Page précédente Table des matières Page suivante


3 EFFETS SUR LES MARCHÉS D’EXPORTATION DE L’ACCORD SUR L’AGRICULTURE


La présente section se penche sur la question de savoir si les règles de l’OMC ont amélioré ou non l’accès au marché pour des principaux produits agricoles sur les principaux marchés d’exportation. Les quatre principaux produits d’exportation sont examinés séparément puisque leurs marchés d’exportation sont différents et chaque pays utilise différents types d’obstacles au commerce, contre les différentes importations. On évalue ensuite l’incidence de la perte des préférences au titre du Système généralisé des préférences pour les exportations thaïlandaises. Enfin, les mesures sanitaires et phytosanitaires appliquées aux exportations thaïlandaises, seront étudiées séparément.

3.1 Obstacles tarifaires et tarification

Pour les produits thaïlandais, les principaux débouchés sont les pays d ‘Asie auxquels étaient destinées 62 pour cent des exportations thaïlandaises en l’an 2000, suivis par le continent américain, l’Australie, l’Europe et l’Afrique par ordre décroissant Bien que la plupart des pays d’Asie aient des droits de douane moyens très élevés (voir tableau 1), les pouvoirs publics ont en Asie tendance à réduire les taux de droit effectivement appliqués lorsque la production est inférieure aux besoins de la consommation nationale. Si les importations sont autorisées au titre des contingents tarifaires, elles réduiront les droits dans la limite des contingents, ou augmenteront le montant des importations dans la limite du contingent. Par exemple au lieu du droit consolidé de 40 pour cent appliqué au riz, la Malaisie a imposé un droit réel égal à zéro en 1999. Le taux de droit effectivement appliqué, pour le riz, était aussi égal à zéro, alors que le taux de droit consolidé dans la limite du contingent était de 90 pour cent. En outre, les importations réelles de sucre, en provenance de Malaisie, et les importations réelles de riz par l’Indonésie, en 1995, ont dépassé les quantités fixées pour le contingent.

Riz

Dans l’ensemble les résultats à l’exportation du riz thaïlandais, après l’Accord sur l’agriculture (période 1995-2001) se sont améliorés par rapport à la période 1985-1994. La Thaïlande n’a pas seulement bénéficié d’un taux de croissance plus élevé du volume et de la valeur réelle des exportations de riz (voir tableau 5) mais elle a aussi conservé sa place de premier exportateur mondial de riz. Les preuves statistiques relatives à l’amélioration de l’accès aux marchés du riz thaïlandais, à la suite de l ‘Accord sur l’agriculture, sont contrastées. En plus de l’avantage comparatif, considérable mais en recul, les bons résultats du riz thaïlandais sont attribués à la capacité de maintenir un grand nombre de marchés alternatifs pour compenser le déclin de la demande dans certains pays. La plupart des pays importateurs de riz ont des droits consolidés élevés pour protéger leurs agriculteurs, mais ils appliqueront des droits inférieurs lorsque leur production diminuera. Ces pays sont notamment la Malaisie, les Philippines, la Chine et l’Indonésie. De ce fait, les facteurs importants qui expliquent le volume des exportations de riz thaïlandais vers ces pays, sont leur production et leurs revenus. L’accès aux marchés, au titre de l’Accord sur l’agriculture, n’est pas significatif du point de vue statistique, dans les régressions expliquant les exportations de riz.[106]

Tableau 5. Résultats obtenus par les principales exportations agricoles de la Thaïlande


Riz

Sucre

Manioc

Viande de poulet

Granulés

Fécule

Volume exporté (millions de tonnes)

2001

7,69

3,26

4,68

0,86

0,31

Taux de croissance des exportations (prix de 1995; pourcentage par an)

1985-94

4,15

4,93

0,67

4,56

15,24

1995-2001

3,88

2,91

3

6,18

12,65

Taux de croissance de la valeur des exportations (prix de 1995; pourcentage par an)

1985-94

1,50

4,87

0,47

7,13

11,36

1995-2001

5,11

3,48

1,92

3,66

13,73

Part sur le marché des États-Unis (%)

1994

77,20

0,83

-

-

Inexistante

2000

78,50

5,19

-

-

Inexistante

Rang en 1994-2000

1er

11ème ® 10ème

-

-

-

Principaux concurrents

Inde

Guatemala, Mexique, Brésil

-

-

-

Part du marché de l’Union européenne (%)

1994

30,10

0,04

>90

n.d.

1,54

2000

23,60

0.02

>90

n.d

3,05

Rang en 1994-2000

2ème

10ème?15ème

1er

n.d.

4ème

Principaux concurrents

États-Unis, Inde

UE, Maurice, Fidji

Indonésie

n.a.

UE, Hongrie, Brésil

Part dans le marché du Japon (%)

1994

30,70

41,58

-

n.d.

25,64

2000

19,60

31,62

-

n.d.

22

Rang en 1994-2000

2ème

1er ® 2ème

-

n.d.

3ème

Principaux concurrents

États-Unis, Australie

Australie, Afrique du Sud

-

n.d.

Chine, Brésil, États-Unis

n.d.: non disponible.

Sources: Département thaïlandais des affaires économiques; WITS élaboré par la FAO.

La part du marché occupée par la Thaïlande au Japon et dans l’Union européenne - deux marchés importants qui appliquent un contingent tarifaire pour le riz, a diminué. Bien que la Thaïlande reste au deuxième rang des pays exportateurs de riz vers l’Union européenne, elle a perdu une part importante en faveur de l’Inde dont les coûts sont inférieurs et du Guyana, qui a bénéficié d’importantes préférences commerciales de la part de l’Union européenne. De 1994 à l’an 2000, la part de la Thaïlande dans les importations japonaises de riz ont aussi diminué, passant de presque 31 pour cent à 19,6 pour cent. Après l’Accord sur l’agriculture, les importateurs japonais qui se sont vu attribuer des contingents tarifaires pour le riz ont accru la part de leurs importations de riz en provenance des États-Unis, d’Australie, de Chine et du Viet Nam. Les États-Unis, l’Australie et la Chine produisent du riz japonica, qui est à la base de l’alimentation japonaise. Le Viet Nam produit du riz Indica - variété identique à celle cultivée par les agriculteurs thaïlandais - à un coût inférieur au riz thaïlandais. Toutefois, la part de la Thaïlande dans les importations de riz des États-Unis a augmenté passant de 77,2 pour cent en 1994 à 78,5 pour cent en l’an 2000. Pour l’essentiel, le riz exporté vers le marché des États-Unis est un riz de qualité supérieure consommé par la population asiatique qui réside dans le pays. Comme les agriculteurs américains ont affecté une partie de leurs terres cultivées en riz à long grain (Indica) à la culture du riz Japonica destiné à l’exportation, l’Accord sur l’agriculture pourrait avoir eu un effet positif indirect sur le marché du riz thaïlandais aux États-Unis.

Sucre

Les exportations de sucre thaïlandais ont également progressé plus rapidement au cours de la période qui a suivi le Cycle d’Uruguay (voir tableau 5). Dans ce cas, l’élément principal semble être une offre accrue dans le pays plutôt que les cours sur les marchés mondiaux.,[107] la dépréciation du baht ou un meilleur accès aux marchés lié à l’Accord sur l’agriculture. La forte dépréciation monétaire de 1997 n’a pas réussi à stimuler les exportations en raison du recul de la production de sucre de plus de 0,95 millions de tonnes (soit 16 pour cent) en 1998. L’importante fluctuation de la production de sucre de canne peut expliquer la diminution de la part de la Thaïlande sur le marché japonais de 1994 à l’an 2000 (voir tableau 5). L’Accord sur l’agriculture n’a pas non plus réussi à améliorer l’accès du sucre thaïlandais dans l’Union européenne et aux États-Unis, puisque dans ces deux cas, des contingents d’importations sont affectés au sucre sur la base du système des préférences commerciales, motivé par des raisons politiques. La Thaïlande, contrairement aux pays ACP, n’appartient pas aux groupes de pays qui répondent à leurs exigences politiques.

Viande de volaille

Les exportations de viande de volaille ont également progressé plus rapidement au cours de la période qui a suivi le Cycle d’Uruguay. Les marchés d’exportations pour la volaille thaïlandaise sont fortement concentrés car les trois principaux marchés, le Japon, l’Union européenne et la République de Corée, représentent au moins 93 pour cent du total. Alors que la Thaïlande a perdu des parts de marchés au Japon, au profit de producteurs chinois et brésiliens plus compétitifs, les exportations de poulet vers l’Union européenne ont été multipliées au moins par trois de 1994 à l’an 2000. La Thaïlande dispose d’un petit contingent au titre d’un contingent tarifaire spécifique bilatéral pour les poulets sur le marché de l’Union européenne; cette croissance s’explique donc du fait de l’épidémie d’ESB et de la dépréciation monétaire, qui a rendu ce secteur plus compétitif. Lorsque le problème de l’ESB a été jugulé et que les cours de la viande de bœuf ont diminué, l’Union européenne a commencé à imposer des mesures SPS strictes, contre les importations de poulet (pour plus détails, voir ci-après la section consacrée aux mesures SPS).

Manioc

Les granulés de manioc, qui ont très peu de débouchés, sont écoulés presque exclusivement sur le marché européen. Malgré le contingent important octroyé par l’Union européenne, la Thaïlande a vu ses exportations de granulés reculer progressivement au cours de la période qui a suivi le Cycle d’Uruguay. Cela s’explique principalement du fait des réformes liées à la Politique agricole commune (PAC) et non en raison de l’Accord sur l’agriculture (bien que les réformes de la PAC aient été stimulées, en partie, par la nécessité de préparer l’Union européenne à accepter les disciplines de l’Accord sur l’agriculture). En outre, la rente économique liée aux exportations thaïlandaises vers l’Union européenne a disparu. Depuis lors, les agriculteurs thaïlandais ont commencé à réduire la production de manioc, ce qui a eu des répercussions négatives sur les exportations de granulés de manioc. Les exportations de fécule de manioc dépendent du revenu des pays importateurs, ce produit servant de matière première dans de nombreux secteurs, notamment celui du papier et des aliments transformés.

3.2 Préférences commerciales

En tant que pays en développement, la Thaïlande a bénéficié de préférences commerciales de la part de 28 partenaires commerciaux, au titre du Système généralisé de préférences (SGP) établi par la CNUCED en 1986. Le taux d’utilisation du SGP de la Thaïlande (exportations bénéficiant d’un traitement préférentiel divisé par le total des exportations vers les pays SGP) a augmenté, de 0,65 pour cent en 1971 à 22 pour cent en 1992 pour ensuite diminuer jusqu’à 15,7 pour cent en 1999, la Thaïlande ayant été écartée de ce régime pour certaines de ses exportations. Le système de gradation devrait avoir un effet négatif sur la compétitivité des exportations thaïlandaises.

Avant 1997, date à laquelle l’Union européenne a commencé à réduire les préférences commerciales destinées aux produits thaïlandais de 50 pour cent, le taux d’utilisation des SGP était de 62 pour cent. En 1998, le taux d’utilisation s’est établi à 39 pour cent et devait encore diminuer en 1999 lorsque toutes les préférences ont été éliminées. Pour diverses raisons, les taux d’utilisation du SGP octroyé par les autorités américaines et japonaises sont inférieurs à ceux de l’Union européenne. L’incidence à court terme de la réduction des marges de préférences pour les exportations thaïlandaises vers l’Union européenne n’est pas marquante mais tout de même suffisamment significative pour agir sur la part des exportations (en pourcentage) vers le marché de l’Union européenne. (Thammavit et Chanin, 2001). Toutefois, à l’exception des fruits et des légumes frais, les flux commerciaux réels ne semblent pas avoir été touchés. De même, les taux d’utilisation pour les exportateurs thaïlandais, sur les trois marchés, devraient encore reculer à l’avenir, du fait de la réduction des droits NPF.

En outre, les exportations agricoles sont aussi touchées par les préférences commerciales spéciales octroyées par l’Union européenne à la Communauté andine et aux pays du marché commun centraméricain, au titre du régime relatif aux stupéfiants. Selon les autorités thaïlandaises, ces préférences vont à l’encontre du principe de non discrimination du GATT[108]. En effet, les produits de ces pays, qui sont en concurrence directe avec les produits thaïlandais, pénètrent sur le marché de l’Union européenne sans droits. Comme la liste des pays bénéficiant des préférences, au titre du régime relatif aux stupéfiants, repose sur des critères obscurs, le gouvernement thaïlandais a notifié à l’Union européenne que ce régime viole la clause d’habilitation de l’OMC, selon laquelle les préférences octroyées doivent être «généralisées» et non discriminatoires. Depuis 1995, date à laquelle le régime des drogues a été mis en place, et le SGP octroyé à la Thaïlande progressivement réduit, le gouvernement thaïlandais a demandé en vain à l’Union européenne d’inclure la Thaïlande parmi les pays bénéficiant du régime relatif aux stupéfiants, vu que les autorités déploient des efforts constants contre l’utilisation et le commerce illicite des drogues. Cette demande est encore en cours d’examen par l’Union européenne

3.3 Mesures sanitaires et phytosanitaires et obstacles techniques au commerce (OTC)

En Thaïlande, les exportations agricoles ont été soumises à un nombre toujours croissant d’obstacles non tarifaires, notamment les mesures sanitaires et phytosanitaires et les OTC. La présente section fournit une évaluation qualitative de l’incidence des mesures sanitaires et phytosanitaires sur les exportations thaïlandaises. Toutefois il convient d’attirer l’attention sur le fait que l’évaluation est seulement qualitative, et qu’elle peut être fortement influencée par le jugement des personnes qui ont été interrogées par les chercheurs. Cela vient du fait qu’il n’existe pas de données systémiques sur la valeur des échanges touchés par les mesures sanitaires et phytosanitaires.[109]

Le Ministère thaïlandais du commerce (Département des affaires économiques) fournit une liste de trente-quatre produits agricoles thaïlandais soumis à quatre types de mesures non tarifaires, à savoir les mesures sanitaires et phytosanitaires, les obstacles techniques au commerce, la protection de l’environnement et autres (voir tableau 6). Sur ces 34 produits, 11 sont des produits de la pêche qui ne sont pas couverts par l’Accord sur l’agriculture, sept sont des légumes, neuf sont des fruits (dont cinq sont des fruits frais), cinq des produits animaux plus trois autres produits (riz, caoutchouc et sucre). On compte trente pays qui imposent des mesures non tarifaires aux produits agricoles thaïlandais, dont 16 sont des pays développés. Le site Web du Ministère du commerce, ainsi que celui de l’Institut thaïlandais des normes pour l’industrie, fournissent des détails sur les mesures sanitaires et phytosanitaires et sur les OTC imposés par les États membres de l’OMC qui affectent les exportations thaïlandaises. Les représentants du secteur privé estiment que sur les cent soixante-dix-sept mesures en vigueur, cinq sont impossibles à respecter du point de vue commercial et sept sont contestables (Chulalongkorn University, 2001).

Ce sont principalement les pays développés qui ont appliqué les mesures sanitaires et phytosanitaires pour sanctionner les importations en provenance de Thaïlande. On signale cependant des pays en développement et certains pays développés d’Asie qui ont utilisé des mesures sanitaires et phytosanitaires pour freiner les importations en provenance de Thaïlande. Il convient de noter que la plupart des pays en développement ont tendance à sanctionner des produits qui font concurrence à leur production agricole, alors que la plupart des pays développés (à quelques exceptions près) appliquent les mesures sanitaires et phytosanitaires pour protéger leurs consommateurs et pour éviter tout risque de maladie phytosanitaire.

Une étude portant sur 260 mesures non-tarifaires frappant les exportations thaïlandaises (en 1999) ont relevé que 35 pour cent étaient des mesures sanitaires et phytosanitaires et 3 pour cent des obstacles techniques au commerce. C’est l’Union européenne qui a utilisé le plus grand nombre de mesures sanitaires et phytosanitaires contre les exportations thaïlandaises (17 pour cent), suivi par la République de Corée (14 pour cent), l’ASEAN (13 pour cent), le Japon (11 pour cent) et les États-Unis (8 pour cent) (Chulalongkorn University, 2001). Toutefois, ces données ne contiennent pas d’informations sur la valeur des exportations thaïlandaises touchées par les mesures non tarifaires.

Tableau 6. Produits agricoles soumis aux mesures non tarifaires et pays imposant des mesures non tarifaires

Produits

Type de mesures non tarifaires (nombre de mesures)

Pays imposant des mesures non tarifaires

En développement

Développés

Riz

SPS (2), autres (6)

8 (6 en Asie, 2 en Amérique)

0

Sucre

SPS (1), droits anti-dumping (1), autres (5)

7

1

Fruits et légumes

SPS (38), autres (1)

5

6

Certains fruits et légumes comme mangue, longane, durian, papaye, mangoustan, gingembre, choux marinés

SPS (12), autres (1)

5

7

Fleurs coupées

SPS (7)

1

6

Fruits et légumes en boîte

SPS (2), autres (6)

0

2

Ananas en boîte

SPS (74), envir. (1)

0

5

Fruits secs et légumes

SPS (5)

1

2

Longane sec

SPS (1), DAD (1), autres (5)

0

1

Produits à base de volaille

SPS (5), autres (1)

0

3

Poulet congelé et poulet cuisiné

SPS (12),OTC (1), autres (4)

4

11

Viande de porc congelée

SPS (8), autres (1)

2

5

Foie de poulet

SPS (1),DAD (1), autres (5)

1

0

Caoutchouc

Autres (1)

0

1

Poisson congelé et en boîte, produits halieutiques

SPS (48), OTC (2), envir (3), autres (5)

4

13

Source: Elaboré par l’auteur, à partir des données fournies par Chulalongkorn University, 2001; Données du Ministère du Commerce.

Note: DAD: droit antidumping.

Le site Web de la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis donne les informations relatives à l’incidence des immobilisations d’importations, par pays d’origine et en explique le motif, mais n’indique pas la valeur des importations concernées. En 2001, la FDA a enregistré 1 340 cas de rétentions d’importations contre les produits thaïlandais. Dix pays seulement ont été soumis à un nombre plus élevé de rétentions que la Thaïlande. Tous, à l’exception de l’Inde, occupaient une part plus importante que la Thaïlande dans les importations des États-Unis, en pourcentage. Au cours des deux premiers mois de 2002, la Thaïlande était en huitième position pour l’immobilisation des importations. Des recherches plus approfondies montrent que 66 pour cent des produits thaïlandais retenus par la FDA étaient des produits agricoles et des produits au premier stade de transformation, 11,75 pour cent étaient des produits transformés et 22 pour cent des produits manufacturés.

Outre les poissons et les fruits de mer, qui ont connu le plus grand nombre de problèmes liés aux questions d’ordre sanitaire et phytosanitaires, le poulet ainsi que les fruits et les légumes ont été aussi très touchés (tableau 7). Les exportations d’orchidées vers l’Union européenne (évaluées à 509 millions de bahts en l’an 2000) ont été souvent bloquées ou détruites. La quantité détruite qui représentait, en 1997, 1 pour cent des exportations d’orchidées, a été ramenée à 0,5 pour cent, en l’an 2000. Les exportateurs thaïlandais ont contesté le fait, que dans de nombreux pays, notamment dans l’Union européenne, lorsque les produits exportés présentent un problème de SPS, l’ensemble du lot est soit détruit (produits qui présentent des résidus d’insecticides ou de produits chimiques) ou bloqués jusqu’à ce que les produits subissent le traitement nécessaire sur le lieu de destination (fleurs sur lesquelles on relève le présence d’insectes ou d’éventuelles maladies). De telles pratiques ont entraîné des pertes importantes pour les exportateurs thaïlandais, mais l’on ne dispose pas. malheureusement, des données pertinentes.[110]

Il est important de savoir si les allégations selon lesquelles les produits thaïlandais présentent des problèmes du point de vue sanitaire et phytosanitaire sont réellement fondées. Il est très difficile de répondre à cette question, et les plaintes doivent examinées, au cas par cas. On a enregistré de nombreux épisodes justifiés. Toutefois, après des consultations avec les pays, la reprise des importations est autorisée lorsque les problèmes sont réglés (cas de l’ERV décelé dans le poulet congelé exporté vers la République tchèque). (Chulalongkorn University, 2001).

On relève aussi de nombreux cas ambigus de mesures sanitaires et phytosanitaires imposés aux importations alimentaires en provenance de Thaïlande, par certains partenaires commerciaux. Par exemple, la réglementation de l’Union européenne sur les morceaux de poulets, stipule que la température de la viande doit être inférieure à 4°C lors du découpage. En 2002 l’Union européenne a commencé à appliquer les normes sur les résidus de produits chimiques, qui sont plus strictes que les normes internationales, sur les poulets et les crevettes. Quelques lots importants de poulets et de crevettes en provenance de Thaïlande, ont été bloqués et détruits. A la suite de ces épisodes, chaque lot importé a été soumis à une inspection sanitaire et phytosanitaire et ce jusqu’à la fin de 2002, date à laquelle un accord a été conclu entre l’Union européenne et les autorités thaïlandaises. Les autorités philippines ont envoyé des fonctionnaires inspecter les abattoirs thaïlandais en 1998 et n’ont pas encore communiqué le résultat de leur rapport. Lorsque les fonctionnaires coréens ont découvert des bactéries dans le poulet congelé thaïlandais, ils n’ont pas spécifié les quantités qui étaient contaminées. Par ailleurs, les exportations de poulets thaïlandais vers l’Australie n’ont jamais été approuvées. On signale également des difficultés avec les exportations de riz vers le Mexique.

Tableau 7. Produits agricoles thaïlandaises ayant enregistré des problèmes sanitaires et phytosanitaires, à l’exportation

Produits/problèmes SPS

Pays imposant des mesures SPS

Riz: Tilletia Barclayara

Mexique, Pérou

Fruits et légumes

(1) Insectes et maladies phytosanitaires

Australie, Nouvelle-Zélande, Suisse, États-Unis, Canada, UE, France, Suède

(2) Résidus d’insecticides

République de Corée, Japon, Philippines, Brunei, Malaisie, Singapour

Orchidées et insectes (charançons)

UE, France, États-Unis, Japon, République de Corée, Mexique

Fruits et légumes transformés

(1) Bactérie (2) Corps étrangers, contaminés

États-Unis, Finlande, Espagne, Suède, Nouvelle-Zélande

Produits alimentaires élaborés

(1) Bactéries

Australie, Nouvelle Zélande, États-Unis, Canada, UE

(2) Résidus de médicaments

Japon, République de Corée

Poulets

(1) Maladies animales; non respect de la température requise pour la transformation

UE, Australie, Nouvelle Zélande, Japon, République de Corée, Taiwan

(2) Résidus de médicaments

Philippines, Singapour

Granulés cossettes de tapioca

(1) HAACP (2) processus de traçabilité remontant jusqu’aux agriculteurs

UE

Source: Université de Chulalongkorn (2001).

En Thaïlande, les pouvoirs publics ont élaboré une procédure officielle pour résoudre ces graves problèmes sanitaires et phytosanitaires. Lorsque les exportations thaïlandaises sont bloquées ou interdites dans un pays importateur, les services commerciaux du consulat thaïlandais doivent rassembler les informations et les faits et demander aux exportateurs thaïlandais d’inspecter leurs propres produits. Si l’interdiction repose sur des données erronées, des négociations bilatérales seront engagées (les représentants commerciaux du pays importateur seront invités à visiter l’usine). Si cette tentative échoue, les pouvoirs publics signaleront alors le fait à l’OMC ou lors des réunions des organisations internationales concernées. Toutefois, chaque ministère réagit différemment aux problèmes des exportateurs thaïlandais. Certains sont très dynamiques, et participent de bon gré et offrent leur soutien, d’autres non. Certains organismes mettent souvent un temps très long pour répondre aux problèmes des exportateurs.

L’Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires est aussi complexe et il impose des coûts élevés aux pays en développement. Premièrement, bien qu’il existe des normes internationales à respecter pour les mesures sanitaires et phytosanitaires, de nombreux pays développés adoptent encore des normes diverses, comportant encore des coûts plus élevés pour les pays exportateurs qui veulent s’y conformer. Par exemple, alors que les États-Unis, le Canada et le Japon utilisent les normes HACCP pour les importations alimentaires, l’Union européenne recourt à la fois aux normes HACCP et ISO 9000. En 2001, cent cinquante-cinq sociétés thaïlandaises seulement avaient adopté les normes HACCP. Deuxièmement, comme susmentionné, la Thaïlande a connu divers épisodes de pratiques discriminatoires, de la part de certains partenaires commerciaux qui ont invoqué des normes sanitaires et phytosanitaires, pour interdire de manière déloyale les importations thaïlandaises. Enfin, contrairement aux États-Unis, la Thaïlande n’a pas encore réussi à établir un Accord de reconnaissance mutuelle avec l’Union européenne; ses normes ne sont donc pas reconnues comme étant équivalentes, par l’Union européenne.

L’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (et aux obstacles techniques au commerce) fait ressortir le besoin pressant des pays en développement, de renforcer leurs capacités pour pouvoir répondre aux besoins du marché. Il est difficile d’évaluer les avantages et les inconvénients de l’Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires pour les exportations thaïlandaises. De nombreux exportateurs et responsables publics ont reconnu que malgré divers problèmes sanitaires et phytosanitaires des exportations thaïlandaises, les produits thaïlandais étaient nettement favorisés par rapport à ceux de leurs concurrents, car la plupart des gros exportateurs disposent d’installations très modernes pour tester leurs produits, qui de ce fait répondent aux normes internationales. Compte tenu de la hausse rapide des coûts de production,, la Thaïlande ne pourra maintenir sa compétitivité qu’en appliquant les mesures sanitaires et phytosanitaires imposées par ses partenaires commerciaux.

Dans l’ensemble donc, les exportateurs thaïlandais sont plutôt optimistes et favorables aux mesures sanitaires et phytosanitaires. Cela ne signifie pas pour autant que tous les problèmes ont été résolus. Bien au contraire, de nombreux exportateurs, se plaignent encore de l’avancée des protections commerciales, sous couvert de mesures sanitaires et phytosanitaires.

Les exportateurs thaïlandais n’ont pas d’ennuis particuliers avec les OTC car ils ont appliqué ou adopté des normes internationales qui sont dans l’ensemble reconnus par les partenaires commerciaux.

Mesures sanitaires et phytosanitaires et produits génétiquement modifiés

En tant qu’exportateur de denrées alimentaires et importateurs de produits agricoles utilisés comme ingrédients dans la production alimentaire (par exemple le soja et le maïs), la Thaïlande est fortement intéressée aux discussions sur les organismes génétiquement modifiés (OGM). Ainsi, l’Égypte a interdit les importations de thon à l’huile thaïlandais, du fait des risques liés au soja génétiquement modifié. La Thaïlande a porté plainte, en déclarant que le thon n’est pas préparé avec de l’huile de soja génétiquement modifié. Un programme de certification et d’étiquetage pourrait permettre de régler ce différend. Les États membres de l’OMC ne sont pas toutefois parvenus à un consensus pour établir les bases d’une réglementation sur les cultures génétiquement modifiées et sur le coût et les avantages des programmes d’étiquetage. Il n’as pas été non plus prouvé que les disciplines de l’OMC, dans le cadre des Accords sur les mesures sanitaires et phytosanitaires et sur les obstacles techniques au commerce, sont adaptés à ce type de technologie (Wilson, 2002). Toutefois, les gros producteurs et les exportateurs thaïlandais n’ont pas attendu un tel consensus. Certains ont commandé du soja et du maïs provenant de pays (ou même de provinces) qui ne cultivent pas d’OGM. Ils utilisent aussi des chaînes de production (ou des installations) sans OGM.

Dans le pays, on a assisté à des conflits entre les sociétés semencières étrangères et le Ministère de l’agriculture d’une part et les ONG d’autre part. Le problème est né lorsque des ONG ont révélé que des semences de coton OGM, plantées dans des parcelles d’essai des stations de recherche de l’État avaient été prélevées et semées sur les terres des agriculteurs. Craignant des risques élevés et incontrôlables pour l’environnement, les ONG ont œuvré pour une interdiction (temporaire?) des OGM sur des parcelles d’essai en plein champ. Cette interdiction pourrait être définitive si le Ministère de l’agriculture ne réussit pas a empêcher de manière efficace la contrebande de semences d’essai. En avril 2001, le cabinet ministériel a décidé qu’outre la législation actuelle interdisant la production commerciale d’organismes génétiquement modifiés, aucune parcelle d’essai des semences génétiquement modifiées ne pourrait être autorisée avant l’adoption d’une loi sur la biodiversité. Cette interdiction vaut aussi pour le Département de l’agriculture et les institutes publics de recherche peuvent seulement travailler en laboratoire. Cette décision a provoqué une protestation véhémente de la part du Comité national sur les OGM, dont les membres appartiennent à des instituts scientifiques.

Pour ce qui est des produits génétiquement modifies et des produits dérivés, le cabinet a stipulé que les importations de semences génétiquement modifiées ne seraient autorisées que pour la recherche. Les produits agricoles génétiquement modifiés importés destinés à la consommation (par exemple le maïs et le soja) sont autorisés pourvu qu’ils ne soient pas germés et qu’ils ne soient pas utilisés comme semences. Les autorités ont aussi octroyé des sommes importantes à la recherche publique sur les biotechnologies, notamment pour l’expansion des installations de recherche publique.

Pour ce qui est de la sécurité sanitaire des aliments, deux organismes publics sont maintenant chargés des aspects réglementaires liés aux OGM (le Food and Drug Office et le département de l’agriculture). Pour l’instant les organismes peuvent seulement identifier la présence d’OGM dans les denrées alimentaires, mais ils ne savent pas encore établir la quantité de substances génétiquement modifiées. Ils disposent, en outre, de ressources limitées pour effectuer des tests sur les OGM. Ces contraintes ne permettront pas à la Thaïlande d’adopter une politique d’étiquetage des aliments contenant des OGM, à moins que la capacité de recherche ne soit renforcée et que les installations disponibles soient plus nombreuses. Les exportateurs de produits alimentaires thaïlandais, qui dépendent des importations de matières premières, doivent donc s’approvisionner uniquement auprès de producteurs n’utilisant pas d’OGM.


[106] Les détails des résultats de la régression peuvent être demandés aux auteurs et figurent dans une étude plus complète mentionnée à la note 1.
[107] Les cours mondiaux du sucre n'affectent pas normalement le volume des exportations thaïlandaises de sucre (sauf lorsqu'ils sont très élevés) puisque la politique thaïlandaise du sucre consiste à maintenir les cours internes du sucre (par le biais de l'interfinancement des producteurs au détriment des consommateurs) et de se débarrasser de toute l'offre excédentaire sur les marchés mondiaux aux cours mondiaux établis. Les cours mondiaux du sucre ont une incidence positive significative sur la valeur des exportations de sucre (voir tableau 8).
[108] Les préférences commerciales spécifiques pour un nombre restreint de pays en développement, ne respectent pas les principes du GATT. Par le passé, l'OMC a octroyé toutefois des dérogations qui ont autorisé les pays concernés à conserver ces préférences spécifiques (Tangermann, 2001: 3).
[109] Le site Web de la Food and drug administration des États-Unis donne toutes les indications sur la rétention des marchandises importées aux États-Unis, mais ces données n'étaient pas encore disponibles avant 2001, au moment où la présente recherche a été effectuée. Il n'existe pas non plus de données sur la valeur des importations qui font l'objet d'une immobilisation.
[110] Dans une étude (effectuée par l'Université de Chulalongkorn, 2000) la technique de régression a été utilisée pour estimer l'incidence des mesures sanitaires et phytosanitaires sur les exportations thaïlandaises et pour calculer ensuite l'équivalence des droits des mesures de SPS. Le taux moyen des équivalences a été évalué à 29 pour cent, avec un écart de 4 à 54,7 pour cent, mais ces estimations souffrent de certains problèmes statistiques.

Page précédente Début de page Page suivante