Page précédente Table des matières Page suivante


Génomique forestière pour la conservation de la diversité génétique adaptative[5], [6] (Konstantin V. Krutovskii et David B. Neale[7])

INTRODUCTION

On entend par diversité génétique la base de l’aptitude des organismes à s’adapter aux changements survenant dans leur environnement par le biais de la sélection naturelle. Les populations présentant une faible variation génétique sont plus vulnérables à l’arrivée de nouveaux parasites ou de nouvelles maladies, à la pollution, au changement climatique et à la destruction de l’habitat dus aux activités humaines ou à d’autres catastrophes. L’incapacité de s’adapter aux changements augmente sensiblement le risque d’extinction. La gestion de la conservation de la diversité génétique visant à sauvegarder la diversité génétique adaptative devrait être fondée sur la connaissance de la base génétique d’adaptation.

La présente note est extraite d’un nouveau document de travail de la FAO. L’objectif consiste à décrire brièvement comment la diversité génétique adaptative peut être mesurée à l’aide de nouvelles méthodes de génétique moléculaire et des nouveaux progrès de la génomique forestière. Les conclusions sont résumées ci-après.

RÉSUMÉ DES RÉSULTATS ET CONCLUSIONS

L’étude de l’adaptation est fondamentale pour la foresterie et la conservation des ressources génétiques forestières. Les généticiens forestiers se sont appuyés pendant longtemps sur des essais au champ (expériences de jardins communautaires) et, dans une mesure moindre, sur les marqueurs moléculaires pour étudier les modes d’adaptation dans les arbres forestiers. Les essais au champ permettent d’estimer les paramètres génétiques des caractères mesurables, mais ils ne peuvent ni fournir des informations sur des gènes particuliers ni indiquer comment nombre d’entre eux participent à l’adaptation, ni dans quelle mesure la variation phénotypique peut être expliquée par la variation génétique dans les gènes.

Une autre méthode, généralement complémentaire, pour estimer la diversité génétique adaptative consiste à mesurer la variation génétique à l’aide de marqueurs moléculaires. Il existe de nombreuses techniques de marqueurs moléculaires, mais la plupart mesurent la variation génétique soit neutre soit très conservatrice de la capacité d’adaptation limitée. Il est nécessaire de mettre au point des méthodes diagnostiques rapides et informatives pour évaluer de grands nombres de gènes adaptatifs et la variation génétique pour la conservation in situ. La génomique offre de nouveaux instruments pour étudier l’adaptation chez les arbres. Les généticiens forestiers peuvent utiliser des techniques automatisées, efficaces et rapides pour identifier les séquences de l’ADN et déterminer le génotype d’un grand nombre d’individus. Ils peuvent enfin identifier les gènes responsables de l’adaptation des arbres forestiers au moyen de loci quantitatifs et de la cartographie de gènes candidats à l’aide d’une séquence EST pour des gènes adaptatifs exprimés dans le génome. Ensuite, à l’aide de technologies génotypiques modernes et d’études d’association, les généticiens peuvent déterminer la diversité allélique pour des gènes candidats dans des populations d’arbres forestiers et mesurer directement la diversité allélique adaptative pour des milliers de gènes simultanément.

Malgré des progrès remarquables, il reste beaucoup à faire pour comprendre la nature de la variation génétique qui sous-tend les phénotypes des arbres forestiers adaptatifs. Pour bien comprendre le processus, il faudrait d’abord découvrir, annoter et cataloguer tous les gènes dans le génome des arbres forestiers. Pour atteindre cet objectif, on dispose d’une méthode moderne qui consiste à déterminer la séquence de l’ADN de tout le génome et de déduire les gènes provenant de la séquence de l’ADN, bien qu’une séquence complète ne permette pas à elle seule de comprendre le contrôle génétique des caractères adaptatifs. Il faut ajouter aux problèmes qui se posent en foresterie la complexité et la grande dimension des génomes des arbres. La dimension du génome du pin (20 000-30 000 millions de paires de base), par exemple, est 6 à 8 fois plus grande que celle du génome humain (3 400 millions de paires de base), et 150 à 200 fois plus grande que le génome de l’espèce végétale modèle Arabidopsis thaliana (125 millions de paires de base). Même la dimension physique relativement petite du génome de Populus (500 millions de paires de base), qui est 40 fois plus petite que le conifère le plus étudié, Pinus taeda, et peut donc être une bonne espèce modèle d’arbre forestier, est encore environ 4 fois aussi grande que celle de Arabidopsis (bien que semblable au riz et six fois plus petite que le maïs, les deux étant presque complètement séquencés). De plus, les caractères adaptatifs sont en général très complexes, ont une hérédité quantitative et sont contrôlés par de nombreux gènes ayant chacun des effets relativement limités.

Une méthode alternative (ou parallèle) consiste à déterminer les séquences de l’ADN pour les gènes exprimés uniquement. Pour cela, on peut isoler les ARN messagers, en préparant des bibliothèques d’ADN complémentaires à partir des ARN messagers et en séquençant les ADN complémentaires. Ces séquences EST sont soumises à des bases de données et comparées à toutes les autres séquences dans les bases de données pour voir si elles conviennent aux gènes dont la fonction a été déterminée. Des bases de données contenant des dizaines de milliers de séquences EST ont déjà été produites et sont à la disposition du public pour Pinus, Picea, Populus et Eucalyptus.

La deuxième étape pour comprendre l’adaptation comporte la construction du génome, des loci quantitatifs, des cartes de liens comparatifs et consensuels pour la majorité des essences forestières (par exemple, Sewell et al. 1999). Les cartes génétiques montrent la position des gènes et sont utiles pour comprendre l’organisation et l’évolution du génome. Ce sont des outils très utiles pour identifier les gènes en contrôlant les phénotypes intéressants. Des loci contrôlant des caractères hérités quantitativement, les loci quantitatifs, ont déjà été identifiés dans de nombreuses essences forestières pour divers caractères liés à la croissance, à la qualité du bois et d’autres caractères économiques et adaptatifs. Ces données sont utiles pour l’amélioration des arbres et la conservation des gènes.

Ensuite, on peut recourir à l’analyse du microarray de l’ADN pour étudier les modes d’expression des gènes et pour comprendre la fonction de tous les gènes et leurs interactions. Le rapport entre la grande quantité de diversité allélique dans les gènes et la gamme de différents phénotypes trouvés dans les populations d’arbres forestiers peut être étudiée. Un catalogue des variantes communes de séquence codante dans les gènes d’arbres forestiers peut être créé et mis à l’essai pour association avec un phénotype. Des cartes génomiques haute résolution à l’échelon du génome de polymorphisme connu peuvent être utilisées pour scanner le génome à des fins d’associations marqueurs-caractères adaptatifs.

L’analyse ne doit pas être limitée aux séquences codantes. Il se pourrait que la majorité des mutations importantes résident dans des régions régulatrices. Il faudra donc identifier les variantes dans au moins les séquences régulatrices proximales et distales, car notre connaissance limitée des éléments «régulateurs» dicte le besoin d’une méthode plus globale. Une méthode dans laquelle on cherche des associations marqueurs-caractères nécessitera la construction d’une carte de variantes génétiques haute résolution. Les polymorphismes de nucléotides sont les candidats naturels pour cette carte parce qu’ils sont abondants, qu’ils ont un plus petit taux de mutation que les microsatellites et peuvent être soumis à un génotypage en masse à l’aide de la technique des microarrays.

Il est possible de procéder à une recherche d’association fondée sur des cartes pour de multiples loci adaptatifs, chacun contribuant au phénotype total d’une manière petite mais mesurable, grâce à l’analyse d’haplotype. Les allèles de ces loci peuvent être indirectement reconnus par leurs associations historiques avec d’autres variantes génétiques (par exemple, polymorphisme des nucléotides) dans leur voisinage. L’association non aléatoire de variantes avec une autre (déséquilibre de liaison) est une caractéristique bien connue des génomes de plantes et d’animaux. Les microarray de l’ADN auront un rôle plus important dans le génotypage de milliers de gènes simultanément, dans la création de cartes précises et dans l’établissement d’une carte des composantes de phénotypes adaptatifs complexes. La génomique forestière a un avenir brillant et aura des applications excitantes dans le domaine de la gestion des arbres forestiers et de la conservation des gènes.

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE:

Boshier, D.H and A.G. Young (2000) Forest conservation genetics: limitations and future directions. In: Forest conservation genetics: Principles and practice (A. Young, D. Boshier and T. Boyle, eds), pp. 289-297. CABI Publishing, Royaume-Uni.

Mandal, A.K. and G.L. Gibson (eds.) (1998) Forest genetics and tree breeding. CBS Publishers, New Delhi, Inde.

Sewell, M.M. and D.B. Neale (2000) Mapping quantitative traits in forest trees. In: Molecular biology of woody plants. Forestry Sciences, Volume 64 (S. M. Jain and S. C. Minocha, eds), pp. 407-423. Kluwer Academic Publishers, Pays-Bas.

Young, A., D. Boshier and T. Boyle (eds) (2000) Forest Conservation Genetics: Principles and Practice. CABI Publishing, Royaume-Uni.

LA PRÉSENTE NOTE EST TIRÉE DU DOCUMENT SUIVANT:

Krutovskii, K.V. and Neale, D.B. 2001. Forest Genomics for Conserving Adaptive Genetic Diversity. Forest Genetic Resources Working Papers, Working Paper FGR/3, Forest Resources Development Service, Forest Resources Division. FAO, Rome (publié en anglais seulement et disponible sur la page d’accueil de la FAO).

Le document de travail s’appuie sur une conférence de M. Krutovskii, K.V., intitulée: Forest genomics and new molecular genetic approaches to measuring and conserving adaptive genetic diversity in forest trees. (Génomique forestière et nouvelles méthodes de génétique moléculaire pour mesurer et conserver la diversité génétique adaptative des arbres forestiers). Présentée lors d’un atelier de formation organisé par l’Institut international des ressources phytogénétiques (IPGRI), Rome et le Ministère fédéral autrichien de l’agriculture, de la foresterie, de l’environnement et de la gestion des eaux (BMLFUW), avec la collaboration technique de la FAO. L’atelier de formation s’est tenu à Gmunden (Autriche) du 30 avril au 11 mai 2001.

Le texte intégral, disponible gratuitement auprès de la FAO (Rome), comprend les principales sections ci-après:

1. Introduction
- Pourquoi il est important de mesurer et de sauvegarder la diversité génétique dans les populations d’arbres forestiers

- Méthodes traditionnelles pour mesurer la diversité génétique adaptative.

2. Comment la conservation des ressources génétiques forestières peut-elle tirer parti des nouveaux progrès de la génomique
- Introduction à la génomique

- Séquençage de l’ADN de génomes entiers

- Découverte de gènes et polymorphisme de séquences EST

- Cartographie physique et génétique fine du génome entier à l’aide de nombreux marqueurs génétiques

- Analyse du contrôle génétique de caractères adaptatifs complexes à l’aide de la cartographie de loci quantitatifs

- Cartographie de gènes candidats de gènes adaptatifs

- Cartographie comparative de gènes adaptatifs

3. Bioinformatique et bases de données génomiques

4. Conclusions

5. Références


[5] Reçu en juin 2001. Original: anglais.
[6] Le présent article est tiré d’un nouveau document de travail de la FAO, voir encadré à la fin de l’article.
[7] USDA Forest Service, Pacific Southwest Research Station, Institute of Forest Genetics, Environmental Horticulture Department, University of California at Davis, One Shields Avenue, Davis, Ca 95616, USA; E-mail: [email protected]; http://www2.psw.fs.fed.us/ifg/Staff/kostya.htm

Page précédente Début de page Page suivante