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ANNEX 3. DÉVELOPPEMENT ET RECHERCHE SUR L'INTÉGRATION DE L'IRRIGATION ET DE L'AQUACULTURE AU BURKINA FASO

par

André T. KABRÉ
Institut du Développement Rural
Bobo-Dioulasso

Henri ZERBO
Direction des Pêches
Ouagadougou

Résumé

Depuis 1970, le Gouvernement de Burkina Faso a déployé un grand effort dans l'éradication de la faim, du manque d'eau et de toute autre forme de problèmes inhérents à la sécheresse. Une grande partie du pays est située en plein coeur du Sahel où la pluviomètrie moyenne annuelle est de 1 000 mm. Le potentiel en terres irrigables est estimé a plus de 220 000 ha. Il existe 2 100 retenues d'eau pour les usages domestiques, agricoles et hydro-électriques. Dans différentes situations ce sont les villageois qui, de leur propre initiative et de leurs propres ressources, ont construit les barrages afin de faire face aux calamités naturelles. Ces retenues d'eau sont devenues le facteur clef pour le développement économique du pays.

Cependant la pêche et l'aquaculture restent des activités peu développées. Les terres irriguées (plus de 16 000 ha) et les différentes retenues d'eau permanentes (environ 300 ha de superficie) constituent une potentialité réelle en eau pour une production soutenue de poisson et pour le développement de l'intégration irrigation-aquaculture.

Summary

Since the early 1970s the Government of Burkina Faso has been making big efforts to overcome food shortage, lack of water and drought related problems. A large part of the country is located in the heart of the Sahelian Region with a mean yearly rainfall of 1 000 mm. The irrigation potentiel is estimated at more than 220 000 ha. There are 2 100 man-made small water bodies which collect rainfall water for domestic, agricultural and hydro-electric uses. In several instances, villagers have built the dams on their own initiative and with their own resources, in order to prevent natural disasters. The dams have become key factors in the economic development of the country.

But fishing and aquaculture activities have not yet been well developed. The irrigated areas (more than 16 000 ha) and the perennial dams (about 300 ha) constitute a real water resource potential for sustainable fish production and for the development of integrated irrigation-aquaculture.

1 STATUT DE L'IRRIGATION AU BURKINA FASO

1.1 Développement de l'Irrigation

Le Burkina Faso est situé dans la zone sahélienne. Les conditions climatiques difficiles du pays ont obligé le Gouvernement à développer une politique de l'eau visant la construction de barrages pour subvenir aux multiples besoins hydro-agricoles, hydro-électriques et domestiques. Au total 2 100 barrages de différentes capacités, en majorité saisonniers, ont été construits ces dernières années. Les barrages pérennes sont pour la plupart concentrés dans la partie centrale du pays: ce sont des retenues d'eau de 50 à 100 ha de superficie minimale en période d'étiage, et de 150 à 300 ha de superficie maximale en période d'hivernage.

Le potentiel en terres irrigables a été estimé à 164 460 ha mais seulement 10 pour cent est effectivement utilisé pour l'irrigation. Les récentes constructions des barrages de Bagré et du Sourou ont accru le potentiel d'irrigation du pays de 60 000 ha.

Le Programme National de Développement de l'Irrigation est confié à l'Office National des Barrages et des Aménagements Hydro-agricoles (ONBAH). D'autres institutions s'occupant aussi de l'aménagement des retenues d'eau sont: la Maîtrise d'Ouvrage de Bagré (MOB) pour l'aménagement hydro-agricole et hydro-électrique du barrage de Bagré, l'Autorité de Mise en Valeur de la Vallée du Sourou (AMVS) pour le barrage du Sourou, le Fonds d'Équipement des Nations Unies (FENU), diverses ONG et le Centre Régional pour l'Eau Potable et l'Assainissement à Faible Coût (CREPA) établi par la Banque Mondiale.

Le riz est la principale culture céréalière irriguée dans le pays. Les autres cultures irriguées sont essentiellement des cultures maraîchères (tomates, salade, choux, etc.).

Les principales contraintes au développement de l'irrigation sont l'envasement rapide des retenues d'eau, les pratiques agricoles inadéquates à la protection des retenues et enfin la non disponibilité de ressources financières. Sur le plan sanitaire, le paludisme et la bilharziose sont des maladies très répandues pouvant compromettre les programmes d'irrigation.

1.2 Recherche sur l'Irrigation

La recherche et la formation sur l'irrigation sont assurées par les institutions ci-après:

a) Institut du Développement Rural (IDR) à l'Université Polytechnique de Bobo-Dioulasso. Cet institut possède trois départements: le Département d'Agronomie, le Département d'Elevage et le Département des Eaux et Forêts. Des cours sur l'utilisation de l'eau en aquaculture intégrée et sur la limnologie sont dispensés aux étudiants de première et deuxième années d'ingénieur.

b) Ecole Inter-Etats d'Ingénieurs de l'Equipement Rural (EIER) et Ecole Inter-Etats des Techniciens Supérieurs de l'Hydraulique et de l'Equipement Rural (ETSHER) sont tous deux des centres internationaux de formation et de recherche.

c) Institut National de l'Environnement et de Recherches Agricoles (INERA): il possède cinq centres régionaux à travers le pays. Ces centres ont pour mission de promouvoir la recherche agricole dont celle de l'irrigation.

2 STATUT DE L'AQUACULTURE

2.1 Développement de l'Aquaculture

Les activités aquacoles ont débuté depuis les années 50 avec la pisciculture extensive des tilapias. Ce fut principalement un projet de recherche-développement qui a duré jusque dans les années 70 sans possibilité de renouvellement. En 1980, le Projet d'Aquaculture de Banfora vit le jour, avec le soutien financier de la Caisse Centrale de Coopération française. Il projetait de passer de la pisciculture extensive à la pisciculture intensive en bassins allongés parcourus par un fort débit d'eau. Cette pisciculture intensive était située au barrage de la Lobi. Sa production annuelle potentielle en poisson était estimée à 400 tonnes. Ce projet prit fin en 1985 avec la fermeture des activités suite à des problèmes techniques et financiers (maladies, détérioration des conditions d'élevage, écoulement inadéquat des produits, etc.).

Des essais de pisciculture villageoise ont été pratiqués par les volontaires américains du Corps de la Paix. Ces essais ont connu un certain degré de vulgarisation dans la région du Sud-Ouest. Parallèlement en 1980, l'USAID a financé la construction de la station de pisciculture de Bazèga dans le centre du pays.

Au même moment, le projet allemand MISEROR se donna pour mission l'aménagement de la pêche dans différentes régions du pays avec la possibilité de développer la pisciculture villageoise chez des groupements de pêcheurs.

Le Gouvernement a ensuite bénéficié d'un financement du Fonds Européen de Développement (5èmeFED) pour le Projet de Valorisation du Potentiel Halieutique (VPH). Le VPH, comme tous les autres projets, ferma ses portes à la fin du financement extérieur.

De nos jours, la Direction des Pêches se contente de réhabiliter la station piscicole de Bazèga dans le but de produire des alevins pour l'empoissonnement de petites retenues d'eau situées au centre du Burkina Faso. Un financement allemand a relançé le Projet Gestion de la Pêche dans le Sud-Ouest avec pour mission d'accroître la production des pêcheries artisanales et d'expérimenter la pisciculture en étang avec la participation des populations locales.

Certaines contraintes au développement de l'aquaculture sont le manque d'intégration de l'aquaculture aux programmes de développement de l'agriculture, les difficultés des services publics à conduire les projets de développement sur fonds propres, le manque de prise en compte de la perception des populations et de leur vision culturelle de l'aquaculture, ainsi que l'absence d'une stratégie nationale impliquant les institutions de recherche et les Services de l'agriculture dans le développement et la vulgarisation des technologies halieutiques.

2.2 Etat de la Recherche en Aquaculture

Deux aspects peuvent être pris en compte en matière de recherche aquacole au Burkina Faso: les activités de recherche-développement conduites par la Direction des Pêches et la recherche menée par les institutions de recherche (Universités de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso, INERA).

a) Activités de recherche-développement

La Direction des Pêches a intégré la recherche à la production de juveniles de tilapia en étang et la pisciculture de repeuplement avec la participation des populations. Une expérimentation de pisciculture intégrée poisson-canard a été réalisée dans la station de Bazèga. Les résultats des recherches faites par le projet VPH ont été présentées par Baijot et al. (1994).

b) Activités menées par les Institutions de recherche

3 INTÉGRATION IRRIGATION-AQUACULTURE (IIA)

3.1 Intégration au Niveau Villageois

La pisciculture villageoise a été expérimentée par le projet VPH dans les barrages de Tanguiga, Goudri et Ramitenga. La pisciculture y a été pratiquée par les populations riveraines et des groupements de pêcheurs, en association avec des cultures maraîchères en amont de chaque barrage. Actuellement, il existe une volonté manifeste de conduire des activités de recherche en matière d'intégration irrigation-aquaculture.

3.2 Programme Spécial pour la Sécurité Alimentaire et IIA

Au Sud-Ouest du pays (isohyète 800 mm) plusieurs sites ont été sélectionnés comme ayant des potentialités pour des cultures irriguées de riz et de maïs. Ces sites sont:

a) Sites avec irrigation effectivement contrôlée: vallées du Kou, du Banzon et du Sourou.

b) Vallée avec importante nappe d'eau: rivière Comoé.

c) Sites de cultures pluviales: divers.

Les projets pilotes du PSSA envisagent l'introduction de la pisciculture associée à l'élevage de poulets, de porcs ou de boeufs.

3.3 Contraintes au Développement de IIA

Dans la litérature existante, plus d'une centaine d'organisations et de banques finançant des projets de production halieutique en Afrique sont listées. Malgré ces financements, des échecs sont souvent constatés quelques années après le démarrage des activités. Ces échecs sont principalement attribuables au fait que culturellement, l'aquaculture n'est pas bien connue en Afrique et surtout au Burkina Faso.

D'une manière générale, les contraintes au développement de l'aquaculture au Burkina sont:

- le manque d'expérience de la Direction des Pêches et des institutions de recherche en matière d'aquaculture, et en particulier en rizipisciculture;

- le manque général de juvéniles de tilapias;

- la compétition entre l'élevage animal et la pisciculture pour l'utilisation des ingrédients alimentaires disponibles localement, exception faite pour l'irrigation intégrée lorsque une usine de transformation du riz existe et fonctionne;

- l'absence d'Internet et de courrier electronique;

- l'absence d'une contrepartie financière nationale pour les projets bénéficiant d'un financement extérieur.

3.4 Thèmes de Recherche pour IIA

L'Institut du Développement Rural a défini un certain nombre de thèmes de recherche avec la Direction des Pêches. Cette collaboration est renforcée par la participation d'universités belges. La toute récente collaboration avec le PSSA pourra être renforcée à travers des programmes de recherche appliquée.

Le premier thème de recherche porte sur la rizipisciculture dans les zones d'intervention du PSSA. Il devrait être développé par l'équipe de recherche de l'IDR en collaboration avec les producteurs, la Direction des Pêches et des universités belges. Vingt unités d'expérimentation (parcelles de riz) choisies en fonction de la nature du sol seront utilisées. Deux variétées de riz seront cultivées en blocs expérimentaux. Divers traitements seront appliqués aux unités d'expérimentation: monoculture de tilapia, monoculture de silure ou polyculture tilapia-silure. Des aliments de complément à base de résidus de cuisine ou de brisures de riz ou maïs seront distribués au poisson.

Des géniteurs de 100 g de poids moyen seront élevés en étangs de ponte pour produire les alevins qui seront utilisés en rizipisciculture. La production naturelle d'alevins en retenues d'eau sera stockée dans d'autres étangs, les villageois récoltant eux-mêmes cette production naturelle. L'excédent d'alevins sera utilisé pour le repeuplement de petites retenues d'eau. Les empoissonnements auront lieu en juin; en novembre, les tilapias devraient atteindre un poids individuel de 200 g et les silures 500 g pour un taux moyen de croissance de 5 pour cent par semaine. A ce poids, les individus seront récoltés et écoulés sur le marché. Les données statistiques observées seront analysées selon la méthode des blocs randomisés. Le projet devrait contribuer à l'amélioration de la production halieutique par la pisciculture villageoise et la pêche; il devrait aussi contribuer à augmenter le revenu des riziculteurs.

Le second thème de recherche (pisciculture associée à l'élevage) se déroulera aussi dans les sites choisis par le PSSA et pourrait s'enrichir de l'expérience des essais poisson-canard faits récemment dans la station piscicole de Bazèga. Les étangs seront construits soit en amont, soit en aval du barrage et l'empoissonnement se fera à partir des alevins produits naturellement dans les retenues d'eau les plus proches et récoltés par les populations locales.

3.5 Potentialités de l'Irrigation Intégrée à l'Aquaculture

Le pays possède un potentiel important pour les activités de l'IIA:

- 46 000 ha de terres effectivement irriguées;

- priorité accordée à la riziculture irriguée;

- nombre important de petits barrages permanents permettant l'irrigation en aval;

- bonne expérience dans la gestion des petites pêcheries;

- bonne organisation de la recherche (Plan Stratégique National de la Recherche) et de la coordination des activités;

- Plan Stratégique National de la Recherche adopté et incluant la recherche en aquaculture;

- existence d'équipes de recherche en pêche et aquaculture dans le système universitaire et au niveau de l'Institut du Développement Rural;

- existence d'institutions importantes responsables de la gestion des grands systèmes hydro-agricoles telles que la MOB et l'AMVS qui sont déjà prêtes pour supporter le développement d'activités de l'IIA;

- composante diversification du PSSA qui devrait inclure des activités en matière d'aquaculture.

4 RÉSEAU IIA

Il n'existe pas de réseau formel de l'IIA au Burkina Faso. Cependant l'équipe de l'Institut du Développement Rural dirigée par A.T. Kabré développe des contacts avec différentes institutions (INERA, MOB, AMVS, Université de Ouagadougou, Direction des Pêches, etc.) dans le but d'initier un réseau national de l'IIA.

RÉFéRENCES

Baijot, E., Barry, I. et Ratjs, F. 1994. Peuplements piscicoles des retenues du Burkina Faso. In E. Baijot, J. Moreau et S. Bouda, eds. Aspects hydrobiologiques et piscicoles des retenues d'eau en zone soudano-sahélienne. Le cas du Burkina Faso. p.65-85. CTA, Wageningen et Commission des Communautés Européennes, Bruxelles. 250 pp.

Baijot, E., Moreau, J., Barry, I. et Bouda, S. 1994. Biologie et démographie des principales espèces de poissons des retenues d'eau du Burkina Faso. In E. Baijot, J. Moreau et S. Bouda, eds. Aspects hydrobiologiques et piscicoles des retenues d'eau en zone soudano-sahélienne. Le cas du Burkina Faso. p.87-122. CTA, Wageningen et Commission des Communautés Européennes, Bruxelles. 250 pp.


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