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5 ENJEUX ET RÉPERCUSSIONS SUR LE DÉVELOPPEMENT AGRI-COLE ET LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE


Il ressort clairement que l'accord sur l'agriculture a des répercussions très graves pour l'Inde.

1. Comme l'Inde ne subventionne pas son agriculture, il est important que le soutien national des pays qui subventionnent fortement leur agriculture, soit considérablement réduit et portés aux niveaux de minimis, stipulés dans l'Accord. Les subventions à l'exportation devraient être totalement éliminées. En effet les subventions à l'exportation ajoutes au secteur interne font que les exportations de pays comme l'Inde ne sont pas compétitives et constituent un préjudice. Il est tout à fait évident que la réduction des subventions d'exportation et des exportations subventionnées par les pays développés auront de fortes répercussions sur les exportations des pays en développement. Du fait des subventions à l'exportation, les pays qui n'ont pas un avantage comparatif sont à même de maintenir leur compétitivité, au détriment de ceux qui ne peuvent pas capables utiliser les subventions à l'exportation. Il est aussi important de s'assurer qu'un recours accru aux crédits d'exportation ne se substitue par à la réduction des subventions d'exportation.

Toutefois, dans les pays en développement, les infrastructures laissent souvent à désirer. Les exportateurs de produits agricoles de ces pays doivent supporter un poids très lourd pour les coûts du transport et de la commercialisation. Les subventions octroyées aux pays en développement sont autorisées dans ces secteurs et toute nouvelle tentative de limiter l'utilisation de ces subventions serait préjudiciable pour l'Inde.

2. Les crêtes tarifaires, la progressivité des droits de douane, les accords bilatéraux concernant les produits et les exonérations spéciales sont les aspects principaux qui limitent l'accès aux marchés étrangers pour les produits qui bénéficient d'un avantage comparatif. Parmi les principaux produits pour lesquels les crêtes tarifaires sont un obstacle on peut citer les produits laitiers, les fruits et les légumes, les préparations de fruits et de légumes, la viande et le poisson et les produits de l'industrie alimentaire. Une expansion plus judicieuse des marchés des pays développés est essentielle pour encourager l'accès aux marchés des produits qui sont importants pour l'Inde.

3 Les ambiguïtés contenues dans diverses parties de l'Accord, dues essentiellement à un manque de clarté, devraient être examinés afin d'éviter d'imposer des restrictions au soutien octroyé à l'agriculture indienne à l'avenir. Certaines concernent le calcul de la MGS.

(a) En calculant le soutien des prix du marché, les prix de référence externes sont ceux des années 1986-1988. Ainsi, pour calculer le niveau réel de la MGS, l'écart entre le prix de soutien et le prix de référence externe doit être calculé à partir du prix de soutien actuel et du prix extérieur de référence de base. Le problème d'un prix de référence externe fixé pour le calcul de la MGS, a une importance particulière vu que les tableaux auxiliaires des soumissions faites à l'origine par les pays membres à l'OMC, ont été exprimées en devises nationales. Le calcul de la MGS présente des problèmes pour les pays en développement (notamment l'Inde) où les taux d'inflation sont en général élevés par rapport aux pays développés. Par exemple, pour ce qui est de l'Inde, entre l'année de référence (exercice triennal de 1988-89) et 2000-2001, on relève que la modification de l'indice des prix de gros pour tous les produits est d'environ 146 pour cent, alors que la dépréciation de la roupie indienne est de l'ordre de 214 pour cent, au cours de la même période. Comme les soumissions pour la période de base ont été exprimées en devises nationales (roupie indienne), si l'on ne tient pas compte des modifications dues à l'inflation et au taux de change, la MGS est positive. Ces problèmes liés au calcul de la MGS n'existeraient pas si les dispositions de l'accord avaient été suffisamment claires pour stipuler que la MGS totale courante peut être ajustée en tenant compte de l'inflation. La seule référence à l'inflation dans l'accord figure à l'article 18.4, mais son sens est obscur.[59]

(b) L'Accord n'indique pas assez clairement si les quantités susceptibles de bénéficier du prix administré concernent la production totale ou seulement l'excédent commercialisé effectivement sur le marché ou encore la quantité faisant l'objet de passation des marchés par les pouvoirs publics par le biais des mécanismes de soutien des prix. Certains États membres comme le Pakistan ont opté pour les quantités faisant l'objet de passations de marchés, alors que d'autres pays ont retenu la production totale. L'utilisation de la production totale dans les calculs s'explique du fait que l'agence désignée par les pouvoirs publics est censée acheter tout ce qui arrive sur le marché, au prix de soutien préalablement fixé. Toutefois, des limites ont été posées, puisque les quantités portées sur le marché ne dépasseront pas l'excédent commercialisable du fait que l'auto-consommation représente une part importante de la production de denrées alimentaires de base, dans un pays comme l'Inde. Cette question devra être réglée dans le cycle actuel de négociations.

L'autre question importante dans ce contexte est celle du calcul de la valeur de la production. La production doit-elle être évaluée en fonction des prix nationaux ou des prix à la frontière. Comme les prix à la frontière sont considérés comme des points de repères pour l'efficacité, ils devraient être utilisés pour évaluer la production plutôt que les prix nationaux, comme cela est le cas actuellement.

(c) L'interprétation des valeurs négatives de la MGS par produit n'est pas très claire. Les problèmes lies à cette interprétation ont des répercussions importantes pour l'Inde, qui ne subventionne pas son agriculture. Ainsi, l'article 7.2 (b) stipule que «dans le cas où il n'existe pas d'engagements en matière de MGS totale dans la Partie IV de la Liste d'un Membre, celui-ci n'accordera pas de soutien aux producteurs agricoles qui excède le niveau de minimis pertinent indiqué au paragraphe de l'article 6.4». Cela indique que les pays qui n'ont pas d'engagements de réduction peuvent augmenter leurs soutien interne jusqu'au niveau de minimis. L'article 13 (b) (ii) indique que le soutien national qui est conforme aux dispositions de l'Accord ne donnera pas lieu à une action à condition que ces mesures n'accordent pas un soutien pour un produit spécifique qui excède celui qui a été décidé pendant la campagne de commercialisation 1992.. Du fait de cette ambiguîté, on ne comprend pas bien si les pays pourraient bénéficier du niveau de minimis de soutien autorisé dans l'Accord. Ce point aussi doit être précisé dans le cycle de négociations en cours.

En outre, en traitant les importants soutiens négatifs par produits, dans les pays en développement, comme s'ils équivalaient à zéro, l'Accord pénalise les pays qui taxent leur agriculture par rapport à ceux qui la subventionnent. Ils peuvent continuer à subventionner leur production agricole au niveau de 5 pour cent de la valeur de la production agricole à la fois pour le soutien par produit et autre que par produit, dans les pays développés ou de 10 pour cent dans les deux cas, pour les pays en développement.

Exception faite de cette ambiguïté, l'Accord n'autorise pas l'Inde à maintenir le système actuel de soutien à l'agriculture indienne, parce qu'il n'existe pas d'engagement de réduction pour le soutien interne puisque le soutien fourni à l'agriculture indienne est nettement inférieur au niveau de minimis qui figure dans l'Accord. Malgré cette flexibilité, l'Accord fixe un niveau obligatoire pour le soutien par produits et autre que par produits octroyé par les pouvoirs publics (10 pour cent de la valeur de la production agricole).

d) Au titre de l'article 6.2, les subventions aux intrants agricoles qui sont généralement disponibles pour les producteurs qui dans les pays en développement Membres ont de faibles revenus ou sont dotés de ressources limitées, seront exemptées des engagements de réduction du soutien interne. Cela vaut aussi pour les soutiens nationaux octroyés pour encourager le remplacement des cultures de plantes narcotiques illicites. Avec cette clause, le problème tient à la définition des agriculteurs à faibles revenus ou dotés de ressources limitées. Aucune indication ne figure dans l'Accord.

En général on tient compte de la superficie des terres cultivées pour définir les agriculteurs dotés de ressources limitées. Toutefois ce critère pourrait bien ne pas être approprié si l'on suit la définition actuelle du seuil de pauvreté qui s'appuie sur les dépenses. Dans ce cas l'on enregistre des variations, d'année en année, selon la définition de la ligne de pauvreté utilisée dans les calculs. Les définitions basées sur un revenu moyen de 1000 dollars pour les États membres en développement (annexe VII de l'Accord sur les subventions et les mesures compensatoires) donneraient des résultats différents. Cette question est fondamentale pour l'Inde, car l'exonération sur les soutiens autres que par produits pour les agriculteurs dotés de ressources limitées laisse une grande marge de manœuvre pour soutenir les producteurs agricoles.

4. Pour ce qui est de la stabilisation des prix, l'Inde a utilise une stratégie qui repose sur trois points essentiels: le soutien des prix, les stocks publics de céréales et les restrictions aux échanges extérieurs. Les calculs relatifs au soutien interne susmentionnés, indiquent que l'Inde dispose d'une flexibilité suffisante, au titre de l'Accord, pour soutenir les prix des produits agricoles. Les limites inhérentes à ces politiques peuvent déjà être perçues, avec le gonflement excessif des stocks de céréales, qui se sont accumulés ces dernières années. L'Accord sur l'agriculture permet aux pouvoirs publics de stocker des denrées à des fins de sécurité alimentaire mais la rentabilité de ces programmes à la lumière de la chute des cours internationaux et des subventions importantes des pays développés ont remis sérieusement en question la pertinence de ces politiques.

Pour ce qui est des restrictions sur les importations destinées à stabiliser les prix, depuis l'abolition des restrictions quantitatives, ce sont les droits sur les importations qui devraient être utilisés. L'application des droits consolidés sur les produits agricoles, qui a été examinée précédemment montre qu'il s'agit d'une alternative viable puisque la plupart des produits sont affectés de consolidations tarifaires suffisamment élevées. À l'avenir, cette flexibilité pourrait baisser si d'autres réductions des droits de douane sont introduites après le cycle actuel de négociations. Dans ce cas, les instruments comme les droits d'importation variables et les clauses de sauvegarde spéciale (SGS) seraient plus utiles. Toutefois, la régularité des tranches de prix, dans l'Accord sur l'agriculture, n'est pas très claire car la note de fin de page de l'article 4.2 interdit l'utilisation de droits variables à l'importation. Si cette tranche de prix est considérée comme un «droits de douane proprement dits» les tranches de prix seront considérées comme légales mais cela ne sera pas le cas si elles sont considérées comme des droits variables à l'importation. (Sharma, Greenfield and Konandreas, 1999).

L'objectif de la clause de sauvegarde spéciale est d'autoriser l'utilisation de droits additionnels, au-dessus et en-dessous des taux consolidés, susceptibles d'être appliqués, si certaines conditions relatives à la hausse subite des importations ou au recul des prix de référence externes sont réunies. Au titre de la clause de sauvegarde (article 5) de l'Accord sur l'agriculture, l'utilisation de ces dispositions ne peut s'appliquer qu'aux pays qui ont des niveaux de droits consolidés et utilisant la formule de tarification, inscrite par la suite dans leurs engagements. Les prochaines négociations devraient prendre en considération ces questions et autoriser l'utilisation de ces instruments à des fins de stabilisation des prix. Le recours aux SGS sera très important pour des pays comme l'Inde.

5. Le niveau de protection actuellement octroyé aux vins et aux spiritueux, selon la provenance géographique devrait être étendu à d'autres produits comme le thé Darjeeling et le riz basmati. Il s'agit d'une question d'accès aux marchés pour les produits agricoles vu que la spécificité des produits est un élément important d'une juste concurrence. Cette mesure est favorable aux consommateurs qui disposent d'un choix plus vaste et de plus d'informations sur les qualités réelles des produits. Elle est aussi positive pour les producteurs, soucieux d'une production de qualité qui sont protégés contre la concurrence déloyale ou trompeuse sur les marchés étrangers.

6. Les exportateurs connaissent aussi d'importants problèmes au titre de l'Accord SPS sur les mesures sanitaires et phytosanitaires. Bien que le but de cet accord soit d'empêcher les pays membres d'utiliser les normes applicables à la santé humaine et animale et à la protection des plantes à des fins protectionnistes, chaque pays applique ses propres règles pour les restrictions (inspection des produits importés, traitement spécifique ou traitement des produits, établissement de niveaux maximum autorisés pour les résidus de pesticides ou pour l'utilisation admise de autorisée de certains additifs spécifiques dans l'alimentation). Qui plus est, les normes SPS sont en train de devenir de plus en plus complexes; même les technologies nécessaires pour les tests de base et les certificats ne sont pas toujours disponibles à grande échelle. Si les pays développés acceptent de considérer les normes de la Commission du Codex Alimentarius (CODEX) comme équivalents, les pays comme l'Inde en tireront profit.

7. Dans le cas des engagement d'aide technique et financière, deux types de questions doivent être abordés. L'une concerne les dispositions relatives à l'aide devraient être juridiquement contraignantes pour les pays développés. Les dispositions actuelles du traitement spécial et différencié sur l'aide technique et financière s'énoncent en ternes d'engagements d «effort maximal». N'étant pas juridiquement contraignantes, aucune affaire de différend ne peut être engagée sur la base du non-respect. En outre, l'aide volontaire qui aurait dû être octroyée a fait défaut. La deuxième porte sur les dispositions en matière de financement. Il est fortement nécessaire d'établir un mécanisme institutionnel spécial pour soutenir la libéralisation ou la mondialisation et pour attribuer ces fonds de manière permanente afin qu'ils ne restent pas au niveau d'un accord ad hoc. Il est essentiel d'établir des institutions dans les pays en développement pour mettre en place des programmes de réforme et aussi pour augmenter les ressources afin de faire face aux coûts élevés de mise en place des dispositions nécessaires pour que les règles nationales s'harmonisent aux règles internationales et pour régler les fortes contraintes liées à l'offre.

8. La question de la sécurité alimentaire reste critique dans un pays comme l'Inde, mais elle doit être traitée avec la plus grande attention. Les groupes chargés de cette gestion pourraient détourner cette préoccupation de manière émotive, afin de continuer à bénéficier de subventions et de protection. La sécurité alimentaire cela va de soi, reste et restera une question fondamentale, à la fois pour les pays développés et en développement mais il existe une différence entre les préoccupations légitimes de sécurité alimentaire des pays en développement où la plus grande partie de la population continue à dépendre de l'agriculture pour ses moyens d'existence, où l'infrastructure est limitée et où les possibilités d'emplois sont rares en dehors du secteur agricole, pour un grand nombre d'analphabètes, et celles des pays développés. Si les pays développés sont capables de protéger leurs niveaux élevés de subventions et continuent à les utiliser sous la forme de considérations autres que d'ordre commercial, les pays en développement n'en tireront aucun bénéfice.

9. Neuvièmement, au titre des dispositions du traitement spécial et différencié, le cadre élargi de l'accord devrait prendre des dispositions pour permettre un accès réel et significatif aux marchés, pour les produits des pays comme l'Inde et octroyer une plus grande flexibilité aux engagements de réduction des soutien nationaux et des niveaux de droits. Cela est fondamental pour les produits sensibles qui doivent tenir compte des préoccupations de la population rurale dans ce secteur du soutien de leurs conditions d'existence et d'emploi. Ainsi, les nouvelles dispositions de traitement spécial et différencié devraient tenir compte des deux principaux goulots d'étranglements, lors de la mise en place des réformes, dans un pays comme l'Inde. On constate une forte carence institutionnelle pour appliquer les réformes et supporter les coûts élevés de la mise en place des modifications. Ensuite, il existe d'importantes contraintes liées à l'offre (comme les infrastructures médiocres) qui rendent difficile le renforcement des capacités, pour être concurrentiels sur le marché international.


[59] Dans cette clause on indique que lors de l'examen multilatéral des engagements de mise en oeuvre négociés au titre du programme de réforme du Cycle d'Uruguay qui est entrepris de manière régulière par le Comité de l'agriculture «le Membres prendront dûment en compte l'influence de taux d'inflation excessifs sur la capacité de tout Membre de se conformer à ses engagements en matière de soutien interne».

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