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C. DOSSIERS SPÉCIAUX

C1. ESPÈCES APPARENTÉES

Jacek Majkowski *

INTRODUCTION

Le nom commun du sous-ordre des Scombroidei est «thon et espèces apparentées» (Klawe, 1977; Collette et Nauen, 1983; Nakamura, 1985). Ce sous-ordre comprend les thons (parfois appelés thons Thunnus nca), les marlins, makaires et voiliers et d'autres espèces apparentées et inclut quelques-uns des plus gros et des plus rapides poissons de mer.

Les thons (Thunnini) comprennent les espèces commerciales les plus importantes, appelées «principaux thons du marché», en raison de leur importance économique mondiale et du commerce international intensif dont ils font l'objet pour les conserveries et le sashimi (poisson cru apprécié des gourmets au Japon et dans un nombre croissant d'autres pays). En effet, de par leur anatomie, certaines espèces de thons semblent faites pour être mises en conserve et transformées en filets. Les thons se subdivisent en quatre genres (Thunnus, Euthynnus, Katsuwonus , Auxis et Allothunnus) comprenant au total quinze espèces.

Dans le genre Thunnus, les principaux thons du marché sont le germon (T. alalunga), le thon obèse (T. obesus), le thon rouge de l'Atlantique (T. thynnus) , le thon bleu du Pacifique (T. orientalis) , le thon rouge du Sud (T. maccoyii) et l'albacore (T.albacares). Le listao (Katsuwonus pelamis) est la septième espèce de cette catégorie. Le métabolisme extraordinairement efficace de ces poissons comprend un appareil circulatoire qui leur permet de retenir ou d'éliminer la chaleur selon les besoins, pour maximiser leur efficacité et leurs performances biologiques. Tous ces poissons sont des espèces océaniques (Figure C1.1), capables de migrer ou de se déplacer sur de longues distances, en constituant un ou deux stocks dans chaque océan. Les seules exceptions sont le thon rouge de l'Atlantique et le thon bleu du Pacifique, que l'on ne rencontre pas seulement dans les océans du même nom. Le thon rouge du sud constitue un stock unique à cheval sur les Océans Atlantique, Indien et Pacifique.

En raison de la situation économique qui règne au Japon depuis quelques années, les prix du thon rouge, l'espèce la plus prisée pour le sashimi, ont un peu fléchi même s'ils restent élevés par rapport à d'autres espèces. Pour un poisson entier, un pêcheur peut obtenir entre 30 et 40 dollars EU le kilo voire près de 100dollarsEU, pour certains individus. Il y a peu de temps, un poisson de qualité exceptionnelle trouvait preneur à 500 dollars EU le kilo et plus récemment à un prix encore plus élevé, mais ces prix réservés à quelques rares exemplaires ne sauraient être considérés comme reflétant la situation du marché. Les thons obèses sont aussi très cotés sur les marchés du sashimi. Bien que l'albacore soit également très apprécié pour le sashimi, il se vend beaucoup moins cher. En ce qui concerne les espèces destinées aux conserveries, celles qui se vendent le mieux sont, dans l'ordre décroissant, le germon, en raison de sa chair blanche, puis l'albacore et le listao, qui est acheté aux pêcheurs pour bien moins de 1dollar EU le kilo. Les prix relativement bas des poissons destinés aux conserveries sont compensés par l'abondance des captures, en particulier dans le cas du listao et de l'albacore. Le thon mignon (T.tonggol) est de plus en plus utilisé dans les conserveries et fait l'objet d'un commerce international intense. La consommation de thons et d'espèces apparentées en boîte ou en sashimi est en augmentation.

Les thons autres que les principales espèces du marché sont plus néritiques (c'est-à-dire qu'ils vivent dans les masses d'eau situées au-dessus du plateau continental). Ils comprennent le thon mignon, le thon à nageoires noires (T. atlanticus), la thonine noire (E.lineatus), la thonine orientale (E. affinis), la thonine commune (E. alleteratus), le bonitou (A. rochei) et l'auxide (A. thazard).

Les Istiophoridae comprennent les marlins (Makaira spp.), les voiliers (Istiophorus spp.), les makaires (Tetrapturus spp.) et l'espadon (Xiphias gladius , seule espèce du genre). À l'exception de deux espèces (le marlin de la Méditerranée et le makaire épée), tous les Istiophoridae ont une très vaste aire de répartition géographique, mais ne se rencontrent pas pour autant dans toutes les mers. Ces poissons figurent principalement dans les captures accessoires des palangriers, sauf les espadons qui sont ciblés dans certaines régions, et pêchés à la palangre et au harpon. Les Istiophoridae sont aussi très prisés dans les pêcheries sportives, et tous ces poissons ont d'excellentes qualités alimentaires.

Figure C1.1 - Répartition des espèces de thonidés et de leurs zones de pêche respectives

Figure C1.1
Figure C1.1
Figure C1.1

Les autres espèces importantes apparentées au thon sont le thon élégant (Allothunnus fallai), le thon papillon (Gasterochisma melampus), le thazard-bâtard (Acanthocybium solandri), les bonites (Cybiosarda, Sarda) et les palomettes (Orcynopsis), les thazards et le thazard sierra (Scomberomorus spp.). Les autres espèces importantes de thonidés représentent un potentiel significatif en particulier pour les pays en développement où elles sont le plus souvent exploitées par des pêcheries artisanales ou sportives. Le thon élégant et le thon papillon (répartis dans la région circumpolaire dans l'Océan Austral) sont maintenant surtout capturés accessoirement par les palangriers japonais qui ciblent le thon rouge du sud.

La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (1982) classe les principaux thons du marché, les marlins, makaires et voiliers, le thon à nageoires noires, le bonitou, l'auxide, la thonine commune, et la thonine orientale dans la catégorie des grands migrateurs, même si la thonine commune et la thonine orientale sont le plus souvent confinées à la plateforme continentale et à la pente supérieure. La thonine noire, qui n'est pas considérée comme un grand migrateur, est probablement plus océanique que ces deux dernières espèces.

On trouvera de plus amples informations sur certaines caractéristiques des thons et des espèces apparentées au thon à l'échelle mondiale dans Allen (2002) et Joseph (1998, 2000, 2003). Les références bibliographiques, à l'échelle régionale, sont indiquées dans les sections correspondantes sur l'état des ressources.

LES PÊCHERIES

Depuis le XIXe siècle au moins, le thon a été pêché selon des méthodes traditionnelles dans diverses régions du monde. Ces pêcheries traditionnelles étaient locales et généralement proches des côtes. Dans l'Atlantique, les types de pêche pratiqués étaient la pêche à la senne coulissante de thon rouge au large de la Norvège, la pêche à la traîne de germon dans le Golfe de Gascogne, la pêche à la madrague près du détroit de Gibraltar et de la côte nord-africaine, la pêche à l'espadon dans l'Atlantique Nord-Ouest et en Méditerranée, la pêche au thon obèse et au listao près des îles et la pêche artisanale le long des côtes de l'Afrique. Dans le Pacifique, diverses pêcheries artisanales opéraient près des îles dans les eaux tropicales (pêche à la traîne de germon au large de la côte ouest des États-Unis, pêche à l'appât vivant d'albacore et de listao au large de la côte ouest des États-Unis, pêche à la canne de listao près du Japon et de nombreuses autres pêcheries de thonidés divers le long des côtes japonaises). Au large de l'Amérique du Sud, les pêcheries côtières opéraient avec des cannes à pêche et de petites sennes. Dans l'Océan Indien, le listao était exploité au large de Sri Lanka, de l'Inde et des Maldives. Au large de l'Australie, le thon rouge du sud se pêchait à la palangre. De nombreuses autres pêcheries artisanales exploitaient les thonidés dans toutes les zones tropicales et subtropicales du monde.

Par suite de la demande croissante de thons en boîte, la pêche a commencé à s'industrialiser dans les années 40 et 50. Des palangriers et des canneurs japonais se sont notamment mis à opérer dans le Pacifique, ainsi que des canneurs américains au large de la Californie, le long des côtes mexicaines, alors que la pêche traditionnelle se poursuivait. Après la deuxième guerre mondiale, les navires thoniers japonais ont limité leur zone d'opérations à leurs eaux côtières jusqu'en 1952, mais par la suite, la flottille, en particulier les palangriers, a très rapidement étendu sa zone de pêche qui allait jusqu'à l'Océan Atlantique à la fin des années 50. À la même période, quelques canneurs européens, basés dans les ports locaux, ont commencé à pêcher au large des côtes africaines.

Dans les années 60, des canneurs et des senneurs espagnols et français ont commencé à pêcher le thon au large de l'Afrique de l'Ouest. En outre, des palangriers japonais ont étendu leur zone de pêche à toutes les mers du monde, exploitant le plus souvent le germon et l'albacore pour approvisionner les conserveries. Au milieu des années 60, la Corée et la Province chinoise de Taïwan se sont mises à pêcher à grande échelle à la palangre pour exporter du thon vers les conserveries, en s'inspirant des techniques japonaises. À la fin de cette décennie, l'industrie palangrière japonaise a mis au point un système de conservation à très basse température pour de nouveaux produits congelés destinés au marché du sashimi. Cela a conduit le Japon à cesser de cibler l'albacore et le germon pour se réorienter vers le thon rouge et le thon obèse. La quasi-totalité des canneurs des États-Unis opérant au large de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud ont été remplacés par des senneurs durant cette décennie. En outre, la pêche à la senne en localisant les bancs de thons par le repérage des dauphins en surface s'est aussi développée à cette période.

Dans les années 70, les pêches à la senne coulissante des pays européens ont connu un essor rapide dans l'Atlantique tropical oriental et leurs captures d'albacore et de listao ont atteint leur premier pic. En outre, l'expansion de la pêche à la senne s'est confirmée dans le Pacifique tropical oriental. Une réglementation sévère visant à réduire la mortalité des dauphins capturés lors de la pêche au thon a été mise en œuvre dans cette zone. Cela a incité les navires battant pavillon des États-Unis à se réimmatriculer sous pavillons d'autres pays d'Amérique centrale ou d'Amérique du Sud. Une partie de l'effort de pêche a aussi été réorientée vers le Pacifique central et occidental où aucune capture de dauphins n'était enregistrée.

Depuis le développement de l'entreposage à très basse température, quelques palangriers ont peu à peu changé d'espèce cible, abandonnant l'albacore (destiné aux conserveries) au profit du thon obèse (qualité sashimi). Dans un premier temps, cette réorientation ne concernait que les palangriers japonais mais elle s'est par la suite étendue aux flottilles de la Corée et de la Province chinoise de Taïwan. Pour capturer le thon obèse, qui vit beaucoup plus près du fond que les thons tropicaux, les palangres ont été calées de plus en plus profond. Cette modification de la stratégie de pêche s'accompagne de changements des zones de pêche et, partant, des espèces ciblées et capturées accidentellement.

Dans les années 80, une nouvelle pêcherie à la senne coulissante a vu le jour dans l'Océan Indien occidental; de nombreux senneurs français de l'Atlantique oriental se sont déplacés dans l'Océan Indien. Dans l'Océan Pacifique, la pêche à la senne a étendu sa zone d'opérations, en particulier dans le Pacifique méridional, central et occidental. L'efficacité de ce type de pêche a augmenté avec l'utilisation d'appareils modernes comme les radars à oiseaux et les hélicoptères. Pendant les années90, de nombreux nouveaux pays se sont lancés dans la pêche industrielle à grande échelle, essentiellement la pêche à la senne coulissante (Mexique, Venezuela et Brésil). Les pays côtiers de différentes zones (pays méditerranéens, Philippines et Indonésie notamment) se sont aussi mis à pêcher à la palangre, à petite échelle. La flottille japonaise de palangriers a commencé à réduire sa capacité dans les années 80, mais dans le même temps on a assisté à une augmentation rapide des opérations des palangriers de la Province chinoise de Taïwan et d'autres navires battant pavillon de complaisance.

Dans les années 80, les organismes des pêches compétents ont introduit des mesures d'aménagement visant à réglementer la pêche au thon, ce qui a eu des répercussions sur les régimes de pêche et sur les pourcentages de captures des pays. Dans les années 90, la réglementation a été resserrée, ce qui s'est traduit par une augmentation des opérations de pêche illicite, non déclarée et non réglementée. La pêche illicite, non déclarée et non réglementée est devenue un grand risque pour la gestion des ressources halieutiques. D'une manière générale, la capacité de pêche au thon s'est considérablement accrue durant les années 90. Les récentes augmentations des débarquements, dues à l'abondance des captures des senneurs, ont parfois entraîné une offre pléthorique sur le marché (en particulier pour le listao).

À partir des années 80, de nombreux états côtiers ont étendu leurs opérations de pêche au thon à de nouvelles zones en affrétant des bateaux sous pavillon de complaisance, et cette tendance s'est confirmée dans les années 90, dans toutes les mers. Quelques-uns de ces bateaux affrétés se sont réimmatriculés sous les pavillons des états côtiers et cette tendance pourrait bien s'intensifier à l'avenir. L'essor de ces nouvelles pêcheries côtières a contribué au déclin de l'effort de pêche des pays pratiquant traditionnellement la pêche à la palangre.

Les senneurs ont commencé à pêcher à l'aide de dispositifs de concentration du poisson (DCP) dans l'Atlantique, au début des années 90, puis dans les Océans Indien et Pacifique. Cette technique de pêche peu sélective, tant du point de vue des espèces que de la taille des poissons, a radicalement modifié l'efficacité de la pêche, la taille des poissons capturés, la composition par espèces et les captures accidentelles.

Le grossissement de thon a commencé dans les années 90. Cette nouvelle activité a eu pour effets d'augmenter les prix payés aux pêcheurs et d'accroître la demande de certaines tailles et espèces. Grâce au processus de grossissement, les thons relativement petits capturés par les senneurs, qui étaient auparavant uniquement destinés aux conserveries, peuvent maintenant être écoulés sur le marché du sashimi. Jusqu'à présent, le thon rouge est la principale espèce pour le grossissement, mais le secteur commence à s'intéresser au thon obèse et à l'albacore. Le grossissement de thon rouge s'étend à de nouveaux pays, dont l'Australie, le Japon, le Mexique et plusieurs pays méditerranéens (en particulier Croatie, Italie, Malte, Maroc, Espagne et Turquie).

À l'heure actuelle, les pêcheries industrielles de thonidés opèrent principalement à la senne coulissante, à la palangre et à la canne, sur de vastes zones de haute mer (Figure C1.1, et Carocci et Majkowski 1996, 1998, 2001). Les autres engins utilisés sont les lignes traînantes, les lignes à main, les filets dérivants, les madragues et les harpons.

Les pêcheries thonières industrielles sont très dynamiques et les flottilles, en particulier celles pratiquant la pêche en eaux lointaines, peuvent s'adapter très rapidement aux variations de la taille des stocks et des conditions du marché. Par exemple, au début des années 80, de nombreux senneurs français et espagnols se sont déplacés de l'Océan Atlantique vers l'Océan Indien, contribuant au doublement des captures observé dans ce dernier océan au cours de la décennie. Quelques-uns de ces navires ont à présent regagné l'Atlantique. De même, des senneurs des États-Unis ont quitté le Pacifique oriental pour la partie occidentale de l'océan.

On utilise des sennes coulissantes et des cannes pour capturer les poissons évoluant près de la surface (par exemple le listao et de relativement petits individus d'albacore, de germon et de thon rouge). Les palangres servent à attraper les poissons des eaux plus profondes (gros thons rouges, de thon obèse, d'albacore, de germon et de marlins, makaires et voiliers). La majorité des poissons capturés par les senneurs et les canneurs sont mis en boîte, alors que ceux qui sont pêchés à la palangre sont surtout vendus sur le marché du sashimi, traditionnellement au Japon, mais aussi dans plusieurs autres pays, pour être consommé crus. La pêche à la canne et la pêche palangrière à grande échelle tendent à diminuer, alors que la pêche à la senne est de plus en plus pratiquée, d'où une augmentation des prises de listao, de petits ou moyens albacores et de petits thons obèses, alors que les captures de gros albacores et des autres principaux thons du marché sont restées relativement stables. Les informations concernant les pêcheries thonières industrielles, opérant entièrement ou en partie en haute mer, sont résumées au TableauC1.1.

La pêche palangrière à petite échelle de thon de qualité supérieure destiné au marché du sashimi est de plus en plus pratiquée dans la Province chinoise de Taïwan, en Chine continentale et dans d'autres pays en développement. La contribution des pays côtiers en développement

(y compris les pays insulaires des Océans Indien et Pacifique) à la pêche au thon est donc dans une phase d'expansion rapide. L'importance croissante des pays en développement découle de l'achat de senneurs et de l'intensification des pêches artisanales. Les captures provenant de ces pêches sont sans doute encore sous-estimées même si le pourcentage de captures non déclarées par ces pays est en baisse.

On trouvera de plus amples informations sur la pêche au thon dans Miyake, P.M., Miyabe, N. et Nakano, H. (sous presse).

PROFIL DES CAPTURES

Comme dans la plupart des autres sections de cet ouvrage, les profils des captures décrits ici sont dérivés des statistiques sur les captures de la FAO. Les organismes de gestion des pêches de thon, les programmes techniques internationaux et les pays pratiquant la pêche au thon disposent peut-être de statistiques plus exactes ou plus à jour. Les pages d'accueil de plusieurs de ces organismes et programmes sont indiquées dans la section suivante sur l'état des ressources. Des statistiques ont aussi été rassemblées par la FAO à l'échelle mondiale et elles sont accessibles à partir de son site Internet.

La production mondiale des principaux thons du marché a augmenté à un rythme relativement régulier, passant de moins de 0,5 million de tonnes au début des années 50 à un pic de 4,1 millions de tonnes en 2002 (Figure C1.2). Entre 1970 et 1978, les captures des principaux thons du marché ont sensiblement progressé grâce à une expansion de la production halieutique dans l'Atlantique oriental et à la découverte de nouveaux fonds de pêche hauturière dans le Pacifique oriental. Entre 1978 et 1984, de nombreux navires se sont transférés dans le Pacifique occidental et dans l'Océan Indien occidental, où ils ont développé de nouvelles pêcheries.

Il est peu probable que les captures de thons continuent de croître, car elles sont restées relativement stables depuis 1998 (Figure C1.2). Elles pourraient même fléchir, en cas d'échec de l'aménagement des pêcheries de thon.

Principales espèces

Le listao, principalement consommé en conserve, représente le pourcentage le plus élevé des captures mondiales de thons (Figure C1.2). Depuis que cette espèce est exploitée, les prises ont toujours tendu vers la hausse. En 2002, les captures se sont élevées à environ 2millions de tonnes (le niveau le plus élevé jamais enregistré), soit environ la moitié du volume total des débarquements de thons principaux du marché, presque entièrement destinés aux conserveries. Au début des années 80, les captures de listao ont connu une progression régulière, grâce à un accroissement de l'effort de pêche dans le Pacifique tropical occidental et central et dans l'Océan Indien occidental.

L'albacore est la deuxième espèce commerciale de thon, en volume. Les captures ont augmenté jusqu'au début des années 90, puis sont restées relativement stables à environ 1 million de tonnes. En2002, les captures ont atteint à peu près 1,3 million de tonnes (Figure C1.2). La plupart des albacores sont destinés aux conserveries, mais une part sans cesse croissante de la production est vendue sur le marché des poissons frais (et, dans une moindre mesure, du poisson congelé). Les prises de l'Atlantique (TableauD 17) ont peu varié au cours des deux dernières décennies et elles ont fluctué entre 129 000 tonnes et 156 000 tonnes entre 1995 et 2002. Les captures provenant de l'Océan Indien ont augmenté jusqu'à un pic de plus de 300000

Tableau C1.1: Pêcheries thonières industrielles opérant entièrement ou partiellement en haute mer.

ZONEENGINPRINCIPAUX PAVILLONS DES NAVIRESESPÈCES CIBLES
Pacifique Nord-EstPalangreJaponGermon
Ligne de traîneCanada et États-UnisGermon
Pacifique Sud-EstPalangreJapon, Rép. de Corée et Province chinoise de TaïwanGermon, thon obèse et albacore
PalangreChili, EspagneEspadon
Pacifique EstSenne coulissanteÉquateur, Mexique, Vanuatu et VenezuelaListao et albacore
Pacifique Ouest, Centre, et SudPalangreJapon, Rép. de Corée et Province chinoise de TaïwanGermon, thon obèse et albacore
Canne à pêcheJaponListao
Senne coulissanteIndonésie, Japon, Philippines, Rép. de Corée, Province chinoise de Taïwan et États-UnisListao et albacore
Océan Indien orientalPalangreChine, Belize, Honduras, Indonésie, Japon, Panama, Rép. de Corée et Province chinoise de TaïwanGermon, thon obèse, thon rouge du sud, espadon et albacore
Océan Indien orientalSenne coulissanteFrance, Indonésie, Japon, Libéria et EspagneListao et albacore
Océan Indien Centre-OuestFilets maillantsInde, Iran et Sri LankaListao et albacore
PalangreChine, Belize, Honduras, Indonésie, Japon, Panama, Rép. de Corée et Province chinoise de TaïwanThon obèse et albacore
Canne à pêcheMaldivesListao et albacore
Senne coulissanteBelize, France, Japon, Antilles néerlandaises, Seychelles et Espagne,Listao et albacore
Atlantique EstPalangreBelize, Honduras, Japon, Libye, Panama, Philippines, Portugal, Rép. de Corée, Province chinoise de Taïwan et EspagneGermon, thon obèse, thon rouge de l'Atlantique, espadon et albacore
Canne à pêcheFrance, Ghana, Namibie, Panama, Portugal, Rép. de Corée, Sénégal, Afrique du Sud et EspagneGermon, thon obèse, listao et albacore
Senne coulissanteFrance, Ghana, Maroc, Espagne et VanuatuThon obèse, listao et albacore
Ligne de traîneFrance, Irlande et EspagneGermon
Atlantique OuestPalangreBrésil, Japon, Province chinoise de Taïwan, Espagne, Uruguay, États-Unis d'Amérique et VenezuelaGermon, thon obèse, thon rouge de l'Atlantique, espadon et albacore
Canne à pêcheBrésil, Japon, Venezuela et Province chinoise de TaïwanListao
Senne coulissanteBrésil et VenezuelaListao et albacore
Atlantique Centre-OuestPalangreJapon, Portugal, Espagne, Province chinoise de Taïwan et États-Unis d'AmériqueThon obèse et thon rouge de l'Atlantique (dans certaines zones et périodes)
Méditerranée occidentale (Tyrrhénienne, Ligure, Détroit de Sicile)Filets maillantsItalie et MarocThon rouge de l'Atlantique et espadon
PalangreBelize, Italie, Japon, Libye, Malte, Panama, Philippines, Espagne et Province chinoise de TaïwanThon rouge de l'Atlantique et espadon
Senne coulissanteAlgérie, France, Italie, Tunisie et EspagneThon rouge de l'Atlantique
Méditerranée centrale
(Adriatique et ionienne)
Senne coulissanteCroatie et ItalieThon rouge de l'Atlantique et espadon
PalangreChypre et ItalieThon rouge de l'Atlantique
Méditerranée orientale
(Égée et Marmara)
PalangreGrèceThon rouge de l'Atlantique et espadon
Senne coulissanteTurquieBonite et thon rouge de l'Atlantique

tonnes en 1993 en raison d'un accroissement de l'effort de pêche, oscillant ensuite entre 245000 et 300000 tonnes entre 1995 et 2002. Comme cela a été le cas pour le listao, les captures d'albacores du Pacifique ont constamment augmenté jusqu'en1976, puis se sont stabilisées. Elles n'ont amorcé une reprise qu'au début des années 80 où de grosses flottilles de senneurs se sont mises à pêcher dans le Pacifique occidental et central tropical. Entre 1996 et 2002, les captures sont passées de 597000 tonnes à 906000 tonnes.

Le thon obèse, troisième espèce en termes de volumes débarqués (Figure C1.3) a une apparence similaire à celle de l'albacore, mais à la différence de ce dernier, les thons obèses sont principalement des poissons de fond, qui passent le plus clair de leur temps dans les eaux froides en dessous de la couche supérieure de mélange de l'océan où ils étaient traditionnellement capturés, principalement à la palangre. Leur teneur en graisses élevée (qui les isole de l'eau froide) en fait des espèces prisées sur le marché japonais du sashimi. L'accroissement rapide et substantiel des captures au milieu des années 70 a été obtenu grâce à des modifications des palangres qui ont permis de les caler à des profondeurs beaucoup plus grandes. Toutefois, plus récemment, on a assisté à une diminution des captures de gros thon obèse à la palangre, mais aussi à une augmentation rapide des captures de plus petits individus pêchés à la senne, ce qui s'est traduit par une progression continue et substantielle des captures totales de thon jusqu'en 2000, où elles ont culminé à 431000 tonnes.

La production mondiale de germon, principalement destiné aux conserveries, a augmenté entre 1950 et la fin des années 60. Elle a fluctué sans indiquer de tendance précise, avec des captures de 238000tonnes en 2002 (Figure C1.3). Pendant les années 80 et le début des années 90, d'abondantes quantités de petits germons ont été capturés aux filets maillants en haute mer, dans le sud-ouest et le nord-est du Pacifique. Lorsque ces pêcheries ont fermé, les captures totales de germons dans le Pacifique ont diminué.

Figure C1.2 - Captures nominales annuelles ('000t) d'espèces de thons, Océan mondial (toutes les Zones)

Figure C1.2

Source FAO

Figure C1.3 - Captures nominales annuelles ('000t) d'espèces choisies de thons, Océan mondial (toutes les Zones)

Figure C1.3

Source FAO

Le thon rouge de l'Atlantique, le thon bleu du Pacifique et le thon rouge du sud représentent une part relativement faible, en volume, des captures totales des principaux thons du marché (Figure C1.3), mais leur valeur individuelle est élevée car ces poissons sont destinés au marché du sashimi. Les captures de thon rouge de l'Atlantique ont généralement tendu à la baisse du début des années 50 au début des années 70. Pendant les 15 années qui ont suivi, les captures ont fluctué sans afficher de tendance précise. Au début des années 90, les prises ont rapidement progressé jusqu'à 53000 tonnes en 1996 grâce à une amélioration de la notification des captures en mer Méditerranée. Les captures ont amorcé un déclin en 1996 et se sont stabilisées à 36 000 tonnes en 2000–2002. Les prises de thon bleu du Pacifique ont culminé à 32 000 tonnes en 1961, et sont tombées à leur plus bas niveau au début des années 90, à 6000 tonnes. Elles ont par la suite fluctué à la hausse, puisqu'elles étaient de l'ordre de 17000 tonnes en 1999–2000, mais sont redescendues à 9000 tonnes en 2001–02. Les prises de thon rouge du sud ont fortement augmenté entre 1952 et 1961, où elles sont passées de 14000 tonnes à 53000 tonnes. Elles ont oscillé entre 40000 et 55000 tonnes jusqu'en 1974 sans indiquer de tendance précise, accusant ensuite une diminution marquée et constante, de 47000 tonnes en 1980 à 12000 tonnes en 1991. Depuis, elles sont restées à des niveaux compris entre 11000 tonnes et 17600 tonnes, avec 15000 tonnes déclarées en 2002.

Les captures de thonidés autres que les principaux thons du marché ont aussi considérablement augmenté, passant d'environ 0,5 million de tonnes au début des années 70, à près de 2millions de tonnes en 2002 (voir tableau D17). Ces prises comprennent moins de 10 pour cent de marlins, makaires, voiliers, principalement pêchés dans l'Atlantique et dans le Pacifique. En termes de volume, les principales espèces de thons et espèces apparentées, autres que les principaux thons du marché (c'est-à-dire les thons et espèces apparentées de petite taille) sont: le thazard oriental, les auxides et les bonitous, la thonine orientale, le thazard rayé indo-pacifique, l'espadon, le thon mignon, le thazard ponctué indo-pacifique, les thazards, la bonite à dos rayé, le makaire bleu indo-pacifique, la bonite du Pacifique oriental, le voilier indo-pacifique, le thazard barré, le marlin rayé et le thazard atlantique.

Principales zones

À travers l'histoire, la majorité (TableauD17) des principaux thons du marché ont été pêchés dans le Pacifique (Figure C1.1). Entre 1998 et 2002, les volumes annuels capturés dans cet océan sont restés assez stables à 2,5 millions de tonnes, soit environ 65 pour cent des captures annuelles mondiales des principaux thons du marché. La part du listao et de l'albacore dans ces captures est de l'ordre de 85 pour cent.

Jusqu'au milieu des années 80, les captures des principaux thons du marché ont été plus élevées dans l'Atlantique et la Méditerranée que dans l'Océan Indien, mais par la suite la situation s'est inversée. Durant la dernière décennie, les captures des principaux thons du marché dans l'Atlantique sont restées stables, à 0,5 million de tonnes par an en moyenne, soit près de 15 pour cent des débarquements mondiaux des espèces de cette catégorie. En 2002, les débarquements en provenance de l'Atlantique se chiffraient à 429000 tonnes. Le thon obèse, le listao et l'albacore représentent environ 80 pour cent des captures totales des principaux thons du marché dans cette zone.

Avant les années 80, les captures de l'Océan Indien représentaient moins de 8 pour cent de la production mondiale des principaux thons du marché. En raison de l'expansion des opérations de pêche au thon dans cet océan, les captures de listao et d'albacore ont rapidement augmenté dans les années 80, si bien que les captures des principaux thons du marché ont été plus élevées dans l'Océan Indien que dans l'Océan Atlantique, avec environ 20 pour cent des débarquements mondiaux des principaux thons du marché en 2002 (soit environ 964000 tonnes). Actuellement, le listao et l'albacore représentent environ 83 pour cent des captures totales des principaux thons du marché provenant de l'Océan Indien.

Les prises de principaux thons du marché effectuées par le Japon et la Province chinoise de Taïwan sont actuellement les plus abondantes (plus de 0,5 et de 0,4 million de tonnes respectivement en 2002). Les pays pratiquant traditionnellement la pêche au thon comprennent aussi l'Espagne (277453tonnes en 2002), la République de Corée (257570 tonnes en 2002), les États-Unis (154153tonnes en 2002) et la France (161230 tonnes en 2002). En outre, les captures récentes de l'Indonésie (406175 tonnes en 2002), des Philippines (211964 tonnes en 2002), de l'Équateur (135362 tonnes en 2002), du Mexique (160151 tonnes en 2002), du Venezuela (135956 tonnes en 2002) ont été plus abondantes que celles de quelques pays pratiquant traditionnellement la pêche au thon (principalement pays en développement). En particulier au large de l'Asie du Sud-Est, tant dans l'Océan Indien que dans le Pacifique, les pêcheries thonières se développent, y compris le secteur artisanal qui pêche principalement de petits thons, le listao et l'albacore. La croissance de ce secteur a aussi été notable dans tout l'Océan Indien. Les autres gros producteurs de principaux thons du marché sont les Maldives (137050 tonnes en 2002), la Papouasie-Nouvelle-Guinée (121579 tonnes en 2002), le Ghana (61279 tonnes en 2002) et Sri Lanka (61183 tonnes en 2002).

ÉTAT DES RESSOURCES

Une synthèse de l'état des divers stocks de thons et espèces apparentées est présentée au tableau D17. Ces informations sont extraites de documents disponibles juste avant la publication de cette étude et des sites Internet de divers organismes, dont la Commission pour la conservation du thon rouge du Sud (CCSBT, http://www.ccsbt.org/); la Commission inter-américaine du thon des Tropiques (CITT) http://www.iattc.org/); la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA) (http://www. iccat.es/); la Commission des thons de l'Océan Indien (CTOI, http://www. iotc.org/) et le Secrétariat de la Communauté du Pacifique (SCP, http://www.spc.org.nc/).

Les principaux thons du marché sont, de loin, les thonidés que l'on connaît le mieux car ils sont étudiés depuis de nombreuses années et ont fait l'objet de recherches plus approfondies. Toutefois, même pour ces espèces, les connaissances et les données biologiques de base sont entourées d'une grande incertitude. Ainsi, de récentes recherches indiquent que le thon rouge du sud, l'un des thonidés les mieux connus, pourrait avoir une durée de vie considérablement plus longue qu'on ne le croyait. Quant au thon rouge de l'Atlantique, autre espèce bien connue, les captures officiellement déclarées pourraient être sensiblement inférieures à la réalité, d'après des informations fournies par un programme de statistiques commerciales (Miyake, 1998) récemment introduit par la CICTA. Lorsque l'on étudie les informations sur l'état des stocks, il convient de prendre en compte les incertitudes des évaluations.

La plupart des principaux thons du marché des zones tropicales ont bien réagi à l'exploitation en raison de leur fécondité très élevée, de leur vaste distribution géographique, de leur comportement opportuniste et d'autres dynamiques de population qui les rendent extrêmement productifs. S'ils sont gérés comme il convient, ils peuvent supporter des rendements élevés. Les risques de surexploitation et d'épuisement des stocks ne doivent cependant pas être sous-estimés.

Dans le Pacifique occidental et central, les captures de listao pourraient encore être augmentées de façon significative. Elles pourraient également être plus élevées dans le Pacifique oriental et peut-être aussi dans l'Océan Indien, mais ce n'est pas certain.

On s'inquiète aussi de plus en plus de la surexploitation du thon obèse, une autre espèce tropicale très recherchée pour le sashimi, qui vit moins longtemps que le thon rouge. Outre le risque de surpêche, l'augmentation des captures à la senne coulissante de petits thons obèses pourrait avoir une incidence négative sur la pêche à la palangre de gros thons obèses, qui se vendent beaucoup plus cher.

Les stocks des autres espèces tropicales de principaux thons du marché sont considérés comme proches de la pleine exploitation.

Les espèces de thon rouge des zones tempérées, très recherchées pour le sashimi, sont d'ores et déjà surexploitées sinon épuisées. Le stock de thon rouge de l'Atlantique occidental est épuisé de même que celui de thon rouge du sud. Le rendement par recrue du thon bleu du Pacifique pourrait être accru à condition de réduire les captures de petits individus pêchés à la traîne et à la senne coulissante.

Les stocks des espèces de germon des zones tempérées principalement destinées aux conserveries sont modérément exploités dans l'Atlantique Sud et le Pacifique Sud, pleinement exploités ou surexploités dans le Pacifique Nord et surexploités dans l'Atlantique Nord. On connaît mal l'état des stocks de germon de la mer Méditerranée et de l'Océan Indien.

L'état de nombreux autres thonidés est très incertain, sinon complètement inconnu, en particulier dans le Pacifique, d'où les craintes que suscite l'intensification de leur exploitation. Les importantes lacunes des données disponibles sur l'état de nombreux marlins, makaires et voiliers risque de compromettre sérieusement leur conservation. Dans l'Atlantique, ces poissons semblent surexploités. On sait plus de choses sur l'espadon, qui est exploité commercialement, que sur les autres marlins en particulier dans la mer Méditerranée et l'Atlantique où le stock est pleinement exploité ou surexploité et dans la mer Méditerranée où il semble être pleinement exploité. L'intensification de la pêche à l'espadon dans l'Océan Indien suscite des préoccupations.

CONSERVATION ET AMÉNAGEMENT DES PÊCHERIES

Les États pratiquant la pêche aux thonidés coopèrent dans les domaines de la conservation et de l'aménagement des pêcheries, dans le cadre de plusieurs organismes internationaux (FAO, 1994; Marashi, 1996; Beckett 1998), en particulier: 1) la Commission pour la conservation et la gestion des stocks de poissons grands migrateurs dans l'Océan Pacifique occidental et central, nouvellement créee; 2) la Commission pour la conservation du thon rouge du sud (CCSBT); 3) la Commission interaméricaine du thon des Tropiques (CITT) pour le Pacifique oriental; 4) la Commission des thons de l'Océan Indien (CTOI); et 5) la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA).

La CITT, établie en 1950, est le plus ancien organisme de gestion des pêcheries de thon, alors que la CTOI, opérationnelle depuis 1998, est la plus jeune. Outre leurs responsabilités en matière de conservation et d'aménagement des pêcheries, la CCSBT, la CITT, la CICTA et la CTOI facilitent la collecte, la synthèse, le traitement et la diffusion des données, l'évaluation des stocks, les autres travaux de recherche et leur coordination dans leurs zones de compétence et dans certains cas, dans les zones adjacentes auxquelles s'étendent les stocks. La CITT effectue des recherches approfondies, car elle dispose de capacités importantes dans ce domaine, alors que le rôle de la CCSBT, de la CICTA et de la CTOI, en matière de recherche, se limite le plus souvent à coordonner les activités de leurs pays membres.

Quelques pays pêchant le thon en Méditerranée (zone de compétence de la CICTA) ne sont pas membres de la CICTA, mais de la Commission générale des pêches pour la Méditerranée (CGPM), si bien que ces deux organismes travaillent en collaboration étroite pour tout ce qui concerne les thons et les espèces apparentées. La CTOI et la CGPM sont des organismes des pêches de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Avant la création de la CTOI, le Programme FAO/PNUD sur les thons de la zone indo-Pacifique a coordonné et effectué des recherches sur le thon dans l'Océan Indien et le Pacifique au large de l'Asie du Sud-Est. Avant son achèvement, le Programme a transféré au Centre de développement des pêches de l'Asie du Sud-Est (SEAFDEC) la responsabilité de la synthèse, du traitement et de la diffusion des données sur les thonidés du Pacifique présents au large de l'Asie du Sud-Est.

Le Secrétariat de la Communauté du Pacifique sud (SCP), qui a des moyens de recherche importants, remplit à peu près les mêmes fonctions techniques que les organismes des pêches compétents en matière de thon, mais ses responsabilités ne s'étendent pas à la gestion des pêches, qui sera prise en charge par la nouvelle Commission pour la conservation et la gestion des stocks de poissons grands migrateurs dans l'Océan Pacifique occidental et central. L'Agence des pêches du Forum du Pacifique Sud (FFA, http://www.ffa.int/) négocie et règlemente l'accès des navires thoniers pêchant en haute mer à sa zone de compétence dans le Pacifique Sud mais, contrairement aux organismes des pêches, ses membres ne comprennent pas les États non côtiers.

La coopération ne saurait être circonscrite à une mer. Les flottilles thonières industrielles sont très mobiles et les principaux thons du marché font l'objet d'un commerce intense à l'échelle mondiale. En outre, de nombreux problèmes de recherche, de conservation et d'aménagement liés aux thons sont les mêmes dans tous les océans, de sorte que l'échange d'informations et la collaboration à l'échelle mondiale s'imposent pour tout ce qui concerne la pêche au thon et aux autres espèces largement distribuées à travers le monde. Cette collaboration s'est notamment matérialisée dans la formulation en 1995 de l'Accord aux fins de l'application des dispositions de la Convention des Nations Unies du 10décembre 1982 sur le droit de la mer, relatives à la conservation et à la gestion des stocks chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs (parfois appelé Accord sur les stocks de poissons). Les Nations Unies ont facilité la conclusion de cet Accord et la FAO a contribué activement, par une assistance technique, à l'atteinte de cet Accord (Doulman, 1995).

L'Accord de 1995 que l'on vient de mentionner a pris effet le 11 décembre 2001, devenant un nouveau fondement juridique pour la conservation et l'aménagement des pêcheries de thons et d'espèces apparentées (complétant la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10décembre 1982). En 1995, le Code de conduite pour une pêche responsable a été achevé par la FAO (FAO, 1995). Le Code n'est pas un instrument juridiquement contraignant, mais il établit une norme pour toutes les pêches et les activités connexes. L'Accord et le Code établissent de nouvelles exigences pour la conservation, la gestion des pêches, la technologie et la recherche concernant les thons et les espèces apparentées, qui devraient avoir une incidence sur divers secteurs de l'industrie thonière (Mahon, 1996). Il s'ensuit que la haute mer ne sera plus perçue comme une zone où la pêche est autorisée sans aucune restriction.

L'approche de précaution incorporée dans l'Accord sur les stocks de poissons et dans le Code peut avoir une incidence sur l'exploitation des thonidés. Cette approche invite les États à se montrer plus prudents en présence d'informations incertaines, peu fiables ou inappropriées (FAO, 1996; Majkowski, 1998). Pour la plupart des stocks des principaux thons du marché, les informations dont on dispose sont adéquates pour déterminer s'ils sont pleinement exploités ou surexploités, mais ce n'est pas le cas pour beaucoup d'autres espèces de thonidés. Dans le contexte de l'approche de précaution, l'absence d'informations scientifiques adéquates ne devrait pas servir de prétexte pour remettre à plus tard où éviter la prise de mesures de conservation ou d'aménagement des pêcheries. En mars 2000, la FAO a organisé conjointement avec la CCSBT, la CITT, la CICTA, la CTOI et le SCP une Consultation mondiale d'experts sur les incidences de l'approche de précaution sur la recherche biologique et technologique concernant les thons en Thaïlande (FAO, 2001).

La FAO intervient dans l'étude de nombreuses autres questions en rapport avec les thons et espèces apparentées, qui intéressent l'ensemble de la planète. C'est ainsi qu'elle exécute en ce moment un Projet de fonds fiduciaire, à caractère technique et multidisciplinaire intitulé «Gestion de la capacité de pêche au thon: conservation et aspects socio-économiques» (GCP/INT/851/ JPN). Le Comité consultatif technique du projet est constitué d'experts affiliés à la CCSBT, au FFA, à la CITT, à la CICTA, à INFOFISH (http://www.infofish.org/), à la CTOI, au SCP et à des associations internationales de palangriers et de senneurs thoniers. Les activités du projet comprennent des études mondiales et une Consultation d'experts sur la gestion de la capacité de pêche au thon, la conservation et les aspects socio-économiques.

En outre, la FAO rassemble des données sur les captures nominales de toutes les espèces de poissons, (y compris les thons), ainsi que des données séparées concernant spécifiquement les captures de thon. La première série de données sur toutes les espèces se fonde principalement sur des statistiques nationales officielles, et ne permet pas de faire une distinction entre les différents engins de pêche. La deuxième série de données spécifiques sur les thons le permet, puisqu'elle se fonde principalement sur les statistiques d'organisations internationales effectuant des recherches sur la pêche au thon (Carocci et Majlowski, 2001). Les deux séries sont accessibles à partir de la page web de la FAO. La FAO rassemble aussi des données sur la distribution géographique des captures de thons et de marlins, à l'échelle mondiale. Sur la base de ces données, un Atlas des captures de thons et de marlins a été préparé et publié sur papier, sur CD-ROM et sur Internet (Carocci et Majkowski 1996, 1998, 2001). L'incorporation de ces données, et de celles sur les ressources et l'aménagement des pêcheries de thons, dans le Système mondial d'information sur les pêches (FIGIS) de la FAO, est en cours.

La capacité, l'effort de pêche effectif et les captures de nombreuses flottilles thonières font l'objet d'un contrôle insuffisant. Depuis quelques temps, le risque de surcapacité des flottilles de pêche suscite des préoccupations (Joseph, 2003). En conséquence, la FAO a formulé et met en œuvre un projet sur la gestion de la capacité de pêche thonière. Exécuté en collaboration avec les organismes responsables des pêcheries de thon, les arrangements pertinents et d'autres organisations internationales (notamment en charge des industries thonières) actives dans les domaines de la pêche au thon, de la recherche halieutique et de la gestion des pêches, ce projet a pour objectifs i) de fournir les informations techniques nécessaires et ii) d'identifier, d'examiner et de résoudre les problèmes techniques associés à la gestion de la capacité de pêche thonière à l'échelle mondiale, en tenant compte des impératifs de conservation et des aspects socio-économiques.

L'un des premiers problèmes de conservation mondiaux qu'ont à résoudre les organismes des pêches compétents en matière de thonidés, est l'épuisement des stocks de thon rouge. Mais ce problème a aussi été examiné dans le contexte de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES).

Toutefois, sauf pour le thon rouge, une surexploitation grave a été dans une large mesure évitée grâce à divers facteurs, dont la productivité élevée des thonidés et probablement aussi, des baisses des prix de ces poissons au fur et à mesure que les marchés se saturaient, qui ont enlevé tout intérêt économique à leur exploitation. La récente surproduction mondiale de thons en boîte s'est notamment traduite par une brusque chute des prix de certaines espèces destinées aux conserveries. Comme la plupart des stocks de thonidés sont pleinement exploités, leur conservation et la gestion de leurs pêcheries risquent de susciter plus de préoccupations. Outre le thon rouge, quelques stocks de germons, de thons obèses, d'espadons et de quelques autres marlins, makaires, voiliers, etc. méritent d'être suivis de près. Dans le cas du thon obèse, l'augmentation significative au niveau mondial du nombre de juvéniles pêchés à la senne est préoccupante. À défaut d'un aménagement adéquat des pêcheries, les captures de quelques espèces pourraient diminuer sur le long terme, en raison d'une pression de pêche excessive.

Compte tenu de l'état actuel des stocks, les captures des principaux thons du marché ne devraient pas augmenter à l'échelle mondiale dans le futur immédiat à moins que des progrès technologiques futurs ne permettent d'accroître les captures de listao sans augmenter celles de thon obèse et d'albacore. Comme on l'a déjà dit, les captures de listao pourraient être considérablement accrues dans le Pacifique occidental et central et, dans une mesure plus limitée, dans le Pacifique oriental. Toutefois, dans ces zones, le listao est pêché en même temps que des petits thons obèses et des albacores, deux espèces qui pourraient pâtir d'une intensification de l'effort de pêche, surtout le thon obèse. D'une manière générale, le caractère multispécifique de nombreuses pêcheries thonières fait qu'il est difficile de faire un contrôle sélectif de la mortalité par pêche, étant donné que plusieurs espèces sont capturées en même temps.

Le rendement global des thons et espèces apparentées dépend de la combinaison des techniques et de l'effort de pêche; et les diverses méthodes de pêche sont plus ou moins efficaces et sélectives suivant les groupes d'âge visés. La productivité pourrait être améliorée dans certains cas (par exemple pour le germon et l'albacore dans l'Atlantique et, dans d'autres mers, pour le thon obèse et le thon rouge du nord et du sud) en protégeant les poissons petits ou immatures et en ciblant l'effort sur des poissons plus vieux. L'application des règlements actuels concernant la taille des captures (par exemple, dans le cadre de la CICTA, en particulier pour le thon rouge de l'Atlantique en mer Méditerranée et dans l'Atlantique oriental) laisse à désirer. L'intensification de la pêche à l'aide de dispositifs de concentration du poisson (DCP) suscite aussi des préoccupations car elle favorise la capture de nombreux individus de petite taille. Dans l'Atlantique oriental, par exemple, le problème est devenu si aigu que les flottilles industrielles (senneurs français et espagnols) mettent en place des mesures visant à limiter l'utilisation des DCP, qui s'appliqueront à elles-mêmes. La protection des poissons de petite taille ne débouche pas nécessairement sur des augmentations du rendement local, dans les zones sujettes à une émigration intense. En outre, la protection des plus petits individus d'une espèce à taux de mortalité naturelle élevée, comme le listao, ne donne pas toujours de résultats tangibles, du point de vue de la conservation.

Les interactions bio-économiques entre les pêcheries doivent être analysées scientifiquement si l'on veut résoudre les problèmes de gestion des pêches. Un effort coordonné dans cette direction a été mis en place par le Projet de fonds fiduciaire de la FAO «Cooperative Research on Interactions of Pacific Tuna Fisheries» (Shomura, Majkowski et Langi, 1993a, 1993b, et Shomura, Majkowski et Harman, 1995, 1996). Depuis l'achèvement de ce projet, cet effort est poursuivi par des institutions régionales et nationales.

L'ampleur des captures accidentelles (captures accessoires) d'espèces, ensuite rejetées en mer, et des captures de petits individus dans les espèces ciblées, ainsi que l'état des stocks des espèces faisant l'objet de prises accessoires, suscitent aussi des préoccupations (Alverson et al. , 1994; Bailey et al. , 1994; Joseph, 1994; Hall, 1996, 1998, CITT, 1998). En général, les captures accessoires sont relativement faibles, dans les pêcheries de thons, mais elles comprennent des espèces de dauphins, des tortues, des oiseaux de mer et des requins, qui sont au centre de l'attention de la communauté internationale.

À l'avenir, l'utilisation des espèces capturées accidentellement devrait se développer. Avec des modifications des engins et des changements des zones et des saisons de pêche, la pêche pourrait devenir plus sélective. En outre, on fera probablement plus de recherches pour déterminer l'état des stocks des espèces capturées accidentellement. La collecte des données sur les captures accessoires s'est déjà quelque peu améliorée.

Les pêcheries thonières sont réglementées par diverses mesures à l'échelle régionale, en particulier dans les zones où des organismes en charge des pêches thonières sont en place depuis longtemps. C'est le cas dans l'Atlantique et en Méditerranée (CICTA) ainsi que dans le Pacifique oriental tropical (CITT). Dans le cas de la CICTA, ces mesures incluent des limites de taille pour le thon obèse, le thon rouge et l'albacore, des limitations de l'effort de pêche pour l'albacore et le thon rouge, des limites de captures pour le germon, le thon obèse et le thon rouge et des restrictions concernant l'utilisation des DCP. Les autres mesures comprennent des interdictions de pêche saisonnières et des fermetures de zones dans la mer Méditerranée.

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* FAO, Service des ressources marines, Division des ressources halieutiques.

C2. RESSOURCES MONDIALES EN CALMARS

par Paul G. Rodhouse *

INTRODUCTION

La pêche de céphalopodes, en particulier de calmars ou encornets, suscite un grand intérêt partout dans le monde, depuis deux décennies. La diminution des captures dans de nombreuses pêcheries traditionnelles a conduit à multiplier les efforts pour développer le potentiel des espèces non traditionnelles, en particulier des invertébrés comme les céphalopodes. Les estimations de la consommation mondiale de calmars et d'encornets par des prédateurs d'un niveau supérieur, en particulier cachalots, indiquent que ces prédateurs consomment un volume de calmars supérieur à celui des captures mondiales de toutes les espèces marines cumulées (Voss, 1973; Clarke, 1983). Ceci est intéressant en raison du potentiel commercial de la pêche de calmars et du rôle potentiel de ces espèces comme source de protéines de qualité supérieure pour la consommation humaine (Caddy, 1983; Roper Sweeney et Nauen, 1984).

D'après certaines indications, les populations de calmars ont augmenté dans les régions où les stocks de poissons de fond ont été surexploités (Caddy et Rodhouse, 1998). On a fait valoir qu'il s'agissait là de la réponse inévitable de populations peu longèves sémelpares (c'est-à-dire qui meurent après avoir frayé), qui se comportent en «opportunistes écologiques» et profitent à la fois de la réduction de la pression des poissons de fond et de l'apparition de niches trophiques vacantes.

Les captures de calmars ont sensiblement augmenté dans le monde, et cet accroissement a mis en relief la grande instabilité des populations. La pêche d'Illex illecebrosus dans l'Atlantique Nord-Ouest, qui a été rapidement développée par la flottille est-asiatique pêchant au leurre à la fin des années 70 et au début des années 80 à la suite du déclin de Todarodes pacificus dans le Pacifique Nord-Ouest, s'est brusquement effondrée ce qui a conduit à réorienter rapidement l'effort vers l'Atlantique Sud-Ouest au début des années 80, pour cibler les opérations sur Illex argentinus. Par la suite, les captures de Todarodes pacificus ont continué à fluctuer, mais la pêcherie d'Illex illecebrosus ne s'est plus jamais reconstituée dans les eaux canadiennes alors que les prises de cette espèce restent consistantes, quoique plus faibles, plus au sud, au large de la côte orientale des États-Unis. Cette extrême variabilité a attiré l'attention sur la variabilité océanographique et sur son influence décisive sur les processus de recrutement dans les stocks de calmars (O'Dor et Coelho, 1993; Bakun et Csirke, 1998).

Cette étude succincte dresse un panorama de la situation actuelle des pêches mondiales de calmar et étudie le cycle vital et les caractéristiques biologiques de cette espèce dans le contexte de la gestion des pêches. Elle examine brièvement le rôle du calmar dans les écosystèmes marins, décrit l'interaction entre les stocks de calmars et les principaux systèmes océanographiques et présente les recherches en cours sur le rôle de la variabilité océanographique dans la conduite des processus de recrutement des populations de calmar. Enfin, elle analyse brièvement la situation actuelle de la pêche de calmar dans le monde et ses perspectives d'évolution futures.

ESPÈCES EXPLOITÉES

En 2002, 74 pour cent des captures mondiales de calmars déclarées qui s'élevaient à 2,18 millions de tonnes (FAO, 2002) étaient constituées d'espèces identifiées, et comprenaient 12 espèces appartenant à deux familles: les Ommastrephidae et les Loliginidae (Tableau C2. 1). Les 25 pour cent restants comprenaient environ 11 pour cent de calmars communs (loliginidés) non identifiés («non compris ailleurs» ou nca), et 14 pour cent de calmars inclus dans une catégorie plus générale de calmars non identifiés. Le fait qu'un quart des captures mondiales ne soient pas identifiées reflète le caractère essentiellement artisanal et côtier de la flottille de pêche au calmar dans le monde, et l'importance des captures des régions tropicales et subtropicales où la diversité des espèces est très élevée - en particulier parmi les loliginidés. Dans ces zones, la taxonomie de la faune de calmars est très mal connue.

Deux espèces de calmars ommastrephidés, Illex argentinus et Todarodes pacificus , constituaient 46 pour cent des captures mondiales de calmars et les ommastrephidés identifiés représentent collectivement environ 70 pour cent des captures, ce qui fait de ce groupe le plus important de tous. Loligo gahi a constamment été le calmar loliginidé qui a le plus contribué aux captures mondiales durant la décennie qui a pris fin en 2002. En 2002, environ 225000 tonnes de céphalopodes non identifiés ont aussi été capturés et ceux-ci comprenaient une proportion inconnue mais probablement substantielle de calmars.

Figure C2.1 - Distribution des principaux stocks mondiaux de calmars exploités à des fins commerciales, dont les captures ont été déclarées par espèces à la FAO

Figure C2.1A
Ommastrephidae
Figure C2.1B
Ommastrephes bartrami
(Ommastrephidae)
Figure C2.1C
Loliginidae
Figure C2.1D
Toutenons et Encornets

TECHNIQUES DE PÊCHE

Les calmars ommastrephidés sont presque toujours pêchés à l'aide de turluttes (leurres), armées à la base d'hameçons sans ardillons, et montées en série sur des lignes actionnées par des machines automatiques (Suzuki, 1990). Les calmars sont attirés vers les turluttes la nuit avec des lampes halogènes ou à incandescence suspendues à des câbles au dessus du pont du navire. Les petits bateaux côtiers peuvent se contenter d'une seule lampe alors que les gros navires industriels opèrent avec au moins 150 lampes d'une puissance de 2 kw chacune. Les lampes émettent le plus souvent une lumière blanche mais quelques lampes vertes sont souvent intercalées (Inada et Ogura, 1988). Certains navires industriels emploient aussi une ou deux lampes immergées que l'on remonte à travers la colonne d'eau et que l'on atténue au fur et à mesure que les calmars sont attirés vers le bateau. En général, les bateaux qui pêchent à la turlutte déploient une grande ancre flottante pour empêcher les lignes de dériver sous le vent pendant la pêche, et les maintenir le plus possible à la verticale.

Tableau C2.1 Synthèse des captures mondiales de calmars en 2002 (FAO 2003)

EspèceFamilleNon communCaptures nominales (tonnes)pourcentage des captures mondiales de céphalopodes
LoligogahiLoliginidaeCalmar patagon24 9760.8
LoligopealeiLoliginidaeCalmar totam16 6840.5
LoligoreynaudiLoliginidaeCalmar du Cap7 4060.2
Camars communs ncaLoliginidae 225 9587.5
OmmastrephesbartramiOmmastrephidaeEncornet volant22 4830.7
IllexillecebrosusOmmastrephidaeEncornet rouge nordique5 5250.2
IllexargentinusOmmastrephidaeEncornet rouge argentin511 08716.1
IllexcoindetiiOmmastrephidaeEncornet rouge527<0.1
DosidicusgigasOmmastrephidaeEncornet géant406 35612.8
TodarodessagittatusOmmastrephidaeToutenon commun5 1970.2
TodarodespacificusOmmastrephidaeToutenon japonais504 43815.9
NototodarussloaniOmmastrephidaeEncornet minami62 2341.9
MartialiahyadesiOmmastrephidaeEncornet étoile--
Calmars ncaDivers 311 4509.8
Totalcalmars  2 189 20675.8
Total Céphalopodes  3 173 272100.0

Les principales pêcheries de loliginidés opèrent le plus souvent au chalut durant la journée quand les calmars sont concentrés près du fond . Les chaluts à panneaux classiques râclent le fond, mais sur les fonds durs, les chaluts pélagiques peuvent être traînés juste au-dessus pour éviter d'encrasser ou d'abîmer l'engin. Les chaluts conçus pour la pêche au calmar ont généralement une corde dos plus haute que la normale. En dehors des grandes pêcheries, les calmars loliginidés sont pêchés avec des engins très divers (turlutte, nasses, filets, etc.) (Chotiyaputa, 1993).

DISTRIBUTION MONDIALE DES STOCKS

La distribution des principaux stocks de calmars est illustrée à la Figure C2. 1. Les ommastrephidés sont capturés au large des côtes au-dessus des plateaux continentaux et en haute mer au-delà des plateaux. Les calmars viennent près de la surface la nuit, mais peuvent migrer et descendre jusqu'à 1000 mètres de fond durant la journée (Yatsu et al., 1999). Les bateaux qui pêchent les membres de cette famille de calmars à la lumière peuvent, grâce à la lumière qu'ils émettent, être repérés les satellites en orbite du Programme de satellites météorologiques pour la défense nationale des États-Unis. (http://dmsp.ngdc.noaa.gov/dmsp.html) (Rodhouse et al., 2001) (Figure C2. 2). Todarodes pacificus a son aire de répartition aux marges du Pacifique Nord-Ouest, entre 20° et 60° de latitude nord, et les principales pêcheries se trouvent près du Japon, en particulier dans la partie sud de la mer du Japon et dans le détroit de Tsushima (Figure C2. 2a). I. argentinus est une espèce de l'Atlantique Sud-Ouest, présente entre 30° et 52° de latitude sud. La pêcherie est surtout concentrée le long du rebord du Plateau patagonien, mais s'étend au dessus du plateau jusqu'au nord des îles Falklands (Malvinas) (Figure C2.2b). Illex illecebrosus se rencontre dans l'Atlantique Nord, entre 25° de latitude nord au large de la Floride et environ 60° de latitude nord. Comme I. argentinus, son habitat est concentré près du rebord du plateau mais s'étend au dessus du plateau et en haute mer

jusqu'à environ 1000 mètres de fond. Depuis le début des années 80, et l'effondrement de la flottille est-asiatique qui pêchait à la turlutte au large du Canada, cette espèce est principalement capturée par des chalutiers au large des côtes des États-Unis, si bien que la pêcherie ne peut plus être visualisée par satellite, grâce aux émissions de lumière. Notodarus sloani et Martiala hyadesi sont des espèces de l'hémisphère Sud, la première est exploitée dans les eaux sub-antarctiques au-dessus du plateau de l'île du Sud de la Nouvelle-Zélande (Figure C2. 2c) et cède la place au stock plus petit de N. gouldi dans les eaux sub-tropicales environnant l'île du Nord. M. hyadesi a une distribution circumpolaire dans l'océan Austral, mais n'est exploité commercialement que dans le secteur de l'Atlantique Sud-Ouest par la flottille qui cible principalement Illex argentinus. Ommastrephes bartrami est une espèce épipélagique présente dans la couche photique des océans Atlantique,

Figure C2.2 - Distribution des pêcheries d'ommastrephidés opérant à la lumière, dans le monde (d'après Rodhouse et al. 2001)

Figure C2.2Figure C2.2
A Province du courant du Kuroshio
(Todarodes pacificus et Ommastrephes bartrami)
B Province de la Nouvelle Zélande
(Nototodarus sloanii)
Figure C2.2Figure C2.2
C Province de l'Atlantique Sud-Ouest
(Illex argentinus)
D Province du courant de Humboldt
(Dosidicus gigas)

Pacifique et Indien. Dans les trois océans, elle est absente des eaux équatoriales et s'étend des eaux subtropicales aux eaux tempérées des hémisphères Nord et Sud. Malgré sa vaste aire de dispersion, elle n'est exploitée à des fins commerciales que dans le Pacifique Nord-Ouest, au nord-est du Japon. (Figure C2. 1b). Dosidicus gigas est distribué dans le Pacifique Est, à partir de 35° de latitude nord sur une zone allant du large de la Californie au sud du Chili et s'étendant plus loin vers l'ouest dans les Tropiques jusqu'à environ 120° de longitude ouest. Cette espèce vit essentiellement au large des plateaux. Les principales pêcheries de D. gigas sont situées au large du Pérou (Figure C2. 2d) et au voisinage du Dôme du Costa Rica, au large de l'Amérique centrale. Todarodes sagittatus est une espèce de l'Atlantique Est dont l'aire de dispersion part de l'océan Arctique au large du nord de la Norvège jusqu'à environ 13° de latitude sud et vers l'ouest jusqu'à approximativement 40° de longitude ouest. Elle est capturée accessoirement par les chalutiers, mais au début des années 80, elle était présente en abondance suffisante en Norvège pour donner naissance à une pêcherie ciblée de courte durée (Wiborg, 1986).

Le plus important des calmars loliginidés identifié dans les captures mondiales est Loligo gahi qui est distribué dans les eaux côtières et de plateau bordant le littoral sud-américain, du sud du Pérou au nord de l'Argentine. Cette espèce est essentiellement capturée par des

chalutiers dans les eaux situées au sud et à l'est des îles Falkland (Malvinas). Loligo pealei est une espèce de l'Atlantique Ouest, présente

dans les eaux côtières et de plateau en bordure du littoral oriental des États-Unis, de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud, de 50° à 5° de latitude nord, et qui est capturée par des chalutiers. Loligo reynaudi est, comme indiqué dans les registres de la FAO, un calmar d'Afrique australe, dont l'aire de répartition est mal connue. Augustyn et Grant (1988) ont montré que sur la base de la morphologie, de la méristique et des allozymes,, L.reynaudi et L.vulgaris sont en réalité deux sous-espèces (L. vulgaris reynaudi et L. vulgaris vulgaris). L.vulgaris reynaudi est essentiellement pourchassé par de petits bateaux pêchant à la turlutte (hors-bords).

Outre les espèces identifiées, environ 226000 tonnes de loliginidés non identifiés ont été déclarés à la FAO en 2002, la majorité de ces captures provenant de l'Asie de l'Est et de la côte ouest des États-Unis. Ce groupe d'espèces comprend Loligo opalescens en Californie qui est le plus souvent pêché au lamparo aux alentours des iles anglo normandes et de la baie de Monterey; L. chinensis sur les plateaux de la mer de Chine (Dong, 1991) capturé par de grosses flottilles opérant à la lumière détectées par le Programme des satellites météorologiques de défense (Rodhouse et al., 2001) et L. chinensis et L. duvauceli dans la région du Plateau de Sunda-Arafura qui sont pêchés à la turlutte et à l'aide de diverses autres techniques (Chotiyaputa, 1993).

En outre, 311000 tonnes de calmars non identifiés au niveau de la famille ont aussi été déclarées à la FAO en 2002. Ces poissons sont principalement capturés en Asie de l'Est (Rodhouse et al., 2001) et comprennent des ommastrephidés et des loliginidés, ainsi que des membres d'autres familles, telles que Thysanoteuthidae (Thysanoteuthis rhombus) et Enoploteuthidae (Watasenia scinitillans).

CYCLE VITAL ET CARACTÉRISTIQUES BIOLOGIQUES

Comme les autres céphalopodes coléoidés, les calmars sont des espèces sémelpares généralement peu longèves (Calow, 1987). La majorité des espèces exploitées à des fins commerciales ont une durée de vie d'environ une année, à la fin de laquelle elles frayent une seule fois, puis meurent. Les coléoidés semblent avoir évolué à partir de leurs ancêtres mollusques dans le cadre d'un processus de progenèse, en ce sens qu'ils conservent certaines caractéristiques juvéniles lorsqu'ils atteignent la pleine maturité sexuelle (Rodhouse, 1998a). Chez les coléoidés, les caractéristiques juvéniles conservées ont trait à l'énergie physiologique et non à la morphologie.

Cette faible espérance de vie et ce caractère sémelpare, différencient le calmar et les autres céphalopodes coléoidés de la majorité, sinon de toutes, les espèces de poissons exploitées à des fins commerciales (Pauly, 1994). Ces caractéristiques posent des problèmes particuliers pour la gestion des pêches. En effet, une fois que les reproducteurs d'une génération ont frayé et sont morts, il est presque impossible d'évaluer la force du recrutement et la taille du stock potentielles de la génération suivante, de sorte que l'on ne peut pas fixer de contingent valable avant que celle-ci ne soit effectivement recrutée dans la pêcherie. Ceci a conduit Caddy (1983) et Csirke (1986) à recommander que la pêche du calmar et des autres céphalopodes soit gérée sur la base d'une limitation de l'effort et évaluée en temps réel.

Cette approche a été adoptée et affinée pour la pêche de Illex argentinus et Loligo gahi dans la zone des îles Falkland (Malvinas) (Beddington et al. , 1990, Rosenberg et al. , 1990, Basson et al., 1996). Dans cette pêcherie, l'effort est déterminé sur la base d'informations historiques sur la taille du stock puis, une fois que la pêche est ouverte, le stock est évalué à l'aide d'une analyse de décroissance des débarquements (méthode de Leslie-Delury) et la pêche est fermée lorsque l'on estime que la biomasse restante correspond au taux d'échappement des géniteurs que l'on recherche. Lorsque la pêcherie a commencé à être gérée en 1987, le taux d'échappement a été fixé à 40 pour cent du nombre de calmars recrutés dans la pêcherie. Plus récemment, le taux d'échappement a été fixé en valeur absolue de façon à stabiliser la taille de la population de reproducteurs malgré l'instabilité du recrutement. On effectue à présent aussi des enquêtes conjointes avant le recrutement pour améliorer l'évaluation initiale avant l'ouverture de la pêche, au moment où l'effort doit être déterminé.

RÔLE DANS LES ÉCOSYSTÈMES MARINS

Les calmars sont très habiles pour capturer, soumettre et consommer les proies les plus diverses et ils se nourrissent avec un appétit vorace pour maintenir le mode de vie actif qui caractérise les espèces à croissance rapide, peu longèves et sémelpares (Rodhouse et Nigmatullin, 1996). Avec leurs bras et leurs tentacules préhensiles et leur système sensoriel très développé, ils sont adaptés à une large niche trophique. De nombreuses espèces, en particulier parmi les ommastrephidés, migrent sur de longues distances ce qui leur permet de tirer parti des variations spatiales et temporelles des systèmes de production marins et des populations dont ils se nourrissent. Au stade le plus juvénile, leurs proies sont de petits crustacés et en grandissant ils se tournent peu à peu vers les poissons et d'autres céphalopodes. De nombreuses espèces, sinon toutes, sont cannibales et se nourrissent généralement d'autres membres de la même cohorte, et l'on suppose que cette particularité est essentielle durant les grandes migrations, lorsque les ressources alimentaires sont rares (O'Dor et Wells, 1987). Lorsque les calmars se nourrissent sur des stocks d'autres espèces commercialement exploitées, leur prédation peut avoir un impact notable sur le recrutement vers les pêcheries.

Les proies des calmars capturés par les flottilles opérant à la lumière, généralement au-dessus des plateaux continentaux du monde, ont récemment été examinées par Rodhouse et al. (2001). Les données ne sont pas très détaillées mais confirment la tendance générale des individus à se nourrir de crustacés durant les premiers stades de leur vie, puis à passer aux poissons et aux céphalopodes au fur et à mesure qu'ils grandissent. Les ommastrephidés océaniques, tels que Ommastrephes bartrami , actuellement pêché à la lumière dans le Pacifique Nord-Ouest et Dosidicus gigas au large du Pérou, se nourrissent principalement de poissons mésopélagiques, en particulier de myctophidés. Les stocks d'ommastrephidés océaniques des autres régions du monde, qui sont essentiellement inexploités, sont aussi connus pour consommer des myctophidés (Rodhouse et Nigmatullin, 1996). Les stocks de myctophidés sont abondants dans certaines zones, en particulier dans l'océan Indien (nord de la mer d'Arabie) (Shotton, 1997) et dans les eaux subantarctiques de l'Atlantique sud. Ces deux derniers stocks sont respectivement soumis à la prédation des ommastrephidés Sthenoteuthis oualaniensis et Martialia hyadesi . Toutefois, l'écologie de ces chaînes alimentaires océaniques est très mal connue, de sorte que la prudence est recommandée pour le développement futur de la pêche de ces espèces de calmars, ou de leurs proies.

Les calmars sont une source de nourriture importante pour de nombreux prédateurs d'un niveau plus élevé, tels que les poissons, les oiseaux marins, les phoques et les baleines (Clarke, 1996). Dans les zones où les stocks de poissons de fond sont épuisés à cause de la pêche, les données sur les captures de la FAO montrent que les populations de céphalopodes peu longèves ont probablement augmenté, ce qui expliquerait leur prédominance accrue dans les débarquements de poissons. On a émis l'idée que cette augmentation de l'abondance de calmars et la hausse observée des captures de céphalopodes étaient au moins en partie une réaction au relâchement de la pression des prédateurs (Caddy et Rodhouse, 1998). Les oiseaux marins ont probablement un impact plus limité sur les stocks de calmars que les mammifères marins mais, d'après les estimations, la masse globale de calmars et d'autres céphalopodes consommés par tous ces prédateurs de niveau plus élevé dépasse de loin les captures mondiales ou régionales des pêches commerciales (Voss, 1973, Clarke, 1983, Croxall et al. , 1985). Il se pourrait toutefois que ces estimations soient biaisées à cause de la nature dynamique des populations de céphalopodes, et que ces biais se répercutent sur l'estimation de la biomasse du stock actuel; en outre le fait que la consommation soit estimée sans connaitre le temps de transit des aliments dans le tube digestif du prédateur pose un problème. (Rodhouse et al., 2001).

INTERACTIONS ENTRE LES STOCKS ET LES SYSTÈMES OCÉANOGRAPHIQUES

Les grands stocks exploités d'ommastrephidés sont le plus souvent associés aux systèmes de courant très rapides de la bordure ouest de l'océan Atlantique et de l'océan Pacifique (O'Dor et Coelho, 1993). Todarodes pacificus qui pendant de nombreuses années a dominé les captures mondiales de calmars ommastrephidés, est distribué dans le courant de Kuroshio, qui est le courant de la bordure occidentale du Pacifique Nord-Ouest. L'aire de répartition de cette espèce s'étend de 20° à 60° de latitude nord (Figure C2. 1d) mais la pêche est concentrée à la latitude où confluent les eaux froides du système d'Oyashio qui s'écoulent vers le sud, et les eaux chaudes du Kuroshio, qui s'écoulent vers le nord, entre 35° et 40° de latitude nord, à l'est et à l'ouest du Japon (Figure C2. 2b). De même, Illex illecebrosus dans l'Atlantique Nord est associé au courant chaud du Gulf Stream, de direction nord, entre 25° et 60° de latitude nord environ, qui est le courant de la bordure occidentale de l'Atlantique Nord-Ouest. Durant la période à cheval sur les années 70 et 80, où les captures d'I. Illecebrosus, par la flottille est-asiatique pêchant à la turlutte étaient à leur plus haut niveau, les captures plus abondantes ont été prises au large de la Nouvelle Écosse et de Terre Neuve dans la région de la confluence avec le courant froid du Labrador qui s'écoule vers le sud. Dans l'Atlantique Sud, Illex argentinus suit un schéma similaire, puisqu'il est réparti dans le courant du Brésil de direction sud, qui est le courant de la bordure occidentale de l'Atlantique Sud-Ouest, et dans le courant froid des Falkland (Malvinas) qui s'écoule en sens contraire vers le nord (Haimovici et al. , 1998). Dans ce cas, la pêche est concentrée dans les eaux relativement fraîches du nord des îles Falkland (Malvinas) (Figure C2. 2a). Les captures sont particulièrement abondantes au voisinage des gradients de température, probablement associés à des fronts thermiques dans le prolongement des îles Falkland (Malvinas) (Waluda et al. , 2001a). Là, les eaux froides du Courant des Falkland (Malvinas), une branche du Courant circumpolaire antarctique, se mêlent à des eaux plus chaudes au-dessus du plateau patagonien. Deux autres espèces de l'hémisphère sud, nototodarus sloani et Martialia hyadesi sont aussi associées à des eaux fraîches très rapides - il s'agit ici du Courant circumpolaire antarctique, à de faibles latitudes, au voisinage du Front subantarctique. (Figure C2. 1d).

La plus grande espèce d'ommastrephidés, Dosidicus gigas, est une des seules à ne pas être associée aux systèmes très rapides de la bordure occidentale, puisqu'on la rencontre dans le Courant froid du Pérou (courant de Humboldt) qui est faible et s'écoule vers le nord, dans le Pacifique Sud-Est (Figure C2. 1a). Bien qu'il s'agisse du système d'upwelling très productif qui alimente la pêcherie abondante, mais variable, d'anchois (Engraulis rigens) au large du Pérou, D. Gigas , semble éviter les zones où la production primaire est élevée (Nesis, 1983) et se nourrit essentiellement de poissons mésopélagiques au large du rebord du plateau continental étroit de l'Amérique du Sud.

Les loliginidés sont une famille plus diversifiée que les ommastrephidés. Roper et al. , (1984) recensent sept genres et trente-et-une espèces de loliginidés présentant un intérêt pour la pêche. Ces espèces se rencontrent dans les eaux du plateau, à partir du rivage jusqu'au rebord externe du plateau, dans toutes les régions des océans du monde, sauf l'Arctique et l'Antarctique. Elles ne semblent pas migrer sur de longues distances et ne sont pas tributaires des grands systèmes de courants, comme le sont les ommastrephidés. Elles occupent généralement des eaux côtières productives et grâce à la membrane cornéale qui recouvre leur œil (et qui les classe dans le sous-ordre des Myopsida), elles tolèrent des charges en sédiments beaucoup plus grandes que les ommastrephidés. Les principales pêcheries de loliginidés se trouvent dans des habitats très divers, notamment le système d'upwelling côtier du Plateau californien étroit, les eaux froides productives du Plateau patagonien autour des îles Falkland (Malvinas), et les plateaux de Sunda-Arafura de l'Asie du Sud-Est, soumis au système de vent et de courant alternatif de la mousson annuelle.

INTERACTIONS ENTRE LA VARIABILITÉ OCÉANOGRAPHIQUE ET LA VARIABILITÉ DU RECRUTEMENT

Les céphalopodes étant des espèces sémelpares, peu longèves et «opportunistes», il est logique que leurs populations soient extrêmement variables, et que le recrutement soit dicté par les variations de l'environnement physique et écologique. On a émis l'hypothèse que la taille de la population dans plusieurs stocks de céphalopodes s'était probablement adaptée, ces dernières années, à des altérations de l'environnement biologique imputables à la surexploitation des stocks de poissons de fond (Caddy et Rodhouse, 1998). En outre, Bakun et Csirke (1998) ont élaboré un modèle théorique de l'incidence que peut avoir la variabilité du milieu océanique sur la variabilité interannuelle, en particulier dans les stocks des espèces d'ommastrephidés associées aux grands systèmes de courant de la bordure occidentale. Ces auteurs émettent l'hypothèse que la variabilité du recrutement peut être dictée par 1) les effets du vent, le transport d'Ekman induit par le vent favorisant à la fois le transport vers les côtes des larves vivant à la surface et la migration vers le large des pré-adultes dans les couches de la sub-pycnocline; 2) les fluctuations de l'abondance des proies; 3) les effets de «coïncidence-non-coïncidence» potentiels (Cushing, 1975); 4) les variations de la pression des prédateurs, et 5) les maladies épidémiques.

Une récente étude effectuée dans l'Atlantique Sud à l'aide de données de télédétection sur la température superficielle de la mer (SST) (Waluda et al., 2001b), a montré qu'environ 55 pour cent de la variabilité de la force du recrutement dans la pêcherie d'Illex argentinus des îles Falkland (Malvinas) pouvait être expliquée par des modifications dans les eaux de surface de la température présumée optimale pour le développement des larves dans les frayères, durant la période de frai avant le recrutement. Les zones de frai se trouvent près de la confluence du courant du Brésil et du courant des Falkland (Malvinas) au large du rebord externe du plateau, à la latitude de l'embouchure du Rio del Plata. Ces conditions sont associées à une diminution de la zone superficielle de l'océan caractérisée par des gradients thermiques très prononcés. Les températures de la surface de la mer dans l'Atlantique Sud montrent des téléconnexions avec les événements ENSO (phénomène El Niño/oscillation australe) dans le Pacifique, et on peut raisonnablement penser que la variabilité de la population d'Illex argentinus est indirectement liée au cycle ENSO (Waluda et al., 1999).

De même, il a été démontré que la variabilité de la taille des stocks, dans la pêcherie de Todares pacificus dans la mer du Japon est dictée par des altérations de la température superficielle de la mer optimale pour le développement des larves (Sakurai et al., 2000). Cette variabilité se produit aux échelles décennales, apparemment en corrélation avec des changements climatiques décennaux dans le Pacifique Nord.

Parmi les loliginidés, la variabilité de la taille des stocks du calmar Loligo vulgaris vulgaris dans la Manche a également été associée à la variabilité de la température superficielle de la mer (Robin et Denis, 1999). En Afrique du Sud, le stock de Loligo vulgaris reynaudii est exposé à des variations apparemment dictées par des tempêtes durant la période de frai qui réduisent la visibilité sous-marine dans les frayères et compromettent le succès de la reproduction (Roberts et Sauer, 1994, Roberts, 1998). Les calmars ont une excellente vue et un comportement d'accouplement rituel qui repose sur la capacité de déchiffrer le «langage du corps» des partenaires potentiels (Sauer et al. , 1997). Lorsque le manque de visibilité empêche les rituels d'accouplement essentiels, le succès de la reproduction de la population est apparemment réduit.

On sait encore peu de choses sur les forces physiques qui déterminent la variabilité des populations de calmars, mais les espèces peu longèves, comme les calmars, sont d'excellents sujets pour analyser la variabilité des processus de recrutement en raison de leur cycle vital sémelpare qui fait que la population répond rapidement aux signaux environnementaux. Leurs populations sont relativement instables par rapport aux populations de poissons longèves très statiques, qui sont freinées par la coexistence simultanée de plusieurs classes d'âge. De la même manière qu'elles se sont adaptées aux modifications environnementales des systèmes marins du monde dérivant de la surexploitation des stocks de poissons (Caddy et Rodhouse, 1998), les populations de calmars peuvent aussi être sensibles à des indicateurs biologiques des changements de l'environnement planétaire qui affectent l'environnement physique des océans.

Figure C2.3 - Captures nominales annuelles ('000t) d'encornets (1982–2002)

Figure C2.3

Source FAO

Figure C2.4 - Captures nominales annuelles ('000t) d'Omastrephidae (1982–2002)

Figure C2.4

Source FAO

SITUATION DE L'EXPLOITATION ET POTENTIEL DE PRODUCTION

Durant les décennies 1982–2002, les captures de calmars ont oscillé entre 1,1 et 2,6 millions de tonnes par an (Figure C2. 3). Les captures de calmars identifiés sont dominées par les ommastrephidés, en particulier Illex argentinus et Todarodes pacificus, avec toutefois entre 1991 et 2002 une contribution substantielle de Dosidicus gigas (Figure C2. 4) atteignant environ 406356 tonnes en 2002. Parmi les loliginidés, les captures de Loligo spp. ont constamment représenté près de 230000 tonnes par an. De 1985 à 1997, Loligo gahi a très nettement dominé les captures identifiées (Figure C2. 5), mais ces dernières années les captures de L. opalescens ont été régulièrement supérieures à celles de L. gahi . Les déclarations de captures de calmars non identifiés ont été divisées par 2,5 entre 1989 et 1993, elles se stabilisent autour de 300000 tonnes (Figure C2. 6). En dépit de la très grande instabilité des captures de chaque espèce, et des captures totales mondiales de calmars, aucune tendance constante claire ne s'est dégagée au cours de la dernière décennie. Il y a tout lieu de croire que les espèces actuellement exploitées, qui sont distribuées au-dessus ou à proximité du plateau continental, sont toutes pleinement exploitées, à l'exception de Ommastrephes bartrami , et que les variations des taux de captures sont dictées par des changements environnementaux (voir plus haut).

Par ailleurs, certains éléments indiquent que les stocks de calmars océaniques pourraient contribuer de façon substantielle à une augmentation des captures de céphalopodes. Ommastrephes bartrami ne fait l'objet d'une exploitation systématique que dans le Pacifique Nord-Ouest bien qu'il soit distribué partout dans les régions sub-tropicales et tempérées. D'autres ommastrephidés, en particulier Sthenoteuthis oualaniensis dans la zone Indo-Pacifique (Yatsu et al. , 1998) et Todarodes filippovae et Martialia hyadesi dans l'océan Austral (Rodhouse 1997, 1998b) ont aussi été identifiés comme des espèces qui pourraient alimenter d'importantes pêcheries. Les calmars d'autres familles offrent aussi un potentiel qui commence à peine à être développé. Les Gonatidae Berryteuthis magister, dans les eaux du Pacifique Nord à des latitudes élevées et Thysanoteuthis rhombus dans les eaux tropicales et subtropicales de tous les océans sont légèrement exploités et n'apparaissent pas dans les statistiques de la FAO, mais ils pourraient probablement supporter des augmentations du taux d'exploitation et ont des qualités appréciées pour la consommation humaine (Nesis, 1998; Yatsu, 1998).

Une étude de la prédation des céphalopodes par les populations mondiales de prédateurs de niveau supérieur, en particulier les cachalots, ont conduit à des estimations très élevées du potentiel de pêche de ces espèces. Les données de l'étude exploratoire des ressources d'eau profonde, basée sur un échantillonnage par coups de filets, qui a été effectuée sur plusieurs années par la flottille de l'ex-URSS, fournissent des estimations plus modestes du potentiel de pêche; elles indiquent toute fois que les céphalopodes, en particulier les calmars, pourraient alimenter des captures allant jusqu'à 5 à 10 millions de tonnes par an (Nigmatullin, 1990). Des augmentations de cet ordre supposent d'exploiter des familles comme les Histioteuthidae et les Octopoteuthidae qui n'ont pas encore de marché, mais dont le goût pourrait être apprécié pour la consommation humaine.

L'exploitation des calmars du large, qui se nourrissent probablement eux-mêmes de la communauté mésopélagique que l'on connaît mal, poserait de sérieux problèmes de gestion, d'une part parce que ces écosystèmes sont mal connus et de l'autre parce qu'ils se trouvent en grande partie en dehors des ZEE des États.

CALMAR GÉANT

Le calmar géant n'inspire pas seulement les légendes, on le voit bel et bien de temps à autre émerger des profondeurs de l'océan, échoué sur le rivage ou capturé accidentellement dans des filets de pêche. Les plus gros calmars connus appartiennent au genre Architeuthis, et se rencontrent dans tous les océans du monde, sauf peut être dans les régions polaires. Il en existe probablement plusieurs espèces mais la taxonomie est mal connue. Bien que des récits mentionnent l'existence de calmars absolument gigantesques, il n'y a guère de rapports bien documentés sur des spécimens d'Architeuthis de plus de 2 mètres de long (longueur du manteau). À l'instar d' Architeuthis, un certain nombre d'autres espèces de calmars atteignent de grandes tailles (longueur du manteau supérieure à 1 mètre), notamment le cranchiidé de l'Antarctique, Mesonychoteuthis hamiltoni , l'onychoteuthidé de l'Antarctique Kondakovia longimana, l'onychoteuthidé du Pacifique Moroteuthis robusta et le Taningia danae que l'on peut rencontrer partout. L'ommastrephidé Dosidicus gigas , traité dans une autre section, a une longueur de manteau qui peut atteindre près d'1 mètre.

Mis à part D. gigas, ces très grands calmars ne présenteront probablement jamais d'intérêt pour la pêche. Ils sont trop rares pour être exploités et quelques espèces, notamment Architeuthis , ont un goût d'ammoniaque extrêmement désagréable pour le palais humain. Ils peuvent cependant interagir de diverses manières avec les pêches. Plusieurs Architeuthis ont été capturés au fil des années dans la pêcherie d'hoplostètes oranges au large de la Nouvelle Zélande, et il semble qu'ils soient de plus en plus nombreux à s'échouer sur les rivages dans la région. Se pourrait-il qu'un nombre croissant de calmars géants soient rejetés des chalutiers et que leur teneur en ammoniaque, les ramène en flottant jusqu'au rivage? Ailleurs, le gigantesque calmar Mesonychteuthis hamiltoni est connu pour être un article courant dans le menu des cachalots de la Georgie du Sud (Clarke, 1980) ce qui permet de penser que cette espèce est présente en nombre en haute mer, au large du plateau continental, dans cette partie de la mer de Scotia. La zone abrite aujourd'hui une pêcherie hauturière de légine australe Dissostichus eleginoides . Dissostichus est-elle une espèce importante pour le prédateur Mesonychteuthis ? Avec son harnachement de crochets sur ses bras et ses tentacules, ce calmar est assurément bien armé pour s'attaquer à des proies de grande taille.

Figure C2.5 - Captures nominales annuelles ('000t) de Loliginidae (1982–2002)

Figure C2.5

Source FAO

Figure C2.6 - Captures nominales annuelles ('000t) d'encornets non identifiés (1982–2002)

Figure C2.6

Source FAO

DISCUSSION

Étant donné que les stocks mondiaux de calmars actuellement pêchés sur tous les plateaux continentaux et dans toutes les zones proches des plateaux des océans, sont probablement pleinement exploitées ou près de l'être, la variabilité de la force du recrutement et de l'abondance est probablement essentiellement dictée par les conditions environnementales. On peut se demander dans quelle mesure l'effort de pêche peut avoir une incidence sur le recrutement et à cet égard les calmars pourraient peut-être être comparés avec des insectes ravageurs, comme le criquet pèlerin. Les populations de ces espèces sont difficile à maîtriser et réagissent aux changements environnementaux à des échelles généralement beaucoup plus grandes que ce que pourrait accomplir une intervention humaine (Skaf et al. , 1990; Zick 1990).

Les fluctuations de l'abondance dictées par les conditions écologiques ont été à l'origine d'amples réorientations de l'effort entre les principaux stocks d'ommastrephidés qui ne semblent pas s'alterner de façon synchronisée. Lorsque les captures se sont raréfiées un peu partout dans le monde, on a tenté de repérer de nouvelles pêcheries, notamment au milieu des années 90, où l'abondance d'Illex argentinus était particulièrement faible sur le plateau patagonien et où l'on a organisé une pêche exploratoire de Martialia hyadesi dans les eaux de la Commission pour la conservation de la faune et la flore marines de l'Antarctique (CCAMLR), au sud du front polaire antarctique. A l'issue de ces explorations, des mesures de précaution ont été recommandées pour protéger les espèces dépendantes contre des prédateurs de niveau plus élevé (Rodhouse, 1997). Les variations futures de l'abondance des espèces actuellement exploitées devraient augmenter la probabilité que soient mises en place de nouvelles pêcheries et que s'étende l'exploitation au large des zones de plateau. Ceci créera de nouveaux défis pour la gestion, tant sur le plan écologique que socio-économique. La dynamique des systèmes mésopélagiques est mal comprise et les calmars pourraient devenir des espèces clés dans des zones comme celle du Font polaire antarctique (Rodhouse et White, 1995) et peut-être même dans d'autres zones, comme l'océan Indien. Quelques populations vivent probablement complètement en dehors des ZEE des États.

Bien qu'il existe des stocks inexploités et que la variabilité de l'abondance des stocks exploités ne soit sans doute pas principalement dictée par les effets de l'exploitation, il y a tout lieu d'appliquer des principes de précaution rigoureux à toutes les pêcheries en raison d'une part de leur potentiel de production de protéines de qualité supérieure pour la consommation humaine et d'autre part du rôle des populations de calmars dans les réseaux alimentaires marins. Les stocks de calmars présentent de nouveaux défis pour la gestion des pêches mais, comme la variabilité de l'abondance semble étroitement liée aux changements qui se produisent dans l'environnement, il est peut-être plus facile de faire des prévisions sur ces espèces qui ont une faible espérance de vie, et sur leur pêche, que sur les espèces plus longèves qui sont exploitées par les pêcheries traditionnelles.

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* British Antactic Survey, Natural Environment Council, High Cross Madingley Road, Cambridge B3 0ET, Royaume-Uni.

C3. PÊCHES EN EAUX PROFONDES

Ross Shotton *

LES HABITATS D'EAUX PROFONDES

Les eaux profondes sont le plus vaste habitat de la planète. Ces eaux, d'une profondeur de plus de 4000 mètres, couvrent 53 pour cent de la superficie des mers ou 38 pour cent de la superficie du globe. À eux seuls, les talus continentaux occupent 8,8 pour cent de la superficie mondiale, contre 7,5 pour cent pour le plateau continental et les mers peu profondes (Merrett et Haedrich 1997). On distingue quatre zones d'eaux profondes: la zone mésopélagique, placée immédiatement sous la couche superficielle, entre 200 et 1000 mètres de fond; la zone bathypélagique, de 1000 à 4000mètres de fond; la zone abyssopélagique, comprise entre 4000 et 6000 mètres de fond et, pour finir, la zone hadale qui est celle des fosses océaniques profondes (voir Figure C3.1). À partir d'une pêcherie démersale, la zone des eaux profondes est celle des talus du plateau continental, qui commence au rebord du plateau et englobe les zones mésopélagiques et bathypélagiques et, en dessous, le seuil continental, qui descend jusqu'aux plaines abyssales, à environ 6000 mètres. En outre, le fonds marin est mouvementé par des reliefs pouvant s'élever à des milliers de mètres au-dessus des zones environnantes - les monts sous-marins - ou former des monticules ou des zones vallonnées.

La thermocline principale descend rarement au-delà de 1200 mètres; en dessous de ce niveau, la température tombe à environ 2° C et plus bas encore dans les zones de plongée des masses d'eaux, comme la mer de Weddel, et les zones de hautes latitudes de l'Atlantique Nord Est. L'effet des courants se fait sentir jusqu'à mi-pente à des profondeurs de l'ordre de 800 m, par suite des tourbillons et d'une turbulence causés par les courants de la bordure occidentale qui s'écoulent vers le pôle. Des courants de surface dus au vent peuvent faire remonter vers la surface des eaux et des espèces des profondeurs moyennes et redescendre vers le fond des eaux et des espèces de la couche superficielle. La friction de l'eau sur le fond marin peut entraîner des déplacements d'eau à travers le plateau et à la verticale.

La lumière ne pénètre pas en dessous de 1000 mètres, et même à 150 m de fond, son intensité est réduite à 1 pour cent, de sorte que la photosynthèse est impossible. Les poissons vivant dans les couches plus profondes dépendent donc de matière organique attirée par convection vers le bas, ce qui peut se produire de plusieurs manières. Le phytoplancton et le necton morts coulent vers le fond et, bien qu'ils soient en grande partie consommés en chemin, pénètrent en quantité suffisante dans les couches d'eau profonde où ils sont une importante source de nourriture pour la faune profonde. De nombreuses espèces sont contraintes d'effectuer de vastes migrations verticales entre le jour et la nuit, montant vers la surface pour se nourrir et redescendant durant la journée probablement pour éviter les prédateurs près de la surface. Il s'ensuit que la matière organique produite à la surface tombe en cascade de couche en couche jusqu'au fond même si la concentration de matière organique décroît de manière exponentielle avec la profondeur. La matière organique produite par les grandes carcasses (par exemple cadavres de baleines coulés), et la production organique des bactéries sulfaoxydantes associées aux cheminées des sources thermales sous-marines sont relativement peu importantes.

Figure C3.1. Étages de profondeurs des océans

Figure C3.1

On sait aujourd'hui que les effets saisonniers ressentis en surface se propagent vers les couches profondes, si bien que malgré l'uniformité des conditions physiques dans les profondeurs des océans, les signaux annuels de production déclenchent la migration saisonnière et le cycle de reproduction de la faune profonde.

* FAO, Service des ressources marines, Division des ressources halieutiques.


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