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Perspectives par grand secteur

Production végétale

Céréales: il en faudra un milliard de tonnes supplémentaires

Les années 1990 ont vu décliner la croissance de la consommation mondiale de céréales. Ceci ne provenait pas du fait que la capacité de production était limitée mais plutôt d'une croissance ralentie de la demande, en partie due à des facteurs exceptionnels et essentiellement transitoires. La croissance de la consommation va reprendre, ce qui va conduire à une plus grande dépendance des pays en développement par rapport aux importations. Il sera tout à fait possible aux exportateurs, traditionnels et nouveaux, de répondre à ces besoins, mais on devra s'attaquer aux problèmes d'insécurité alimentaire et de dégradation de l'environnement.

Les céréales constituent toujours, de loin, la ressource alimentaire la plus importante au monde, à la fois pour la consommation humaine directe et, indirectement, en tant qu'intrants pour la production animale. Ce qui se produit au niveau du secteur des céréales est donc d'une importance cruciale pour les disponibilités alimentaires mondiales.

Depuis le milieu des années 1960, le monde a réussi à accroître sa production céréalière de près d'un milliard de tonnes. Il faudra faire aussi bien au cours des 30 prochaines années. La tâche est-elle réalisable?

La croissance de la demande de céréales ralentit

Le taux de croissance de la demande mondiale de céréales est tombé à 1 pour cent par an dans les années 1990, alors qu'il était de 1,9 pour cent dans les années 1980 et de 2,5 pour cent dans les années 1970. L'utilisation mondiale annuelle de céréales par personne (y compris pour l'alimentation animale) a atteint son maximum de 334 kg au milieu des années 1980 et elle est tombée depuis à 317 kg (moyenne pour la période 1997-99).

Certains pensaient que ce rapide déclin laissait présager une nouvelle crise alimentaire mondiale. Ceci fut interprété comme une indication que le monde atteignait la limite de ses capacités de production vivrière et que la sécurité alimentaire allait bientôt être sérieusement menacée.

En fait, la consommation moyenne de céréales par personne dans les pays en développement a augmenté régulièrement au cours des quatre dernières décennies. Le ralentissement de la croissance de la consommation mondiale ne provenait pas de contraintes au niveau de la production, mais d'une série de facteurs limitant la demande. Parmi ces facteurs, certains sont permanents et largement répandus:

Néanmoins, d'autres facteurs sont essentiellement transitoires. Parmi ceux-ci figurent:

L'effet de ces facteurs transitoires commence déjà à s'estomper. Au cours des 15 prochaines années, ils cesseront progressivement de limiter la croissance de la demande de céréales qui, selon les projections, devrait reprendre pour atteindre 1,4 pour cent par an à l'horizon 2015.

A plus longue échéance encore, le ralentis-sement de la croissance démographique et la stabilisation de la consommation alimentaire dans de nombreux pays vont continuer d'amortir la demande, qui devrait, selon les prévisions, tomber à 1,2 pour cent par an entre 2015 et 2030. Néanmoins, le défi pour la production agricole mondiale est énorme. D'ici 2030, la production annuelle de céréales devra augmenter d'un milliard de tonnes. Des événements imprévisibles, comme par exemple une flambée des prix pétroliers, des sursauts de croissance ou des crises spectaculaires pourraient, bien sûr, modifier la demande solvable à court terme, mais sans affecter sensiblement la situation générale.

La dépendance des pays en développement par rapport aux importations va s'intensifier

Dans les pays en développement, la croissance de la demande de céréales a été plus rapide que celle de la production. Les importations nettes de céréales dans ces pays sont passées de 39 millions de tonnes par an au milieu des années 1970 à 103 millions de tonnes pendant la période 1997-99, ceci représentant un accroissement de leur usage annuel de céréales de 4 pour cent à 9 pour cent. Cette dépendance par rapport aux importations augmentera probablement dans les années à venir. En 2030, les pays en développement pourraient importer, annuellement, 265 millions de tonnes de céréales, soit 14 pour cent de leur consommation.

Bien que cette augmentation puisse paraître énorme, elle représente une croissance plus lente au cours des trois prochaines décennies que depuis le milieu des années 1970. Si les prix réels des produits vivriers ne montent pas, et si les secteurs industriel et tertiaire connaissent la même croissance que jusqu'ici, alors la plupart des pays auront les moyens financiers d'importer les céréales nécessaires à leurs besoins. Cependant, les pays les plus pauvres et qui souffrent de la plus grande insécurité alimentaire auront aussi tendance à être le moins en mesure d'importer des céréales.

Demande mondiale de céréales, de 1965 à 2030


Source: données et projections FAO

Les exportateurs pourront combler le déficit

Les pays en développement vont devenir de plus en plus dépendants des importations de céréales. Il est possible qu'en 2030 ils ne produisent que 86 pour cent de leurs propres besoins, leurs importations nettes s'élevant à quelque 265 millions de tonnes par an - presque trois fois les niveaux actuels.

Le reste du monde est-il en mesure de produire les surplus à l'exportation nécessaires pour combler le déficit? Il est utile d'examiner ce qui s'est passé au cours du quart de siècle dernier. Entre le milieu des années 1970 et 1997-99, les importations annuelles nettes de l'ensemble des pays importateurs de céréales ont presque doublé, passant de 89 à 167 millions de tonnes.

Les exportateurs de céréales n'ont pas eu de mal à satisfaire cette flambée de la demande, et ils ont doublé leurs niveaux d'exportation. Les exportateurs traditionnels, tels que l'Australie, l'Amérique du Nord, l'Argentine et l'Uruguay, ont joué leur rôle. Ils ont le potentiel voulu pour continuer à le faire. Mais environ la moitié de l'augmentation totale des exportations a été fournie par un nouvel acteur dans ce domaine: l'UE. D'importateur net de 21 millions de tonnes de grain par an au milieu des années 1970, l'UE est devenue exportateur net de 24 millions de tonnes par an en 1997-99. Au départ, ce revirement dépendait en grande partie d'un fort soutien des prix et de politiques protectionnistes. Depuis, diverses réformes des politiques de l'UE ont plus ou moins aligné les prix du marché intérieur sur les prix internationaux, mais l'UE a des chances de rester un exportateur net significatif même si son commerce est encore davantage libéralisé.

Les pays en transition sont devenus de gros importateurs nets de céréales au cours des années 1970 et 1980 et le sont resté jusqu'au début des années 1990. Depuis, ils ont renversé cette tendance et pourraient devenir exportateurs nets de 10 millions de tonnes par an d'ici 2015 et de 25 millions d'ici 2030.

Les économies en transition constituent une autre source possible d'exportations à l'avenir. En effet, elles montrent déjà un excédent. Les terres non utilisées abondent dans certaines régions de l'Europe de l'Est et de la Fédération de Russie, et les possibilités d'accroître la productivité en réduisant les pertes et en augmentant les rendements sont grandes. Les projections de la FAO permettent de penser que les pays en transition pourraient être exportateurs nets de 10 millions de tonnes de céréales par an en 2015 et de 25 millions de tonnes à l'horizon 2030.

Perspectives pour les principales cultures

Aliments de base

Blé. La principale culture céréalière au monde représentait 31 pour cent de la consommation globale de céréales en 1997-99. Une proportion croissante de blé est utilisée pour l'alimentation animale dans les pays industrialisés (45 pour cent de son usage total dans l'UE). L'utilisation de blé par habitant dans les pays en développement, essentiellement pour l'alimentation humaine, a continué d'augmenter, et la plupart de ces pays sont de plus en plus dépendants des importations. Parmi les importateurs nets figurent de grands producteurs de blé, tels que l'Egypte, République islamique d'Iran, le Mexique et le Brésil. On s'attend à ce qu'au cours des prochaines années, la consommation de blé augmente dans toutes les régions, y compris dans les pays en transition qui vont voir une reprise de leur consommation. Dans plusieurs des pays consommateurs de riz, la hausse de la consommation de blé va de pair avec la stabilisation, voire le déclin, de la consommation de riz. Le recours aux importations par les pays en développement (à l'exception de l'Argentine et de l'Uruguay, qui sont exportateurs) devrait continuer de s'intensifier, les importations nettes de blé devant passer de 72 millions de tonnes par an en 1997-99 à 160 millions en 2030.

Riz. Cette culture, utilisée dans sa plus grande majorité pour la consommation humaine directe, comptait pour 21 pour cent de la quantité mondiale de céréales consommées en 1997-99. La consommation moyenne par personne dans les pays en développement s'est stabilisée depuis le milieu des années 1980, ceci reflétant le développement économique et la hausse des revenus dans les principaux pays de l'Asie de l'Est. Elle a, néanmoins, augmenté dans certaines régions, dont l'Asie du Sud, où elle reste encore faible. On s'attend à ce que la consommation s'accroisse plus lentement à l'avenir que par le passé. En effet, la consommation moyenne par personne dans les pays en développement pourrait bien commencer à baisser au cours de la période 2015 à 2030. Ceci va réduire les pressions sur la production, mais étant donné le faible accroissement des rendements ces dernières années, la poursuite d'une augmentation, même modeste, de la production représentera un défi pour la recherche et les politiques d'irrigation.

Céréales secondaires. Cette catégorie comprend le maïs, le sorgho, l'orge, le seigle, l'avoine et le millet, ainsi que quelques céréales importantes au niveau régional, telles que le teff (Ethiopie) ou le quinoa (Bolivie et Equateur). Environ trois cinquièmes de la consommation mondiale de céréales secondaires servent à l'alimentation animale, mais dans les pays où l'insécurité alimentaire est élevée, ces cultures restent très importantes pour la consommation humaine directe: en Afrique subsaharienne, 80 pour cent de la récolte de grain est utilisée de cette manière. La consommation de céréales secondaires a connu une rapide hausse, due principalement à leur utilisation croissante pour l'alimentation animale dans les pays en développement. Il se peut qu'à l'avenir la consommation de ces céréales augmente plus rapidement que celle de riz ou de blé, parallèlement à l'expansion du secteur de l'élevage. Les pays en développement fourniront une part croissante de la production mondiale: de moins de la moitié actuellement, elle devrait s'élever à près des trois cinquièmes d'ici 2030.

Oléagineux. Ce secteur a été l'un des plus dynamiques au monde ces dernières décennies, ayant connu une croissance presque deux fois plus rapide que l'agriculture mondiale dans son ensemble. Il couvre une vaste gamme de cultures utilisées non seulement pour la production d'huile, mais aussi pour la consommation directe, la fabrication d'aliments pour animaux et divers usages industriels. Le palmier à huile, le soja, le tournesol et le colza représentent près des trois quarts de la production mondiale d'oléagineux, mais l'huile d'olive, l'arachide, le sésame et la noix de coco sont aussi importants. Du fait de la rapide croissance de la production, les oléagineux comptent pour une part considérable de l'expansion des terres agricoles mondiales, avec une augmentation nette de 75 millions d'ha entre 1974-76 et 1997-99 - pendant que la superficie céréalière diminuait de 28 millions d'ha.

Etant donné leur teneur énergétique élevée, les oléagineux ont joué un rôle clé dans l'amélioration de l'apport énergétique alimentaire dans les pays en développement. Au cours des deux dernières décennies, ce groupe de produits a fourni un peu plus d'une sur cinq des calories supplémentaires consommées dans les pays en développement. Il semblerait bien que cette tendance va se pour-suivre et même s'intensifier: d'ici 2030, 45 pour cent des calories supplémentaires pourraient provenir des oléagineux. La rapide hausse de la consommation au cours de ces dernières décennies s'est accompagnée de l'émergence de plusieurs pays en développement (Chine, Inde, Mexique et Pakistan, entre autres) comme grands, et croissants, importateurs nets d'huiles végétales. En conséquence, l'excédent traditionnel du complexe huiles végétales/oléagineux dans la balance des paiements des pays en dévelop-pement s'est transformé, ces dernières années, en un déficit. Ceci s'est produit malgré la hausse spectaculaire des exportations de quelques pays en développement qui dominent aujourd'hui le panorama des exportations mondiales, notamment la Malaisie et l'Indonésie, pour l'huile de palme, et le Brésil et l'Argentine, pour le soja. Dans la plupart des autres pays en développement, on peut s'attendre à ce que la tendance à une augmentation des importations se poursuive.

Racines, tubercules et plantains. La consommation humaine mondiale de ces cultures est en déclin, mais dans 19 pays (tous situés en Afrique), elles fournissent encore plus d'un cinquième, et parfois jusqu'à la moitié, de la ration énergétique totale. Le manioc prédomine dans les pays humides du centre et de l'ouest de l'Afrique, ainsi qu'en la République-Unie de Tanzanie et à Madagascar, alors qu'au Rwanda ce sont les plantains les plus importants et en Afrique de l'Ouest et au Burundi le manioc et la patate douce. Comme dans la plupart de ces pays la consommation alimentaire est globalement faible (inférieure à 2 200 calories par jour), ces cultures sont essentielles pour la sécurité alimentaire. Dans la période conduisant à 1997-99, le Ghana et le Nigéria ont réalisé d'énormes progrès de sécurité alimentaire grâce à une production accrue de ces cultures, mais dans la plupart des 17 autres pays, la consommation par habitant a stagné, voire même baissé. Le déclin de la consommation mondiale de racines et de tubercules traditionnelles s'est accompagné dans certaines régions d'un basculement progressif en faveur de la pomme de terre. Cette tendance s'explique en grande partie par la Chine, où des millions d'agriculteurs et de consommateurs ont abandonné la patate douce en faveur de la pomme de terre.

On prévoit que la demande moyenne de racines, de tubercules et de plantains va augmenter de nouveau dans les pays en développement, la patate douce et la pomme de terre devenant particulièrement importantes pour l'alimentation animale. Au cours des années 1990, l'utilisation de manioc importé comme aliment du bétail dans l'UE est montée en flèche en raison du prix élevé des céréales sur le marché intérieur, pour retomber ensuite après la réforme de la Politique agricole commune qui a fait baisser le prix des céréales. La production de manioc exporté comme aliment du bétail a été un important facteur d'expansion de la superficie cultivée dans certains pays comme la Thaïlande, tendance qui va souvent de pair avec la déforestation.

Expansion des superficies cultivées par culture, de 1974-76 à 1997-99


Source: données FAO

Cultures d'exportation traditionnelles

En dehors de ces cultures vivrières de base, l'agriculture, et bien souvent l'économie entière, de nombreux pays en développement dépendent dans une grande mesure de la production d'un ou de quelques produits de base destinés principa-lement à l'exportation. Dans cette catégorie s'inscrivent la banane, le sucre, le caoutchouc naturel et les boissons tropicales (thé, café et cacao).

La distinction entre les cultures d'exportation et celles qui sont destinées au marché intérieur n'est pas toujours très marquée, que ce soit sur l'ensemble des pays en développement ou même à l'intérieur de ceux-ci. Par exemple, le sucre est la culture d'exportation par excellence de l'île Maurice et de Cuba, mais il s'agit d'un important produit d'importation pour l'Egypte, l'Indonésie et plusieurs autres pays. Les huiles végétales et les oléagineux (en particulier l'huile de palme et le soja) sont des cultures d'exportation importantes et en rapide expansion pour plusieurs pays (dont l'Argentine, le Brésil, l'Indonésie et la Malaisie), mais elles sont importées en grande quantité par des pays comme l'Inde et la Chine. Le café et le cacao partagent la caractéristique d'être produits exclusivement dans les pays en développement, mais consommés essentiellement dans les pays industrialisés. Le caoutchouc naturel appartenait jadis à cette catégorie, mais aujourd'hui il s'en consomme davantage dans les pays en dévelop-pement (la moitié de la consommation mondiale, au lieu d'un quart au milieu des années 1970) au fur et à mesure qu'ils s'industrialisent. Le coton figure dans la même catégorie, et à plus forte raison encore puisque les pays en développement en sont devenus de gros importateurs nets suite à l'essor de leurs industries et de leurs exportations textiles.

Les économies des pays dépendants de l'exportation de ces produits de base sont assujetties aux conditions changeantes du marché mondial. La croissance ralentie de la demande mondiale, alliée à l'augmentation de l'offre des principaux pays producteurs et exportateurs, qui se font concurrence, a conduit à une baisse et à d'importantes fluctuations des prix de plusieurs produits de base sur les marchés. Ceci a été particulièrement prononcé, ces dernières années, dans le cas du café: la consommation par habitant dans les pays industrialisés, qui représentent les deux tiers de la consommation mondiale, est restée pratiquement constante pendant deux décennies, à environ 4,5 kg, alors que la production a augmenté, et que plusieurs nouveaux pays, tels que le Viet Nam, sont entrés sur le marché. En conséquence, le prix du café Robusta a chuté rapidement, pour tomber à 0,50 dollar EU/kg en janvier 2002, soit un cinquième de son prix du milieu des années 1990.

En ce qui concerne le sucre et quelques autres produits de base dont la consommation croît plus rapidement, surtout dans les pays en dévelop-pement, les gains des pays en développement qui en sont exportateurs ont été freinés par les politiques limitant l'accès aux marchés, y compris les politiques favorisant les édulcorants de substitution comme le sirop de glucose. De telles politiques sont très courantes dans les principaux pays industrialisés qui en sont, ou en étaient encore récemment, de gros importateurs. L'UE a eu recours à des politiques de ce type pour se transformer de gros importateur net, ce qu'elle était jusqu'à la deuxième moitié des années 1970, en un gros exportateur net actuellement.

Les craintes qui se sont volatilisées

Deux pays, la Chine et l'Inde, ont focalisé la crainte que le monde soit confronté à de sérieuses pénuries alimentaires. A eux deux, ils regroupent plus d'un tiers de la population mondiale.

Certains analystes craignaient que la Chine ne devienne un importateur permanent de quantités de vivres toujours plus importantes. Ceci aurait entraîné une hausse des prix des produits alimentaires sur le marché mondial, et limité par conséquent la possibilité pour les autres pays et populations pauvres d'acheter des vivres.

Jusqu'en 1991, la Chine (à l'exclusion de la province de Taïwan) a été presque chaque année un grand importateur net de céréales, typiquement de 5 à 15 millions de tonnes par an. Cependant, dans les années 1990, le pays a inversé cette tendance. Chaque année sauf deux, entre 1992 et 1999, la Chine a été exportateur net de céréales, alors même que la consommation intérieure avait augmenté de 295 à 310 kg par personne et par an.

Dans les années 1960 et au début des années 1970, on annonçait régulièrement un risque de famine imminente en Inde et dans l'Asie du Sud en général. Au milieu des années 1960, la région importait 10 millions de tonnes de céréales par an, soit 11 pour cent de sa consommation, et pourtant la quantité de céréales utilisée par personne était faible, à savoir 146 kg par an.

Trente trois ans plus tard, la population de la région avait doublé et l'utilisation de céréales était montée à 163 kg par personne et par an. Toutefois, grâce à la "Révolution verte", les importations n'atteignaient qu'un tiers de ce qu'elles avaient été au milieu des années 1960, et représentaient moins de 2 pour cent de la consommation. Pratiquement tous les ans depuis la fin des années 1970, l'Inde a été petit exportateur net. Cependant, l'utilisation de céréales par habitant reste faible dans la région, ce qui reflète, entre autres, la persistance d'une pauvreté généralisée et la très faible utilisation des céréales pour l'alimentation animale, étant donné la consommation minime de viande. On peut se demander si les importations auraient pu être maintenues à de si faibles niveaux dans l'éventualité d'une croissance plus rapide de la consommation.

Si l'on se tourne vers l'avenir, le potentiel de croissance de la demande mondiale et des exportations des pays en développement est le plus fort pour les produits de base dont la consommation augmente assez rapidement dans les pays en développement eux-mêmes, dont plusieurs devraient devenir de gros importateurs. A cette catégorie appartiennent le sucre et les huiles végétales et, dans une moindre mesure, le caoutchouc naturel et le thé. La banane et le cacao sont aussi en train de devenir de substantiels produits d'importation pour plusieurs pays en développement, tendance qui devrait s'intensifier au cours des prochaines décennies. Pour ces deux produits, mais aussi pour d'autres comme les agrumes ainsi que les fruits et légumes en général, la consommation et les importations peuvent encore augmenter dans les pays industrialisés. Parallèlement, les économies en transition vont jouer un rôle de plus en plus grand en tant qu'importateurs de produits tropicaux, processus qui s'est déjà amorcé. En revanche, la forte concentration des marchés du café dans les pays industrialisés, conjuguée à la croissance négligeable de la population et de la consommation par habitant dans ces pays, ne présage rien de bon pour l'expansion de la production et des exportations de ce produit de base: le maintien de la lente croissance actuelle, pas plus de 1,2 pour cent par an, semble le scénario le plus probable.

En conclusion, l'agriculture, l'économie dans son ensemble et la sécurité alimentaire de plusieurs pays en développement continueront de dépendre de plusieurs cultures pour lesquelles les conditions du marché mondial sont non seulement erratiques mais elles tendent, globalement, à la baisse des prix en termes réels. Ces caractéristiques du marché pourraient être extrêmement préjudiciables aux perspectives de développement de ces pays. Les pays qui n'ont pas réussi dans le passé à diversifier leurs économies et à réduire leur dépendance de ces cultures d'exportation traditionnelles ont enregistré une croissance bien inférieure à la moyenne. Le défi à relever consiste pour eux à changer ce scénario à l'avenir. Les expériences de pays comme la Malaisie suggèrent que la tâche est réalisable.

Chine: d'importateur net à exportateur net de céréales


Surce: données FAO

Les questions d'environnement doivent être abordées

Une inquiétude fréquemment exprimée est que la production supplémentaire requise pour satisfaire la demande mondiale ne sera pas durable, car elle aggravera les dommages causés à l'environnement et sapera la base des ressources naturelles.

Dans les pays développés, cette inquiétude concerne principalement l'utilisation accrue d'engrais et autres intrants chimiques. Les augmentations passées ont conduit à de sérieux problèmes de pollution de l'eau et de l'air, et il en sera de même à l'avenir à moins que des mesures défensives ne soient prises.

Bien que l'emploi excessif de pesticides et autres intrants chimiques soit un problème dans certaines régions à fort potentiel agricole, augmenter la production dans les pays en dévelop-pement entraînera surtout, pour l'environnement, des risques d'une nature différente:

Des méthodes visant à accroître et à maintenir la production végétale tout en minimisant les dommages causés à l'environnement sont déjà connues et mises en application dans certaines régions. De telles méthodes doivent faire l'objet de recherches et de vulgarisation pour tous les milieux. En outre, elles devront s'accompagner de politiques appropriées favorisant leur expansion rapide.

Terre, eau et rendements des cultures

Malgré une croissance plus lente, à l'avenir, de la demande de cultures vivrières et commerciales, satisfaire cette demande exigera de poursuivre l'expansion des terres cultivées, et d'accroître les rendements grâce à de nouvelles variétés de plantes et de nouvelles techniques agricoles.

Chacun de ces points soulève des questions. Dispose-t-on d'assez de terres aptes à l'agri-culture, et d'eau, pour permettre l'expansion nécessaire des superficies de cultures pluviales et irriguées, ou bien le monde va-t-il manquer de ces ressources cruciales? Pourra-t-on atteindre les rendements plus élevés qui sont requis, ou bien ceux-ci approchent-ils de limites infranchissables? La biotechnologie peut-elle fournir une nouvelle génération de cultures à plus hauts rendements, mieux adaptées aux environnements hostiles? Et existe-t-il des méthodes culturales capables d'augmenter et de maintenir la production tout en améliorant la protection de la nature? Ces questions sont examinées dans les sections suivantes.

Les sources de croissance de la production

Les augmentations de la production végétale proviennent de trois sources principales: expansion des terres arables, accroissement de l'intensité culturale (fréquence des récoltes sur une même superficie) et amélioration des rendements.

Depuis le début des années 1960, l'amélioration des rendements est, de loin, la plus importante source de croissance de la production végétale mondiale, puisqu'elle représente près des quatre cinquièmes, soit 78 pour cent, de l'augmentation de celle-ci entre 1961 et 1999. L'accroissement de l'intensité culturale a contribué, pour sa part, à 7 pour cent de cette production supplémentaire, alors que 15 pour cent seulement provenaient de l'expansion des terres arables.

La hausse des rendements a été le facteur de loin le plus important, non seulement dans les pays développés mais aussi dans ceux en développement, où elle a contribué à 70 pour cent des progrès de la production. L'expansion des superficies cultivées a représenté à peine un quart de l'augmentation de la production dans ces pays. Cependant, dans les régions où davantage de terres étaient disponibles, l'accroissement des superficies a compté pour une part plus importante. Ceci a été tout particulière-ment le cas en Afrique subsaharienne, où il a contribué pour 35 pour cent à l'accroissement de la production, et en Amérique latine, où ce chiffre a atteint 46 pour cent.

Selon les projections, ces tendances générales dans les pays en développement devraient se poursuivre, au moins jusqu'en 2030: on s'attend à ce que l'expansion des terres agricoles compte pour 20 pour cent de la croissance de la production, l'amélioration des rendements pour environ 70 pour cent et l'accroissement de l'intensité culturale pour le restant. En Afrique subsaharienne et en Amérique latine, l'expansion des terres restera encore un facteur important, mais qui sera sans doute de plus en plus devancé par l'augmentation des rendements.

A l'avenir, 80 pour cent de l'accroissement de la production végétale dans les pays en développement devront provenir de l'intensification: rendements plus élevés, récoltes multiples, et périodes de jachère plus courtes.

L'étude de la FAO indique que le monde dans son ensemble dispose d'un potentiel de production inexploité suffisant, en matière de terres, d'eau et d'amélioration des rendements, pour répondre à la croissance prévue de la demande solvable. Néanmoins, il s'agit là d'une conclusion globale, et l'on doit tenir compte de plusieurs restrictions significatives:


Sources de croissance de la production, de 1961 à 1999


Source: données FAO


Ressources en terres

Le potentiel de terres cultivables est-il suffisant pour les besoins futurs?

Il est souvent suggéré que le monde risque de se voir confronté à l'avenir à un manque de terres aptes à l'agriculture. Les études de la FAO indiquent que ce ne sera pas le cas au niveau mondial, bien que dans certaines régions et zones l'on connaisse déjà de sérieuses pénuries, qui risquent fort de s'aggraver.

Le défrichement de nouvelles terres agricoles sera moindre que par le passé. Au cours de la période 1961-63 à 1997-99, l'expansion des terres arables dans les pays en développement a atteint au total 172 millions d'ha, soit une augmentation de 25 pour cent. L'accroissement nécessaire au cours des 30 prochaines années ne sera que de 120 millions d'ha, soit 13 pour cent. La tâche de mettre en production 3,75 millions d'ha supplémentaires par an peut paraître intimidante, mais ce chiffre est inférieur au rythme annuel de 4,8 millions d'ha atteint, en fait, au cours de la période 1961-63 à 1997-99. Un ralentissement de l'expansion est prévu dans toutes les régions, mais ceci est essentiellement une manifestation du fléchissement de la demande de produits agricoles.

Les craintes d'une crise imminente due à la confrontation entre population croissante et terres disponibles ne sont pas fondées. La croissance future de la production végétale proviendra en grande partie de l'amélioration des rendements. Dans certains pays, cependant, il est possible que la pénurie de terres se fasse ressentir.

Il existe encore des terres agricoles potentielles inexploitées. Actuellement, quelque 1,5 milliards d'ha de terres sont utilisés pour les cultures arables et permanentes, soit environ 11 pour cent de la superficie en terres de la planète. La FAO et l'Institut international pour l'analyse des systèmes appliqués (IIASA), ont procédé à une nouvelle évaluation des sols, de la topographie et des climats, en fonction des besoins des principales cultures et de la nécessité de celles-ci: il en résulte que 2,8 milliards d'ha supplémentaires sont aptes dans une certaine mesure à l'agriculture pluviale. Ceci est presque le double de la superficie actuellement exploitée.

Bien évidemment, dans la pratique, une grande partie de ces terres potentielles n'est pas disponible, ou bien elles sont immobilisées pour d'autres usages tout aussi valables. Quelque 45 pour cent de cette superficie sont recouverts de forêts, 12 pour cent se trouvent dans des zones protégées et 3 pour cent sont occupés par des établissements humains et des infrastructures. En outre, une grande partie de la "réserve" de terres pourrait bien avoir des caractéristiques rendant l'agriculture difficile, comme par exemple une faible fertilité du sol, une toxicité élevée du sol, une forte incidence de maladies humaines et animales, un manque d'infrastructures, et un terrain accidenté ou présentant d'autres difficultés.

Terres agricoles exploitées et superficie totale de terres aptes à l'agriculture (millions d'ha)


Sources: données FAO et Fischer et al. (2000)

Les réserves de terres agricoles disponibles sont très inégalement réparties. A la fin du XXe siècle, l'Afrique subsaharienne et l'Amérique latine n'exploitaient encore qu'environ un cinquième de leur potentiel de terres aptes à l'agriculture. Plus de la moitié du solde mondial de terres était répartie dans sept pays seulement de ces deux régions: l'Angola, l'Argentine, la Bolivie, le Brésil, la Colombie, la République démocratique du Congo et le Soudan. A l'autre extrême, au Proche-Orient et en Afrique du Nord, 87 pour cent des terres aptes à l'agriculture étaient déjà exploités; en Asie du Sud ce chiffre atteignait 94 pour cent. Dans certains pays du Proche-Orient et de l'Afrique du Nord, le solde de terres est même négatif, c'est-à-dire que la superficie des terres cultivées dépasse celle des terres considérées aptes aux cultures pluviales. Ceci est possible lorsque, par exemple, des terres trop abruptes ou trop sèches pour les cultures pluviales ont été mises en production grâce à la culture en terrasses ou à l'irrigation.

On s'attend à ce que plus de 80 pour cent de l'expansion projetée des terres arables se produise en Afrique subsaharienne et en Amérique latine. Bien qu'il y ait encore un excédent de terres dans ces régions, il est possible que l'expansion entraîne une réduction des longues périodes de rotation et de jachère. Si l'utilisation d'engrais n'augmente pas en compensation, l'épuisement des sols ou des rendements stagnants ou réduits pourraient s'ensuivre.

D'après les projections, la superficie arable dans les pays en développement va augmenter de près de 13 pour cent, soit 120 millions d'ha, au cours de la période 1997-99 à 2030.

Par contre, en Asie du Sud ainsi qu'au Proche-Orient et en Afrique du Nord, où presque toutes les terres aptes à la culture sont déjà exploitées, il n'y aura pratiquement aucune expansion des superficies. D'ici 2030, la région du Proche-Orient et de l'Afrique du Nord exploitera 94 pour cent de ses terres cultivables, ceci laissant un excédent de 6 millions d'ha seulement. En Asie du Sud, la situation sera encore plus critique, puisque 98 pour cent sont déjà mis en exploitation. En Asie du Sud et de l'Est, plus de 80 pour cent de l'augmentation de la production devra provenir d'une hausse des rendements, car l'expansion des terres arables ne permettra qu'un accroissement de 5 à 6 pour cent.

L'intensité culturale va croître dans toutes les régions en développement, passant en moyenne de 93 pour cent à 99 pour cent. On y parviendra en réduisant les périodes de jachère et en augmentant les récoltes multiples, rendues possible en partie grâce au développement de l'irrigation.

Les terres se font-elles plus rares?

Beaucoup s'inquiètent du risque que le monde vienne à manquer de terres agricoles. La tendance à la pénurie associée à la croissance démographique est aggravée par l'urbanisation des terres agricoles, par la dégradation des sols et par d'autres facteurs.

Il est certain que beaucoup de terres cultivables sont prises pour des usages non agricoles. En comptant 40 ha pour les logements et infra-structures nécessaires à 1 000 personnes, la croissance démographique mondiale entre 1995 et 2030 mobilisera 100 millions d'ha supplémentaires de terres à ces fins non agricoles. Comme la plupart des centres urbains sont implantés sur des terres agricoles fertiles de plaines côtières ou de vallées fluviales, lorsque ceux-ci se développent, ils occupent davantage de ces terres de qualité. Rien qu'en Chine, plus de 2 millions d'ha ont été retirés de l'agriculture entre 1985 et 1995.

Malgré ces pertes, il ne semble pas que le monde va se voir confronté à l'avenir à une pénurie générale de terres. Entre le début des années 1960 et la fin des années 1990, la superficie mondiale de terres cultivées n'a augmenté que de 11 pour cent, alors que la population mondiale a presque doublé. Par conséquent, la superficie de terres cultivées par personne a diminué de 40 pour cent, passant de 0,43 ha à 0,26 ha seulement. Or, durant cette même période, les niveaux de nutrition se sont considérablement améliorés et les prix réels des produits vivriers ont baissé.

Ce paradoxe s'explique parce que, durant cette même période, la croissance de la productivité a réduit d'environ 56 pour cent la superficie de terre nécessaire pour produire une quantité donnée de vivres. Cette réduction, rendue possible par l'augmentation des rendements et de l'intensité culturale a plus que compensé la diminution de la superficie par personne, ce qui a permis une croissance de la production alimentaire.

Il n'en est pas moins vrai que le manque de terres et les problèmes qui s'y rattachent existent aux niveaux national et local, avec de graves répercussions sur la pauvreté et la sécurité alimentaire. Dans de nombreux pays, cette situation risque de s'aggraver, à moins que des mesures de redressement ne soient prises.

Quelle est la gravité de la dégradation des sols?

La dégradation des sols est le processus par lequel la capacité de production actuelle ou future des sols se trouve réduite en raison de modifications chimiques, physiques ou biologiques. Certains spécialistes soutiennent que la dégradation accélérée des sols va effacer les améliorations de la productivité, alors que d'autres estiment que la gravité de ce problème a été bien exagérée.

A vrai dire, l'étendue des sols dégradés n'est pas connue très précisément. Son évaluation est souvent basée sur les opinions d'experts plutôt que sur des mesures objectives. Rien que pour l'Inde, les estimations avancées par différentes autorités publiques vont de 53 millions d'ha jusqu'à 239 millions d'ha.

Dégradation des sols causée par les activités humaines


Source: Oldeman et al. (1991)

L'étude la plus complète à ce jour, l'Evaluation globale de la dégradation des sols (GLASOD, Global Assessment of Soil Degradation ), date maintenant d'il y a plus de dix ans. GLASOD estimait qu'un total de 1 964 millions d'ha étaient dégradés, dont 910 millions étaient au moins modérément touchés (avec une productivité considérablement réduite) et 305 millions l'étaient fortement ou gravement (devenus inaptes à l'agriculture). L'érosion due à l'eau était le problème le plus courant, affectant près de 1 100 millions d'ha, puis venait ensuite l'érosion éolienne, qui affectait près de 600 millions d'ha.

L'impact de la dégradation sur la productivité est également difficile à évaluer. Sa gravité varie énormément d'un endroit à l'autre même sur de courtes distances, et dans un même endroit elle est fonction de la météorologie, de la végétation et des techniques agricoles au niveau local. Le lent processus de la dégradation peut être masqué par une application supplémentaire d'engrais ou par un changement des cultures pratiquées. GLASOD avait rapporté en 1991 que pratiquement toutes les terres agricoles de Chine étaient dégradées, et pourtant entre le début des années 1960 et le milieu des années 1990, la Chine a triplé sa production de riz et multiplié par sept sa production de blé. Certaines études suggèrent que les pertes annuelles moyennes de productivité agricole pourraient être assez faibles, pas plus de 0,2 à 0,4 pour cent par an.

La dégradation entraîne également des coûts hors site, tels que l'envasement des lits des cours d'eau et des barrages, les dégâts dus aux inondations, la perte de pêcheries et l'eutrophisation des lacs et des eaux côtières. Ces coûts sont souvent plus élevés que les coûts sur le site. Cependant, les effets hors site de la dégradation ne sont pas tous négatifs: les pertes à un endroit peuvent résulter en des gains ailleurs, comme dans les cas où le sol érodé des hautes terres vient augmenter la productivité des plaines alluviales où il se dépose.

Principaux types de dégradation des sols

  • Les terres en pente sont particulièrement sujettes à l'érosion par l'eau, en particulier dans les zones humides où les pentes dépassent 10 à 30 pour cent et où aucune mesure de protection n'est prise. On estime qu'au Népal, par exemple, quelque 20 à 50 tonnes de sol par hectare sont érodées chaque année des champs situés sur les collines et dans les montagnes, et que jusqu'à 200 tonnes de sol par hectare et par an pourraient être perdues dans certains bassins versants fortement dégradés. Les rendements des cultures dans ces régions ont chuté de 8 à 21 pour cent entre 1970 et 1995. Environ 45 pour cent des terres agricoles mondiales ont des pentes de plus de 8 pour cent et, sur ce total, 9 pour cent ont des pentes très abruptes de plus de 30 pour cent.
  • La désertification, terme qui décrit la dégradation des sols dans les régions arides et semi-arides, a attiré une grande attention durant les années 1970 et 1980, où l'on était convaincu de l'avancée inexorable des déserts comme le Sahara. Les estimations suggéraient que jusqu'à 70 pour cent des 3,6 milliards d'ha de terres cultivables du monde étaient dégradés. Depuis lors, grâce à la télédétection, on a pu établir que les lisières du désert avancent et reculent selon les changements climatiques naturels, et les études sur le terrain attestent de l'élasticité des systèmes de culture et d'élevage et de la capacité d'adaptation des agriculteurs et des éleveurs.
  • La salinisation se produit dans les zones irriguées, généralement lorsque le drainage est inadéquat et, de ce fait, les sels se concentrent dans les couches supérieures du sol où les plantes prennent racine. C'est un problème qui se rencontre principalement dans les zones arides et semi-arides, où entre 10 et 50 pour cent de la superficie irriguée peut être affectée. La salinisation peut causer des baisses de rendement de 10 à 25 pour cent pour beaucoup de récoltes et peut empêcher totalement la culture lorsqu'elle est sévère. On estime que 3 pour cent des terres agricoles mondiales sont affectées. En Asie de l'Est, cependant, la proportion est de 6 pour cent et en Asie du Sud elle est de 8 pour cent. Pour les régions tropicales arides et semi-arides en général, 12 pour cent des terres agricoles pourraient être affectées.
  • L'épuisement des éléments nutritifs est aussi un sérieux problème. Les agriculteurs utilisent souvent une quantité d'engrais insuffisante pour remplacer l'azote, le phosphore et le potassium (NPK) récoltés avec leurs cultures et perdus par lessivage, et parallèlement les sols pourraient être déficients en oligo-éléments comme le fer et le bore. Une étude détaillée de l'Amérique latine et des Caraïbes a révélé un épuisement des éléments nutritifs dans toutes les régions et pour presque toutes les cultures sauf les haricots. Les pertes nettes de NPK dans la région en 1993-95 s'élevaient à 54 kg par ha et par an. Une autre étude a suggéré des pertes nettes de 49 kg par ha et par an en Afrique subsaharienne.

Du fait que ce phénomène est difficile à quantifier, l'évolution future de la dégradation des sols n'a pas été prise en compte dans les projections calculées pour la présente étude. Néanmoins, certaines tendances prévues ou prévisibles, dictées principalement par des forces économiques, vont en réduire l'étendue et l'impact:

D'autres évolutions tendant à réduire la dégradation des sols sont probables, mais leur étendue et leur intensité dépendront beaucoup de la diffusion de pratiques agricoles améliorées et écologiques, sans quoi la dégradation des sols pourrait empirer dans beaucoup de régions. Les principales pratiques et leur impact potentiel sont les suivants:

Irrigation et ressources en eau

Une part importante des cultures mondiales est d'ores et déjà produite sous irrigation. En 1997-99, les terres irriguées représentaient environ un cinquième de la superficie arable totale dans les pays en développement. Cependant, en raison des rendements supérieurs et d'une plus grande fréquence des récoltes, elles fournissaient les deux cinquièmes de la totalité de la production végétale et près des trois cinquièmes de la production céréalière.

On s'attend à ce que cette part augmente encore au cours des trois prochaines décennies. Sur la base du potentiel d'irrigation, des plans nationaux pour ce secteur et des besoins en eau des cultures, on peut s'attendre à une expansion de la superficie irriguée de 202 millions d'ha en 1997-99 à 242 millions d'ici 2030 sur l'ensemble des pays en développement. Il s'agit là d'une projection nette - c'est-à-dire qu'elle suppose que les terres perdues en raison, par exemple, de la salinisation et des pénuries d'eau seront réhabilitées ou substituées par de nouvelles superficies.

Il n'y aura pas de pénurie globale de terres ou d'eau pour l'irrigation, mais de sérieux problèmes vont persister dans certains pays et certaines régions.

La majeure partie de cette expansion se produira dans des régions où les terres sont rares et où l'irrigation est déjà cruciale: en Asie du Sud-Est et en Asie de l'Est, par exemple, elle sera de 14 millions d'ha dans chaque région. Le Proche-Orient et l'Afrique du Nord verront aussi une expansion significative. En Afrique subsaharienne et en Amérique latine, où les terres abondent et où le besoin et le potentiel d'irrigation sont moins grands, on prévoit que l'augmentation sera beaucoup plus modeste: 2 millions et 4 millions d'ha respectivement.

Bien que l'expansion projetée soit ambitieuse, elle est beaucoup moins intimidante que ce qui a été réalisé jusqu'ici. Depuis le début des années 1960, pas moins de 100 millions d'ha de nouvelles terres irriguées ont été créés. L'augmentation nette projetée pour les trois prochaines décennies ne s'élève qu'à 40 pour cent de ce chiffre. Le taux de croissance annuel projeté de 0,6 pour cent est moins d'un tiers du taux atteint au cours des 30 dernières années.

L'étude de la FAO n'a pas calculé de projections pour l'irrigation dans les pays développés, qui représentent environ un quart des superficies irriguées mondiales. L'irrigation dans ce groupe de pays s'est étendue très rapidement dans les années 1970, mais dans les années 1990 le rythme de croissance avait ralenti à 0,3 pour cent seulement par an.

Y a-t-il suffisamment de terres irrigables pour répondre aux besoins futurs?

Comme pour les terres cultivables en général, on a suggéré que le monde risquait de manquer prochainement de terres aptes à l'irrigation. On s'inquiète, aussi, du risque que de vastes superficies de terres actuellement irriguées soient sérieusement endommagées par la salinisation. Là encore, au niveau mondial ces craintes semblent exagérées, bien que de graves problèmes puissent se rencontrer au niveau local.

Les études de la FAO montrent qu'il existe encore des possibilités de développer l'irrigation afin de répondre aux besoins futurs. Cependant, le potentiel d'irrigation est difficile à estimer avec précision, puisqu'il dépend de données complexes sur les sols, la pluviométrie et la topographie. Par conséquent, les chiffres ne doivent être considérés qu'à titre indicatif. Le potentiel total d'irrigation dans les pays en développement est néanmoins estimé à quelque 402 millions d'ha. Sur cette totalité la moitié était exploitée en 1997-99, ce qui laisse un potentiel inutilisé de 200 millions d'ha. L'augmentation projetée d'ici 2030 ne mobiliserait que 20 pour cent de ce potentiel inutilisé.

Dans certaines régions, cependant, l'irrigation s'approchera bien plus de son potentiel maximum: d'ici 2030, le Proche-Orient et l'Afrique du Nord ainsi que l'Asie de l'Est exploiteront les trois quarts de leur superficie irrigable, et l'Asie du Sud (Inde non comprise) presque 90 pour cent.

Les ressources en eau seront-elles suffisantes?

Une autre inquiétude fréquemment exprimée est qu'une grande partie du monde court à des pénuries d'eau. Comme environ 70 pour cent de toute l'eau prélevée pour la consommation humaine l'est à des fins agricoles, l'on craint que ceci n'affecte l'avenir de la production alimentaire. Là encore, au niveau mondial il ne semble pas y avoir lieu de s'alarmer, mais au niveau de certaines localités, pays et régions, il y a de forts risques que de sérieuses pénuries d'eau se produisent.

L'évaluation, dans le présent rapport, du potentiel de terres irrigables tient déjà compte des contraintes imposées par la disponibilité d'eau. Les ressources en eau renouvelables disponibles dans une zone donnée se composent de la quantité d'eau apportée par les précipitations et le débit fluvial entrant, moins la quantité perdue par évapotranspiration. Ceci peut varier considérable-ment d'une région à l'autre. Par exemple, dans des régions arides comme le Proche-Orient et l'Afrique du Nord, seuls 18 pour cent des précipitations et des débits entrants subsistent après évapo-transpiration, alors qu'en Asie de l'Est, qui a un climat humide, cette part atteint 50 pour cent.

L'eau utilisée pour l'irrigation comprend, outre celle effectivement employée dans la transpiration de la culture, toute l'eau appliquée à celle-ci, ce qui peut être considérable dans le cas de cultures inondées, comme le riz. De plus, il y a des pertes dues aux fuites et à l'évaporation au cours de l'acheminement aux champs, et à l'eau qui s'écoule des champs sans être utilisée par la culture. Le rapport entre la quantité d'eau réellement utilisée pour la croissance de la culture, et la quantité prélevée sur les ressources en eau, représente ce que l'on appelle l'efficience de l'irrigation.

Les projections pour les pays en développement suggèrent une augmentation de 14 pour cent des prélèvements d'eau pour l'irrigation d'ici 2030. Un pays en développement sur cinq sera confronté à des pénuries d'eau.

L'efficience de l'irrigation varie fortement entre les régions. En général, l'efficience est plus élevée là où la disponibilité d'eau est plus faible: en Amérique latine, par exemple, elle n'est que de 25 pour cent, en comparaison de 40 pour cent au Proche-Orient et en Afrique du Nord et 44 pour cent en Asie du Sud.

Sur l'ensemble des pays en développement, seulement quelque 7 pour cent des ressources en eau renouvelables ont été prélevés pour l'irrigation en 1997-99. Mais en raison des différences d'efficience et de disponibilités d'eau, la proportion mobilisée dans certaines régions était beaucoup plus importante que dans d'autres. En Afrique subsaharienne, où l'irrigation est moins répandue, seuls 2 pour cent ont été utilisés, et en Amérique latine où l'eau est abondante, 1 pour cent seulement. Par contre, en Asie du Sud ce chiffre était de 36 pour cent et au Proche-Orient et en Afrique du Nord il n'atteignait pas moins de 53 pour cent.

Les projections pour les pays en dévelop-pement suggèrent une augmentation de 14 pour cent des prélèvements d'eau pour l'irrigation d'ici 2030. Même ainsi, ils n'utiliseront alors que 8 pour cent de leurs ressources en eau renouvelables pour l'irrigation. Cette proportion en Afrique subsaharienne et en Amérique latine restera minime.

Irrigation et ressources en eau, de 1997-99 à 2030


Source: données et projections FAO

On considère que la disponibilité d'eau ne devient un facteur critique que lorsque 40 pour cent ou plus des ressources en eau renouvelables sont utilisées pour l'irrigation. C'est le seuil à partir duquel les pays sont contraints de faire des choix difficiles entre l'approvisionnement en eau de leurs secteurs urbains ou ruraux. D'ici 2030, l'Asie du Sud aura atteint ce seuil, et au Proche-Orient et en Afrique du Nord le niveau atteint ne sera pas moins de 58 pour cent.

Sur 93 pays en développement étudiés dans le cadre de ce rapport, 10 utilisaient déjà plus de 40 pour cent de leurs ressources en eau renouvelables en 1997-99; 8 autres en utilisaient plus de 20 pour cent - seuil qui peut être considéré comme indiquant une menace de pénurie d'eau. D'ici 2030, deux autres pays auront dépassé ce seuil inférieur et un pays en développement sur cinq sera sujet à une pénurie d'eau effective ou imminente.

Deux pays, la Jamahiria arabe libyenne et l'Arabie saoudite, utilisent déjà annuellement plus d'eau pour l'irrigation que n'en fournissent leurs ressources renouvelables, en puisant sur les réserves fossiles d'eau souterraine. Plusieurs autres pays du Proche-Orient et de l'Afrique du Nord, de l'Asie du Sud et de l'Asie de l'Est puisent aussi, localement, des eaux souterraines non renouvelables. Dans de vastes régions de l'Inde et de la Chine, les niveaux d'eau souterraine baissent de 1 à 3 m par an, causant l'affaissement de bâtiments, l'intrusion d'eau de mer dans les nappes aquifères et une augmentation des coûts de pompage.

Dans ces pays et contrées, il faudra modifier les politiques et investir pour améliorer l'efficience de l'irrigation, en même temps qu'innover pour améliorer la collecte et l'infiltration de l'eau, au moyen par exemple de la récupération d'eau, de la plantation d'arbres, etc.

Potentiel d'accrois-sement des rendements

Les taux de croissance ont ralenti au cours de la dernière décennie

L'augmentation future de la production végétale proviendra en grande partie de l'amélioration des rendements. Les progrès accomplis en matière de rendements ont été irréguliers au cours des trois dernières décennies.

Les rendements céréaliers mondiaux ont augmenté rapidement entre 1961 et 1999, le taux moyen étant de 2,1 pour cent par an. Grâce à la "Révolution verte", ils ont accusé une croissance encore plus rapide dans les pays en dévelop-pement, où le taux était en moyenne de 2,5 pour cent par an. Ce sont le blé, le riz et le maïs qui ont connu les taux de croissance les plus rapides. En effet, étant les aliments de base les plus importants au monde, c'est sur eux que ce sont principalement concentrés les efforts internationaux d'amélioration des plantes. Les rendements des principales cultures commerciales, le soja et le coton, se sont aussi accrus rapidement.

La croissance des rendements du blé et du riz a visiblement ralenti dans les années 1990. Les rendements du riz ont augmenté à un taux moyen de 2,3 pour cent par an entre 1961 et 1989, mais entre 1989 et 1999 ce chiffre a baissé de plus de la moitié, pour tomber à 1,1 pour cent.

A l'autre extrémité de l'échelle, les rendements du millet, du sorgho et des légumineuses n'ont augmenté que lentement. Ces cultures, cultivées principalement par les agriculteurs dépourvus de ressources des régions semi-arides, figurent parmi celles pour lesquelles la recherche internationale n'a pas produit jusqu'ici de variétés offrant des rendements très supérieurs en exploitation paysanne. Des accroissements utiles ont été observés, cependant, et les rendements obtenus par les agriculteurs sont plus stables qu'ils ne l'étaient, grâce à l'introduction de caractères tels que la maturation précoce.

La croissance globale des rendements céréaliers a fléchi dans les années 1990. Les rendements du maïs dans les pays en dévelop-pement ont maintenu leur dynamisme, mais les progrès pour le blé et le riz ont visiblement ralenti. Les rendements du blé ont augmenté en moyenne de 3,8 pour cent par an entre 1961 et 1989, mais seulement de 2 pour cent par an entre 1989 et 1999. Quant au riz, les taux respectifs ont chuté de plus de la moitié, de 2,3 pour cent à 1,1 pour cent. Ceci reflète essentiellement le fléchissement de la demande concernant ces produits.

La croissance projetée des rendements est-elle réaliste?

Comme on prévoit une croissance plus lente de la production au cours des 30 prochaines années, il ne sera pas nécessaire que les rendements augmentent aussi rapidement que dans le passé. Selon les projections, la croissance des rendements du blé va tomber à 1,1 pour cent par an au cours des 30 prochaines années, et celle du riz à 0,9 pour cent seulement par an.

Néanmoins, des rendements plus élevés seront nécessaires - l'augmentation projetée est-elle par conséquent réalisable? Une façon d'en juger consiste à examiner les écarts de performance entre groupes de pays. Certains pays en développement ont atteint des rendements agricoles très élevés. En 1997-99, par exemple, les 10 pour cent les plus performants affichaient un rendement moyen du blé six fois plus élevé que les 10 pour cent les moins performants, et deux fois plus élevé que la moyenne des plus gros producteurs, à savoir la Chine, l'Inde et la Turquie. En ce qui concerne le riz, les écarts étaient approximativement les mêmes.

Des écarts de rendement nationaux comme ceux-ci sont dus à deux ensembles principaux de causes:

Rendement des cultures dans les pays en développement, de 1961 à 2030


Source: données et projections FAO

Pour déterminer quels progrès sont réalisables en matière de rendements, il faut faire la distinction entre les écarts qui peuvent être réduits et ceux qui ne le peuvent pas. Une étude FAO/IIASA détaillée, basée sur les zones agroécologiques, a fait pour chaque pays l'inventaire des superficies de terres qui conviennent, à divers degrés, à différentes cultures. A partir de ces données, il est possible de calculer un rendement national maximum réalisable pour chaque culture.

Comme on prévoit une croissance plus lente de la production au cours des 30 prochaines années, il ne sera pas nécessaire que les rendements augmentent aussi rapidement que dans le passé. Selon les projections, dans les pays en développement, la croissance des rendements du blé va tomber à 1,1 pour cent par an et celle des rendements du riz à 0,9 pour cent seulement.

Ce maximum suppose que des niveaux élevés d'intrants et les variétés de cultures les mieux adaptées sont utilisés dans chaque zone, et que chaque culture est cultivée dans un éventail de qualités des sols qui reflète la diversité nationale. Il s'agit d'un chiffre réaliste car il est basé sur des technologies déjà connues et ne suppose pas d'importantes découvertes sur le plan de l'amélioration des plantes. Il risquerait plutôt de sous-estimer les rendements maximums réalisables car, dans la pratique, on aura tendance à pratiquer les cultures dans les terres qui leur conviennent le mieux.

Ecarts de rendement exploitables pour le blé: rendement réel par rapport au rendement potentiel

Sources: données FAO et Fischer et al. (2000)

Le rendement maximum réalisable peut alors être comparé au rendement national moyen réel pour avoir une idée de l'écart de rendement qui peut être comblé. L'étude a montré que même un pays technologiquement dynamique comme la France n'est pas encore près d'atteindre son rendement maximum réalisable. La France pourrait obtenir un rendement moyen du blé de 8,7 tonnes/ha, qui pourrait monter à 11,6 tonnes/ha dans ses meilleures terres à blé, alors que son rendement moyen réel est aujourd'hui de 7,2 tonnes/ha.

Utilisation d'engrais, de 1961 à 1999

Source: données FAO

Des écarts de rendement de cet ordre existent dans la plupart des pays ainsi étudiés. Seuls quelques pays atteignent en fait leur rendement maximum réalisable.

On a toutes les raisons de croire que, lorsque les prix réels augmenteront, les agriculteurs oeuvreront pour combler les écarts de rende-ments. Dans le passé, les agriculteurs jouissant d'un bon accès aux technologies, aux intrants et aux marchés ont réagi très rapidement à la hausse des prix. L'Argentine, par exemple, a augmenté sa production de blé de rien moins que 68 pour cent en un an seulement, en 1996, suite aux augmentations du prix, bien que ceci ait été réalisé principalement grâce à une expansion de la superficie cultivée. Là où les terres se font plus rares, la réaction des exploitants consiste à passer à des variétés à plus haut rendement et à accroître l'utilisation d'autres intrants pour parvenir à des rendements plus élevés.

Il semble évident que, même sans nouvelles innovations technologiques, il serait possible d'accroître les rendements des cultures à la mesure des besoins. En effet, si 11 seulement des pays producteurs de blé, représentant moins des deux cinquièmes de la production mondiale, comblaient simplement la moitié de l'écart entre leur rendement réel et leur rendement maximum réalisable, la production mondiale de blé augmenterait alors presque d'un quart.

Il est toujours incertain que la recherche donne des résultats, en particulier si elle est de nature stratégique ou fondamentale. Néanmoins, si les recherches génétiques et autres actuellement en cours généraient de nouvelles technologies, les seuils de rendement pourraient s'en trouver encore augmentés, tandis que les coûts environnementaux de la production végétale pourraient aussi être réduits.

Avec les incitations économiques voulues, l'agriculture mondiale satisfera la demande exprimée par le marché, comme elle l'a fait dans le passé. Il est évident que beaucoup d'agriculteurs pauvres dans des environnements marginaux ne seront en mesure de réagir que s'ils ont accès aux intrants, aux marchés et aux technologies, et si les politiques créent les conditions favorables. De plus, il faut que la recherche arrive à développer des variétés et des techniques qui améliorent les rendements dans les environnements hostiles. Ces mesures sont essentielles pour que les agriculteurs pauvres et leurs familles sortent du piège de la pauvreté.

Engrais: leur utilisation va continuer d'augmenter, mais lentement

L'un des principaux moyens pour les agriculteurs d'accroître les rendements consiste à utiliser davantage d'engrais. Un tiers de l'augmentation de la production mondiale de céréales dans les années 1970 et 1980 a été attribué à l'utilisation accrue d'engrais. En Inde, c'est même la moitié.

Le degré d'utilisation des engrais varie énormément suivant les régions. L'Amérique du Nord, l'Europe occidentale et l'Asie de l'Est et du Sud représentaient les quatre cinquièmes de l'utilisation mondiale d'engrais en 1997-99. Les taux les plus élevés, atteignant en moyenne 194 kg d'éléments fertilisants par hectare, étaient appliqués en Asie de l'Est, les pays industrialisés venant en deuxième position avec 117 kg/ha. A l'autre extrémité de l'échelle, les agriculteurs d'Afrique subsaharienne n'en utilisaient que 5 kg/ha.

La consommation mondiale d'engrais a connu une rapide hausse dans les années 1960, 1970 et 1980, mais elle a considérablement ralenti dans les années 1990. Dans les pays industrialisés, le fléchissement a été dû principalement à la réduction du soutien gouvernemental à l'agriculture et à la montée de la préoccupation environnementale. Dans les pays en transition, la consommation d'engrais a de même rapidement baissé, mais pour des raisons différentes, à savoir la récession et la restructuration. Même dans les pays en développement, le taux de croissance de l'utilisation d'engrais dans les années 1990 avait chuté à moins de la moitié du chiffre des décennies précédentes.

On prévoit la poursuite de cette croissance ralentie. La consommation mondiale d'engrais devrait augmenter en moyenne de 1 pour cent par an au cours des trois prochaines décennies (un peu plus vite dans les pays en dévelop-pement, et un peu moins dans les pays développés). C'est en Afrique subsaharienne que les taux de croissance seraient les plus élevés. On n'y utilise actuellement que très peu d'engrais, et donc ces taux de croissance rapides pourraient ne se traduire en réalité que par de faibles augmentations absolues.




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