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2 MISE EN ŒUVRE DE L’ACCORD SUR L’AGRICULTURE ET DES AUTRES ACCORDS DE L’OMC


Cette section porte sur la mise en oeuvre des engagements en matière d’accès aux marchés, de soutien interne et de subventions à l’exportation, ainsi que de l’Accord SPS, mais ne s’intéresse pas à leurs répercussions. Les questions touchant les flux d’échange seront examinées à la section III, et celles relatives à la sécurité alimentaire à la section 4.

2.1 Accès aux marchés

La moyenne des droits consolidés est élevée mais on enregistre plusieurs exceptions. Tous les pays en développement n’appliquent pas des droits consolidés élevés sur certains produits agricoles ou sur tous - contrairement à l’opinion courante - malgré la possibilité qui leur a été donnée au cours du Cycle d’Uruguay, d’offrir des consolidations à des niveaux plafonds pour l’ensemble de leur production. Si l’on estime de manière arbitraire qu’un taux de 40 pour cent est le point de démarcation entre les droits consolidés élevés et les droits consolidés faibles, on a relevé des taux élevés (supérieures à 40 pour cent) dans 13 des 21 pays pour lesquels nous disposons d’informations mais huit d’entre eux, soit un tiers du total ont des taux faibles (inférieurs ou égaux à 40 pour cent; voir tableau 3). Les droits consolidés élevés varient de 50 pour cent (Sri Lanka) à 200 pour cent (Bangladesh). Sur les sept pays pour lesquels le niveau des taux consolidés est faible, certains figurent parmi les pays exportateurs nets de produits agricoles (Brésil, 35 pour cent; Philippines, 30-35 pour cent probablement; Thaïlande 36 pour cent). Un grand nombre sont par contre importateurs nets de produits alimentaires (comme l’Égypte qui au départ avait un taux de 62 pour cent, ramené ensuite à 28 pour cent en 2004; Fidji, 40 pour cent; le Pérou, 30 pour cent; le Honduras, 35 pour cent).

Les taux effectivement appliqués sont en moyenne nettement inférieurs aux taux consolidés. On peut avancer de manière très approximative que parmi les pays sélectionnés pour lesquels nous disposons de données, les taux consolidés atteignaient en moyenne 84 pour cent, alors que les taux effectivement appliqués étaient en moyenne de 18 pour cent. Dans deux pays seulement, parmi ceux pour lesquels nous disposons d’informations, on constante que les taux consolidés moyens correspondent aux taux effectivement appliqués; en Thaïlande (le taux moyen effectivement appliqué est de 32 pour alors que le taux moyen consolidé est de 36 pour cent) et en Égypte (qui s’est engagée a réduire ses droits consolidés qui étaient au départ de 62 pour cent à 28 pour cent en 2004 et où les taux moyens effectivement appliqués étaient de 22 pour cent). Si l’on divise à nouveau les pays sélectionnés en deux groupes, en fixant cette fois-ci de manière arbitraire un taux de 15 pour cent comme ligne de démarcation entre les pays à taux moyen effectivement appliqué élevé et ceux à faible taux moyen effectivement appliqué, la valeur moyenne pour le groupe de pays ayant un taux effectivement appliqué élevé est d’environ 20-25 pour cent. Pour les pays appartenant au groupe des pays affectés de faibles droits effectivement appliqués, la valeur moyenne est d’environ 12 pour cent. L’Indonésie et le Botswana se distinguent respectivement avec un taux moyen effectivement appliqué de seulement 5 et 6 pour cent.

On peut donner au moins quatre raisons pour lesquelles les taux effectivement appliqués sont nettement inférieurs au taux consolidés. Tout d’abord, les pays ont souvent délibérément pris des précautions en fixant les taux consolidés, afin de pouvoir agir avec le maximum de flexibilité à l’avenir et disposer dans la mesure du possible d’un pouvoir dans les négociations. Par ailleurs, les droits effectivement appliqués sont faibles car les réformes tarifaires (réductions et harmonisation) ont été engagées dix ans ou plus avant la conclusion du Cycle d’Uruguay.

Ensuite, le processus régional d’intégration auquel ont participé de nombreux pays en développement, au cours des années 90, a été particulièrement efficace pour réduire les taux effectivement appliqués. Par exemple, dans les négociations du Marché commun austral (Mercado Común del Sur ou MERCOSUR), le droit maximum sur les produits agricoles a été établi à 20 pour cent, alors que le Brésil avait un droit consolidé de 35 pour cent pour la plupart des importations agricoles et de 55 pour cent pour un certains nombre de produits de base importants. En 1997, du fait de la révision du Tarif extérieur commun (TEC) du Marché commun centraméricain (MACCA), le taux effectivement appliqué maximum a été fixé à 15 pour cent, alors que l’ensemble des taux de consolidés du Honduras à l’OMC est de 35 pour cent. La Jamaïque applique le TEC du Marché commun des Caraïbes (CARICOM) où le droit maximum est de 40 pour cent alors que l’ensemble des consolidations de la Jamaïque à l’OMC atteint 100 pour cent. Au Pérou, où les droits effectivement appliqués sont déjà inférieurs aux droits consolidés, l’écart se creusera encore avec l’application prochaine du TEC du Marché commun andin. L’Indonésie a annoncé, en mai 1995, un programme de réduction tarifaire à long terme (Pakmei ‘95), dont l’importance est nettement plus significative pour ses listes tarifaires que le Cycle d’Uruguay, et qui répond en partie aux engagements pris au titre de la Coopération économique de la zone Asie-Pacifique. Un cas particulièrement frappant est celui du Sénégal, qui en tant que membre de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), depuis janvier 2000, a baissé ses taux de droit maximum à 20 pour cent, alors que son taux moyen consolidé (englobant d’autres droits et impositions -ADI-) est de 180 pour cent.

Troisièmement, certains pays, fortement peuplés où proches du niveau de pauvreté, n’ont pas trouvé concevable du point de vue politique de maintenir un niveau élevé des prix des produits alimentaires, à l’intérieur de leurs frontières, par le biais des droits. Enfin, certains pays ont été obligés de fixer des taux effectivement appliqués nettement inférieurs aux taux consolidés à l’OMC, du fait de la conditionnalité liée aux prêts.

Un autre point important est que les pays en développement, dans plusieurs cas, ont choisi de continuer à réduire les droits effectivement appliqués, au cours de la période de mise en œuvre qui à suivi l’Accord sur l’agriculture. Dans l’Accord sur l’agriculture, les pays en développement (à l’exception des pays les moins avancés) se sont engagés à réduire leurs taux consolidés d’une moyenne non pondérée de 24 pour cent en dix ans, avec une réduction minimum de 10 pour cent pour chaque ligne tarifaire. Toutefois, compte tenu de l’écart qui existe entre les taux consolidés et les taux effectivement appliqués, un tel engagement ne devrait pas nécessiter une réduction des taux effectivement appliqués au cours de la période de mise en œuvre. Toutefois, les pays en développement ont continué à baisser leurs droits effectivement appliqués au cours de cette période. On peut notamment citer l’exemple du Costa Rica (où les droits effectivement appliqués sont passé de 17,1 pour cent en 1995 à 14,8 pour cent en l’an 2000), l’Égypte (qui a récemment annoncé d’ultérieures mesures de libéralisation de son régime commercial); Fidji (qui a réduit ses droits maximum à 27 pour cent dans le budget de 1999 et a simplifié sa structure tarifaire); le Honduras (qui a adopté le TEC le plus bas du MACCA en 1997); l’Indonésie (qui a accéléré son programme de réduction tarifaire dont le droit moyen dans le secteur est de 5 pour cent alors que l’objectif pour 2003, établi dans son programme Pakmei de 1995, était de 13,2 pour cent) et le Sénégal (qui a réduit son taux le plus élevé de 65 pour cent à 20 pour cent, en appliquant le TEC de l’UEMOA).

Si ces réductions constantes s’expliquent par des conditions liées aux prêts, dans un ou deux cas (notamment l’Indonésie, parmi les pays sélectionnés) dans la plupart des cas, ces réductions ont été délibérément décidées par les pays en développement, dans le cadre des stratégies de développement économique qu’ils ont adoptées. Il est important de souligner qu’une réduction des droits effectivement appliqués ne signifie pas nécessairement que les incitations à la production octroyées aux agriculteurs nationaux aient été réduites. Dans de nombreux cas, les réductions tarifaires ont été appliquées dans le cadre d’ajustement des taux de change qui ont plus que compensé la diminution de la protection tarifaire des agriculteurs. La dévaluation du taux de change ne s’accompagne pas seulement d’effets positifs, même pour les agriculteurs dont la production est destinée à l’exportation ou est concurrencée par les importations, car on assiste parallèlement à l’augmentation du coût des intrants nécessaires pour pouvoir bénéficier de prix plus élevés à la production. Ce point a toutefois son importance. Les facteurs macroéconomiques, comme le niveau du taux de change ou les taux d’intérêt réels, ont souvent une influence plus significative sur les incitations destinées à la production agricole, que les interventions sectorielles, telles que les politiques tarifaires.

Tableau 3. Droits consolidés et taux effectivement appliqués

Pays

Droits consolidés

Taux effectivement appliqués

Bangladesh*

200% de moyenne (sauf 50% pour 13 lignes) plus 30% d’autres droits et impositions (ADI) sur tous les produits

25% de moyenne

Botswana*

Moyenne non calculée (essentiellement dans la fourchette de 0 à 100%)

6% de moyenne (fourchette représentative 0-35%; droits forfaitaires pour 6 lignes

Brésil

35% de moyenne (fourchette 0-55%)

11% de moyenne (lié au taux maximum de 20% du TEC du MERCOSUR)

Costa Rica

Non calculés

14,8%

Côte d’Ivoire

15% (à l’exception de 25 articles entre 5 et 75%)

16,4% (2001)

Égypte

62 % au cours de la période de référence; doit baisser jusqu’à 28 pour cent en 2004

18,5% de moyenne (21,8% y compris les ADI)

Fidji

40% (sauf pour le riz et le lait en poudre consolidés à 60%; doivent s’établir à 46 % d’ici 2005)

Pour la plupart des importations agricoles, 15%. Taux maximum à 27%

Guyana*

100% en moyenne plus 40% d’ADI

Moyenne non calculée (taux maximum de 40% - taux du TEC de la CARICOM)

Honduras

35%, à quelques exceptions près

11% mais quelques taux plus élevés

Inde

116% de moyenne (environ la moitié des lignes tarifaires à 100%, et un tiers à 150%)

26% de moyenne (89% de lignes à un taux inférieur ou égal à 50%; 74% de 25% à 50%)

Indonésie

Très variable, plus de 70 pour cent, en moyenne

5%, et droits à 0 % sur les denrées alimentaires, à l’exception du riz et du sucre

Jamaïque

100% en moyenne plus 15% d’ADI (ADI plus élevés pour 55 lignes tarifaires et pour trois chapitres du SH)

Average 20,2% (le taux maximum appliqué est de 40% - taux du TEC du CARICOM), droits de timbre additionnels.

Kenya*

100% de moyenne

17% de moyenne

Malawi

125% en général sauf pour quelques produits dont les taux plafonds sont à 50%, 55% et 65%.

15% de moyenne

Maroc*

65% de moyenne (34% pour 71% des lignes tarifaires) plus 15% d’ADI

Non calculé

Pakistan*

101% de moyenne

Taux maximum de 35%

Pérou

30 pour cent de moyenne (68% pour 20 produits alimentaires)

12% en général avec un maximum de 20 pour cent pour certains produits sensibles

Philippines

Moyenne de 13,26 % en l’an 2000; jusqu’à 100% au départ pour les produits sensibles puis recul à 30-50%

Moyenne non calculée, mais taux de 10%, 20% ou 30%

Sénégal

30% de moyenne + 150% d’ADI

Varie maintenant de 10 à 20 pour cent, conformément au TEC de l’UEMOA

Sri Lanka*

50% de moyenne

Maximum de 35%, à quelques exceptions près

Thaïlande

36% de moyenne

32% de moyenne

Ouganda

80% en général; dans certains cas de 40 à 70%

11,2% de moyenne, plus ADI de 6%

Zimbabwe

150% (avec quelques exceptions à 25% et 40%)

Les taux effectivement appliqués de 4-6 de moyenne peuvent atteindre jusqu’à 75 pour cent par chapitre SH

Source: L’astérisque indique que les pays ont déjà fait l’objet d’une étude de la FAO. Pour ces pays, les données sont celles de 1999 ou de l’année la plus proche (antérieure) pour laquelle il existe des données. Pour les autres pays, les données sont celles des études de cas réalisées en 2002.

Alors que dans de nombreux pays en développement, les taux effectivement appliqués sont souvent relativement bas et en recul, la dispersion des droits dont il est question dans un certain nombre d’études de cas indique que certains pays ont des difficultés à «s’accommoder» des droits ordinaires, sous leur forme la plus simple, pour une certain nombre de produits, notamment les produits de base. Les droits appliqués à ces produits sont souvent en effet supérieurs à la moyenne et souvent accompagnés de mesures complémentaires (surtaxes, variantes des politiques des fourchettes de prix). Par exemple, le Costa Rica, dont les droits effectivement appliqués étaient en moyenne de 14,8 pour cent en l’an 2000, a fixé un droit de 57 pour cent sur les importations de produits laitiers et de 150 pour cent sur la viande brune de poulet. Le Brésil a opté pour des droits consolidés plus élevés pour certains produits comme le blé, le maïs, le riz, le coton, la viande de bœuf et les produits laitiers, bien que ces taux consolidés soient maintenant sans effet puisque la politique tarifaire en vigueur est celle du MERCOSUR. L’Égypte applique des droits élevés sur la viande de volaille. Fidji a fixé un droit de 40 pour cent sur le riz, alors que le taux général était de 10 pour cent avant la réforme tarifaire de 1999. A cette date, le nouveau taux maximum de 27 pour cent a été aussi appliqué aux produits laitiers et aux produits carnés. L’Indonésie applique des droits plus élevés sur le riz et le sucre, produits qui ne relèvent pas de l’engagement pris avec le Fonds monétaire international (FMI) d’appliquer des droits nuls aux produits alimentaires. Au Sénégal, les taux effectivement appliqués sont relativement élevés pour les fruits et légumes, le coton et les fibres textiles, et le sucre. Les autres produits retenus sensibles, pour lesquels une surtaxe a été appliquée pour compenser la suppression des restrictions quantitatives, sont notamment le riz, les bananes, les oignons, les pommes de terre, le mil, le sorgho et le maïs. Les systèmes des tranches de prix autorisent des droits plus élevés sur le maïs, le riz et le sorgho au Honduras et sur le lait, le maïs, le sorgho, le riz et le sucre au Pérou. Dans certains pays (Égypte, Inde, Indonésie) les boissons alcooliques sont encore fortement taxées, les droits atteignant 150 pour cent, ou plus encore.

Dans la liste, les denrées alimentaires de base arrivent en tête des produits sensibles, mais les produits laitiers, la viande (notamment de la viande de volaille), le sucre et les boissons alcooliques relèvent aussi de la catégorie. En effet, un certain nombre de pays en développement appliquent des droits particulièrement faibles aux produits alimentaires importés. Il s’agit notamment de l’Égypte (où les taux effectivement appliqués sur le blé, le maïs et l’huile d’arachide étaient de 1 pour cent en l’an 2000) et de l’Indonésie (sauf pour le riz). L’Inde avait des taux consolidés à 0 pour cent pour les produits comme le riz, les céréales secondaires et les produits laitiers, à la suite des engagements pris dans les cycles précédents du GATT, mais cela n’avait qu’une importance relative, car les importations étaient contrôlées par des restrictions quantitatives qui ont été maintenues pour des motifs liés à la balance des paiements. Lorsque l’Inde a éliminé les restrictions quantitatives sous la pression d’autres membres de l’OMC, elle a renégocié des taux consolidés plus élevés pour ces produits (en général de l’ordre de 40-60 pour cent).

La grosse différence entre les droits consolidés et les taux effectivement appliqués permet à la plupart des pays en développement de continuer à offrir des concessions sur les droits consolidés sans avoir à modifier ultérieurement les taux effectivement appliqués. Toutefois, le fait que des taux plus élevés soient appliqués aux «produits sensibles» implique que, dans la plupart des pays il y a normalement des produits sur lesquels les taux effectivement appliqués sont très proches des droits consolidés. Il en découle que les pays en développement pourraient être intéressés à une formule de réduction tarifaire visant à une baisse moyenne des droits, mais autorisant des réductions plus faibles sur des produits sensibles. Cependant, si la même formule s’applique aux pays développés, ils pourraient avoir recours à l’exception pour réduire au minimum les droits sur les produits particulièrement intéressants à l’exportation, dans les pays en développement. Ces derniers devraient donc examiner son propre cas pour savoir s’il va profiter ou au contraire être pénalisé par l’exemption des produits sensibles de la formule générale de réduction tarifaire. Les avantages liés à la protection accrue obtenue pour certains secteurs en concurrence avec les importations doivent être pondérés avec la possibilité d’avoir des obstacles constants sur les marchés d’exportation importants, entravant les secteurs nationaux orientés vers les exportations.

Dans les rares pays pour lesquels on dispose de données, on observe que les droits tendent à augmenter, au fur et à mesure de la transformation du produit, fournissant ainsi une protection nominale plus élevée aux secteurs de transformation concernés. Par exemple, la structure tarifaire du Costa Rica prévoit un taux de 10 pour cent pour les matières premières, de 13 pour cent pour les produits semi-transformés et 20 pour cent pour les produits transformés. Au Zimbabwe, la structure actuelle des droits effectivement appliqués est également à trois niveaux et assortie de droits progressifs, en fonction du niveau de la transformation. Bien que les études de cas ne permettent pas d’avoir des données suffisantes pour tirer une conclusion globale, il semblerait toutefois que la progressivité des droits soit une caractéristique des listes tarifaires, tant des pays en développement que des pays développés. Ces pays devraient ne pas oublier les relations qui existent entre la protection des industries de transformation des produits agricoles en concurrence avec les importations et la création de possibilités accrues d’une valeur ajoutée dans les secteurs en concurrence avec les exportations. Ces relations qui sous-tendent diverses formules de réductions tarifaires qui établissent une distinction entre les taux de droits faibles et les taux de droits élevés.

Il ressort des études de cas, que les restrictions quantitatives, conçues comme mesure commerciale, dans les pays en développement, sont maintenant un reliquat du passé. Auparavant, de nombreux pays en développement s’appuyaient sur des restrictions quantitatives des importations, souvent appliquées par les offices de commercialisation (entreprises commerciales d’État) afin de protéger les secteurs nationaux en concurrence avec les importations. Au titre de l’Accord sur l’agriculture, tous ces obstacles non tarifaires ont dû être progressivement éliminés, à l’exception des restrictions sur les importations maintenues pour des raisons de santé, de sécurité ou de morale. Le Honduras et le Pérou ont tous deux éliminé les restrictions non tarifaires sur les importations, y compris les contingents et les restrictions quantitatives, avant la mise en place de l’Accord sur l’agriculture. Dans ces pays, l’élimination des restrictions tarifaires n’a pas été compensée par l’augmentation des droits d’importation, c’est-à-dire qu’il n’y a pas eu de tarification de ces anciennes restrictions. Aux Philippines, les restrictions quantitatives ont été supprimées, mais compensées par une hausse des droits (sauf pour le riz). L’Indonésie a réduit le nombre des produits pour lesquels des licences d’importation sont nécessaires afin de respecter les engagements pris au titre de l’Accord sur l’agriculture, même si concrètement la conditionnalité liée aux prêts a été un facteur bien plus déterminant. Le Sénégal a aussi introduit des surtaxes au cours du Cycle d’Uruguay afin de remplacer les contingents d’importation qui existaient précédemment. L’Inde qui a maintenu ses restrictions quantitatives pour des raisons de balance des paiements les a éliminés plus rapidement que ce qui avait été prévu initialement, à la lumière des conclusions d’un groupe spécial chargé d’examiner les différends, mais elle a pu renégocier de nouveaux droits consolidés jusqu’à 80 pour cent, pour ces produits, en contrepartie de l’ouverture des contingents tarifaires. Le Malawi a été confronté à des importations bon marché de produits de l’élevage, notamment de viande de volaille en provenance d’Afrique du Sud et du Zimbabwe, au titre d’accords d’échanges régionaux et bilatéraux. Il a invoqué l’application des dispositions du Protocole commercial de la SADC sur la production des «industries naissantes», sous la pression des producteurs locaux.

Les entreprises publiques d’État, disposant du monopole des importations sont maintenant relativement peu nombreuses dans les pays en développement. Dans la plupart des pays étudiés ces offices de commercialisation ont été fermés et le monopole dont elles disposaient pour les importations a été supprimé du fait des programmes d’ajustement structurels adoptés depuis le milieu des années 80. Ils ne subsistent que rarement, dans les pays étudiés. L’Indonésie a notifié à l’OMC que l’Office national de planification de la logistique (BULOG) et l’Indonesian Clove Marketing Board (BPPC) sont des entreprises commerciales d’Etat au sens de l’Article XVII du GATT. En Égypte, les entreprises commerciales d’Etat jouent un rôle clé pour les importations de blé et les exportations de coton. L’Egypte est l’un des principaux importateurs de blé du monde et l’organisme public d’achat égyptien (General Authority of Supply Commodities -GASC), importe environ les trois-quarts des besoins du pays. Le GASC a pour tâche d’acheter le blé produit dans le pays ainsi que de procéder aux importations nécessaires pour produire 82 pour cent de la farine utilisée pour fabriquer le pain «baladi», subventionné dans le cadre du programme de subvention alimentaire de l’Égypte. Dans le cas du coton, les entreprises du secteur public exportent les trois quart des exportations totales de coton égyptien. D’autres produits dérivés comme les fils, les tissus et les vêtements sont en grande partie exportés ou importés par les entreprises publiques d’État. Au Zimbabwe, l’Office de commercialisation des céréales ne s’occupe que des importations de maïs.

Les engagements sur le comportement des entreprises commerciales d’État relèvent de l’article XVII du GATT. L’engagement consiste à assurer que les achats d’importation sont conformes aux principes de non discrimination et que la marge entre les prix nationaux et les cours mondiaux respectent les consolidations tarifaires de chaque produit. L’étude consacrée à l’Indonésie relève qu’à certaines occasions, pour ce qui est du sucre, la marge entre les cours nationaux et les cours mondiaux pourrait bien avoir été proche des taux consolidés de l’Indonésie. Dans les autres études de cas, rien ne laisse supposer que les engagements tarifaires aient entravé le fonctionnement des entreprises commerciales d’État, de quelque façon que ce soit.

Les pays en développement ont eu des expériences très différentes pour ce qui est de la gestion des contingents tarifaires. Premièrement, les pays en développement qui ont ouvert des contingents tarifaires sont seulement cinq (Brésil, Costa Rica, Inde, Indonésie et Philippines) parmi les vingt-trois pays sélectionnés et les motifs de cette décision sont les plus variés. Ainsi, dans le cas des Philippines, il s’agit d’une réaction à la tarification, alors que pour l’Inde, cela s’inscrit dans un accord prévoyant la compensation de l’accroissement des taux consolidés sur certains produits au cours des négociations qui ont suivi l’Accord sur l’agriculture. Leur utilisation a également donné des résultats différents. Dans certains cas (Brésil et certains contingents tarifaires aux Philippines), les contingents ont été inutiles, parce que les droits appliqués à la nation la plus favorisée (NPF) étaient inférieurs aux taux contingentaires. Dans le cas des Philippines, l’abolition des contingents tarifaires pour les bovins et la viande bovine reflète la pression du secteur national de l’élevage en faveur de droits plus faibles sur les animaux vivants ainsi que la reconnaissance du fait que les besoins d’intrants des entreprises de transformation de la viande ne pouvaient pas être couverts par le secteur national de l’élevage.

Lorsque les contingents tarifaires sont contraignants, comme au Costa Rica, en Inde, en Indonésie et dans le cas de quelques contingents aux Philippines, les taux d’utilisation ont été variables mais en général réduits. La situation aux Philippines, a entraîné des recours, de la part des États-Unis, dus au non respect des contingents nationaux pour le porc. Le gouvernement a répondu que la demande de porc congelé est très limitée dans le pays, les consommateurs préfèrent la viande fraîche. La gestion des contingents tarifaires a également été très variée. Le Costa Rica a suivi le principe rigoureux d’attribution NPF reposant sur l’affectation des contingents tarifaires à la Bolsa de Productos Agropecuarios (BOLPRO), une bourse de commerce. Pour ce qui est des contingents tarifaires relatifs au riz indonésien, les responsabilités des importations relèvent du BULOG, qui bénéficie de toute façon du monopole des importations. Les contingents tarifaires relatifs aux produits laitiers ont été gérés en Indonésie en adaptant un programme sur le contenu local dans lequel le lait national et le lait importé sont mélangés en respectant une proportion établie. Les contingents tarifaires sont attribués sur la base des certificats d’absorption du lait en fonction de la quantité de lait produite, utilisée dans les produits transformés.

Il ressort des études de cas, que les droits sont souvent les seuls et uniques instruments commerciaux dont disposent ces pays pour stabiliser les marchés nationaux et pour protéger les intérêts des agriculteurs, confrontés à de brusques écarts des cours mondiaux ou à une augmentation subite des importations. Cette situation subsiste malgré l’adoption par la plupart des pays étudiés d’une législation sur les mesures correctives des échanges pour lutter contre le dumping et l’utilisation de subventions, par les partenaires commerciaux, ainsi que d’une législation permettant l’utilisation de sauvegardes d’urgence.

Les sauvegardes générales (anti-dumping et mesures compensatoires, sauvegardes d’urgence, etc.) sont nécessaires, compte tenu de l’instabilité des échanges agricoles. Le Brésil a mis en place une législation anti-dumping et l’a utilisée. En janvier 1999, la Confédération national des agriculteurs (CNA) a demandé une enquête anti-dumping sur les importations de lait du Brésil. À la fin de l’enquête, en février 2001, le Brésil a appliqué un droit anti-dumping sur les importations de lait en poudre et de lait entier en provenance de Nouvelle-Zélande, de l’Union européenne et d’Uruguay. L’Égypte a engagé des procédures à suivre concernant l’application des mesures de sauvegarde ainsi que des droits anti-dumping et des mesures compensatoires en 1998. En 2001, elle a engagé une procédure visant à faible appliquer des droits compensateurs et des mesures de sauvegarde pour le lait en poudre. Une marge de sauvegarde de 45 pour cent a été imposée sur les importations. L’Indonésie a aussi introduit de nouvelles procédures anti-dumping et des mesures compensatoires. Alors qu’environ 14 demandes anti-dumping ont été présentées à ce jour, une d’elles seulement concerne un produit agricole (farine de blé). L’existence du dumping et d’un préjudice a été confirmée dans le cas de la farine, mais les pouvoirs publics ont retardé l’application des droits, en attendant qu’une enquête plus approfondie établisse les intérêts du pays.

Bien qu’il ait été prouvé que certains pays en développement pouvaient obtenir gain de cause dans des actions anti-dumping, les difficultés procédurales et les conditions requises, rendent ces mécanismes d’un maniement complexe. Il ressort par exemple de l’étude consacrée à la Jamaïque, que les modalités classiques de correction des échanges de l’OMC ne sont pas faciles à utiliser pour certains petits pays en développement. Dans le cas du Honduras, on relève que l’application limitée de la législation relative aux mesures correctives des échanges tient probablement à sa complexité; aux coûts élevés de la demande, compte tenu des dimensions du marché concerné; et à la faible capacité des organismes et des entreprises affectés, de fournir les informations requises pour justifier l’ouverture d’une enquête, effectuer les études et assurer le suivi, comme prévu par les règles de l’OMC. Aux Philippines, malgré l’existence d’une telle législation, aucune action n’a été prise pour contrecarrer le dumping relatif aux quartiers de poulets en provenance des États-Unis sur le marché des Philippines, qui a des effets négatifs sur le secteur national de l’élevage de poulets. En outre, certains pays comme Fidji, doivent encore introduire une législation anti-dumping conforme au GATT, du fait de carences techniques et du manque de ressources

Pour aborder les problèmes inhérents aux mesures classiques correctives des échanges, l’Accord sur l’agriculture a introduit une sauvegarde spéciale pour l’agriculture dont peuvent s’avaloir les pays qui avaient utilisé la tarification pour éliminer les restrictions non tarifaires à la frontière et qui l’avaient explicitement prévue dans leur Liste d’engagements. Cependant, peu de pays étudiés ont pu en bénéficier car ils n’ont pas utilisé l’option de tarification (notamment le Botswana, le Maroc, la Thaïlande). Le Costa Rica a pu l’appliquer pour les haricots noirs et le riz, et l’a utilisé récemment comme protection contre les importations de riz bon marché. En mars 2002, le pays a introduit un droit d’importation temporaire de 80 pour cent sur le riz importé des États-Unis (alors que le taux normal est de 35 pour cent). La question est actuellement examinée à l’OMC, du fait d’une interrogation présentée par les États-Unis. L’Indonésie peut aussi utiliser les mesures de sauvegarde spéciale, pour les produits laitiers et les clous de girofles mais ne l’a pas encore fait.

Dans l’ensemble, les autres pays en développement autorisés à utiliser les sauvegardes spéciales (SSG) ne les ont pas encore invoquées à ce jour. Cela peut s’expliquer en partie par les conditions techniques requises. Pour appliquer la sauvegarde, le prix actuel nominal des importations, en devises nationales doit être inférieur au prix moyen réel correspondant, pour la période 1986-88, période au cours de laquelle les cours internationaux étaient très faibles et où les devises de nombreux pays en développement étaient surévaluées. Partant, le prix de déclenchement pour ces pays est très bas par rapport aux prix actuels.

Qui plus est, l’écart significatif qui existe dans de nombreux pays en développement entre les taux effectivement appliqués et les droits consolidés, permet d’augmenter les taux sans avoir à recourir à une clause de sauvegarde spéciale. Fidji, par exemple, a relevé les droits sur les produits carnés en 2002, de 10 à 27 pour cent. Le nombre relativement restreint de cas mentionnés où les pays en développement ont modifié les droits effectivement appliqués à la hausse tient peut être au fait qu’ils ont connu relativement peu de gonflements soudains des importations justifiant le recours à des mesures de sauvegarde. La Jamaïque par exemple est un pays où des hausses brusques des importations ont eu des effets négatifs sur divers secteurs nationaux (notamment le secteur des volailles, de la viande bovine, des produits laitiers et du riz) (FAO, 2000). Ce point sera examiné, de manière plus approfondie, dans la section suivante, qui étudie aussi les effets enregistrés par les flux commerciaux, à la suite de l’Accord sur l’agriculture.

Dans ce contexte il est particulièrement intéressant de relever l’utilisation des systèmes de fourchettes de prix par un certain nombre de pays d’Amérique latine, notamment le Pérou et le Honduras parmi les pays sélectionnés. Au Pérou, l’application des fourchettes de prix signifie que 29 articles ont été soumis à des droits spécifiques variables, et ce dans une optique de stabilisation des prix et de protection. Jusqu’à ces derniers temps, il s’agissait d’un système à droits variables, c’est-à-dire avec des fourchettes «non plafonnées». En juin 2001, un nouveau système de fourchettes de prix a été adopté pour cinq groupes de produits: le lait, le maïs, le sorgho, le riz et le sucre. Au Honduras le système de fourchettes des prix s’applique au maïs, au sorgho et au riz. Si les droits effectivement appliqués sont ajustés à intervalles réguliers en réponse aux modifications des cours mondiaux, ils pourraient être alors considérés comme des droits variables interdits par l’Accord sur l’agriculture. Un groupe d’experts étudie actuellement les fourchettes de prix au Chili, ce qui devrait permettre de clarifier les règles pour l’avenir.

2.2 Soutien interne

Au titre de l’Accord sur l’agriculture, le soutien interne concerne trois catégories principales. La catégorie verte couvre toutes les dépenses censées ne pas avoir d’effet de distorsion sur le commerce de manière significative. Les dépenses de la catégorie verte doivent respecter les critères de base suivants: le soutien est fourni dans le cadre d’un programme public financé par des fonds publics et n’impliquant pas de transferts de la part des consommateurs; il n’aura pas pour effet d’apporter un soutien des prix aux producteurs.

En outre, des critères spécifiques devront être réunis pour un certain nombre d’interventions des pouvoirs publics, énoncés à l’Annexe 2 de l’Accord sur l’agriculture. Les dépenses de la catégorie verte ne font l’objet d’aucune limitation, tant dans les pays développés que dans les pays en développement.

La Catégorie orange concerne toutes les mesures de soutien interne réputées avoir des effets de distorsion sur les échanges. Deux types de mesures de soutien relèvent de cette catégorie:les soutiens concernant les produits visant directement certains produits et les soutiens autres que par produit, dont peuvent en général bénéficier les producteurs d’un certain nombre de produits ou d’un produit en particulier. La valeur de ces soutiens ayant des effets de distorsion est mesurée par un indicateur, la mesure globale du soutien (MGS). Les pays en développement se sont engagés à consolider leurs MGS au niveau de 1986-1988, et à réduire ce niveau de 13,3 pour cent au cours de la période 1995-2004. Les PMA auraient dû consolider leur niveau de MGS mais ils ont été exemptés de cet engagement de réduction. Les pays sans MGS au cours de la période de référence, se sont engagés à ne pas introduire ce genre de soutien à l’avenir et ils n’ont donc pas droit à la MGS. Toutefois, les niveaux de minimis de soutien interne pourraient ne pas être pris en considération dans le calcul de la MGS, et sont aussi autorisés pour ceux qui n’ont pas droit à la MGS.

Par niveaux de minimis, on entend les soutiens allant jusqu’à 10 pour cent de la valeur de la production de certains produits, dans le cas de la MGS par produit et jusqu’à 10 pour cent de la valeur de la production totale dans le cas de la MGS autre que par produit. Ainsi, en théorie, même les pays en développement non autorisés à une MGS peuvent octroyer un soutien allant jusqu’à 20 pour cent de la valeur de la production, pour autant que ce soutien soit réparti de manière que 10 pour cent au plus de la valeur de la production soit octroyé comme MGS autre que par produit, et que la MGS restante, par produit, ne dépasse pas 10 pour cent de la valeur de la production de chaque produit. Les pays qui ont fourni un soutien de MGS supérieur au niveau de minimis pendant la période de référence, bénéficient d’une plus grande flexibilité puisqu’ils doivent seulement assurer que les dépenses de la MGS sont inférieures au plafond de la MGS et ils ne sont pas concernés par les sous-plafonds inhérents aux règles de minimis.

Les pays en développement peuvent aussi exclure les subventions d’investissement qui sont en général disponibles pour les producteurs de produits agricoles et les subventions destinées aux intrants agricoles destinées aux agriculteurs qui ont de faibles revenus ou dotés de ressources limitées ainsi que les dépenses destinées à encourager le remplacement des cultures de plantes narcotiques illicites (dispositions du traitement spécial et différencié). Si la moitié de toutes les MGS autres que par produit respecte les conditions requises pour bénéficier de ces exemptions, le soutien maximum de la MGS que les pays en développement pourraient en théorie octroyer à leurs secteurs agricoles, pourrait augmenter de 25 pour cent de la valeur de la production. Dans la pratique, il est peu probable, que les dépenses puissent être ciblées avec une précision telle qu’il soit possible d’utiliser toutes les marges de manœuvre disponibles, et en réalité le plafond des dépenses de la MGS, dans les pays en développement s’avoisine probablement à 15-18 pour cent. Les dépenses de la catégorie verte sont en plus.

Enfin, les pays en développement se sont imposé de notifier à l’OMC à intervalles réguliers, leurs dépenses de soutien interne et les catégories dont elles relèvent. Sur vingt-trois études de cas, seulement cinq pays ont fourni des informations détaillées sur les mesures de soutien (c’est à dire dépenses de la catégorie verte, niveau de la MGS par produit et autre que par produit et dépenses du traitement spécial et différencié). Parmi les pays étudiés seulement quatre ont pris des engagements de réduction de la MGS (le Brésil, le Costa Rica, le Maroc et la Thaïlande). Les dépenses de la MGS indiquées pour ces pays étaient inférieures au niveaux de minimis. La plupart des pays ont simplement signalé que leurs dépenses de soutien interne étaient conformes aux catégories «exemptées» (catégorie verte, traitement spécial et différencié ou de minimis). Dans certains cas, les pays ont donné des détails sur les mesures de la catégorie verte et parfois aussi leur traitement spécial et différencié. D’autres pays n’ont procédé à aucune notification. Les mesures signalées par la suite dans les études de cas par pays, ont été aussi assez confuses.

Dans les pays pour lesquels nous disposons de données (tableau 4), les niveaux de la MGS, ces dernières années, ont été nettement inférieurs au niveaux autorisés, ou aux engagements pris. Le «rapport d’utilisation» n’a été élevé que pour la Thaïlande. En Indonésie, les prix administrés pour le riz dépassent probablement le niveau de minimis. Toutefois, les autorités manquent des ressources nécessaires pour soutenir les prix nationaux au niveau des prix administrés. Autrement dit, le système n’a pas réussi à fournir aux agriculteurs le plein soutien impliqué par le prix administré. En fait, un certain nombre de pays, parmi ceux retenus, ont mentionné que les dépenses de la MGS, mais également celles de la catégorie verte ont reculé du fait de contraintes budgétaires. Le Brésil, par exemple, a éliminé nombre des programmes de subventions à la production mis en place au cours de la période de référence de l’Accord sur l’agriculture. En outre, les dépenses de la catégorie verte ont reculé, en raison des limitations budgétaires ou des modifications intervenues dans les politiques. L’Ouganda, la Jamaïque et le Sénégal notamment, du fait des ressources limitées, ne peuvent pas d’avoir de grands programmes de soutien. Dans le cas des autres pays, les mesures publiques de soutien ont été supprimées compte tenu des programmes d’ajustement structurel (Zimbabwe). Aux Philippines, on signale que les subventions ayant des effets de distorsion sur le commerce, sont nettement inférieures aux niveaux de minimis. Des efforts délibérés ont été effectués dans ces pays pour éliminer progressivement les subventions à l’achat d’intrants, en faveur d’un soutien à plus long terme de la productivité, notamment par le biais de l’irrigation et l’infrastructure des marchés.

Le Pérou est un cas exceptionnel, où les mesures de la catégorie verte ont triplé de 1995 à 1997, et ont atteint 5 pour cent du volume de la production. Les dépenses de la MGS, autres que par produits ont été assez stables (environ 6 pour cent du volume de la production). Le Pérou n’invoque pas les exemptions de traitement spécial et différencié, soit parce que cela est inutile, soit parce que l’essentiel de ce soutien est octroyé aux exploitations les plus grandes et les plus commerciales. Son niveau de MGS par produit est égal à zéro. De même, en Inde, selon les estimations non officielles de l’étude de cas, il semblerait qu’on ait enregistré une hausse très nette du niveau de la MGS autre que par produit, après avoir pris en considération le traitement spécial et différencié. Sa MGS autre que par produit, qui porte notamment sur les subventions pour l’irrigation, les engrais, l’électricité, le crédit et les semences était d’environ 1,3 pour cent de la valeur de la production, au cours de la période de base, après déduction des exemptions octroyées aux agriculteurs des pays en développement dotés de ressources limitées. En 1995-1996, la MGS autre que par produit a été en gros de 7,5 pour cent de la valeur de la production, mais dans la notification successive, le niveau a reculé nettement (environ 1,1 pour cent pour 1996/97 et 1997/98). En 2000/20001 il était d’environ 2,3 pour cent du volume de la production. Il ressort des études de cas que les disciplines de l’OMC n’ont pas été contraignantes vis-à-vis des politiques de soutien interne que ces pays en développement souhaitent appliquer. Les contraintes budgétaires et les engagements préalables pris au titre des programmes d’ajustement structurel semblent avoir un rôle beaucoup plus important pour limiter ces interventions.

Tableau 4. Récapitulatif des informations relatives aux mesures de soutien interne

Pays

Renseignements disponibles

Commentaires

Bangladesh*

Aucun

MGS par produit négative; MGS autre que par produit: environ 1% de la valeur de la production agricole

Botswana*

Mesures de la catégorie verte seulement

Niveau des mesures de la catégorie verte: environ 3 pour cent de la valeur de la production agricole

Brésil

Détaillés

MGS par produit en 1995 et 1996: respectivement 27% et 23% des niveaux autorisés; MGS autre que part produits: de minimis (dont la plus grande partie composée d’aides au crédit)

Costa Rica

Mesures de la catégorie verte, traitement spécial et différencié, MGS

Recul des dépenses de la catégorie verte; pas de MGS par produits jusqu’à présent; MGS autre que par produits, seulement pour 1998 et 1999

Côte d’Ivoire

Aucun

Niveau très bas

Égypte

Mesures de a catégorie verte et traitement spécial et différencié seulement

-

Fidji

Aucun

-

Guyana*

Aucun

-

Honduras

Traitement spécial et différencié seulement

Accroissement des dépenses relatives au traitement spécial et différencié

Inde

Détaillés

MGS par produits négative; MGS autre que par produit: environ 7,5% de la valeur de la production agricole en 1995/96 mais chute à environ 1% par la suite; aucun recours au traitement spécial et différencié mais s’en est réservé le droit; selon des estimations non officielles indiquent que cela devrait réduire la NGS autre que par produits à 2,3 pour cent de la valeur de la production agricole

Indonésie

Mesures de la catégorie verte, traitement spécial et différencié, MGS (riz seulement)

Traitement spécial et différencié non utilisé; seulement en 2000, MGS pour le riz

Jamaïque

Mesures de la catégorie verte seulement

Dépenses de la catégorie verte, environ 2% de la valeur de la production agricole

Kenya*

Mesures de la catégorie verte seulement

-

Malawi

Aucun

-

Maroc*

Détaillés

MGS de l’exercice en cours: 12 à 33% des niveaux autorisés

Pakistan*

Détaillés

MGS par produits: négative; MGS autre que par produits: environ 3% de la valeur de la production agricole; MGS par produits calculée pour une culture en 1997-98 et pour 11 en 1986-88

Pérou

Mesures de la catégorie verte et MGS autre que par produit

Mesures de la catégorie verte: 5 pour cent de la valeur de la production agricole; MGS par produit: 0 %; MGS autre que par produit 5-6,2% de la valeur de la production agricole V

Philippines

Aucun

Niveau très bas

Sénégal

Mesures de la catégorie verte et traitement spécial et différencié seulement

85% des mesures de la catégorie verte/ traitement spécial et différencié consacrés à la mise en valeur des eaux

Sri Lanka*

Aucun

-

Thaïlande

Détaillés

MGS courante: 60-80% des niveaux permis

Ouganda

Mesures de la catégorie verte et traitement spécial et différencié seulement

Minimal support provided

Zimbabwe

Mesures de la catégorie verte, traitement spécial et différencié, de minimis

Pas de MGS par produit

Source: L’astérisque indique que les pays ont déjà fait l’objet d’une étude de la FAO. Pour ces pays les données sont celles de 1999 ou de l’année la plus proche (antérieure) pour laquelle il existe des données. Pour les autres pays, les données sont celles des études de cas réalisées en 2002.

Aucun pays n’a enfreint les règles de l’Accord sur l’agriculture et les engagements pris, mais les études de cas ont permis de relever un certain nombre de points susceptibles d’avoir de l’importance à l’avenir.

Un point intéressant concerne le nombre de pays qui n’ont encore fait aucune notification de leurs dépenses de soutien interne à l’OMC. Cela semble être dû en grande partie à des difficultés techniques, car il s’agit d’un travail très lourd. Il est important que les pays en développement soient aidés pour entreprendre ces démarches (notification à l’OMC mais aussi amélioration de leurs stratégies dans le cadre des négociations en cours). Les pays en développement doivent être en mesure de comprendre de quelle manière les disciplines de l’Accord sur l’agriculture pourraient être contraignantes pour la mise en place à l’avenir de la politique de développement agricole. Dans cette optique, il pourrait être utile de tenir compte des niveaux planchers des différentes formes de mesures de soutien.

2.3 Subventions à l’exportation

Au titre de l’Accord sur l’agriculture, les pays en développement qui ont fait appel à des subventions à l’exportation au cours de la période de référence, se sont engagés à les consolider et à les réduire de 20 pour cent au cours de la période 1995-2004. Les pays développés et en développement qui n’ont pas utilisé ces mesures au cours de la période de référence se sont engagés à ne pas y recourir à l’avenir. Toutefois, une exemption octroyée aux pays en développement leur permet d’utiliser des subventions pour réduire le coût de la commercialisation intérieure et du fret international.

Les subventions à l’exportation ne représentent pas dans l’ensemble un problème pour les pays visés dans les études de cas. Le plus souvent l’octroi des subventions à l’exportation était interdit, mais cette mesure n’était pas dans l’ensemble considérée comme limitative puisque les subventions à l’exportation ne sont pas à la portée de la plupart des pays en développement. Les pays qui ont eu recours par le passé à des subventions à l’exportation, comme le Pérou, le Honduras et le Sénégal, les ont progressivement éliminées. Le Brésil et l’Indonésie qui ont le droit d’utiliser des subventions à l’exportation, les ont abandonnées après la phase de mise en œuvre qui a suivi l’Accord sur l’agriculture. Dans le cas du Brésil, les deux possibilités comprises dans ses engagements, l’exemption fiscale appliquée à certains produits agricoles transformés et les ventes spéciales de stocks publics aux exportateurs, n’existent plus. Le Costa-Rica est un pays dans lequel les disciplines de l’OMC ont été appliqués. Pour encourager les exportations, le pays a eu recours à des certificats de subventions aux exportations, de 1994 à l’an 2000, dont l’objectif était d’encourager les exportations non-traditionnelles. Le programme a fait l’objet de critiques car il profitait aux entreprises les plus importantes et aussi parce qu’il était utilisé à mauvais escient pour encourager des opérations d’exportation illicites. Le programme a été abandonné à la fin de l’an 2000, dans le cadre des engagements pris par le pays à l’OMC.

L’absence de subventions à l’exportation peut cependant créer des difficultés. Ce problème a été soulevé dans les études de cas relatives à l’Inde et à l’Indonésie, pays qui ont mis en place des programmes de constitution des stocks pour des raisons de stabilisation des cours. Les dépenses à cet effet relèvent de la catégorie verte visée dans l’Accord sur l’agriculture. En Inde, l’impossibilité de vendre à l’étranger à un prix inférieur au prix interne est devenue une contrainte active, du fait de l’importance des stocks excédentaires de céréales, qui sont actuellement bien supérieurs aux normes établies. La gestion de stocks aussi importants est coûteuse, mais les alternatives sont limitées. Si l’on déverse ces stocks sur le marché, les prix s’effondrent profitant ainsi aux consommateurs à court terme, mais avec de graves répercussions sur la croissance de la production et sur la sécurité alimentaire, à long terme. De même, des exportations à des prix aussi faibles ne sont envisageables qu’avec des subventions directes.

L’Indonésie a connu le même problème à la fin des années 80 et au début des années 90, lorsque à certaines occasions le BULOG a dû réduire ses stocks et a exporté des excédents de riz à un prix inférieur au prix interne. Afin que les décideurs puissent avoir le maximum de flexibilité possible, pour éliminer les stocks, l’Indonésie a pris un engagement sur les subventions à l’exportation mais, comme susmentionné, n’a pas subventionné les exportations de riz, depuis la mise en place de l’Accord sur l’agriculture.

Un certain nombre d’études de cas ont noté l’importance pour les pays en développement du maintien de l’exemption leur permettant d’octroyer des subventions afin de réduire le coût de la commercialisation interne et du fret international. Ce point peut avoir des répercussions importantes pour le Sénégal par exemple, compte tenu du coût élevé des transports dans le pays, notamment pour les fruits et légumes.

La plupart des études de cas ont signalé que les pays avaient adopté une série de plans d’aide générale à l’exportation (remboursements de taxes et de droits de douane, exemptions fiscales, financement d’exportations subventionnées et garanties des crédits à l’exportation, etc.) disponible également pour les exportateurs de produits agricoles. Ces mesures ne sont pas spécifiquement mentionnées dans l’Accord sur l’agriculture mais sont visées dans l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires (Annexe 1: Liste exemplative de subventions à l’exportation). Comme indiqué dans l’étude précédente[6], il n’est pas encore clair s’il est légitime d’octroyer de telles subventions sur les produits agricoles (en invoquant l’Accord sur les subventions) alors que toutes les formes de subventions agricoles (à l’exception des dispositions de TSD) sont interdites au titre de l’Accord sur l’agriculture pour les pays ayant contracté des engagements de subventions à l’exportation égales à zéro. Ce point doit être élucidé.

2.4 Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) - Obligations nationales

Selon le principe général qui sous-tend l’Accord SPS les pays ont le droit de prendre des décisions sur les mesures qu’ils jugent nécessaires pour protéger la vie et la santé des hommes, des animaux et des plantes. Toutefois, afin d’éviter les abus, on a appliqué certaines règles. Ces mesures, basées sur des principes scientifiques, ne devraient pas être maintenues sans une justification scientifique et ne devraient pas être appliqués de manière arbitraire ou sans motif.

Deux questions relatives à la mise en place de cet Accord se posent pour les pays en développement. Il s’agit tout d’abord de savoir dans quelle mesure ils avaient appliqué ou mis en place des normes conformes aux principes SPS et de connaître la portée de l’assistance technique reçue à cet effet. Le deuxième point concerne les obstacles tarifaires au commerce mis en place sur la base des Accords SPS afin de savoir s’ils ont été acceptés par d’autres membres de l’OMC, ou si les autres Membres ont eu l’impression que les pays en développement ont utilisé les obstacles SPS à des fins de protectionnisme. Les obtacles SPS sur les marchés d’exportation et l’éventuelle incidence négative pour les exportations des pays en développement vers ces marchés, sera examinée plus loin à la Section 3, avec les conditions d’accès aux marchés d’exportation.

Il ressort des études de cas que de nombreux pays en développement ont renforcé ou réorganisé leurs systèmes nationaux de SPS, à la suite de l’introduction de l’Accord. On constate une sensibilisation accrue au besoin de vigilance en matière de protection des consommateurs (denrées potentiellement dangereuses), des plantes et de la santé des animaux. On peut citer par exemple l’interdiction faite en juin 1999 par l’Égypte, de certains produits alimentaires en provenance de l’Union européenne susceptibles d’être contaminés par la dioxine (surtout pour la viande, les œufs et les produits laitiers).

Il ressort des diverses études, que les mesures prises par les pays en développement ont été rarement contestées par d’autres membres de l’OMC. L’étude relative à l’Égypte fait état de deux épisodes concernant les SPS, dans l’importation de volailles. L’un concerne un décret interdisant l’importation des morceaux de volailles parce qu’il était difficile de vérifier si ces morceaux provenaient de volailles abattues en respectant les règles islamiques. L’Indonésie a invoqué la même justification pour interdire les importations de cuisses de poulet, en provenance des États-Unis. Le deuxième concerne la teneur maximum d’humidité pour le poulet congelé (5 pour cent) considérée par certains membres de l’OMC comme nettement inférieure à la teneur moyenne autorisée dans nombre d’autres pays. L’interdiction de l’Égypte d’importer de la viande bovine dont la teneur en graisse était supérieure à 7 pour cent a été aussi contestée par certains membres de l’OMC. Fidji qui avait eu des problèmes avec les importations de viande de mouton, bas de gamme, en provenance de Nouvelle-Zélande (potentiellement nocives pour la santé du fait de la teneur élevée en graisses, a imposé une interdiction sur les importations de quartiers de moutons en l’an 2000. La légalité de cette interdiction a été contestée par les exportateurs de viande de Nouvelle-Zélande. Toutefois, il ressort de l’étude de cas que la remise en cause des mesures SPS prises par les pays en développement sont encore relativement rares.

2.5 Accord sur les droits de propriété intellectuelle touchant au commerce (ADPIC) - Protection des obtentions végétales

Les études de cas n’approfondissent pas le bilan de l’application de l’article 27(3) de l’Accord ADPIC, toutefois un certain nombre de points peuvent être relevés. Tout d’abord, des mesures législatives doivent encore être prises, dans un certain nombre de pays. Certaines études de cas, ont même relevé que les compétences juridiques et les ressources nécessaires pour développer et mettre en place cette législation font défaut. Ensuite, la plupart des pays dans lesquels la législation a été introduite ont opté, afin de respecter leurs obligations au titre de l’article, pour un système sui generis, qui découle souvent en grande partie de la Convention UPOV de 1991 (Convention internationale pour la protections des obtentions végétales). Les droits des agriculteurs et des communautés locales ainsi que des obtenteurs de plantes sont en général reconnus au titre de cette législation. Troisièmement, nombre des pays sélectionnés ont manifesté leur intérêt pour l’examen des avantages potentiels de cette législation dans le domaine de la protection des connaissances traditionnelles et des droits des agriculteurs. On a de plus en plus conscience de la valeur des connaissances relatives aux médecines traditionnelles et des plantes, du savoir faire et des coutumes et d’une protection des droits de propriété intellectuelle pour la commercialisation. A cet effet, certains pays sont préoccupés que des entreprises étrangères puissent utiliser la protection ADPIC dans leurs pays pour mettre dans des mains privées et étrangères ces connaissances traditionnelles. L’étude de cas de l’Inde notamment, montre les moyens par lesquels le gouvernement indien a combattu pour se réapproprier certaines connaissances qui avaient été brevetées par des entreprises étrangères en Europe et en Amérique. Quatrièmement, de nombreux pays s’interrogent sur le fait de savoir s’ils bénéficient des avantages de la législation ADPIC. Un certain nombre d’études de cas reconnaissent que la protection de la propriété intellectuelle est essentielle pour permettre des avancées technologiques en agriculture, mais le coût plus élevé de semences en biotechnologie, la monopolisation des rentes par les multinationales et l’accès différencié des petites et des grandes exploitations à ces semences sont préoccupantes et permet de conduire à des inégalités de revenus et mettre en péril la sécurité alimentaire. A l’avenir, dans les pays en développement, il sera important d’examiner de manière suivie ces questions au fur et à mesure des progrès réalisés par la législation sur la protection des plantes.


[6] FAO, 2000. L’agriculture, le commerce et la sécurité alimentaire – Vol II – Études de cas par pays.

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