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7. L’OMC ET LES NORMES ENVIRONNEMENTALES ET SOCIALES, LA CERTIFICATION ET LA LABELLISATION

Avertissement

Les opinions exprimées dans ce chapitre sont uniquement celles de l’auteur et ne constituent en aucune manière une position officielle de la FAO.

7.1 INTRODUCTION

Les programmes de certification et de labellisation sociales et environnementales utilisent des mesures d’incitation commerciales pour encourager une meilleure gestion au-dessus du niveau minimum légal, pour mettre en œuvre des lois qui seraient à défaut difficiles à appliquer, ou pour proposer un cadre lorsque des lois formelles n’existent pas. Les programmes se réfèrent souvent aux traités et conventions internationaux, les traduisant parfois en normes vérifiables pour une mise en œuvre directe par les producteurs ou les négociants, ou les deux.

Le rôle complémentaire de ces initiatives aux côtés des cadres réglementaires (inter)gouvernementaux et la part de marché substantielle que certaines de ces initiatives de labellisation ont réussi à gagner ont donné lieu à des débats sur l'application des dispositions de l’OMC à ces initiatives de certification et de labellisation et sur l’éventuelle violation de ces dispositions. Ce chapitre est une réflexion sur les aspects juridiques GATT/OMC des normes sociales et environnementales et les programmes de certification et de labellisation volontaires dans l’agriculture.

Les retranscriptions littérales des textes de l’OMC[96] et des rapports du Groupe spécial de règlement des différends sont indiquées en italique. Si des dispositions sont présentées en écriture «roman», cela signifie que le texte indiqué est un résumé ou une interprétation de l’auteur.

7.2 PRINCIPES DE BASE DE L’OMC

L’OMC est la seule organisation internationale traitant des règles du commerce entre les nations. En son centre se trouvent les accords OMC, négociés et signés par la plupart des nations commerçantes du monde et ratifiés par leurs parlements. Sa principale fonction est d’assurer des flux commerciaux autant que faire se peut sans heurt, sans surprise et libres. L’OMC, créée en 1995 et comptant actuellement plus de 130 membres, succède à l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (General Agreement on Tariffs and Trade, ou GATT). L’Accord du GATT de 1994 est aujourd’hui le principal Accord OMC pour le commerce des marchandises. Le système encourage les pays à régler leurs différends par la consultation. A défaut, ils peuvent suivre une procédure étape par étape qui comporte la possibilité de prise de décision par un groupe spécial d’experts, et celle de faire appel de la décision[97].

Articles I et III du GATT: Non discrimination des produits similaires

Les articles I et III du GATT sont les principes de base de l’OMC et plaident pour une non discrimination dans le commerce.

L’article I est intitulé Traitement général de la nation la plus favorisée, et dispose comme suit:

1. (...) les droits de douane et les impositions (...), le mode de perception de ces droits et impositions, l'ensemble de la réglementation et des formalités afférentes aux importations ou aux exportations, (...),tous avantages, faveurs, privilèges ou immunités accordés par une partie contractante à un produit originaire ou à destination de tout autre pays seront, immédiatement et sans condition, étendus à tout produit similaire originaire ou à destination du territoire de toutes les autres parties contractantes.

L’article III est intitulé Traitement national en matière d’impositions et de réglementation intérieures et dispose comme suit:

1. (...) les taxes et autres impositions intérieures, ainsi que les lois, règlements et prescriptions affectant la vente, la mise en vente, l'achat, le transport, la distribution ou l'utilisation de produits sur le marché intérieur, (...) ne devront pas être appliqués aux produits importés ou nationaux de manière à protéger la production nationale.

4. Les produits du territoire de toute partie contractante importés sur le territoire de toute autre partie contractante ne seront pas soumis à un traitement moins favorable que le traitement accordé aux produits similaires d'origine nationale en ce qui concerne toutes lois, tous règlements ou toutes prescriptions affectant la vente, la mise en vente, l'achat, le transport, la distribution et l'utilisation de ces produits sur le marché intérieur.

Le principe de Nation la Plus Favorisée (NPF) (§I) signifie que les membres de l’OMC sont tenus de traiter les produits d’un pays d’une manière non moins favorable que les produits similaires de tout autre pays. Le principe de Traitement National (TN) (§III) signifie qu’une fois entrées sur un marché, les marchandises ne doivent pas être traitées moins favorablement que les produits similaires d’origine nationale[98].

Le terme produits similaires a été défini dans des décisions précédentes du groupe spécial de règlement des différends comme correspondant aux produits ayant des caractéristiques physiques ou des finalités identiques ou similaires. Cela a conduit à un débat sur les Procédés et Méthodes de Production (PMP). L’OMC permet aux pays d’adopter des mesures commerciales réglementant les caractéristiques d’un produit ou les processus et méthodes de production s’y rapportant, mais n’autorise pas les restrictions au commerce sur la base des PMP non connexes (c’est-à-dire les PMP ne se rapportant pas aux caractéristiques d’un produit telles que la qualité ou la sécurité)[99].

Le rapport 1991 du groupe spécial de règlement des différends du GATT dans l’affaire «Dauphins-Thons»[100] interprète les principes de NPF et de TN pour les règles de labellisation concernant les PMP non connexes. Bien que le rapport n’ait jamais été adopté, il s'agit d'un des quelques rapports du Groupe spécial sur la labellisation PMP qui permet d'orienter les interprétations ultérieures. Bien que le rapport n’ait pas été adopté, la décision du Groupe spécial concernant la labellisation environnementale volontaire reste largement incontestée[101]. Le rapport déclare:

... les dispositions du DPCIA [Décret des États-Unis pour l’information des consommateurs sur la protection des dauphins] sur la labellisation ne restreignent pas la vente des produits du thon; les produits du thon peuvent être librement vendus avec ou sans le label «Dolphin Safe» (littéralement «inoffensif pour les dauphins»). [...] les dispositions régissant le droit d’accès au label [doivent satisfaire] les conditions de l’article I:1.

Ainsi le rapport établit que la labellisation basée sur des PMP non connexes est autorisée par le GATT, tant que la labellisation est volontaire, parce qu’elle ne restreint pas le commerce. Le droit d’utiliser le label n’était pas considéré comme un avantage accordé par le gouvernement - tout avantage ne serait que la conséquence du libre choix des consommateurs. Cependant, les critères pour la certification et la labellisation doivent être appliqués de manière non discriminatoire à tous les demandeurs.

Le rapport du groupe spécial a également clarifié le fait que l’article I du GATT s’applique aux systèmes de labellisation. Pour l’article III, cela est moins clair. Appleton avance qu’il n’est pas certain que l’article III ait été destiné à s’appliquer aux systèmes volontaires, car il est possible que ces systèmes ne soient pas des règlementations ou des exigences au sens de l’article III.1. Et même s'ils le sont, il n’est pas sûr qu’ils soient considérés comme affectant la vente, la mise en vente, l’achat, le transport, la distribution ou l’utilisation de ces produits sur le marché intérieur, en raison de leur nature volontaire[102]. Cela devra être déterminé au cas par cas.

Article XX du GATT: Exceptions générales

Dans les cas où les normes, les systèmes de certification ou les systèmes de labellisation violeraient les articles I ou III, ils pourraient néanmoins être conformes aux règles du GATT si l’une des Exceptions générales de l’article XX s’appliquait. L’article XX liste les exceptions permises à la mise en œuvre des autres articles du GATT. Néanmoins, ces exceptions ne doivent pas s’appliquer de manière arbitraire ou constituer une discrimination non justifiée entre les pays où règnent les mêmes conditions.

Les exceptions les plus importantes listées dans l’article XX du GATT sont:

... rien dans le présent Accord ne sera interprété comme empêchant l'adoption ou l'application par toute partie contractante des mesures:

a) nécessaires à la protection de la moralité publique;

b) nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux;

...

d) (...) qui ont trait (...) à la protection des brevets, marques de fabrique et droits d'auteur et de reproduction et (...) propres à empêcher les pratiques de nature à induire en erreur;

...

g) se rapportant à la conservation des ressources naturelles épuisables, si de telles mesures sont appliquées conjointement avec des restrictions à la production ou à la consommation nationales.

7.3 ACCORD SUR LES OBSTACLES TECHNIQUES AU COMMERCE

Le GATT est devenu l’accord cadre de l’OMC et s’applique à tous les cas de figure. De plus, des accords spécifiques ont été négociés, qui traitent d’aspects particuliers du commerce. L’Accord sur les Obstacles Techniques au Commerce (OTC) est l’accord le plus important pour les normes et les programmes de certification. L’OTC applique les principes de NPF et de TN aux règlements techniques, aux pratiques d’élaboration de normes, et aux procédures d’évaluation de conformité. Il faut noter que l’OTC se place avant le GATT dans la hiérarchie des Accords OMC[103].

Definitions des règlements et des normes

L’interprétation des termes et de leurs définitions tels qu’indiqués dans l’Annexe 1 de l’OTC est cruciale pour comprendre les autres dispositions OTC, et a conduit à de nombreux débats. Cette section examine les définitions des règlements et des normes, et si les normes environnementales et sociales et les programmes de certification sont couverts par ces définitions. L’OTC pose différentes règles pour les «règlements» qu'il oppose aux «normes»; il est donc nécessaire de déterminer si une norme ou un programme de certification donné est couvert par un de ces termes dans le contexte OTC.

Les définitions

L’Annexe 1 de l’OTC énonce [soulignement ajouté par l’auteur]:

Règlement technique = Document qui énonce les caractéristiques d'un produit ou les procédés et méthodes de production s'y rapportant, y compris les dispositions administratives qui s'y appliquent, dont le respect est obligatoire. Il peut aussi traiter en partie ou en totalité de terminologie, de symboles, de prescriptions en matière d'emballage, de marquage ou d’étiquetage, pour un produit, un procédé ou une méthode de production donnés.

Norme = Document approuvé par un organisme reconnu, qui fournit, pour des usages communs et répétés, des règles, des lignes directrices ou des caractéristiques pour des produits ou des procédés et des méthodes de production connexes, dont le respect n'est pas obligatoire. Il peut aussi traiter en partie ou en totalité de terminologie, de symboles, de prescriptions en matière d'emballage, de marquage ou d’étiquetage, pour un produit, un procédé ou une méthode de production donnés.

Note explicative: [...] Les normes élaborées par la communauté internationale à activité normative sont fondées sur un consensus. Le présent accord vise également des documents qui ne sont pas fondés sur un consensus.

Il faut noter ici que bien que la plupart des discussions qui suivent concernent des cas de certification ou de labellisation, les définitions couvrent également les règlements et les normes qui ne sont pas associés à une revendication ou un label.

Obligatoires ou volontaires?

La conformité aux réglementations nationales pour l’agriculture biologique et la labellisation des produits issus de méthodes biologiques est seulement obligatoire si on choisit d’apposer un label biologique sur un produit. Par conséquent, on peut soutenir que la conformité est volontaire, mais également que la conformité est obligatoire si les produits biologiques sont considérés comme une catégorie de produits distincte. Dans un document présenté au Comité OTC et au Comité du Commerce et de l’Environnement (CCE) en 2001, la Suisse a contesté la justification de la distinction entre les normes ou règlements obligatoires et volontaires. Ils ont soutenu que si une norme a pour effet la ségrégation du marché, la conformité à la norme devient de facto obligatoire pour un producteur souhaitant entrer dans le nouveau segment de marché[104]. Certains pays ont convenu que dans certains cas on pouvait hésiter sur la nature volontaire ou obligatoire des systèmes volontaires, ou sur le fait que les systèmes volontaires puissent avoir un rapport avec la compétitivité ou la perception et les choix des consommateurs. De nombreux membres n’ont pas souhaité considérer cela comme une occasion de (re-)négociation ni n’ont ressenti le besoin de clarifier les documents, mais ils étaient prêts à étudier la question pour une meilleure compréhension[105].

La notification par l’UE en février 2001 d’un projet de règlement concernant les importations de produits biologiques[106] signifie que l’UE a probablement considéré ce projet comme un règlement technique obligatoire au sens de l’OTC.

Labellisation des PMP ne se rapportant pas au produit

Les normes sociales et les normes du travail concernent les PMP qui n’affectent pas les caractéristiques finales d’un produit, et les normes environnementales contiennent également en principe de telles normes. La question a été débattue au sein du Comité OTC sur le fait de savoir si la labellisation des procédés et méthodes de production ne se rapportant pas au produit (PMP non connexes) était couverte par les définitions de règlements ou de normes. Certains pays pensent que cela n’est pas clair parce que la première phrase de chaque définition parle de PMP se rapportant au produit, mais la seconde phrase relative à la labellisation omet le mot «connexe»[107]. D’autres pensent que les PMP non connexes n’étaient pas le sujet de la disposition. Certains pays étaient préoccupés par la prolifération des exigences de labellisation pour les PMP non connexes.

La Suisse a fait remarquer que cette question est rendue encore plus complexe parce qu’en pratique il peut être difficile de décider si un label donne des informations sur les PMP se rapportant ou non au produit. Par exemple, une grande quantité de carottes produites selon des méthodes biologiques contiendront en moyenne moins de résidus de pesticides que les carottes conventionnelles, mais la comparaison d’une carotte biologique avec une carotte conventionnelle peut ne montrer aucune différence. Par conséquent il n’apparaît pas clairement si les labels biologiques donnent des informations sur les PMP se rapportant au produit (affectant le produit lui-même) ou ne s’y rapportant pas[108].

Appleton note que pendant les négociations la seconde phrase n’a jamais été traitée comme une disposition autonome. De ce fait, il soutient que la labellisation des PMP non connexes n’est pas couverte par l’Accord OTC. La manière dont les systèmes qui concernent les PMP connexes et non connexes seront traités doit être établie par la pratique. Une possibilité serait que les membres appliquent l’Accord OTC aux normes se rapportant aux produits et l’Accord du GATT aux normes ne se rapportant pas au produit[109].

Normes des ONG

Une particularité est que l’Accord OTC définit une norme comme un document approuvé par un organe reconnu mais ne définit pas le terme «organe reconnu». Webb soutient qu’en raison de l’utilisation du mot «approuvé», «organe reconnu» peut signifier l’organe élaborant les normes mais peut aussi signifier un autre organe utilisant la norme[110]. Cependant, dans la plus grande part de la littérature publiée à ce sujet il est entendu que les normes élaborées par les ONG (du moins celles liées aux caractéristiques du produit) sont couvertes par la définition des normes de l’Accord OTC.

Article 4: Elaboration, adoption et application de normes

On peut conclure de la discussion ci-dessus que les normes environnementales volontaires entrent effectivement dans la définition OTC d’une «norme», au moins pour ce qui est des conditions relatives au produit. Pour les normes du travail qui ne concernent que les conditions requises non liées aux caractéristiques finales du produit, l’Accord OTC ne s’appliquerait pas. Pour les systèmes de certification et de labellisation se référant à de telles normes du travail, cela dépend si la seconde phrase de la définition OTC d’une «norme» est lue comme une disposition autonome ou non.

L’Accord OTC étant applicable au moins à une partie des initiatives volontaires d’élaboration de normes environnementales et sociales et de certification, il est utile d’examiner les conditions requises pour les normes dans l’Accord OTC.

L’article 4.1 de l’Accord OTC indique:

Les membres feront en sorte que les institutions à activité normative de leur gouvernement central acceptent et respectent le Code de pratique pour l'élaboration, l'adoption et l'application des normes, qui est reproduit à l'Annexe 3 du présent accord (dénommé dans le présent accord le «Code de pratique»). Ils prendront toutes mesures raisonnables en leur pouvoir pour faire en sorte que les institutions publiques locales et organismes non gouvernementaux à activité normative de leur ressort territorial, ainsi que les organismes régionaux à activité normative dont eux-mêmes ou l'un ou plusieurs des institutions ou organismes de leur ressort territorial sont membres acceptent et respectent ce Code de pratique. En outre, les membres ne prendront pas de mesures qui aient pour effet, directement ou indirectement, d'obliger ou d'encourager lesdits institutions ou organismes à activité normative à agir d'une manière incompatible avec le Code de pratique. Les obligations des membres en ce qui concerne le respect par les institutions ou organismes à activité normative des dispositions du Code de pratique seront d'application, qu'une institution ou un organisme à activité normative ait ou non accepté le Code de pratique.

Bien que la définition couvre les normes des ONG, les ONG ne peuvent pas être directement contestées devant l’OMC. L’OMC peut seulement contrôler l’action gouvernementale. En cas de litige, la question pourrait se poser de savoir si un membre a pris des «mesures raisonnables» pour assurer que ces ONG se conforment au Code de pratique. Un langage analogue se trouvant dans l’Accord du GATT et demandant aux pays de prendre de telles mesures raisonnables qui sont en leur pouvoir a été interprété par des groupes spéciaux de règlement des différends comme requérant de la part des gouvernements qu’ils prennent toutes les mesures constitutionnellement disponibles. Ce que le terme «constitutionnellement disponibles» requiert effectivement des gouvernements, fait actuellement l’objet de préoccupations et de débats[111].

Dans le même temps, les ONG, comme pour tout autre organisme, doivent normalement se conformer à un grand nombre de lois et réglementations nationales dans les pays où elles opèrent. Ainsi ces «mesures raisonnables» ne devraient pas poser trop de problèmes aux ONG, puisqu’elles sont déjà opérationnelles et qu’elles ne signifient rien de nouveau pour elles.

Code de pratique pour l’élaboration, l’adoption et l’application de normes

L’OMC encourage les organes à activité normative à accepter le Code de pratique pour l’élaboration, l’adoption et l’application de normes (Annexe 3 de l’OTC). Le Code est examiné ici et une comparaison est parfois faite avec les articles de l’OTC pour les règlements techniques. Ces derniers sont présentés dans des cadres.

Dispositions générales du Code de pratique

Le texte du Code de pratique commence par quelques dispositions générales, parmi lesquelles:

B. Le présent code est ouvert à l'acceptation de tout organisme à activité normative [...] et les organismes qui auront accepté ou dénoncé le présent Code en adresseront notification au Centre d’information ISO/CEI à Genève.

Ces dispositions donnent des indications sur la manière dont les ONG élaborant des normes doivent se comporter; cependant, seules les nations membres elles-mêmes peuvent être tenues pour responsables de la conformité ou de la non conformité à l’Accord OMC.

Les principes de NPF et de TN

La première disposition importante du Code indique:

D. Pour ce qui concerne les normes, l'organisme à activité normative accordera aux produits originaires du territoire de tout autre membre de l'OMC un traitement non moins favorable que celui qui est accordé aux produits similaires d'origine nationale et aux produits similaires originaires de tout autre pays.

Cette disposition combine les principes de TN et de NPF et les applique aux normes. Elle renforce l’opinion selon laquelle la labellisation des PMP non connexes n’est pas autorisée parce que le label ferait une différence entre les produits similaires, ce qui impliquerait presque toujours un traitement plus favorable ou moins favorable au niveau du marché. Cependant, le rapport du Groupe spécial Dauphins-Thons soutenait que l’autorité octroyant le label ne donne pas d’avantages, mais que des avantages peuvent découler du libre choix des consommateurs.

Le Code poursuit:

E. L'organisme à activité normative fera en sorte que l'élaboration, l'adoption ou l'application des normes n'aient ni pour objet ni pour effet de créer des obstacles non nécessaires au commerce international.

En raison de la nature obligatoire des règlements techniques, ceux-ci sont supposés être plus restrictifs pour le commerce; de ce fait, des conditions plus spécifiques ont été posées dans lesquelles ces règlements sont autorisés (voir Cadre 1).

Cadre 1. Objectifs légitimes pour un règlement technique restrictif pour le commerce

Selon l’article 2 de l’Accord OTC (2.2 et 2.3), les règlements techniques ne doivent pas être plus restrictifs pour le commerce qu’il n’est nécessaire pour réaliser un objectif légitime. Ces objectifs légitimes sont inter alia: les exigences de sécurité nationale; la prévention des pratiques trompeuses; et la protection de la santé ou la sécurité humaine, de la vie ou la santé animale ou végétale, ou de l’environnement. De plus, selon l’article 2.5, un membre doit à la demande d’un autre membre donner la justification de ce règlement technique.

Les "objectifs légitimes" sont une référence aux Exceptions générales de l’article XX du GATT. Dans un cas où des règlements de labellisation de produits cultivés selon des méthodes biologiques seraient considérés comme étant restrictifs pour le commerce, on pourrait toujours soutenir qu’ils réalisent l’objectif légitime d'empêcher les pratiques trompeuses. La question a été soulevée de savoir si l’objectif "d’information des consommateurs" est couvert par "empêcher les pratiques trompeuses ".[112]

Harmonisation internationale

Le Code de pratique énonce que les institutions à activité normative adopteront des normes internationales existantes ou sur le point d'être établies lorsque cela sera opportun; s’efforceront raisonnablement d’harmoniser les normes au niveau international; éviteront la répétition inutile ou le chevauchement avec le travail d’autres institutions à activité normative; et s’efforceront de parvenir à un consensus national sur les normes qu’elles élaborent.

Dans l’annexe 4 du rapport de la Seconde revue triennale de l’OTC[113], des principes ont été formulés pour le développement des normes internationales. L’annexe contient des dispositions concernant la publication et les consultations, les règles non discriminatoires d’adhésion des institutions internationales à activité normative, ainsi qu'un accès non discriminatoire et impartial à la participation dans l’élaboration des normes. L’impartialité et la franchise de tout processus international d’élaboration de normes requièrent que les pays en développement ne soient pas exclus de facto du processus. De plus, l’annexe énonce que les normes internationales doivent être pertinentes et répondre aux besoins du marché, et qu’elles ne doivent pas accorder de préférence aux caractéristiques ou exigences de pays spécifiques lorsque des besoins ou intérêts différents existent dans d’autres pays.

On a craint que le principe d’harmonisation internationale empêche le développement de normes «supérieures» une fois qu’une norme internationale existe, et «atténue» ainsi les réglementations environnementales et biologiques. Dans le «litige du bœuf aux hormones» dans le cadre de l’Accord SPS, le Groupe spécial de règlement des différends a décidé que «basé sur» des normes internationales signifiait «conforme à» des normes internationales, mais l’Organe d’appel n’était pas d’accord, et a décidé que «une mesure basée sur une norme peut ne pas se conformer à cette norme, lorsque seulement quelques éléments, mais pas tous, de la norme sont incorporés dans la mesure»[114]. Voir également le cadre 2 pour l’interprétation des articles «harmonisation» de l’Accord OTC pour les règlements à la lumière de cette décision.

Il est à noter que l’Accord OTC n’indique pas sur qui pèse la charge de la preuve de l'existence d'une norme internationale pertinente et de la conformité d'un règlement ou d'une norme à la norme internationale. Si un litige survient, des questions pourraient se poser de ce qui constitue une norme internationale pertinente[115].

Avec le nombre croissant de normes et de programmes de certification, une importance accrue est accordée à la disposition visant à éviter une répétition inutile et un chevauchement. La question est également posée de savoir si, lorsque les normes du travail sont déjà couvertes par un autre programme, cela empêche dans la pratique un programme de certification environnementale d’adopter ces normes.

Dispositions sur la publication et la consultation

Le Code requiert que l’institution à activité normative publie ses programmes de travail tous les six mois et indique pour chaque norme quelles normes internationales ont été prises comme fondement. Avant d’adopter une norme, l’institution à activité normative doit permettre pendant une période d’au moins 60 jours que les parties concernées présentent des observations. Sur demande, l’institution à activité normative fournira rapidement une copie du projet de norme qu’elle a présenté pour des observations. Une fois la norme adoptée elle devra être rapidement publiée. L’institution à activité normative prendra en considération toute plainte concernant la mise en œuvre de ce Code et s’efforcera objectivement de la résoudre. Les membres ISO/CEI devront s’efforcer de devenir membres d’ISONET[116].

Cadre 2. Harmonisation internationale des règlements techniques

De manière analogue à l’interprétation donnée en 1998 par l’Organe d’appel des articles 3.1, 3.2 et 3.3 de l’Accord SPS[117], les articles 2.4, 2.5 et 2.9 de l’Accord OTC doivent être interprétés comme suit:

2.4 Les membres doivent baser leurs règlements techniques sur les normes internationales pertinentes, mais cela n’implique pas qu’ils doivent se conformer ou être en accord avec ces normes.

2.5 S’ils sont en accord avec (ou conformes aux) normes internationales pertinentes ils seront présumés ne pas créer d’obstacle non nécessaire au commerce.

2.9 S’ils ne sont pas en accord avec les normes internationales les membres doivent le notifier aux autres membres et leur permettre de faire des observations.

L’UE a relevé que le processus d’activité normative internationale peut être atrocement lent et donc ne pas répondre de manière opportune aux nécessités de la réglementation. L'UE a par conséquent fait un usage relativement limité des normes internationales comme base des règlements techniques[118].

L’article 2.7 de l’OTC dispose que Les membres envisageront de manière positive d’accepter comme équivalents les règlements techniques des autres membres, même si ces autres règlements diffèrent des leurs, à condition d’avoir la certitude que ces règlements remplissent de manière adéquate les objectifs de leurs propres règlements. [Soulignement ajouté]

Cela suggère que, à supposer que les objectifs sont légitimes et basés sur une évaluation des risques qui prend en considération les informations scientifiques (article 2.2), un membre est autorisé à adopter des normes «supérieures».

Autres articles de l’Accord OTC concernant les normes

Articles 5 à 9: Évaluation de la conformité

Les articles 5 à 9 de l'Accord OTC établissent les exigences pour l'évaluation de la conformité. Les articles sont précédés de l'en-tête Conformité aux règlements techniques et aux normes [soulignement ajouté]. Alors que les articles 2 et 3 ne se réfèrent qu'aux règlements, et l'article 4 seulement aux normes, l'en-tête des articles 5 à 9 se réfère à la fois aux règlements et aux normes. Il faut donc supposer que les exigences d'évaluation de la conformité s'appliquent tant aux règlements qu'aux normes. Cela signifie que pour l'élaboration, l'adoption et l'application des normes, l'article 4 se réfère au Code de pratique, et l'adhésion au Code est facultative, mais pour l'évaluation de conformité des normes (y compris par exemple les programmes de certification et de labellisation), la conformité aux articles 5 à 9 est obligatoire, au moins pour les organes gouvernementaux.

Les articles 5 et 6 de l'Accord OTC posent des conditions requises pour les organes d'évaluation de la conformité des gouvernements centraux.

L'article 5 requiert inter alia que:

L'article 6 exige que les membres acceptent les procédures d'évaluation de la conformité dans d'autres pays membres à condition de se satisfaire du niveau d'équivalence. Des consultations préalables peuvent être nécessaires pour évaluer la compétence technique des organismes d'évaluation de la conformité compétents, et pour s'accorder sur les limites à l'acceptation des résultats de l'évaluation de la conformité à ceux des institutions ou organismes désignés du membre exportateur.

Les articles 8 et 9 exigent que les membres prennent des mesures raisonnables pour assurer également que les organismes non gouvernementaux et les systèmes internationaux dans lesquels les organismes compétents de leur ressort territorial participent se conforment aux articles 5 et 6. Les institutions du gouvernement central ne doivent se fonder sur des organismes non gouvernementaux et des systèmes internationaux que si ces organismes et ONG se conforment aux articles 5 et 6. Les organismes non gouvernementaux sont exempts de l'obligation de notifier les procédures d'évaluation de la conformité proposées.

Article 12: Information et traitement différencié des pays en développement

Chaque membre doit se doter d’un point d’information, qui doit être en mesure de fournir des informations sur tout règlement, norme et procédure d’évaluation de la conformité sur son territoire. Ils devront également prendre toute mesure raisonnable pour pouvoir fournir des informations sur ces normes et systèmes d’évaluation de la conformité développés, adoptés ou appliqués par des organismes non gouvernementaux, et sur les organismes et systèmes internationaux concernés.

Les membres devront dans la préparation et l’application des règlements techniques, des normes et des procédures d’évaluation de la conformité prendre en compte la situation spéciale des pays en développement afin d’assurer qu’aucun obstacle non nécessaire ne soit créé aux exportations des pays en développement. Les membres devront prendre des mesures raisonnables pour faciliter une participation active des pays en développement dans les institutions internationales à activité normative et dans les systèmes d’évaluation de la conformité et assurer que, sur demande, des normes internationales soient élaborées pour les produits présentant un intérêt spécial pour les pays en développement. Les membres doivent fournir une assistance technique pour assurer que les règlements, normes et procédures d’évaluation de la conformité ne créent pas d’obstacle non nécessaire à l’expansion et à la diversification des exportations des pays en développement.

Le Comité OTC est habilité à octroyer [aux pays en développement] des exceptions spécifiées et limitées dans le temps aux obligations résultant de l’Accord.

Article 14: Règlement des différends

L’article 14 de l’Accord OTC énonce que le règlement des différends doit suivre les procédures normales du GATT. Selon l’article 14.4, la procédure de règlement des différends peut également être invoquée dans le cas où un membre n’est pas parvenu à des résultats satisfaisants au titre des articles 3, 4, 7, 8 ou 9 (concernant les institutions locales ou non gouvernementales ou les systèmes ou organes internationaux), et que ses intérêts commerciaux sont affectés de manière notable. A cet égard, ces résultats devront être équivalents à ceux considérés comme si l’institution en question était un membre.

Il n’apparaît pas clairement si cela signifie que les membres pourraient être tenus responsables pour les ONG sur leur territoire ne se conformant pas à l’Accord OTC. Cela dépendra également de l’interprétation des «mesures raisonnables en leur pouvoir» dans l’article 4.1.

7.4 IMPLICATIONS DES DISPOSITIONS DE L’ACCORD OTC ET DU GATT POUR LES NORMES ENVIRONNEMENTALES ET SOCIALES, LA CERTIFICATION ET LA LABELLISATION VOLONTAIRES

La discussion ci-dessus peut être brièvement résumée comme suit. Les normes environnementales volontaires n’entrent pas dans la définition de l’Accord OTC d’une «norme», du moins pour les conditions requises se rapportant au produit. Pour l’élaboration et l’application des normes du travail qui ne concernent que les conditions ne se rapportant pas aux caractéristiques finales du produit, l’Accord OTC ne s’appliquerait pas. Pour les procédures de mise en conformité et les systèmes de labellisation concernant les PMP non connexes, l’Accord OTC pourrait encore s’appliquer, et cela dépendra de savoir si la seconde phrase de la définition OTC d’une «norme» est lue comme une disposition autonome ou non.

Les organes d’élaboration de normes (du moins les organes gouvernementaux) doivent se conformer au Code de pratique pour l’élaboration, l’adoption et l’application de normes. Les normes qu’ils élaborent ne doivent pas être discriminatoires et ne doivent pas restreindre le commerce; elles doivent se fonder sur des normes internationales lorsque cela est approprié; des efforts doivent être fournis pour l’harmonisation internationale; et les parties concernées doivent se voir donner la possibilité de faire des observations avant l’adoption de la norme.

Selon l’article I du GATT, les normes ne se rapportant pas au produit ne doivent pas accorder d’avantages aux produits d’un pays par rapport aux produits d’un autre pays. Il n’apparaît pas clairement si l’article III s’applique également, qui requiert qu’une fois entrées sur un marché, les marchandises soient traitées de manière non moins favorable que les produits similaires d’origine nationale. En général, on considère que les normes volontaires ne violent pas ces dispositions.

L’évaluation de la conformité et les procédures de labellisation pour les critères se rapportant au produit, et peut-être même pour les critères ne se rapportant pas au produit, devront se conformer aux articles 5 à 9 de l’Accord OTC. Ceux-ci requièrent inter alia que les dispositions régissant le droit d’accès au label ne devront pas être discriminatoires, pas plus strictes que nécessaires, harmonisées autant que possible sur le plan international, et une procédure de plainte et d’action corrective devra exister. Les organes non gouvernementaux sont dispensés des obligations de notification.

Réglementations nationales

Réglementations sur l’agriculture biologique

Il n’apparaît pas clairement si les règlements de labellisation biologique concernent les PMP connexes ou non connexes. Il est de plus en plus manifeste qu’en moyenne les produits cultivés selon des méthodes biologiques contiennent moins de résidus de pesticides que les produits conventionnels. Ainsi la labellisation biologique peut être considérée au moins partiellement comme se rapportant au produit, et l’Accord OTC s’appliquera.

Les réglementations nationales pour l’agriculture biologique et la labellisation des produits cultivés selon des méthodes biologiques peuvent être considérées soit comme des règlements techniques soit comme des normes, selon l’interprétation du mot «obligatoire». Dans les deux cas, elles sont probablement conformes à l’Accord OTC et à l’Accord du GATT. Un parallèle peut être fait avec l’affaire Dauphins-Thons, où le rapport du groupe spécial (non adopté) énonçait que «les dispositions sur la labellisation [...] ne restreignent pas la vente de produits du thon; les produits du thon peuvent être librement vendus avec et sans la mention «Sans danger pour les dauphins» sur le label. [...] les dispositions régissant le droit d’accès au label [devront satisfaire] les exigences de l’article I:1» [Principe de NPF]. La certification biologique et les programmes de labellisation ne seront pas considérés restrictifs pour le commerce parce que les produits peuvent être vendus librement avec ou sans le label biologique et ils pourront être considérés comme répondant aux objectifs légitimes tels que la prévention des pratiques trompeuses. Cependant, les dispositions régissant le droit d’accès au label ne devront pas être discriminatoires. Les règlements devront être basés sur des normes internationales (les directives du CODEX ou les Règles de base IFOAM) lorsque cela est approprié. Les membres devront transmettre une notification aux autres lorsqu’ils proposeront de nouvelles réglementations biologiques ou réviseront les réglementations existantes qui ne sont pas en accord avec ces normes internationales. Les membres peuvent être autorisés à adopter des normes plus strictes que les autres membres à condition qu’ils puissent le justifier avec une évaluation des risques utilisant des informations scientifiques. Cette dernière interprétation, cependant, est encore très débattue et une certitude ne peut être décidée que par un règlement des différends sur cette question.

Les discussions en cours sur la notification par l’UE en février 2001 sur les conditions requises à l’importation et la certification des produits biologiques pourront clarifier ce que les dispositions OTC impliqueront en pratique pour les réglementations nationales se rapportant à la labellisation des produits cultivés selon des méthodes biologiques.

Le projet de Règlement vise à permettre la traçabilité des envois de produits biologiques à partir du moment où ils quittent le système d’inspection dans un pays tiers jusqu’à leur enregistrement par le premier consignataire dans le système d’inspection au sein de l’UE. Un certificat accompagnant les importations de produits biologiques doit assurer que ces livraisons proviennent effectivement d’un régime de production/transformation dont l’équivalence a été reconnue.

La notification a été faite selon l’article 2.9.2, ce qui signifie que la réglementation était considérée comme obligatoire. Les États-Unis ont exprimé leurs préoccupations quant à la nature vague des procédures de mise en œuvre des nouvelles exigences de certification pour les pays qui n’avaient pas d’accord d’équivalence avec l’UE[119].

Réglementations nationales sur la responsabilité sociale

En janvier 2001, la Belgique a notifié au Comité OTC un projet de loi visant à promouvoir une production socialement responsable. L’objectif de la loi était de créer un label que les sociétés pourraient (volontairement) apposer sur leurs produits si ces produits satisfaisaient aux principales normes du travail reconnues par l’OIT. Ces critères devaient être contrôlés par des organes accrédités, et un comité pour la production socialement responsable devait être mis en place pour contrôler l’allocation des labels et les procédures d’assistance aux pays en développement souhaitant utiliser le label. Les organes de contrôle seraient accrédités conformément aux critères EN 45004/ISO 17020 (critères pour l’opération des organes d’inspection) et/ou par Social Accountability International pour la portée de la norme SA8000[120].

Dans les réunions suivantes du Comité OTC il a été souligné que la labellisation serait volontaire. Elle n’aurait donc pas dû être soumise à l’article 2.9.2 (comme un règlement) mais à l’annexe 3 pour les normes. Cependant, l’annexe 3 stipule que les organes d’élaboration de normes doivent adresser une notification au Centre d’information ISO/CEI. Le Parlement belge n'a pas considéré qu'il était une institution à activité normative et a donc choisi de notifier directement au Comité OTC pour satisfaire à l’objet des procédures de notification, à savoir informer les autres membres[121].

Les pays ANASE se sont dits préoccupés par le fait que la loi se fonde sur une exigence arbitraire d’adhésion à certaines conventions de l’OIT qui aboutirait à une discrimination des produits basés sur des critères non commerciaux. Ils étaient soucieux de la nature discriminatoire de la loi puisqu’elle ne devait être applicable qu’aux produits importés et violait donc le principe de Traitement National[122].

En effet, le projet de loi a été amendé pour permettre également aux sociétés belges de demander le label; en outre, des labels comparables octroyés par d’autres pays ou par des organisations internationales peuvent être admis, à supposer que ces labels offrent des garanties égales. La loi amendée a été adoptée et publiée en mars 2002[123]. Des règlements d’application de la loi seront mis en œuvre en pratique, les procédures d’inspection et de certification en particulier étant en cours d’élaboration.

Un autre exemple d’une proposition de réglementation gouvernementale était un référendum d’initiative populaire à Berkeley, en Californie, qui s’était qualifié pour le scrutin de novembre, mais n’avait pas reçu un vote favorable. L’initiative proposait une politique du café, demandant que la totalité du café vendu à Berkeley soit issu du commerce équitable, forestier ou biologique[124]. Cette politique aurait été obligatoire, même si les initiatives de certification citées sont elles-mêmes volontaires, et de ce fait elle aurait été considérée comme un règlement adopté par un gouvernement local.

Normes et systèmes de labellisation développés par les ONG

Les normes développées par les ONG (avec ou sans programme de labellisation) peuvent être considérées comme des «normes» dans le sens OTC. Dès lors qu’une ONG accepte officiellement le Code de pratique, elle doit s’y conformer. Les membres doivent prendre des mesures raisonnables pour assurer que les systèmes de certification et de labellisation gérés par des ONG soient conformes aux articles 5 et 6 de l’Accord OTC (sur l’évaluation de la conformité).

Le système ISO

Le système ISO/CEI est explicitement reconnu dans l’Accord OTC comme établissant des normes acceptées internationalement. L’ISO s’autoproclame organisation non gouvernementale à but non lucratif. Ses membres sont des organismes gouvernementaux, para-étatiques ou non gouvernementaux, ces derniers consistant souvent en représentants de la profession. L’ISO a longtemps été reconnu comme le principal organe d’élaboration de normes relatives aux normes internationales harmonisées de l’industrie.

Ce n’est que récemment que l’ISO a commencé à élaborer des normes environnementales et à travailler sur la responsabilité sociale. Sa norme relative aux systèmes de gestion environnementale (ISO 14001) a été mise en œuvre très rapidement dans un grand nombre de secteurs. Des critiques provenant d’ONG à vocation environnementale et sociale affirment que certains intérêts, comme ceux des travailleurs et l’environnement, ne sont pas bien représentés dans le système ISO, et que l’ISO ne serait donc pas l’organisme le mieux adapté pour fixer des normes internationales dans ces domaines. Plus largement, il est admis qu’ISO 14001 a une portée limitée parce qu’elle concerne uniquement les systèmes de gestion. Au regard des exigences d’harmonisation de l’Accord OTC, on pourrait soutenir que les institutions à activité normative souhaitant établir des normes relatives aux systèmes de gestion environnementale devront envisager l’adoption d’ISO 14001; en revanche, pour ce qui concerne les normes plus orientées vers la performance, ISO 14001 est moins pertinente.

Les normes et directives ISO relatives aux procédures d’élaboration de normes et aux procédures d’évaluation de la conformité sont largement adoptées par d’autres organes d’élaboration de normes et par les organes d’accréditation et de certification.

IFOAM

Comme les réglementations nationales sur l’agriculture biologique et la labellisation des produits cultivés selon des méthodes biologiques, les programmes de certification et de labellisation des membres de l’IFOAM ne semblent pas être considérés comme étant restrictifs pour le commerce. Pour la seconde révision des IBS (août 2002), l’IFOAM a rempli les obligations de publication et de consultation en publiant le projet de révision sur le web et en permettant deux séries d’observations de la part du public. L’IFOAM encourage l’harmonisation des normes au niveau international par l’Accord de reconnaissance mutuelle de ses organismes de certification accrédités IOAS; par sa propre implication active dans la préparation des directives du CODEX; et par sa participation dans l'Alliance ISEAL et le projet SASA. En raison du caractère international de l'IFOAM (des organisations de toutes les nations peuvent y adhérer) et de la forte participation internationale à la révision des normes d'août 2002, on peut également supposer que les dispositions régissant le droit d'accès aux labels biologiques gérés par les membres de l'IFOAM ne sont pas intentionnellement discriminatoires. Il semble donc que l'IFOAM se conforme à toutes les dispositions du Code, à une exception: la notification de l’acceptation du Code au Centre d’information ISO/CEI à Genève. En effet, cet organisme n'apparaît pas sur les listes des organes qui notifient au Centre[125]. Cela peut être dû au fait que seules les institutions nationales à activité normative sont enregistrées sur cette liste.

La conformité aux articles 5 et 6 n'est pas pertinente pour l'IFOAM en tant que tel car celui-ci n'effectue pas d'évaluations de la conformité. Cependant, cette conformité est pertinente pour tous les organismes de certification mettant en œuvre des programmes de certification ainsi que pour l'IOAS. L'IOAS et ses organismes de certification accrédités sont probablement conformes dans une large mesure aux articles 5 et 6 parce que les directives et critères d'accréditation de l'IOAS sont basés sur les directives ISO et ont été mis au point par le biais d'un processus international.

Il faut noter que l'ISO a listé l'IFOAM dans son Répertoire d'institutions internationales à activité normative. Il s’agit d’une liste d'organismes ayant des activités normatives et qui se qualifient comme institutions internationales à activité normative telles que définies dans le Guide ISO/CEI; néanmoins, cette liste ne constitue pas une reconnaissance formelle de ces organismes[126]. L'IFOAM a déclaré dans un communiqué de presse sur le classement ISO:

Nous avons développé un processus transparent, démocratique, et générateur de consensus pour l'élaboration de normes biologiques internationales qui implique tous les intervenants clés et remplit les critères du Code de pratique de l'OMC[127].

SAN, FLO, SAI et ETI

La plupart des normes SAN sont des normes environnementales, ainsi qu’une partie des normes FLO. Il est possible que ces normes aient besoin d'être examinées individuellement; néanmoins, on peut supposer qu’au moins une partie de ces normes environnementales se rapporte un tant soit peu aux produits, auquel cas l’Accord OTC s’applique. De leur côté, la norme SAI-SA8000 et le Code fondamental ETI sont des normes du travail, et aucune ne se rapporte au produit. Comme mentionné plus haut, les articles OTC concernant l’évaluation de la conformité peuvent encore s’appliquer, mais pour l’élaboration, l’adoption et l’application des normes, l’article I du GATT (et éventuellement également l’article III) est applicable.

SAN, la FLO, SAI, et l’ETI n’ont fait aucune déclaration publique d’acceptation du Code OTC. Cependant, la FLO, la SAI et le SAN sont membres de l’Alliance ISEAL. L’ISEAL met au point un programme de contrôle par les pairs des activités d’accréditation et d’élaboration de normes. Pour l’élaboration des normes, un document normatif est actuellement mis au point sur la base de l’Annexe 4 (Directives pour le développement des normes internationales) du Second contrôle triennal de l’OTC, et sur la base des Guides ISO s’y rapportant[128]. En outre, les normes du travail contenues dans les normes SAN, FLO, SAI et ETI sont toutes basées sur les conventions de l’OIT, satisfaisant ainsi à une exigence importante du Code. Pour les restrictions à l’utilisation de pesticides, la FLO et le SAN se réfèrent également à des mécanismes internationaux, tels que la procédure de l’information et du consentement préalables.

Non seulement le SAN, la FLO et la SAI adoptent des normes, mais ces organismes sont également directement impliqués dans les évaluations de conformité. La SAI gère un système d’accréditation. Le SAN et la FLO accomplissent eux-mêmes la certification et tous deux sont actuellement dans un processus de séparation des activités de certification d’avec leurs autres fonctions. L’unité de certification FLO est devenue depuis janvier 2003 un organe juridiquement indépendant, et fonctionnera conformément aux lignes directrices ISO relatives aux organismes de certification[129]. Les membres sont tenus de prendre les «mesures raisonnables qui sont en leur pouvoir» pour assurer que les unités de certification SAN et FLO se conforment aux articles 5 et 6. De la même manière, ils devront assurer la conformité des organismes de certification qui certifient par rapport à SA8000 (si l’Accord OTC s’applique). A ce jour, on ne connaît aucun cas de gouvernements recommandant aux ONG de se conformer à l’Accord OTC ou les y obligeant; cela serait inédit.

L’ETI ne met pas en œuvre de programme d’évaluation de conformité. Les sociétés impliquées dans l’ETI évaluent en interne leurs propres équipements, et parfois ceux de leurs fournisseurs, quant à la conformité avec le Code fondamental ETI; cependant, ces décision restant des décisions économiques internes, elles n’entrent pas dans le cadre de l’Accord OTC. Une discussion pertinente à cet égard porte sur la nature de plus en plus internationale de certaines sociétés. Des décisions de sociétés sont-elles «internes» si elles affectent des milliers de fournisseurs à travers le monde?

En raison de la nature volontaire de ces initiatives, elles ne sont pas restrictives pour le commerce. Elles n’octroient pas non plus d’avantage, car tout avantage découlant du label serait le résultat du libre choix des consommateurs. Ainsi, elles seront probablement conformes à l’article I du GATT, et à l’article III, si ce dernier était considéré comme applicable.

7.5 DÉBATS ACTUELS AU NIVEAU DE L’OMC

Discussions les plus récentes

Au cours des deux dernières années, les systèmes de labellisation ont été abordés lors de chaque session du Comité OTC. Avec la prolifération des systèmes de labellisation obligatoires et volontaires, ces discussions devraient gagner de l’importance. La labellisation, y compris l’éco-labellisation, a également été examinée dans le CCE, mais la plupart des représentants ont eu le sentiment que les discussions sur la labellisation devaient se tenir au sein du Comité OTC et que seules les questions d’éco-labellisation stricte devaient être examinées dans le CCE, bien que les discussions sur les normes et réglementations environnementales se rapportant au commerce entrent également dans le mandat CCE[130]. En octobre 2001, le Costa Rica a présenté au CCE un document sur l’agriculture biologique. De manière générale, l’agriculture biologique y était considérée comme un exemple des synergies pouvant exister entre le commerce, le développement et l’environnement. La nécessité de systèmes de certification efficaces et transparents a été soulignée.

La Déclaration ministérielle de Doha a chargé le CCE d’accorder une attention particulière aux exigences de labellisation à but environnemental. Le travail devra comprendre l’identification de tout besoin de clarification des règles OMC concernées. Le CCE devait présenter un rapport lors de la Cinquième Session de la Conférence ministérielle (Cancun, Mexique, 2003). Cependant, le résultat de la présente étude ne doit pas ajouter ou supprimer de droits et obligations aux membres, découlant des accords OMC existants, en particulier l’Accord SPS[131]. Aucune instruction n’a été donnée pour étudier les normes et les problèmes de labellisation au sein du Comité OTC. Une explication officieuse sur le site Internet de l’OMC a indiqué que le CCE examinerait si les règles OMC existantes gênaient les politiques d’éco-labellisation, et que des discussions parallèles auraient lieu au sein du Comité OTC[132].

Dans le Comité OTC, de nombreux membres se sont opposés à toute renégociation des dispositions de l’Accord OTC. Cependant, au sein du Comité OTC ainsi que dans le CCE, certains membres ont réclamé des discussions plus structurées sur les questions de labellisation, et plusieurs documents ont été présentés à cette fin[133]. Des ateliers informels ont été organisés. Dans un document présenté en juin 2002, l’UE demandait explicitement que le Comité OTC étudie la nécessité de clarifier les règles de l’OMC en ce qui concerne la labellisation[134]. L'opinion d’autres membres était néanmoins qu’aucune clarification n’était utile.

Questions en suspens

Étant données les opinions exprimées par le passé dans le Comité OTC, les discussions relatives aux normes et à la certification sociales et environnementales se concentreront probablement sur la labellisation. Les discussions peuvent concerner les sujets suivants:

A ce jour, aucune discussion n’a eu lieu sur ce qui est requis de la part des membres concernant la conformité pour les ONG impliquées dans l’élaboration des normes. Cependant, l’UE a mentionné brièvement cette question dans son rapport sur la labellisation présenté en juin 2002. Le rapport UE demande également la révision du Code de pratique, pour inclure des dispositions similaires à celles des réglementations sur les accords d’équivalence des normes, et pour abroger les normes lorsque les circonstances donnant lieu à leur adoption ont disparu. Le Japon a relevé que les organes posant les exigences de labellisation n’étaient pas toujours les organes à activité normative qui avaient déjà accepté le Code de pratique, et que cela aboutissait à un manque de transparence[135].


[96] OMC, 1994.
[97] OMC, 2002a.
[98] D’après FAO, 2000: 103 - 104.
[99] D’après FAO, 2001: 60 - 63.
[100] GATT, 1991.
[101] Appleton, 1997: 145.
[102] Appleton, 1997: 153.
[103] Cela signifie qu'en cas de conflit avec les dispositions du GATT, l’Accord OTC prévaudra (Appleton, 1997:87, 91). Appleton s’inspire de Roessler, 1995.
[104] OMC, 2001a.
[105] OMC, 2001b, 2001g.
[106] OMC, 2001c.
[107] OMC, 2001a.
[108] OMC, 2001a.
[109] Appleton, 1997: 93 - 94, 124. Appleton cite M. Eglin, Directeur de la Division OTC et Environnement au cours des négociations de l’Uruguay Round sur l’interprétation de la seconde phrase des définitions.
[110] Webb et Morrison, 2002.
[111] D’après la FAO, 2001: 60 - 63.
[112] OMC, 2001a.
[113] OMC, 2000.
[114] OMC, 1998.
[115] D’après FAO, 2001: 60 - 63.
[116] ISONET est le réseau d’information ISO/CEI, et il est suivi par le Secrétariat central ISO à Genève. Dans de nombreux pays, le centre d’information ISONET et le point d’information OMC pour les normes et les règlements sont un seul et même centre.
[117] OMC, 1998.
[118] OMC, 2002b.
[119] La notification aurait également pu être faite selon l’article 5.6.2, qui traite principalement des procédures d’évaluation de la conformité. L’article 5.6.2 est pertinent à la fois pour les règlements et pour les normes, alors que l’article 2.9.2 n’est pertinent que pour les règlements techniques. OMC, 2001c.
[120] FOD Economie, KMO, Middenstand en Energie, 2002.
[121] OMC, 2001d.
[122] OMC, 2001e.
[123] Belgisch Staatsblad/Moniteur Belge, 2002.
[124] Nieves, 2002; Hill, 2002.
[125] ISO, 2001.
[126] OMC, 2002c.
[127] IFOAM, 1999.
[128] Alliance ISEAL, 2001.
[129] FLO et SAN, communications personnelles, 2002.
[130] GATT, 1994.
[131] OMC, 2001f.
[132] OMC, 2002d.
[133] Inter alia OMC, 2002e (Communication du Canada); OMC, 2002f (Présentation par la Communauté européenne); OMC, 2002g (Présentation par le Japon); OMC, 2002h (Présentation par la Suisse).
[134] OMC, 2002f.
[135] OMC, 2002g.

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