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Quelques indications de base sur la préparation et la transformation des aliments


Tous les jours, les gens transforment les aliments en préparant les repas de la famille. Cependant, la notion de «transformation des aliments» va au-delà de la préparation et de la cuisson des aliments: elle fait appel à des principes scientifiques et technologiques de conservation des aliments par le ralentissement ou l’interruption du processus de détérioration. Elle permet aussi de modifier de façon contrôlée et prévisible la qualité gustative des aliments. La transformation des aliments fait appel à la créativité du transformateur pour changer les produits bruts en une série de produits appétissants et attrayants qui ajoutent une variété intéressante au régime alimentaire des consommateurs.

La préparation et la transformation alimentaires peuvent être définies comme étant «tout changement qui modifie la qualité gustative ou la durée de conservation d’un aliment».

Les transformateurs de produits alimentaires doivent fabriquer des produits salubres pour éviter tout risque aux consommateurs. Il ne s’agit pas seulement de risques microbiologiques, mais aussi d’éclats de verre, de pesticides ou autres matières nocives qui affectent la qualité des aliments. Au moment de l’achat, les consommateurs prennent principalement en considération la qualité gustative des aliments qui doivent correspondre aux habitudes alimentaires traditionnelles et aux attentes culturelles en matière de consistance, saveur, goût, couleur et apparence. Dans certains cas, la valeur nutritionnelle des aliments est un facteur important (par exemple, la teneur en protéines, en vitamines et en sels minéraux, etc.). La qualité du produit dépend du matériau brut, des conditions de transformation, et des conditions d’entreposage et de manutention après transformation. Les transformateurs de produits alimentaires doivent s’informer sur la composition des aliments à transformer pour pouvoir anticiper sur les modifications qui s’opèrent pendant la transformation, sur la durée de conservation du produit et sur les types de micro-organismes qui peuvent se développer. Cette information permet de prévenir la dégradation des aliments et les risques d’intoxication alimentaire. La composition détaillée des matériaux bruts et des produits est disponible auprès des départements des sciences alimentaires des universités, des bureaux des normes ou des instituts de recherche alimentaire.

Types de transformation

Sans transformation, jusqu’à 50 à 60 pour cent des aliments frais sont perdus entre la récolte et la consommation. Cela peut être dû aux installations d’entreposage inadéquates qui permettent aux micro-organismes et aux animaux nuisibles de dégrader les aliments entreposés. L’amélioration des conditions d’entreposage peut réduire considérablement ces pertes (Clarke, 2002). On classe les méthodes de transformation adaptées à la transformation au niveau du village en six catégories (tableau 1). Un nombre de méthodes de préparation (comme le malaxage, l’enrobage à la pâte à frire, le broyage, le découpage etc.) modifient la qualité gustative des aliments mais ne les conservent pas. Il importe de noter que la production de la plupart des aliments transformés fait appel à plus d’une catégorie des procédés présentés au tableau 1. Par exemple, pour fabriquer des confitures, il est nécessaire de chauffer, d’éliminer l’eau, d’augmenter le taux d’acidité et de sucres, et d’emballer. Pour fumer le poisson ou la viande, il est nécessaire de chauffer, d’éliminer l’eau et d’enrober de fumée chimique de conservation.

Effet de la transformation sur la qualité des aliments

Outre la conservation des aliments, la transformation secondaire modifie leur qualité gustative (voir le glossaire en annexe C). Les graines céréalières en sont une bonne illustration: la première transformation par le séchage et la mouture produit la farine, qui n’est pas comestible. La transformation secondaire permet de produire une grande variété de produits de boulangerie et de grignotage, de la bière, du porridge, chacun ayant une saveur, une consistance et/ou une couleur particulières. La qualité gustative est l’élément déterminant de l’achat d’un produit par les consommateurs. Les aliments qui attirent par leur apparence et leur couleur sont davantage susceptibles de bien se vendre et à un prix plus élevé. Il est donc de l’intérêt des entreprises de transformation de définir au moyen des évaluations de marché ce qui, dans un produit, plaît aux consommateurs et de s’assurer que les produits répondent à leurs besoins. Voir la description ci-dessous.

Echelles des entreprises

La transformation des aliments à des fins commerciales peut s’effectuer à différentes échelles, à commencer par une seule personne (tableau 2). Cette brochure est axée sur les petites entreprises, depuis l’ «échelle du ménage» jusqu’à la «petite échelle».

La transformation à l’échelle du ménage

Les aliments qui sont destinés à la consommation du ménage sont généralement transformés par des familles individuelles ou des petits groupes de personnes qui travaillent ensemble. Beaucoup de conglomérats alimentaires multinationaux ont commencé par une seule personne ou une seule famille travaillant à la maison (tableau 3). Dans les pays en développement, la transformation alimentaire à l’échelle du ménage a pour but de produire un revenu supplémentaire pour couvrir les besoins de la famille comme les vêtements et les droits de scolarité. Quand ce but est atteint, beaucoup de ces petits transformateurs élargissent ensuite leur production et créent une micro ou une petite entreprise (étude de cas 1) et plus tard, une entreprise à plus grande échelle.

TABLEAU 1 Types de transformation des aliments au village

Catégories de procédés

Exemples de types de procédés

Chauffer pour détruire les enzymes et les micro-organismes

Bouillir, blanchir, rôtir, griller, cuire au four, pasteuriser, et fumer

Eliminer l’eau contenue dans les aliments

Sécher, concentrer par ébullition, filtrer, presser

Abaisser la température des aliments

Refroidir, ressuer, congeler

Augmenter l’acidité des aliments

Fermenter, ajouter de l’acide citrique ou du vinaigre

Utiliser des produits chimiques pour prévenir l’activité des enzymes et des microbes

Saler, juter, fumer et ajouter des conservateurs chimiques comme le sodium métabisulfite ou le sodium benzoate

Protéger contre l’air, la lumière, l’humidité, les micro-organismes et les animaux nuisibles

Emballer

TABLEAU 2 Echelles de la transformation commerciale des aliments

Echelles des entreprises

Caractéristiques

Echelle du ménage

Aucun employé, capital engagé modeste ou inexistant

Echelle micro

< 5 employés, capital engagé inférieur à 1 000 dollars EU.

Petite échelle

5-15 employés, capital engagé entre 1 000 et 50 000 dollars EU.

Moyenne échelle

16-50 employés, capital engagé entre 50 000 et 1 000 000 de dollars EU.

Grande échelle

> 50 employés, capital engagé supérieur à 1 000 000 de dollars EU.

Adaptado de Trager, 1996

Généralement, les transformateurs à l’échelle du ménage n’ont pas les moyens de se procurer le matériel de transformation spécialisé et se servent des ustensiles à usage domestique comme les casseroles et les fourneaux. Ils travaillent à mi-temps selon leurs besoins d’argent, et pratiquent la transformation dans une partie de la maison ou une dépendance. Certes, dans la majorité des cas, le manque d’installations adaptées à la production présente des risques de contamination et la qualité des produits est variable. Cela affecte la valeur des aliments transformés et, par conséquent, le revenu familial. Les agents de vulgarisation et les programmes de formation ont un rôle à jouer dans l’amélioration des installations et de l’hygiène, l’introduction des techniques simples du contrôle de la qualité et l’amélioration de l’emballage pour que les produits soient davantage compétitifs face à ceux des transformateurs à plus grande échelle.

Certaines familles dont les ventes engendrent un revenu suffisant choisissent d’investir dans du matériel spécialisé (comme un four de boulanger ou une presse pour assécher le manioc ou fabriquer de l’huile à friture). Dans la plupart des cas, le matériel est fabriqué par le menuisier, le maçon ou le forgeron local compétent. C’est ainsi que les entreprises à l’échelle du ménage s’élargissent en micro ou en petites entreprises.

La transformation en micro-entreprise

Tandis qu’à l’échelle du ménage, les transformateurs vendent à leurs voisins ou sur les marchés, l’accés à l’échelle supérieure de la micro-entreprise nécessite des compétences supplémentaires et la certitude de pouvoir rivaliser avec les autres transformateurs et négocier avec les acheteurs professionnels comme les détaillants ou les intermédiaires. De même, si la qualité des produits convient aux consommateurs ruraux, il n’est pas dit qu’elle sera suffisamment bonne pour concurrencer les produits des grandes sociétés sur les autres marchés. Pour réussir à atteindre le niveau de production d’une microentreprise, les transformateurs des villages ont besoin d’acquérir les compétences techniques qui permettent d’assurer régulièrement une production de qualité excellente et les compétences financières et commerciales qui permettent d’assurer la croissance et la prospérité de l’entreprise. Ils ont besoin d’assistance pour acquérir ces compétences et prendre confiance, et les programmes de formation accélérée ou les agents de vulgarisation technique peuvent les aider à améliorer les méthodes de production, le contrôle de la qualité et les techniques de vente.

La transformation en petite entreprise

L’élargissement en petite entreprise de transformation nécessite des investissements supplémentaires pour produire des quantités plus importantes dans un domaine de production déterminé. Il faudra vraisemblablement être équipé de matériel spécial, qui peut être soit fabriqué par le forgeron d’une ville voisine, soit importé, car la plupart des forgerons de village n’ont ni les compétences, ni le matériel, ni les fournitures à cet effet. A ce niveau de production, les transformateurs des villages sont en concurrence avec les autres entreprises à petite échelle, les sociétés plus grandes et les produits importés. Il est nécessaire qu’ils développent un emballage attrayant et des techniques de contrôle de la qualité, ainsi que les compétences financières et gestionnaires indispensables au bon fonctionnement d’une petite entreprise.

TABLEAU 3 Origines de quelques entreprises de transformation des aliments parmi les plus grandes du monde

Année

Entreprise alimentaire

1200

La bière Bock est inventée dans la ville allemande de Einbeck; elle y est toujours fabriquée.

1383

La brasserie Lowenbrau est créée à Munich, en Allemagne; à ce jour, elle est toujours en activité.

1715

L’entreprise française de distillation de Jean Martell commence la production de l’eau-de-vie de vin à Cognac, en France.

1725

Rowntree, la fabrique de chocolat, fait ses débuts dans une épicerie de York, au Royaume-Uni.

1871

La première usine de margarine est ouverte par Jan et Anton Jurgens à Oss en Hollande.

1876

H.J. Heinz rejoint son frère et son cousin pour produire le ketchup aux tomates et les pickles.

1877

Une écumoire à crème est inventée par l’ingénieur suédois Carl Laval; sa société s’appelle maintenant Alfa-Laval.

1884

Le meunier suisse Julius Maggi introduit les soupes de pois et de betteraves en poudre, qui deviennent plus tard les cubes Maggi.

1899

Le Coca-Cola est mis en bouteille sous contrat pour la première fois par Benjamin Thomas et Joseph Whitehead au Tennessee, aux Etats-Unis; auparavant, le sirop était ajouté à l’eau gazeuse au point de vente.

Adaptado de Trager, 1996

CASE STUDY 1 Production de confiserie au Sri Lanka

M. et Mme Chandradasa vivent dans le sud rural du Sri Lanka. Après avoir suivi une courte formation en 1994, ils commencent à fabriquer une variété de produits de confiserie dans leur cuisine, à l’aide du matériel de cuisine ordinaire. Ils fabriquent environ 1 800 bonbons par semaine et les vendent aux commerçants locaux. Tous les ingrédients et le matériel d’emballage sont disponibles localement, mais ils ne sont pas satisfaits de la qualité des étiquettes et en cherchent de meilleures pour améliorer la présentation. Leur problème majeur est que les commerçants imposent leur loi et ne les payent pas avant que les produits soient vendus. Malgré cela, leur chiffre d’affaires a tellement augmenté que M. Chandradasa a pu quitté son emploi, et ils ont suffisamment d’économies pour construire un bâtiment réservé à la production de la confiserie. Ils ont aussi construit un four de boulanger d’une capacité de six pains et produisent deux fournées de pain par jour. Ils espèrent élargir cette nouvelle entreprise si la demande est suffisante. (Source: Edirisinghe, 1998)

FIGURE 1 La transformation dans une petite entreprise. (Photo de l’auteur)

Si l’investissement à cette échelle est trop élevé pour les familles individuelles, il existe une autre option, celle d’un groupe de personnes, comme les groupes d’agriculteurs, les groupes de femmes ou les coopératives de producteurs qui s’associent pour gérer l’entreprise de transformation (étude de cas 2). Les participants investissent ensemble dans l’achat du matériel et des installations et commercialisent leurs produits sous une marque unique. Cette approche présente de nombreux avantages y compris une plus grande disposition de la part des prêteurs à accorder des prêts à un groupe qui se partage la responsabilité des remboursements, des perspectives d’emploi nouvelles pour ceux qui ne possèdent pas de terre, un ralentissement de la migration vers les petites et les grandes villes, une plus grande sécurité financière et une amélioration du niveau de vie chez un plus grand nombre de personnes.

ÉTUDE DE CAS 2 Transformation des fruits de la forêt

La Kalahan Educational Foundation (KEF) est une organisation populaire créée par les aînés d’une tribu, qui gère un projet générateur de revenus dans les montagnes de la Cordillère des Philippines, sur l’île de Luzon. L’agriculture traditionnelle sur brûlis est menacée par les sociétés forestières depuis de nombreuses années et le besoin de gagner un revenu a obligé beaucoup d’agriculteurs à quitter la région en quête de travail. KEF a pris le contrôle de 15 000 hectares de réserve forestière. La fondation a planté des arbres fruitiers et recruté des gardiens pour protéger l’ancienne forêt contre le déboisement illégal. Un centre de transformation des aliments a aussi été créé pour transformer les fruits de la forêt comme la goyave sauvage, les raisins sauvages, le fruit de la passion et le tamarin en confitures, beurre de fruits et gelée. Plus de 25 pour cent des 540 familles qui vivent dans la réserve gagnent un salaire non négligeable en apportant les fruits de la forêt à l’usine, où ils sont transformés et emballés dans des bocaux de verre en provenance de Manille. Les déchets des fruits sont donnés aux cochons, dont les déjections sont converties en biogaz pour alimenter l’usine en carburant. Le centre produit 40 000 bocaux par an, dont 85 pour cent sont vendus à Manille dans les supermarchés de haute gamme. Ils détiennent actuellement 2 à 3 pour cent du marché, leur objectif est 10 à 12 pour cent. Leurs clients sont généralement des cadres qui savent apprécier la qualité des produits, supérieure à celle des concurrents, et pour qui le prix importe peu. La fondation exporte aussi en Europe par le biais d’une association du commerce équitable. (Source: Good, 1997)

Beaucoup de gouvernements encouragent le développement des entreprises de transformation des aliments à petite échelle pour les raisons suivantes:


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