des unités de terres;

- tableaux indiquant les exigences importantes des utilisations pour chacun des types d'utilisation des terres envisagés.

Ces deux séries d'informations permettent d'obtenir, pour une unité de terre quelconque, le coefficient d'aptitude correspondant à chacune des qualités des terres importantes. Pour chaque qualité de terre, tour à tour on obtient les valeurs de la ou des caractéristique(s) qui ont servi à son estimation pour l'unité de terre choisie; on les compare avec les exigences des utilisations des terres décrites dans le tableau et on en déduit le coefficient du paramètre considéré.

Un coefficient du paramètre représente donc une aptitude partielle d'une unité de terre à un type d'utilisation des terres, basé sur une exigence de l'utilisation et sa qualité de terre correspondante.

Ces différents coefficients sont réunis dans le tableau 8.2, dont on donne ici deux versions: le tableau 8.2 A dans lequel les coefficients attribués aux cultures, à l'aménagement ou à la conservation sont présentés séparément, et le tableau 8.2 m qui combine tous les coefficients.

La marche à suivre, séparément pour chaque culture ou type d'utilisation des terres, est la suivante:

a. pour le type d'utilisation envisagé, noter dans le tableau 8.2 le degré d'importance des qualités (dans la pratique, il est généralement préférable de préparer une version abrégée du tableau, en omettant les qualités des terres qui n'influent sensiblement sur aucun des types d'utilisation envisagés dans la zone à l'étude);

b. pour chacun des emplacements considérés, insérer dans le tableau 8.2 les coefficients d'aptitude correspondant à chaque qualité des terres classée 1 très importante ou 2 moyennement importante;

c. combiner les différents coefficients dans une aptitude d'ensemble du site pour le type d'utilisation des terres considéré. A ce stade, quatre méthodes sont possibles, chacune pouvant être utilisée en fonction des circonstances:

i. combinaison subjective;
ii. conditions limitatives;
iii. procédé arithmétique;
iv. modélisation.
Il est aussi possible de combiner ces différentes méthodes (Sys, 1980).

i. Combinaison subjective

Le tableau des coefficients d'aptitude des terres (tableaux 8.2 A et m) résume de façon très condensée les conditions pertinentes des terres sur l'emplacement considéré. Si l'évaluateur a une bonne connaissance de l'écologie et de la technologie de la culture ou du type d'utilisation des terres, il pourra et devra de préférence donner une appréciation sur chaque estimation et définir subjectivement une aptitude d'ensemble.

L'avantage de ce procédé est qu'il permet de tenir compte de divers raffinements qui ne relèvent pas des calculs arithmétiques. Si on attribue, par exemple, la classe s2 à deux qualités des terres, ces attributions pourront parfois s'additionner pour donner une classe S2; mais dans d'autres cas avoir un effet cumulatif suffisant pour faire tomber l'aptitude combinée dans la classe S3. Il peut y avoir aussi des interactions entre certaines qualités des terres (bien que la définition et la notion de "qualité des terres" soient conçues pour atténuer ces interactions).

Tableau 8.2A - COMBINAISON DES COEFFICIENTS D'APTITUDE DES TERRES POUR UNE UNITE DE TERRE DONNEE

MODELE D'ESTIMATION SEPAREE DES BESOINS DES CULTURES, DES BESOINS D'AMENAGEMENT ET DES BESOINS DE CONSERVATION

Notes:

1. Normalement, une version abrégée de ce modèle, ne comprenant que les qualités employées dans l'évaluation, sera suffisante.

2. Les coefficients d'aptitude des terres se réfèrent à une culture ou à un type d'utilisation déterminé sur une unité de terre donnée.

CULTURE:
TYPE D'UTILISATION DES TERRES:

CULTIVAR:

BESOINS DES CULTURES

Qualité des terres

Importance

Coefficient d'aptitude des terres

Notes

1. Rayonnement




2. Régime thermique




3. Disponibilité en eau




4. Oxygène disponible pour les racines




5. Disponibilité en éléments nutritifs




6. Capacité de rétention des éléments nutritifs




7. Conditions d'enracinement




8. Conditions influant sur la germination et l'établissement




9. Effet du degré hygrométrique de l'air sur la croissance




10. Conditions de maturation




11. Risque d'inondations




12. Aléas climatiques




13. Excès de sels




14. Toxicités du sol




15. Ravageurs et maladies




(autres besoins des cultures)




Données sur les rendements des cultures:

Aptitude des terres (résultats préliminaires):

Analyse:

BESOINS D'AMENAGEMENT

Qualité des terres

Importance

Coefficient d'aptitude des terres

Notes

16. Maniabilité du sol




17. Possibilités de mécanisation




18. Besoins de défrichement et de préparation de la terre




19. Conditions d'entreposage et de transformation des produits




20. Conditions influant sur le calendrier de la production




21. Circulation à l'intérieur de la zone de production




22. Dimension des unités potentielles d'aménagement




23. Localisation




(autres besoins d'aménagement)




Aptitude des terres (résultats préliminaires):

Analyse

BESOINS DE CONSERVATION

Qualité des terres

Importance

Coefficient d'aptitude des terres

Notes

24. Risque d'érosion




25. Risque de dégradation du sol




Aptitude des terres (résultats préliminaires):

Analyse:


Tableau 8.2B - COMBINAISON DES COEFFICIENTS D'APTITUDE DES TERRES POUR UNE UNITE DE TERRE DONNEE

MODELE D'ESTIMATION COMBINEE DE TOUTES LES EXIGENCES DES UTILISATIONS DES TERRES

Notes:

1. Normalement, une version abrégée de ce modèle, ne comprenant que les qualités employées dans l'évaluation, sera suffisante.

2. Les coefficients d'aptitude des terres se réfèrent à une culture ou à un type d'utilisation déterminé, sur une unité de terre donnée.

TYPE D'UTILISATION DES TERRES:

CULTIVAR:

Qualité des terres

Importance

Coefficient d'aptitude des terres

Notes

1.

Rayonnement




2.

Régime thermique




3.

Disponibilité en eau




4.

Oxygène disponible pour les racines




5.

Disponibilité en éléments nutritifs




6.

Capacité de rétention des éléments nutritifs




7.

Conditions d'enracinement




8.

Conditions influant sur la germination et l'établissement




9.

Effet du degré hygrométrique de l'air sur la croissance




10.

Conditions de maturation




11.

Risque d'inondations




12.

Aléas climatiques




13.

Excès de sels




14.

Toxicités du sol




15.

Ravageurs et maladies




16.

Maniabilité du sol




17.

Possibilités de mécanisation




18.

Besoins de défrichement et de préparation de la terre




19.

Conditions d'entreposage et de transformation des produits




20.

Conditions influant sur le calendrier de la production




21.

Circulation a l'intérieur de la zone de production




22.

Dimension des unités potentielles d'aménagement




23.

Localisation




24.

Risque d'érosion




25.

Risque de dégradation du sol




Autres données sur la production ou les rendements des cultures:

Aptitude des terres (résultats préliminaires):

Analyse:


La combinaison subjective a pour inconvénient qu'un même fait n'entraîne pas toujours la même décision, surtout si l'évaluation est conduite par deux ou plusieurs personnes, et que, deuxièmement, elle n'est fiable que si l'évaluateur a une bonne connaissance de toutes les cultures ou types d'utilisation des terres considérées.

ii. Conditions limitatives

La méthode la plus simple, et qui en outre s'appuie sur la logique, est de tenir l'estimation la moins favorable comme un élément limitatif. S'il y a cinq qualités des terres importantes ou influentes, respectivement classées s1, s1, s3, s2 et s1, l'aptitude d'ensemble est considérée comme S3. La logique de ce procédé tient au fait qu'il ne sert à rien d'avoir des conditions excellentes en ce qui concerne le régime thermique, la disponibilité en eau, l'absence de sels et de toxicités, etc., si les conditions d'enracinement sont limitées par une profondeur de sol de 10 cm. Ce procédé est l'extension de la loi des minimums, bien connue en agriculture, selon laquelle le rendement végétal sera conditionné par l'élément nutritif qui se trouve en plus faible quantité.

Il faut toujours appliquer la méthode des conditions limitatives quand on a une estimation égale à N, aptitude nulle. Etant donné que seules sont prises en considération les qualités jugées très ou moyennement importantes, ne pas considérer qu'une estimation "n" limitant l'aptitude générale contredirait le principe même sur lequel repose cette estimation.

Une seconde règle est que, si une qualité est estimée très importante, son aptitude doit être considérée comme limitative. Il peut y avoir quelques exceptions à cette règle, mais ces exceptions équivalent à une remise en cause du qualitatif "très important".

Pour les estimations de qualités jugées "Moyennement importantes" et non inférieures à la classe s3, la situation est moins évidente. On peut avoir une série de cinq estimations de qualités moyennement importantes, classées s1, s1, s3, s1 et s2 qui, dans certains cas, justifiera une aptitude d'ensemble S2 et, par ailleurs, un ensemble de cinq estimations s2 dont l'effet combiné fera tomber l'aptitude générale en S3. Aucun de ces exemples ne se pose en règle; le premier pourrait aussi bien justifier la classe S3 et le second la classe S2. Tout dépend des qualités des terres considérées, de leur effet total sur le rendement de la culture, des intrants nécessaires pour sa production, et, parfois, de la qualité du produit.

La méthode des conditions limitatives a pour avantage sa simplicité et le fait qu'elle fournit, dans la plupart des cas, une estimation prudente de l'aptitude générale, c'est-à-dire, qu'elle donne soit une estimation correcte soit une légère sous-estimation de l'aptitude d'ensemble. Son inconvénient est qu'elle ne tient pas compte des interactions, c'est-à-dire des différentes façons dont les qualités des terres se combinent pour influer sur l'aptitude générale.

iii. Méthodes arithmétiques

Les différentes estimations, exprimées numériquement, peuvent se combiner, soit par multiplication, soit par addition.

Dans la méthode de multiplication, on attribue à chaque classe d'aptitude une valeur allant de 1,0 pour s1 à 0,0 pour n (cette dernière étant automatiquement soumise à la règle susmentionnée, à savoir que les aptitudes nulles sont limitatives). Les valeurs les plus appropriées peuvent varier d'une zone à une autre et nécessiter d'être ajustées empiriquement. On suggère les valeurs suivantes:

s1 = 1,0

s2 = 0,8

s3 = 0,5

n = 0,0


On multiplie ces valeurs pour toutes les qualités des terres "moyennement" et "très" importantes. On reconvertit ensuite le produit de cette multiplication en une classe d'aptitude générale en utilisant non pas la même échelle (ce qui donnerait un nombre beaucoup trop grand de classes S3) mais l'échelle des rendements agricoles présentée dans le tableau 6.2, à savoir: de 0,8 à 1,0 = S1; de 0,4 à 0,8 = S2; de 0,2 à 0,4 = S3 et de 0,0 à 0,2 = N.

Voici un exemple illustrant cette méthode:

Qualité des terres No:

1

3

5

7

9

toutes les autres

Degré d'importance:

2

1

2

1

2

3

Aptitude:

s2

s2

s1

s3

s2

-


L'aptitude d'ensemble s'obtient en multipliant:

0,8 x 0,8 x 1,0 x 0,5 x 0,8 = 0,26 = S3

Cette méthode pose un problème qui découle de sa structure: plus le nombre des qualités considérées (ayant une aptitude autre que si) est grand, plus, le résultat est petit. Ainsi le produit de quatre qualités s2 est égal à 0,84 = 0,41, soit S2, mais l'addition d'une cinquième qualité s2 abaisse l'aptitude d'ensemble comme suit: 0,84 = 0,33, soit S3. C'est pourquoi il faut utiliser le même nombre de qualités dans tous les calculs qui feront l'objet de comparaisons; si quelques-unes des qualités ne sont pas nécessaires, on leur attribue automatiquement la classe si; le résultat ne changera pas si s1 correspond à 1,0.

On peut affiner la méthode en faisant varier les valeurs attachées aux estimations d'aptitude selon que la qualité considérée est "moyennement" ou "très" importante, par exemple:

Degré d'importance

Valeurs attribuées aux estimations d'aptitude

s1

s2

s3

N

Très importante

1,0

0,7

0,4

0,0

Moyennement importante

1,0

0,9

0,6

0,0


Si l'on reprend l'exemple cité ci-dessus en utilisant ces valeurs révisées, l'aptitude d'ensemble devient: 0,8 x 0,7 x 1,0 x 0,4 x 0,8 = 0,18 = N

Le fait que la qualité des terres (LQ 7) classée S3 soit considérée comme importante pour la culture a eu pour effet de faire baisser l'aptitude générale de S3 à N.

Une autre variante possible consiste à donner a chaque coefficient une fourchette de valeurs qui permet d'avoir une plus grande souplesse et d'introduire une certaine subjectivité dans l'attribution des coefficients.

Dans un certain nombre d'études centrées sur une zone particulière, on a obtenu de bonnes corrélations entre les coefficients d'aptitude générale calculés de cette façon et les rendements végétaux enregistrés (Sys, 1978, 1980). Mais si l'on change de zone, il est généralement nécessaire d'ajuster les coefficients, ou de modifier leur valeur en fonction des rendements végétaux.

Dans la méthode par addition, on se fixe des règles quant au nombre d'estimations de classes s2 et s3 qui sera pris pour ramener l'aptitude générale dans des classes données, par exemple:


Classe d'aptitude générale


Nombre

de 0 à 1

S1

d'estimations s2:

de 2 à 4

S2


5 ou plus

S3

Nombre

de 0 à 1

S2

d'estimations s3:

de 2 à 3

S3


4 ou plus

N


L'exemple ci-dessus n'est qu'une illustration. Il faudra établir, en fonction des conditions locales, des règles devant donner des résultats satisfaisants.

Il faut savoir cependant que l'application aveugle des méthodes arithmétiques peut donner des résultats qui défient la sens commun. Le danger est particulièrement grand si l'on emploie l'informatique. A titre de précaution, il importe de confronter les résultats provisoires avec l'expérience des exploitants, les indications du bon sens et, si possible, des données sur les rendements agricoles.

8.4.2 Emploi des données sur les rendements agricoles

Dans le Cadre, les rendements agricoles étaient considérés comme une qualité des terres. Ce point de vue, quoique logique, risquait de prêter à confusion, aussi recommande-t-on ici de considérer les rendements agricoles observés comme un type de données distinct qui servira de moyen de comparaison pour tester et modifier les aptitudes établies d'après les qualités de terres. (Cette approche est comparable a l'emploi de "l'indice d'emplacement" dans les évaluations forestières et à l'observation de la biomasse dans l'évaluation des pâturages.)

Quand on dispose de données fiables, les rendements agricoles observés sont un meilleur critère d'estimation des aptitudes que les méthodes fondées sur les qualités des terres. Dans le cas hypothétique où la totalité de la zone étudiée serait couverte par un réseau très dense d'essais variétaux et d'essais d'engrais, il serait inutile d'entreprendre d'autres études que l'analyse des résultats de ces essais. Mais ce cas ne se présente jamais, même dans les zones de culture intensive des pays développés.

Les données sur les rendements agricoles servent, en premier lieu, a estimer directement les aptitudes des terres pour les emplacements correspondants; elles offrent, en second lieu, un moyen précieux de vérifier et, dans une certaine mesure, de calibrer les estimations de l'aptitude déduites des coefficients attribués aux qualités des terres.

i. Sources de données sur les rendements agricoles

Les sources d'information sur les rendements agricoles sont, par ordre de précision approximativement décroissant, les suivantes:

a. parcelles expérimentales mises en place sur des sites représentatifs pendant l'évaluation;

b. données provenant d'essais conduits dans des stations expérimentales;

c. archives des services de documentation des ministères de l'agriculture ou d'exploitations techniquement avancées;

d. échantillons de cultures prélevés dans les champs des agriculteurs;

e. calculs théoriques basés sur le climat et les sols.

La première méthode, connue parfois sous le nom de méthode des emplacements-témoins, est la plus fiable car elle peut s'employer dans des conditions expérimentales contrôlées. On peut choisir des sites représentatifs des principales unités de terres sur lesquelles on cherche à se documenter, mesurer les précipitations et contrôler et uniformiser les pratiques d'aménagement. Elle exige certainement au moins une année de travail, plutôt deux ou trois pour les cultures annuelles, et ne peut s'appliquer (au cours de l'évaluation) aux cultures pérennes. Même si on ne l'emploie pas pour l'évaluation, elle a son utilité, dans le cadre de grands travaux de mise en valeur des terres, en ce qu'elle permet de créer des sites-témoins qui serviront plus tard pour le suivi des projets.

La seconde méthode, qui consiste à utiliser les données d'expériences antérieures, se rapporte à l'analyse des résultats d'essais d'engrais et d'essais variétaux. Il faudra visiter les stations ou emplacements expérimentaux et identifier les sols selon les unités de terres utilisées dans l'évaluation. Il faudra aussi comparer les résultats avec les précipitations enregistrées. Les renseignements sur les rendements ne doivent pas concerner uniquement la zone étudiée; les rendements obtenus sur des sites similaires, situés en dehors de la zone, peuvent aussi être utiles. Certaines exploitations, privées ou publiques, peuvent aussi avoir soigneusement enregistré les rendements obtenus les années précédentes, en même temps que des indications générales sur l'aménagement.

La quatrième méthode, qui consiste à prélever des échantillons dans les champs des agriculteurs, fournit des renseignements moins faciles à vérifier (aménagement mal formulé, pratiques d'aménagement non normalisées) mais elle a l'avantage d'être réaliste en ce qui concerne les pratiques effectives. Si l'évaluation comporte l'étude des plans de cultures, il sera possible de rassembler ce genre de données au cours de ladite étude. Ces renseignements pourront être utilement comparés avec ceux qui proviennent de parcelles expérimentales mieux contrôlées.

Les calculs théoriques des rendements ne peuvent servir que dans le cadre d'études peu détaillées de types d'utilisation des terres définis à grands traits, comme dans le Projet relatif aux zones agro-écologiques de la FAO. La méthode consiste à faire d'abord des calculs fondés sur les paramètres climatiques, puis a faire successivement des corrections négatives pour tenir compte des contraintes pédologiques, des maladies, etc. (FAO, 1978/80/81).

ii. Application pratique des données sur les rendements agricoles

Il y a deux façons d'utiliser pour l'évaluation les données sur les rendements: la méthode directe et la méthode indirecte. La méthode directe consiste simplement à porter les rendements sur la carte des unités de terres ou, ce qui revient au même, à dresser des tableaux des rendements enregistrés sur chaque unité de terre. On calculera, si possible, les écarts moyens et les écarts types, les limites interquartiles et autres mesures de la variance. Les unités de terres sur lesquelles les rendements sont régulièrement élevés sont classées comme ayant une aptitude élevée et ainsi de suite. Pour des raisons évidentes, on n'aura pas de données sur les rendements des terres inaptes. Cette méthode permet d'éviter de faire l'étude des compatibilités.

La méthode indirecte consiste à dériver des équations de régression mettant en relation les rendements agricoles (variables dépendantes) et les qualités des terres. Cette méthode exige une grande quantité de données provenant soit de parcelles expérimentales, soit des champs des agriculteurs situés soit dans la zone à l'étude, soit dans d'autres zones ayant un contexte écologique et socio-économique similaire. Les classes d'aptitude des terres qui en résultent ne concernent que les éléments agricoles des types d'utilisation des terres. Les coefficients relatifs à l'aménagement et à la conservation doivent être tirés du travail de compatibilité.

Il est indispensable de lier les données sur les rendements au niveau d'intrants et aux pratiques d'aménagement auxquels se rapportent ces rendements. Il faut, en particulier, préciser les variétés végétales et les engrais.

On a encore assez peu d'expérience de l'emploi des régressions rendements agricoles/qualité des terres pour l'estimation des qualités des terres. Nombre des relations qui entrent en jeu sont complexes. En particulier, quand on échantillonne les rendements dans les champs des agriculteurs, les différences d'aménagement masquent souvent des corrélations avec certains paramètres d'environnement (Young et Goldsmith, 1977). Néanmoins, ce procédé constitue une méthode quantitative exacte permettant d'estimer l'effet de différentes qualités des terres sur les rendements agricoles et offre de grandes possibilités de progrès. Il semble que, d'une manière générale, deux a quatre qualités de terres sont à l'origine de la plupart des variations de rendements enregistrées dans une zone donnée.

Quand on utilise la modélisation pour mettre en parallèle les besoins des cultures et les qualités des terres (section 6.3.4), il n'est pas toujours nécessaire de fixer, pour les différents paramètres, des limites entre les classes d'aptitude. On calculera la baisse de rendement d'après les interactions des divers facteurs qui déterminent les besoins des cultures (cf. section 3.5.5.iv).

On peut illustrer cette méthode par une analyse des rendements de maïs obtenus à Angonia, Mozambique (Radcliffe et Rochette, 1982).

L'analyse de 36 séries de données sur les rendements, provenant de parcelles échantillonnées sur des fermes d'Etat et des fermes coopératives, met en évidence la relation suivante avec les qualités des terres:

Y = 0,63 + 4,83 NAI + 4,00 MAI - 1.21 E

(r2 = 0,37)


où:

Y = rendements agricoles
NAI = indice de la disponibilité en éléments nutritifs (LQ = disponibilité en éléments nutritifs)
MAI = indice de la disponibilité en eau (LQ: disponibilité en eau)
E = Classe d'érosion actuelle (LQ: conditions influant sur la germination et l'établissement)
r = Coefficient de détermination.
On n'a pas trouvé de corrélations significatives entre les rendements et d'autres qualités des terres (régime thermique, disponibilité en oxygène, conditions d'enracinement).

Au moyen de l'équation ci-dessus, on a utilisé les valeurs mesurées de NAI, MAI et E correspondant à de nouvelles zones potentielles pour calculer les rendements de maïs escomptés. On a également calculé le rendement que l'on pourrait obtenir dans des conditions optimales (NAI = 1,0; MAI = 1,0; E = 0) et attribué des classes d'aptitude en fonction des rendements calculés pour des unités de terres particulières sur la base de S1 = 80 - 100 pour cent des conditions optimales, S2 = 40 - 80 pour cent des conditions optimales; S3 = 20 - 40 pour cent des conditions optimales; N = moins de 20 pour cent des conditions optimales (les critères sont les mêmes que ceux qui sont indiqués dans le tableau 6.2). On trouvera ci-dessous les gammes de rendements correspondant aux classes d'aptitude des terres calculées au moyen de l'équation ci-dessus:

Classe d'aptitude des terres

Gamme de rendement
(tonnes/ha)

Pourcentage des conditions optimales

S1

9,46 - 7,57

80 - 100

S2

7,56 - 3,78

40 - 80

S3

3,77 - 1,89

20 - 40

N

1,88 - 0,00

0 - 20


8.4.3 Combinaison des aptitudes agricoles

Pour estimer l'aptitude des terres à des combinaisons de cultures, il faut d'abord estimer l'aptitude des terres à chacune des cultures considérées, par exemple maïs et arachide. En général l'aptitude des terres à un plan de culture comprenant deux ou plusieurs cultures ne sera pas plus élevée que l'aptitude la plus faible ressortant des estimations et cette hypothèse peut être tenue pour une première approximation. Par exemple, si une unité de terre a été jugée comme ayant une aptitude S2 pour le maïs et S1 pour l'arachide, on prend au départ l'aptitude S2 pour le système combiné. Mais cette règle peut se trouver modifiée quand, par la suite, on examine les rotations. Par exemple, si l'attribution d'une faible aptitude a la culture du maïs est due à une carence en éléments nutritifs, et surtout à la forte demande d'azote de cette culture, le placement du maïs en rotation avec une légumineuse pourra compenser cette limitation.

Les options culturales désignent les cultures auxquelles se prête une unité cartographique de terre. Le nombre des options culturales a pu être utilisé comme critère pour estimer l'aptitude d'une zone au développement de l'agriculture pluviale (voir Hill et al. 1.978/80). Les débouchés commerciaux et les prix peuvent évoluer et la possibilité de passer d'une culture à une autre est un atout pour un système agronomique.

8.4.4 Résumé des méthodes de compatibilité en vue d'une classification des aptitudes des terres

Les opérations qui conduisent à définir, à partir d'estimations de différentes qualités des terres, une aptitude générale des terres à diverses cultures peuvent se résumer comme suit:

i. pour la culture considérée, inscrire dans le tableau 8.2 le degré d'importance et les coefficients d'aptitude correspondant aux qualités des terres;

ii. en employant une ou plusieurs des méthodes décrites dans la section 8.4.1, établir une première approximation de la classe d'aptitude générale. Ajouter une brève analyse des limitations qui ont entraîné cette classification, par exemple: "les conditions climatiques et la disponibilité en eau sont propices; la profondeur et la maniabilité du sol sont satisfaisantes, mais, en raison de limitations moyennement graves concernant la disponibilité et la rétention des éléments nutritifs, l'aptitude doit être ramenée à la classe S3".

A ce stade de première approximation, il est permis d'utiliser des classes de transitions, par exemple S2/S3;

iii. revoir la première approximation sous deux angles. Premièrement, introduire dans le tableau des données sur les rendements agricoles lorsqu'on en dispose, et voir si celles-ci confirment ou modifient la classification. Deuxièmement, si l'on a suivi une procédure bien définie, soumettre les résultats à l'épreuve du bon sens et du raisonnement;

iv. une fois revue la première approximation, décider de la classification définitive de l'aptitude et l'inscrire au bas du tableau. A ce stade, il faut éliminer les classes de transition. Dans la pratique, les mêmes combinaisons d'estimations des qualités des terres reviendront de nombreuses fois; chaque combinaison ne sera mesurée, comme il est indiqué ci-dessus, que la première fois;

v. en se référant aux plans de cultures identifiés, obtenir des estimations de l'aptitude des terres à des cultures combinées.

8.5 Compatibilité des qualités concernant l'aménagement

Ce paragraphe se rapporte aux qualités 16 à 23. Celles-ci peuvent être évaluées de deux manières; (i) isolément, (ii) en relation avec les cultures considérées.

Selon la première méthode, on estime les possibilités de mécanisation, par exemple, du point de vue de l'agriculture mécanisée en général. Les autres qualités des terres pertinentes sont traitées de façon similaire. Ces aptitudes sont ensuite combinées aux aptitudes relatives aux cultures. Par exemple, l'aptitude des terres à une production mécanisée de maïs et d'arachide résulte de la combinaison de l'aptitude des terres à ces cultures (séparément ou dans le cadre d'un plan de culture) et de l'aptitude des terres à la mécanisation.

Selon la seconde méthode, l'aptitude des terres à la mécanisation est estimée en fonction spécifiquement des cultures envisagées; dans l'exemple cité, il s'agit de l'aptitude à la culture mécanisée du maïs et de l'arachide. La production mécanisée d'autres cultures peut avoir d'autres exigences. D'autres qualités d'aménagement peuvent aussi être propres à certaines cultures; ainsi, la nécessité de cueillettes fréquentes des fruits du palmier à huile suppose l'existence d'un réseau de routes de desserte ou d'une vole ferrée à l'intérieur de la plantation. La localisation est un aspect important pour les cultures volumineuses, comme la canne à sucre; tandis qu'une culture ayant une plus grande valeur par unité de poids, comme le tabac, peut être cultivée dans des régions plus éloignées.

La première méthode est plus simple et convient à des évaluations portant sur des zones étendues ou sur de nombreuses cultures différentes. La seconde est préférable quand on dispose d'un temps suffisant, et convient à des études plus spécialisées et plus détaillées.

Dans les plans de cultures comprenant des cultures intercalaires ou successives, le temps disponible pour procéder aux façons culturales et aux récoltes prend une importance capitale. Cet aspect doit être pris en compte dans l'estimation des qualités des terres où le temps joue un rôle, comme la maniabilité du sol et la circulation à l'intérieur de l'unité de production.

8.6 Qualités des terres concernant les besoins de conservation

En ce qui concerne le risque d'érosion, l'exigence de l'utilisation des terres sera normalement la même pour tous les types d'utilisation, à savoir que la perte de sol due à l'érosion en nappe (ou l'érosion éolienne) ne devra pas dépasser une valeur acceptable déterminée et que le danger d'un début d'érosion en ravines devra être minime.

Dans ce cas, l'étude des compatibilités consiste, en principe, à estimer la perte de sol découlant de chaque type d'utilisation (culture plus aménagement) sur chaque unité de terre. Toute combinaison terres/utilisation des terres qui dépasse le taux maximum de perte admissible est jugée inapte. Cette classification l'emporte sur les classifications des aptitudes fondées sur les cultures et l'aménagement.

Pour abréger des calculs qui seraient nombreux sans cela, on peut regrouper les types d'utilisation des terres dans des ensembles caractérisés par un couvert végétal et un aménagement comparables. Ces ensembles seront confrontés avec les classes correspondant au risque d'érosion, calculé en combinant l'angle de pente, la perméabilité ou la texture du sol, l'intensité des précipitations, etc. (section 7.2, LQ 24).

En ce qui concerne le risque de dégradation du sol, il faut établir l'intensité culturale appropriée. Celle-ci est fondée sur le besoin d'une période de repos du sol, suivant le climat, le sol et le niveau d'intrants. L'étude de compatibilité consiste ensuite à juger si l'intensité de culture du type d'utilisation considéré est supérieure ou inférieure à celle que requiert l'unité de terre (section 7.2 LQ 25).

De pair avec l'intensité de culture, on établit la rotation de cultures et autres aspects du plan de culture. Comme il a été noté dans la section précédente, l'aptitude à une culture particulière peut, dans certains cas, être revalorisée quand on considère la place de la culture dans un assolement.

8.7 Aptitude des terres à des types d'utilisation: combinaison des estimations concernant les cultures, l'aménagement et la conservation

Au stade final de l'étude des compatibilités, on combine les aptitudes des terres à la culture ou à des cultures, le système d'aménagement et les besoins de conservation pour obtenir une aptitude générale des terres au type d'utilisation. Cette combinaison se fait sur la base des conditions limitatives, c'est-à-dire que l'on fixe comme aptitude générale la plus faible des trois aptitudes entrant dans la combinaison. Si l'aptitude d'une unité de terre à un assolement maïs-arachide est S1, si l'aptitude à la culture mécanisée est S3, et si les besoins de conservation découlant de ces cultures et de cet aménagement justifient un classement S2, l'aptitude générale de l'unité de terre à une production mécanisée de maïs et d'arachide sera égale à S3, qui correspond à une aptitude marginale résultant d'une aptitude limitée à la culture mécanisée.

On définit de cette façon les aptitudes de chaque unité de terre, pour chacun des types d'utilisation envisagés pour ladite unité.

Les résultats obtenus au terme de cette phase initiale de la compatibilité peuvent aussi être présentés comme dans les tableaux 8.3 A et B. Le tableau 8.3.A propose un modèle qui permet de comparer les coefficients d'aptitude calculés en fonction des exigences d'un type d'utilisation donné sur un certain nombre d'unités de terres différentes. En lisant le tableau, on peut déduire, par exemple, que pour le type d'utilisation considéré certaines unités ont une limitation en eau, d'autres ont un sol peu facile à travailler, etc.

Le tableau 8.3B permet de comparer les coefficients d'aptitude des terres et les exigences de plusieurs types d'utilisation différents envisagés pour une même unité de terre. On peut voir, par exemple, que la disponibilité en eau de l'unité de terre donnée répond aux exigences de certains types d'utilisation mais pas à celles d'autres types.

Ce genre de représentation schématique attire l'attention sur les limitations qui ont entraîné le déclassement des aptitudes. Cela peut être utile quand on envisage d'éventuelles améliorations des terres (section 9.2).

8.8 Examen intermédiaire et processus d'itération

L'évaluation de l'aptitude des terres a ceci d'important qu'elle laisse toute liberté pour réviser les résultats provisoires et y apporter des améliorations au moyen du processus d'itération. La première étude des compatibilités est une bonne occasion de faire une révision de ce genre.

On analysera minutieusement les aptitudes des terres provisoirement établies au moyen de l'étude des compatibilités, pour voir si on peut les améliorer en:

i. modifiant le caractère du type d'utilisation, notamment en élevant le niveau d'intrants;
ii. modifiant l'unité de terre, par des améliorations des terres.
La seconde hypothèse est examinée dans la section 9.2. Le mandat de l'évaluation doit prévoir la possibilité de modifier les types d'utilisation des terres. Dans les évaluations à but général, on aura le champ libre pour suggérer d'autres solutions; par contre, dans les évaluations à but particulier, la gamme des modifications susceptibles d'être apportées aux types d'utilisation est limitée par les objectifs.

Par exemple, dans une évaluation axée sur la possibilité de créer des plantations de canne à sucre, il sera hors de propos de suggérer d'autres cultures même si cette suggestion devait aboutir à une meilleure classification de l'aptitude. Il est permis cependant d'envisager quelques modifications dans les conditions d'aménagement qui permettront de relever la classe d'aptitude des terres.

Pour prendre un exemple, si une unité de terre assez mal drainée est classée comme ayant une aptitude S3 (marginale) pour un type d'utilisation donné, cette unité peut être reclassée si:

a. on modifie le caractère du type d'utilisation des terres. En plantant sur des billons (plutôt que dans des sillons), on augmente l'aération de la zone radiculaire, ce qui peut conduire à relever l'aptitude des terres à la classe S2. Cette modification peut exiger un léger accroissement de l'apport de main-d'oeuvre ou de capital. Un changement plus radical du type d'utilisation, comme en remplaçant la canne à sucre par la culture du riz, permettra éventuellement d'attribuer le coefficient S1 si la culture de remplacement a été jugée appropriée compte tenu des autres qualités des terres, mais un tel changement risque d'être contraire aux objectifs du projet;

b. on modifie l'unité de terre. L'installation d'un réseau de drainage améliorerait cette qualité, jusqu'à présent défavorable.

En supposant qu'il est techniquement et économiquement possible de soit modifier le type d'utilisation des terres, soit améliorer la terre et que cela est acceptable compte tenu des objectifs du projet, on sera éventuellement amené à réviser la classification des aptitudes et à la faire passer à S2.

Dans certaines évaluations, la modification des caractéristiques des types d'utilisation des terres par une analyse du rapport intrants/extrants est une technique importante. En utilisant cette méthode (étudiée plus en détail dans la section 9.4.6.ii) et en étudiant parallèlement l'amélioration des terres, l'équipe d'évaluation peut produire des recommandations concernant non seulement les classes d'aptitude des terres mais aussi des améliorations et modalités d'aménagement propres à remédier aux limitations de certaines unités de terres. Cette technique est surtout intéressante pour un travail détaillé au niveau du village ou des exploitations, pour lequel on emploie des unités de terre délimitées en fonction de leur aptitude et dont le principal objectif est de formuler des recommandations en vue d'améliorer l'aménagement.

Grâce à ces techniques de révision et, le cas échéant, d'itération, on peut passer de l'étude initiale des compatibilités, consistant simplement à comparer les exigences des utilisations et les qualités des terres, à une étude de la compatibilité prise dans son sens large, moyennant des ajustements réciproques visant à optimiser la classification des aptitudes.

8.9 Conclusion

Les aptitudes obtenues à ce stade, c'est-à-dire à la fin de l'étude initiale des compatibilités et des processus d'itération qui l'accompagnent, ne sont qu'une approximation. Dans les évaluations qualitatives, elles correspondront sans doute, dans de nombreux cas, aux classifications définitives. Dans les évaluations économiques, les classes subiront probablement davantage de modifications. Mais, dans toutes les évaluations, quelles qu'elles soient, les classes d'aptitude, provisoirement établies à l'issue du premier essai de compatibilité, doivent être ultérieurement analysées, selon les techniques décrites dans le chapitre 9.

Tableau 8.3A - MODELE DE PRESENTATION DES RESULTATS DE L'ETUDE DE LA COMPATIBILITE DES EXIGENCES DES UTILISATIONS AVEC LES QUALITES DES TERRES POUR UNE UNITE DONNEE

Unité de terre: Système de terre de Jalabaya, Elément N° 1; pentes douées, luvisols ferriques de moyenne profondeur.

Exigences des utilisations des terres/qualités des terres1/

Coefficients d'aptitude à des types d'utilisation des terres

A

B

C


Mais, Faible niveau d'intrants

Maïs, Niveau d'intrants moyen

Sorgho, Culture mécanisée, haut niveau d'intrants

etc.

Régime thermique

S1

S1

S1


Disponibilité en eau

S2

S2

S1


Disponibilité en oxygène

S1

S1

S1


Disponibilité en éléments nutritifs

S3

S2

S2


Rétention des éléments nutritifs

NR

S1

S1


Conditions d'enracinement

S2

S2

S1


Aptitude aux cultures

S3

S2

S1


Maniabilité du sol

S1

S1

S1


Possibilités de mécanisation

NR

NR

S1


Circulation à l'intérieur de l'unité de production

NR

NR

S1


Aptitude à l'aménagement

S1

S1

S1


Risque d'érosion

S2

S2

S1


Aptitude à la conservation

S2

S2

S1


CLASSE D'APTITUDE DES TERRES (classification provisoire après étude initiale des compatibilités)

S2

S2

S1


Observations

Aptitude limitée en raison de la faible disponibilité en éléments nutritifs

-

-


1/ Seules les qualités des terres considérées comme importantes sont incluses.
Tableau 8.3B - MODELE DE PRESENTATION DES RESULTATS DE L'ETUDE DE LA COMPATIBILITE DES EXIGENCES DES UTILISATIONS AVEC LES QUALITES DES TERRES POUR UN TYPE D'UTILISATION DONNEE

Type d'utilisation des terres: Sorgho, culture mécanisée, haut niveau d'intrants.

Exigences des utilisations des terres/qualités des terres1/

Coefficients d'aptitude à des types d'utilisation des terres

1

2

3


Système de terre de Jalabaya
Elément 1

Système de terre de Jalabaya
Elément 2

Système de terre de Mugola
Elément 3

etc.

Régime thermique

S1

S1

S1


Disponibilité en eau

S1

S1

S1


Disponibilité en oxygène

S1

N

S1


Disponibilité en éléments nutritifs

S2

S2

S2


Rétention des éléments nutritifs

S1

S1

S2


Conditions d'enracinement

S1

S2

S1


Aptitude aux cultures

S1

N

S2


Maniabilité du sol

S1

S3

S1


Possibilités de mécanisation

S1

S3

S3


Circulation à l'intérieur de l'unité de production

S1

S1

S2


Aptitude à l'aménagement

S1

S3

S3


Risque d'érosion

S1

S2

S2


Aptitude à la conservation

S1

S2

S2


CLASSE D'APTITUDE DES TERRES (classification provisoire après étude initiale des compatibilités)

S1

N

N


Observations

-

Aptitude limitée par un mauvais drainage; en outre, mécanisation gênée par des sols argileux lourds

Conditions satisfaisantes pour la culture, mais limitation imposée par les difficultés de mécanisation



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